études et archives

Registre des Archives départementales de la Corrèze - Références

Sénéchaussée ducale de Ventadour

La sénéchaussée ducale de Ventadour fut créée en 1578 après l'érection du comté en duché-pairie, par démembrement de celle de Tulle. D'abord établi à Égletons, le siège de la juridiction fut définitivement fixé à Ussel en 1599. Une transaction de 1601 a permis de délimiter les ressorts et compétences respectifs des officiers de la sénéchaussée de Tulle et de celle du duché-pairie de Ventadour.

. plumitif des audiences, 1700-1702, 1708-1712, 1721-1725, 1736-1789, B 414-479
. audiences, sentences préparatoires, défauts, etc., 1715-1717, 1776, B 2047-2048
. transcriptions des jugements, 1784-1789, B 480-481
. présentations au greffe, 1735-1747, B 482-484
. présentations et défauts, 1759-1789, B 485-493, 2053
. sentences, appointements et sentences, 1675-1789, B 494-567, 500 bis, 2054-2055
. sentences sur procès, 1785, 1787, B 2050-2051
. procès-verbaux, enquêtes, significations, etc., 1676-1789, B 568-636

. procès-verbaux, 1707-1789, B 2056-2060
. instructions criminelles, 1697-1789, B 637-687
. informations criminelles, 1709-1777, 1780-1789, B 2061-2063
. distribution des procès, 1743-1744, B 2052
. procédures, 1766-1785, B 2064-2067
. procédures concernant Meymac, 1785-1788, B 2533
. exploits de J.-Bl. Perpezat, huissier, 1744-1770, B 2190

Sources complémentaires :
2 F 46        cour de la sénéchaussée ducale de Ventadour, XVIe s.-1782.
6 F 1        factum du procès entre Pierre de Fénis, lieutenant général en la sénéchaussée de Tulle, et les officiers du siège ducal de Ventadour.
6 F 21        transaction entre les officiers des sièges de Tulle et de Ventadour, 1601.
6 F 135    juridiction de Ventadour, 1680 ; liste des papiers de la sénéchaussée, 1773.
6 F 179    sénéchaussée et cour ducale de Ventadour à Uss
el, v. 1657.

 

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Titre : Bulletin de la Société scientifique historique et archéologique de la Corrèze

Auteur : Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze. Auteur du texte

Éditeur : (Brive)

Date d'édition : 1942

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : Nombre total de vues : 33810

Description : 1942

Description : 1942 (T64).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Limousin

Droits : domaine public

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6548559b

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-89252

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344265167

Provenance : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 23/09/2013

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UNE JUSTICE DUCALE

La Sénéchaussée d'Ussel (1599-1789)

Jean Faucher

« Ussel était le siège de la sénéchaussée du duché de Ventadour. La juridiction s'étendait sur (quatre) villes et près de cinq cents fiefs, la plupart très considérables, abbayes, prieurés marquisats et baronnies, entre autres celui de Saint-Chamans, apanage de la maison d'Hautefort et des Cars. »

(DELMAS, Histoire d'Uael, p. 3.).

Etablissement de la Sénéchaussée à Ussel Au milieu du xn" siècle la justice de Ventadour était encore ambulatoire : un lieutenant du comte allait de ville en ville, à travers le fief, tenir périodiquement de solennelles assises, où il s'entourait d'un conseil formé de notables du lieu. L'érection de la seigneurie comtale en duché, au mois de février 1578, entraîna un changement profond. Henri III, voulant, disait-il, rendre le jeune duché « esgal en authorité aux aultres du royaulme », « permit », dans ses lettres

N.-B. — Ces pages d'histoire locale, écrites à la demande des « Pelauds d'Ussel », à Paris, devaient leur être lues un soir de l'hiver 1939-1940.

Le fonds de la Sénéchaussée de Ventadour, dans lequel a été puisée la partie essentielle et inédite de cette étude, est immatriculé aux archives de la Corrèze sous les numéros 414 à 493 de la série B et sous les numéros 501 à 687 de la même série.

Mes remerciements cordiaux vont à mon excellent ami, M. Régis Rohmer, archiviste du département, pour m'avoir permis, avec toute son obligeance et sa bonne grâce, de consulter librement les documents qu'il détient.


patentes, de « créer et [d'] ériger perpétuellement un estat et office de seneschal, qui sera nommé seneschal de Ventadour, un lieutenant-général et aultres officiers nécessaires » ( 1). Cette décision, qui accordait une compagnie de magistrats, instaurait en même temps une justice permanente et imposait au nouveau duc, implicitement, l'obligation de la rendre sédentaire, de l'établir à demeure, en un lieu déterminé.

Quelle serait la résidence? Le choix présentait une importance capitale à cause des avantages matériels et moraux que le bénéficiaire en retirerait. Excluant Donzenac et les faubourgs de Tulle, le Parlement de Bordeaux prescrivait de placer le siège « en une ville du duché » (2). Seraitce Egletons, Meymac, Neuvic ou Ussel Voisine du château de Ventadour ?, Egletons fut désignée d'abord (2 bis); mais, au bout de vingt ans d'efforts et de luttes, Ussel obtint une préférence définitive, et le duc décidait le transfèrement du siège dans la cité usselloise, indiquée entre toutes par la situation géographique, le nombre d'habitants, le prestige d'un passé valeureux. C'est à la présence de cet organisme, à son maintien dans la localité, qu'Ussel, principale ville du pays montagneux, dut, deux siècles plus tard, d'être élevée au rang de sous-préfecture et de recevoir un tribunal de première instance, continuateur de la sénéchaussée.

L'engagement de fixer le siège à Ussel fut enregistré par notaire, dans un acte du 15 novembre 1599, signé « anvyron l'heure de vespres, au logis de Pierre Soulhac, marchant de nostre ville ». Anne de Lévy, 2e duc de Ventadour et pair

(1) Cité par HUOT : « Les archives municipales de la ville d'Ussel », p. 24 (1 vol., Ussel, imp. B. Faure, 1856).

(2) Arrêt du 4 décembre 1578 entérinant les lettres-patentes de février (Huot, id., p. 102). Donzenac, acquis par Gilbert de Lévis en 1572, appartenait « pour les deux tiers » aux Ventadour « et pour l'autre tiers au curé dudit Donzenac » (Arch. Corrèze).

(2 bis) Installation de la sénéchaussée à Egletons : 15 janvier 1579.

Tulle serait devenue probablement le siège de la juridiction si le Parlement de Bordeaux n'y avait mis obstacle (Biill. Soc. Lettres Cor., t. VIII, pp. 412-413, en note).


de France (3), « conseiller du roy en ses conseils privés et d'Estat, chevallier de ses ordres, cappitaine de cent lances de ses ordonnances, lieutenant-général en Languedoc et sénéchal de Limousin », baron d'Herment, de Donzenac, d'Annonay, comte de la Voulte (4), promit solennellement « d'establir le siège ducal en ladicte ville, de lui faire avoir sa séance en icelle » et, autant pour ses successeurs que pour lui, « de rendre le siège perpétuel » (5). Loyalement devait être tenue la promesse. On ignore ,à quel moment débutèrent les audiences : il semble que ce ne fut pas aussitôt, que l'installation des services, la mise en marche des rouages ont été lentes et longues, si l'on en juge par l'état des frais d'aménagement qui porte la date du 3 novembre 1612, c'est-à-dire de 13 ans après le contrat de 1599 (6).

1

Le Personnel. — Sénéchaux. Lieutenants-généraux; Bonnet, Fontmar- tin, Diousidon, Duptantadis, Delmas. Lieutenants particuliers et conseillers: Bonnet, Demichel. Greffiers. Avocats et procureurs principaux: Chastagner, Montlouis. — Incidents entre magistrats. L'embûche du 30 septembre 1753. — Procureurs et avocats. Entrée en fonctions. Serment annuel. Meschin. Chabannes. — Huissiers. — L'interdit de 1784.

Cette court de la duché-paierie de Ventadour comprenait cinq magistrats : au siège, un président et deux assesseurs; au parquet, l'avocat et le procureur ducaux. Le président était le sénéchal de Ventadour. François d'Hautefort, baron

(3) Les Ventadour-Lévy étaient pairs de France depuis 1589.

(4) Voir l'appendice sur les Ventadours.

(5) Bull de la Soc. Arch. et Hist. de la Corrèze, tome XXIII, pp. 451 et suiv. - Et Huot, id., p. 29.

(6) Pièce reproduite par Huot, id., -pp. 21 et 22.

Pour juger les différends fiscaux, Ussel posséda jusqu'en 1686 une élection particulière composée de 64 paroisses. Elle fut réunie à celle de Tulle (DELMAS, « Histoire de la ville d'Ussel », p. 2). Les appels étaient portés devant la Cour des Aides de Clermont.


de Saint-Chamans, premier sénéchal, eut pour successeur Pierre de Lentillac, vicomte de Sédières (1602, 1613), que remplaça Charles de Lentillac, vicomte de Sédières et baron de Brignat (1638). Vinrent ensuite (7) : le marquis Anne de Soudeilles, « seigneur de la Gane, Gouteyrie, Roussille et Roussillon » (1659, 1680.) (8); le marquis Louis-Marie de Soudeilles, fils d'Anne; Louis-Charles de Combarel du Gibanel, chevalier, baron de Sartiges, la Rebeyrotte, le Boy (1747) (9); et, en dernier lieu, le comte François de Combarel du Gibanel (1783) (10), fils de LouisCharles. Grands seigneurs, pourvus d'emplois, ces officiers — les plus hauts du fief ducal — ne voulurent point s'astreindre à présider et à diriger les débats. L'eussent-ils pu, sans avoir fait auparavant quelques études juridiques (11)?

On les vit rarement exercer leurs fonctions, dans lesquelles ils furent suppléés par les lieutenants-généraux.

Durant les 190 ans de la sénéchaussée usselloise, ceux-ci ont été, suivant l'ordre chronologique (12) : Nicolas Dupuy, docteur ès droicts, mentionné l'an 1600 (13); Antoine de

(7) DELMAS : « Histoire de la ville d'Ussel », 2e éd., 1810, pp. 71-73 (1 vol., imp. Veysset, à Clermont-Ferrand, rue de la Treille).

(8) Archives de la Corrèze, B. 49. — Son fils L:Hlis-l\farie (le suivant) : « Seigneur du Lieuteret, de la Ganne, du Bazaneix. » (Bull.

Soc. Hist. Cor., VIII, 391.)

(9) Arch. Cor., B. 428.

(10) Arch. Cor. B. 467.

(11) « Attestation des officiers du siège portant que la ville d'Ussel est régie par le droit écrit (1772). » (Arch. Cor., B. 619.) Le duché de Ventadour était pays de droit écrit.

(12) DELMAS, id., pp. 74 et 75. En sa première organisation, la justice ducale, siégeant « au lieu de Gloutons » (Egletons) était rendue par un sieur Carvillier, venu du présidial d'Aurillac (arrêt d'avril 1583, cité par Laveix : « La Sénéchaussée de Ventadour », pp. 12 et 13).

(13) Nicolas Dupuy « était de la ville de Meymac, et de la même famille que les seigneurs de Mirambel ». (DELMAS, id., p. 74.) C'est en 1629 que le duc de Ventadour céda Mirambel, par échange, à Jean Dupuy, de Meymac, et à Nicolas Dupuy, écuyer, son fils (CHAMPEVAL : Le Bas-Limousin seig. et rel., p. 342). A Mirambel, baronnie du xv" siècle (paroisse de Saint-Rémy), les Dupuy se maintinrent jusqu'à leur extinction dans les Monamy (vers 1740-1745).

1700 : Antoinette Dup. de Mir., épouse de Jean de Cardaillac. —


Fonmartin, seigneur de la Mauriange, trouvé titulaire en 1603; Jacques de Fonmartin, fils d'Antoine, démissionnaire en 1628 (7 décembre) (14); Pierre du Plantadis, sieur de Charboudèche, investi en 1629 (23 janvier); son fils Etienne, qui exerça de 1654 (25 avril) à 1680 (23 octobre); JeanAntoine de Bonnet, seigneur de La Chabanne, nommé en 1681, mort en 1719 (15); Antoine de Bonnet, fils de celui-ci, lieutenant-général de 1719 à 1740 (30 avril); Pierre-Léonard Diousidon de Charlusset, reçu en 1740, décédé l'année suivante (31 octobre); Antoine-Alexis Milange, en exercice de 1741 (16) à 1757; Pierre du Plantadis, de 1757 à 1772 (1er octobre); enfin, Jean-Baptiste Delmas, seigneur de la Rebière, installé le 1CT décembre 1772, à son poste en 1789.

Si l'on excepte Diousidon qui ne fit que passer, la durée moyenne des fonctions fut de 19 ans. La charge était vénale : elle a été payée 18.000 livres « vers le milieu du XVII" siècle » (17). Avant d'exercer, le titulaire, qui devait

1781, Jeanne (de la branche de Margnac et du Madiolet), sœur SaintLouis, religieuse ursuline à Ussel (Arch. Cor., B. 580, 559, et rég. par.

d'Ussel).

Une seconde branche issue du lieutenant général eut pour auteur Pierre Dupuy, Sr de Saint-Pardoux, marié à Catherine de Mary. Leur fils aîné, Baptiste-Antoine, docteur en théologie, fut curé de Meymac (1683). César-Rigal, leur autre fils, d'abord curé de Peyrelevade, devint archiprêtre de Saint-Exupéry, où il fit bâtir le presbytère (Bull. Soc.

Hist. Cor., t. VIII, p. 232). Il était connu des gens de lettres par son oraison funèbre de Louis de Lascaris d'Urfé, évoque de Limoges (DELMAS, id., p. 80).

(14) Il « se démit en faveur de Pierre du Plantadis ». (DELMAS, id., p. 74.)

(15) Son acte de sépulture, et donc la date de son décès, ne se trouve pas dans les registres d'Ussel.

(16) Arch. Cor., B. 423. Milange venait de Bort, où il était juge-châtelain; et l'intendant de la province limousine le comptait au nombre de ses subdélégués. Anne Chassagnac, sa femme, lui donna un fils, Jean-Joseph, qui, le 9 août 1752, eut pour parrain Joseph Milange, bachelier de Sorbonne et supérieur du séminaire d'Avignon (Reg. par.

d'Ussel). Ce lieutenant-général ne fut pas inhumé à Ussel.

1564 : A. Milanges, greffier de Bort (Bull. Soc. Lettres Cor., VII, 468).

(17) Selon HUOT, id., p. 103. C'est en 1604, on le sait, que fut institué la Paulctte.


être docteur ou licencié ès lois, conformément à l'ordonnance royale de 1498, et avoir 25 ans accomplis, prêtait serment devant la Cour du Parlement de Bordeaux. Six sur onze décédèrent en exercice; un cessa volontairement; le dernier se trouva destitué par la Révolution; pour les trois autres, l'on ne sait rien de précis.

Parmi ces lieutenants-généraux civils et criminels, les Bonnet méritent une mention spéciale. On les trouve notaires au XVIe siècle. Antoine est consul en 1599 et signe au contrat d'établissement du siège; François, curé d'Ussel en 1615; Gérald, consul en 1631. Go-seigneurs de Charlus (1622), ils s'attachent aux Ventadours qui font juge de la Garde (1660) un autre Antoine, fils de Gérald, procureur à la sénéchaussée (1625), marié à Marguerite Jaloustre, et, en 1681, leur cèdent le fief de La Chabanne avec pleine justice. Un fils de cet Antoine, Jean de Bonnet, advocat en parlement, époux de Marie Delmas de Grammont, devient lieutenant particulier du sénéchal (1660), juge de BelleChassaigne (1660), puis, et en même temps (1670), intendant de la maison de Ventadour (18). Autant qu'on peut s'en rendre compte par les actes de l'état-civil, trop sommairement rédigés à cette époque, il a trois sœurs : Marie, femme d'Annet de Monloys, avocat; Halis, de Jean de Fon-

(18) Contrairement à l'opinion de Delmas qui en fait le successeur d'Etienne du Plantadis et « le croit pourvu en 1680 » (p. 57), Jean de Bonnet n'a pas été lieutenant-général. Mais il fut lieutenant particulier. « 25 octobre 1680 : Enterrement de M. Etienne Duplantadis, lieutenant-général d'Ussel. » « 22 décembre 1681 : M1' Me Anthoine de Bonnet, Sr de la Chabanne, lieutenant-général au sénéchal de la présente ville. » « 11 novembre 1687 : M1' Me Anthoine de Bonnet, seigneur de la Chabanne et Chasseil, lieutenant-général de cette ville. »

« 24 mars 1693 : Anthoine de Bonnet, seigneur de la Chabanne et lieutenant général. » — « 13 janvier 1681 : Mr Me Jean de Bonnet, lieutenant particulier civil et criminel en lad. sénéchaussée. » « 20 avril 1681 : Sr Me Jean de Bonnet, intendant de Monseigneur le duc de Ventadour. » « 20 mars 1688 : Monsieur Me Jean de Bonnet, intendant de la maison de Ventadour ». (Actes paroissiaux d'Ussel.) La qualité de lieutenant-général attribué à Jean de Bonnet par le rédacteur de l'acte mortuaire de sa veuve, un quart de siècle après son décès, ne peut constituer une preuve.


martin, seigneur de Lespinasse; et Anne, d'Elie de Pomerie, seigneur de la Vaysse (Neuvic). Sa tante Gabrielle a fait mariage avec Pierre de Monloys, sieur du Masviel. Une autre tante, Catherine, est ursuline à Ussel sous le nom de sœur Aymée de Jésus. Sa fille Marie-Anne — dont le parrain fut Anne de Soudeilles, sénéchal, et la marraine Marie de La Guiche, duchesse douairière de Ventadour (1662) — épouse (1684) M. de Fonmartin, seigneur de La Mauriange, et une autre fille, Marie (1686), Joseph Chazal, sieur de Maussac (Jean)-Antoine, aîné de ses fils, cumule avec la lieutenancegénérale (1681-1719) la subdélégalion en chef de l'Intendance d'Auvergne et la mairie d'Ussel. Conseiller du roy, écuyer, premier maire perpétuel de notre ville (Jean)Antoine reçoit l'investiture le 7 septembre 1693. Il s'est allié à Marie-Virginie de La Vergne, et laisse une descendance : Antoine, le dernier lieutenant-général (1719-1740), époux de Marguerite du Couderc (1716), également maire d'Ussel et subdélégué de l'Intendance, mort prématurément vers la cinquantaine; Marie, devenue la femme de Guillaume Espinet, avocat du roi au présidial de Tulle.

Un autre Antoine enfin, le fils du précédent, né à Ussel en 1717, peut-être un peu trop jeune au décès de son père, abandonne les charges officielles assumées par les siens depuis trois générations. Cependant, il gère la mairie de 1749 à 1763 avec le concours d'un adjoint (19). Avocat en Par-

(19) Pierre de Bonnet de la Chabanne en 1751; Pierre Bonnot de Charlus en 1753. On relève aussi : 1741, « M. Dufour, secrétaire du Roy et lieutenant du Maire d'Ussel ». Précédemment : « 15 septembre 1707 : Mr Guilhaume Dufour, conseiller et secrétaire du Roy en la chancellerie de Tulle et lieutenant du Maire de la présente ville » d'Ussel. (Reg. par. d'Ussel.) — « Le titre de Lieutenant du Maire correspondait en réalité à un office payé au fisc et accordé par le roi contre argent comptant, office créé par un édit de 1702. » Cf. Louis DE NUSSAC, Un lieutenant de Maire à Brive, Bul. Soc. hist. Cor., t. XL, pp. 436 et suiv.

Procureurs du roi en l'Hôtel de Ville : 1752-1758, Antoine Conchon de la Mazière (Arch. Cor., B. 601, B. 437); 1773, Jean-Baptiste Conchon (époux de Marie Chnuveau de Rochefort); 1783, « Jean Conchon, seigneur de la Mazière, conseiller et procureur du Roy en l'Hôtel de Ville et juge de police de cette ville » (époux de Françoise Pradinas).


lement de Paris, chevalier, seigneur de La Chabanne, des Salles, de Pontic, de l'Ebraly, du Bech « et autres places » (20), « l'un des deux cents chevau-légers de la garde du Roi » (1741) (21), il épouse (1739) Rose-Angélique de Vaurillon de l'Estang, fille de Gabriel de Vaurillon, ancien président de l'Election de Joinville, et d'Antoinette-Rose de

USSEL. — Eglise paroissiale.

A droite, Maison Montloy, dite de Mareille (Cliché du Syndicat d'Initiative d'Uiael).

Brienne, puis (1752) convole avec Gabrielle Fumât, très jeune personne encore pensionnaire au couvent des Ursulines de Montferrand (22). Les Bonnet possèdent à l'inté-

(Reg. par.) A quelques mètres de l'église, en direction de la tour de Soubise, la demeure des Conchon, bâtie en 1647, serrée entre d'autres, présente deux étages aux fenêtres ouvragées, un rez-de-chaussée en arcade et, à gauche, une tour avec entrée en ogive.

(20) Arch. Cor., B. 587 et registres de catholicité d'Ussel. - La Chabanne : par. de Saint-Fréjoux. Les Salles, Pontic : par. d'Ussel.

L'Ebraly : par. de Saint-Dezéry. Le Bech : par. de Saint-Bonnet-IePort-Dieu (près Bort). 1782 : seigneur du Bazaneix (Saint-Fréjoux).

(CHAMPEVAL : Bas-Limousin, p. 265.)

(21) Arch. Cor., B. 649.

(22) Reg. par, d'Usuel,


rieur d'Ussel cette grande maison à trois étages, en pierres de taille, sans caractère architectural sauf quelques moulures au-dessus de l'entrée, qui, sur la place d'Armes, fait l'angle de deux rues, en face de l'immeuble ayant appartenu aux Cosnac : c'est là qu'Antoine habite, à moins qu'il ne séjourne en son manoir et sur ses terres de La Chabanne.

Son frère Charles est prêtre et docteur en théologie (1782); un autre frère, François, mari d'Antoinette Chrestien, revêt l'uniforme d'officier au régiment de Nicolaï-Dragons; et leur sœur, Anne, s'allie à Charles-Annet de Roziers, chevalier, seigneur de Moncelet (1753). La même, ou une seconde sœur de pareil prénom, contracte mariage avec M. Lespinasse de Maffrand (?), dont elle reste veuve (1782). — Lorsqu'éclate 1789, les esprits, surexcités, ne ménagent point Antoine de Bonnet qui, à vrai dire, a plusieurs fois cherché chicane à ses inférieurs (23). Une plainte remise à la sénéchaussée par une femme et une fille qu'il a publiquement traitées de « carognes » et de « salopes », le déclare « connu par son opulence et par la haine qu'il a vouée à presque tous les citoyens de la ville » (24). Cela finit mal. Certaine nuit de messidor an I, des gens « à visage sinistre armés de piques » enfoncent les portes de La Chabanne, pillent le château, saisissent « le comte » qui était dans son lit, et, l'ayant garotté, transportent en prison, sur une charrette, ce vieillard maintenant « dans l'enfance » : traduit devant le tribunal révolutionnaire et condamné à mort le 15 germinal, il est guillotiné à Tulle, à l'âge respectable de 76 ans (25).

Quelques mots sur les Chassain de Fonmartin, les Diou-

(23) Plainte de Messire Antoine de Bonnet de la Chabanne contre ses locataires de l'auberge du Pont-Barrat (1774). (Arch. Cor., B. 674.) Plainte pour fait de chasse portée par Messire Antoine de Bonnet contre Jean Monteil, garde des bois de l'abbaye de Bonnaigue (1774).

(Arch. Cor., B. 549.) Poursuites de Messire Antoine de Bonnet de la Chabanne contre Antoine Rebeyrix et Jean Mignon, tenanciers du Friaudcix (1780). (Arch. Cor., B. 465.)

(24) Arch. Cor., B. 687.

(25) Raymond LACOSTE; : « Le dernier d'une race éteinte : l'abbé


sidon et les Duplantadis. Les Chassain étaient, voilà quatre siècles, une famille notariale d'Egletons. Guillaume devint conseiller royal en l'élection du Bas-Limousin et, l'an 1545, hominagea Fonmartin, près de Darnets, aux Ventadours.

Martial, son fils, élu du même siège, en charge au moment où le vicomte de Turenne s'emparait de Tulle (1585), représenta le pays aux Etats généraux de 1588. Le mariage de Françoise, fille de Martial, avec Pierre Geouffre porta le fief de Fonmartin dans la maison de Chabrignac, qui le transmit plus tard à celle des Lavaur de Sainte-Fortunade.

Venus à Ussel au commencement du XVIIe siècle en la personne du frère de Françoise, Antoine, les Chassain de Fonmartin, écuyers, furent, dans les alentours, seigneurs de La Mauriange, de Lespinasse et de Charlusset : — de La Mauriange dont se titrait (1603) cet Antoine, premier lieutenant général, et qu'une branche ayant pour auteur son fils Jacques, second lieutenant-général, détenait encore en 1836, quand mourut la dernière des Fonmartin, Jeanne, laissant l'héritage aux Demasson de Saint-Félix, ses enfants; — de Lespinasse, leur domaine principal, avec château à tour quadrangulaire et portail crénelé, que Jean, autre fils d'Antoine, posséda dès 1627, mais qui, durant les XViIIe et XIXe,appartint aux Delpeyrou de Bar (1754) en suite de l'union de Marguerite avec Jean Delpeyrou, puis, par l'effet d'alliances successives, aux de Meynard, aux Fontanges, aux de Selve et aux Flaghac; — de Charlusset, dont Jean-Guillaume, frère de Marguerite, officier de grenadiers royaux, chevalier de Saint-Louis, se disait seigneur en 1763. Un frère de Martial (1588) était aumônier du roi et chanoine d'Agen. Geneviève avait épousé Charles de Lafageardie de La Praderie (environ 1600); Jacques, lieutenant-général, Sibylle de la Baylie (vers 1620); une autre Geneviève, Antoine de Gombarel du Gibanel (1654). Des mariages ussel-

lJcmichel », pp. 39 à 43. — Victor FOHOT : « Les Emigréss corréziens », p. 154. — CHAMPEVAL : lias-Lim., p. 265.

« .Antoine Bonnet, dit lu Chabanne, ev-devant noble, condamné à mort. » (26 fructidor an II.) (Arch. Cor., Q. 89.)


lois unirent aux Fonmartin les Pascal, de Bonnet, Delmas, Laval, Demichel, Conchon; d'autres, les Dartois, Laplène, Marche, Perry. L'aîné des enfants de Jean-Guillaume et

USSEL. — Vieille rue.

Sur la droite au premier plan, Maison Esparvier; au second plan, après le croisement de rues, Maison Chassain de Fonmartin.

A l'extrémité, le clocher de l'Eglise.

(Cliché de la Corrèze Républicaine, à Brive).

d'Anne Moncorrier, Jean-Baptiste, marié à Françoise de Mary, laissa deux filles que mes aïeuls, leurs parents, connurent et fréquentèrent : Emilie (+ 1871), femme de l'avocat Redon, maire de notre ville, et Louise (+ 1858) épouse


d'Antoine Diousidon (26). C'est avec Emilie que les Fonmartin s'éteignirent à Ussel, et ce sont les descendants de Louise qui, sous d'autres noms, conservèrent Charlusset.

Bourgeois remontant au xve siècle, les Diousidon se mêlèrent à la vie judiciaire du fief de Ventadour. On relève aux XVIIe et XVIIIc : Guillaume, consul (1628, 1641); Jean, procureur au siège ducal (1643); un autre Jean, advocat en la Cour et juge du prieuré de Saint-Angel, marié à Louise Combes (1668); Jean, notaire (1669); Pierre, avocat (1700); Jean-Baptiste, praticien (1715); Gabriel, notaire et procureur, greffier de Bellechassagne, marié à Elisabeth Besnard (1729); Jean-Baptiste, huissier, époux de Marie Chabanne (1738, 1748); François, notaire et juge ou lieutenant de neuf juridictions, mari de Jacquette Sautarel (1769); Jean, juge de la baronnie d'Anglards, de Margerides, Fleurac et SaintJulien, lieutenant de Beyssac, procureur fiscal de Mirambel (1785); Jean, avocat (1789). On trouve encore, en 1721, Louise, fille dévote de Saint-François; en 1737, Jeanne Saint-Supéry, veuve d'un Diousidon; en 1740, Joseph, pro-

(26) Reg. par.; Arch. Cor., B. 526, 573; POULBRIÈRE : Dict. des par., I, 433; II, 82; CHAMPEVAL, Bas-Lim., 292, 376, 270, 849; Bull. Soc. Hist.

Cor., XII, 304; René FAGE : « La prise de Tulle et son occupation, 1585-1586 », pp. 79 à 80 et 171 à 175.

La Mauriange, par de Veyrières (Antoine, 1623-1663, mari de Jeanne Pascal; Antoine, époux d'Anne de Bonnet, 1684-1729; Jean-François, 1752; Louis, 1770-1823). Lespinasse, par. de Latourette (Jean, 1627, marié à Halis de Bonnet; Jean, époux de Gabrielle (de) Laval, 1666; Jean (1733-1754). Charlusset, par. d'Ussel, domaine suburbain au. nord de la ville.

Les Fonmartin habitaient une maison de la rue Esparvier dont le jardin s'étendait jusqu'aux fortifications. Par côté, la maison bordait une impasse (aujourd'hui commencement de la rue Neuve-du-Palais), impasse butant contre les jardins qui, de la porte du Thuel à la porte Duchier, de la porte Duchier à la porte Bourbounnou, de la porte Séclide à la porte du Thuel, séparaient alors les habitations des remparts. Sur son emplacement et dans son jardin, des immeubles neufs ont été construits. La demeure voisine appartint aussi aux Fonmartin, avant d'être à Cécilie de Lachaze, née Badour, mère de Gaston. Ces vieilles bâtisses, dépourvues de caractère artistique, empiétaient sur la rue Esparvier dont elles contribuaient au pittoresque en la rendant tortueuse.


vincial des Jésuites en Guyenne; en 1746, Jeanne, fille de feu Antoine, en son vivant notaire et procureur; en 1751, Thérèse, fille dudit Gabriel (27). Les Diousidon étaient propriétaires de Charlusset avant les Fonmartin de Lespinasse.

Pierre-Léonard ajoutait à son nom celui de cette terre.

Juge de Saint-Angel et subdélégué de l'Intendance provinciale, Pierre-Léonard coulait sa vie dans le fauteuil de second lieutenant du siège, lorsque, inopinément, il occupa la première place rendue libre par la brusque mort d'Antoine de Bonnet. Son frère Joseph, « habile dans les négociations », lui procura cette charge, rapporte Delmas (28), « et cela sans finances », à cause qu'il était d'un grand âge et n'avait point d'enfant. Sa nouvelle carrière ne pouvait être longue : elle dura seulement quelques mois.

Un Duplantadis, Antoine, lieutenant-général de la HauteMarche, fut député du Tiers aux Etats de Blois (1588). Trois autres ont été lieutenants-généraux du duché de Ventadour : le père, le fils et l'arrière-petit-fils. Le premier des trois, Pierre (1629-1654) tenait la terre de Charboudèche, dont il se titrait, de Martin Duplantadis, élu en l'élection de la Marche, son père, qui l'avait acquise en 1628 dans la paroisse de La-Mazière(-Haute). Etienne, deuxième lieutenant (1654-1680), eut Gabrielle Esparvier pour épouse et laissa des enfants en bas âge. Un de ceux-ci, Pierre, devint avocat (1692), consul (1696), « conseiller du Roy et assesseur en la maison de ville d'Ussel » (1697). Son mariage avec Louise Andrieu du Teil produisit au moins sept enfants, dont encore un Pierre, lequel, né le 19 novembre 1701, baptisé le 20, devait, à cinquante-six ans, être pourvu de la lieutenance générale (29). Après des études « de droit canonique, civil et français » (30), ce Pierre du Plantadis, troisième

(27) Reg. par. d'Ussel, et Arch. Cor., B. 642, B. 536, B. 646, B. 594, B. 669, B. 622, B. 632, B. 416, B. 653, B. 597, B. 645, B. 477, B. 421.

(28) Id., pp. 75 et 85.

(29) Bull. Soc. Hist. Cor., XII, 304; POULBRIÈRE : Dict. des par., II, 43; DELMAS, 74; Reg. par. d'Ussel.

(30) Copie de l'attestation du premier avocat général du Parlement (le Paris : Arch. Cor., B. 423.


lieutenant (1757-1772), écuyer, d'abord avocat à Ussel, prit femme en Catherine de Sarrazin de Saint-Dionis (13 octobre 1732) (31). Sortirent de leur union : Louise, mariée (1758) à Jean-Joseph Brival, seigneur de Nouzeline et de Lavialle, dans la suite lieutenant particulier à Ussel, fils de Joseph Brival, avocat du roi au siège de Tulle, et de Jeanne Baubiat; Gabrielle, baptisée le 14 février 1738, devenue (1761) mon arrière grand'tante en épousant un gentilhomme du haut pays d'Auvergne, Jean de Baron de Layac, petit-fils de Jean de Baron, écuyer, seigneur de Layac et de Boussac, et de Marie Faucher de Cisternes; Joseph, Augustin, et Françoise. Reçu lieutenant particulier en 1741, consul d'Ussel en 1745, Pierre du Plantadis fut investi de la charge de lieutenant-général seize années plus tard, succédant à Milange décédé. Lui-même mourut au bout de dixhuit ans d'exercice, le 1er octobre 1772, septuagénaire et veuf de Catherine de Sarrazin (32).

Parlerai-je aussi des Delmas? Le plus ancien connu, Etienne, vivait à la fin du XVI" siècle, avec Jeanne d'Adhémar, sa femme, originaire du Languedoc. Jean Delmas, leur fils, argentier de la duchesse de Ventadour (1602), maître d'hôtel du comte de la Voulte, « épousa, à Ussel, en 1603, Marie de la Forest, qui lui apporta la seigneurie de Feyt, le fief de Grammont, divers autres biens » (33). François, fils de Jean et mari de Jeanne de Fonmartin, était procureur ducal en la sénéchaussée d'Ussel (1666). Après lui on distingue deux branches principales : l'aînée, dite de Gram-

(31) Bull. Soc. Hist. Cor., t. XV.

(32) Reg. par. d'Ussel — Armes : d'azur a un palmier d'or. —

1764 : .« La maison appelée de Loyac appartenant à Me Pierre Duplantadis, dont jouit Joseph Goudounesche, Me tailleur. » Arch. Cor., B. 610. Cette maison, sise entre la porte Ducher et le couvent des Ursulines, hors des murs, vient d'être démolie pour faire place à la Caisse d'épargne.

(33) DELMAS, id., p. 17. — Grammont : domaine de la paroisse d'Ussel, à la sortie nord-est de la ville. — Feyt : paroisse du BasLimousin confinant à l'Auvergne et à la Marche. Il ne s'agirait que de la terre de Feix, par. de Saint-Pardoux-le-Vieux. (CHAMPEVAL, id., p. 273.)


mont, et la cadeLLe, ou de la Rehière. Pierre Delmas fut Tailleur de la branche de Granimonl. Il épousa Antoinette du Couderc, fille d'un conseiller au siège, et remplaça son père comme procureur principal (1681, 1703). De cette branche émergèrent : un autre François, avocat en parlement, marié à une autre Jeanne de Fonmartin, qui détint à son tour la charge de procureur principal (1707, 1723), et JeanLouis, avocat en la Cour, époux de Marie Lejeune, qui remplit les mêmes fonctions (1730, 1741), après son père. son grand-père et son aïeul. Jean-Louis était petit et de coloration noirâtre : à en croire une mauvaise langue de l'époque, il mesurait 3 pieds 1/2 seulement et paraissait « plus noir que nègre ». On note aussi Marguerite, fille de François et de Jeanne de Fonmartin, devenue femme (en 1668) de Jean Combes, bourgeois de Saint-Angel, né par sa mère des La Salvanie; Antoine, qui, entre le 6 août 1765 et le 1er janvier 1784, eut treize enfants de Charlotte-Claudine Autier de Villemontée; Marie-Antoinette, épouse d'André-Robert Vi 11 il tel (1773). Le père Delmas, cordelier, fut en son temps (1720, 1762) « célèbre par ses voyages du Levant. Il avait visité tous les lieux de la Palestine consacrés par la résidence du Sauveur, et en avait fait une relation qui n'a pas été imprimée » (34). Parmi les autres, on peut citer un vicaire d'Ussel (1726), un directeur du collège (1730), un curé de La-Mazière(-Basse) (1762-1772), un maire de la cité (1769). Une fille, Antoinette, vécut « dévote du Tiers-Ordre de Saint-François » (1730, 1778) (35).

Dans la branche cadette, Antoine Delmas, écuyer, docteur en médecine, était le fils d'un frère de Pierre. Des six enfants que Jeanne Desplas lui donna, le 4° devait être le lieutenant-général Jean-Baptiste Delmas de la Rebière. Né le 11 mai 1724, marié à Louise Despert de la Borderie

(34) P. 34, « Histoire de la ville d'Ussel », de J.-B. DELMAS, son petitneveu.

(35) Armes des Delmas (de Grammont) : de sinople îi trois fasces ondées d'argent. -- - L'auteur de la loi protectrice des animaux, du 2 juillet 1850, est un Delmas de cette branche.


(1753), Jean-Baptiste se titrait (1780) « chevalier, seigneur de Naugenac, du Veisset, du Chiroux, co-seigneur de la Rebière et du Mont » (36). Avocat en Parlement, gendarme de la garde ordinaire du roi, subdélégué dans la généralité de Limoges, il fut d'abord lieutenant particulier (1761) avant d'être nommé lieutenant-général (1772). Il eut la gérance de la mairie pendant la suspension du titulaire, Firmin Barbier de Villeneuve, de 1776 à 1780. La nuit fameuse du 4 août, en abolissant l'organisation existante, fit perdre à Delmas charges et dignités. II reçut, mais ne garda point, la présidence du Tribunal constitué en remplacement de la justice seigneuriale. Porté sur la liste des émigrés, rayé de la liste le 29 messidor an III, il s'éteignit le 21 juillet 1810, à 86 ans, comme il publiait la 2" édition de son Histoire d'Ussel. Un arrêt du Parlement de Bordeaux, de 1784, annulé par le 4 août 89, avait accordé la survivance de la lieutenance-générale à son fils Antoine, seigneur de Loches et du Loubeix, subdélégué de l'Intendance à Ussel (36).

(36) Reg. par. d'Ussel. - Naugenac, par. de Soursac. Le Veysset, Chiroux, la Rebière, par. de Chaveroche (1744 : « .Antoine Delmas, docteur en médecine, acquéreur du domaine de la Rebieyre. » Arch.

Cor., B. 652). Le Mont, par. de Saint-Fréjoux..1672 : François Delmas, avocat, possède Chiroux et le Veysset.

Delmas écrivit encore un Essai sur l'histoire du duché de Ventadour et de la maison de Rohan, dont le manuscrit fut, au cours de la Révolution, brûlé sur la place publique.

J.-B. Delmas ne dit pas comment ses ancêtres — ni lesquels — ont été anoblis. Le mot « écuyer » titrant son père a été ajouté sur son acte de baptême (14 mai 1724). — Du côté des Grammond, collatéraux, on descend jusqu'à Jean-Louis, contemporain de Jean-Baptiste et de son père, pour rencontrer ce titre. (Retenir que les Delmas furent des magistrats seigneuriaux, et non royaux; d'autre part, que les Ventadours ne possédaient pas le droit d'anoblir.) — Avant la scission en deux branches (1670), aucun Delmas n'est qualifié d'écuyer ou de chevalier, aucun n'est trouvé gentilhomme. — Un moraliste du XVIIIe siècle constatait que trop de gens prenaient des titres auxquels ils n'avaient point droit.

(36) Arch. Cor., B. 634, B. 473. — DELMAS, id., p. 75, renvoi 1.

Une nièce du lieutenant-général, Marie-Agathe Delmas (1782-1864), épousa, le 13 floréal an X, Michel Lacliaze, fils de Joseph et de Marie Bayle, petit-fils de Paul et de Marie Lacliau. Ce Joseph était veuf en


Les occupations du lieutenant-général étaient absorbantes. Lui incombait tout le travail de président, qu'aurait dû faire le sénéchal, et, en outre, il menait l'instruction des affaires pénales. Le premier des deux assesseurs, dénommé lieutenant particulier, lui venait directement en aide, tandis que le deuxième assesseur, le conseiller, remplissait seulement les fonctions de juge. Vous avez remarqué l'appellation de ces magistrats : c'était la même que dans les présidiaux. Leur prestation de serment s'effectuait devant le lieutenant-général. Ainsi que ce dernier, ils achetaient leur charge, ce qui les rendait, comme lui, indépendants et inamovibles, sauf « forfaiture préalablement jugée » (37) (le cas devait se produire peu d'années avant 1789).

Gaspard de Lametz était lieutenant particulier en 1623 (probablement dès 1605), Joseph Chavialle en 1630 (38), Jean-François Clédière, sieur du Rigouneix et du Gardet, en 1647; Jean de Bonnet en 1660, Joseph Barrot en 1708 (39), Pierre-Léonard Diousidon en 1721, Pierre Duplantadis en 1740, Pierre Demichel en 1758, Jean-Baptiste

premières noces, sans enfant, de Marguerite (de) Labarre : il tenait d'elle le fief de Saint-Germain(-la-Volps). Marie-Agathe et Michel sont les grands-parents de Gaston de Lacliaze, avocat, maire d'Ussel (+ 1912), et de Mme Marthe Mazelreix, toujours vivante (décembre 1939).

(37) En application des lettres le Louis XI, du 21 octobre 1467.

(38) 1630 : Joseph Chavialle, époux de Marguerite de Lametz, 1630, 1641 : Jacques Larnetz, sacristain, 1638 : Isabeau de LaIIietz, femme de Jacques Breulh, docteur en médecine (consul en 1637). 1637, 1662, Honorette de Lametz, épouse de Jean (de) Forsse, bgs d'Ussel.

(39) Barrot. — 1667 : Marguerite (de) Barrot, femme de Joseph (de) Combes, Sr de Chassaignolles (Valiergues). 1680 : François, consul, époux de Charlotte Musnier; 1690, Anthoine, prestre et docteur en théologie. — Joseph (de) Barrot, Sr de la Gorse, (1719), fils de François et de Charlotte, marié à Marguerite Chaminade (1690), advocat en parlement (1690), juge du Port-Dieu (1695), capitaine-major de la milice bourgeoise d'Ussel (1699-1706), lieutenant particulier (1708), (+ 13 décembre 1719). — 1743 : Jean-François, bachelier de Sorbonne, curé du Bourg-Lastic. 1759 : Hélène de Charlus, veuve du Sr Barrot; 1780 : Antoine, avocat au siège, juge de la Gane et de Veyrières — (Reg. par.; Bull. Soc. Hist. Cor., XXII; CHAMPEVAL; DELMAS; Doc. personnels.)


Delmas de la Rebière en 1761, Jean-Joseph Brival de Lavialle en 1772, Pierre Bonnot de Bay en 1786 (40). — Pierre de Mary (1639), Pierre du Couderc, sieur de la Veyssière (1648), Jean du Couderc (1684) (41), Joseph-François Bonnot, sieur de Bay (1725), Guillaume Demichel (1774), détinrent la charge de conseiller (42).

, Oh note des Bonnot à Ussel en 1599. Dans la suite, Antoine, sieur de Chasselines, est procureur du roi en l'élection de Tulle; Jean, son fils, Etienne et Martin, acquièrent des charges de conseillers en la même élection (1624, 1647, 1677); Pierre est avocat principal à Ussel (1661), un autre Antoine syndic de l'hôpital (1680). Un fils de Jean, Pierre (de) Bonnot, sieur du Monteil, lieutenant de cuirassiers,

mort en 1735, épouse (1703) Jeanne Lavai, qui lui porte en dot la terre de Bay, dont se qualifie l'aîné de leurs enfants, Joseph, conseiller du sénéchal (1725). Ce Joseph, mari d'Anne Lacroix, est le père de Jean-Baptiste Pierre, dit Piarretou (1753), qui lui-même fait alliance avec Catherine du Couderc et devient (1786) lieutenant particulier au siège. Des autres enfants de Joseph et d'Anne, une fille, Jeanne, est la femme d'un sieur Richon, une deuxième Jeanne celle d'un Rochon de Montazel, cependant que Marie-Anne et une troisième Jeanne s'unissent tour à tour, en 1767 et 1778, avec

(40) Reg. par.; Arch. Cor., B. 638, B, 505; B. 417, B. 422, B. 447, R. 457, B. 472, B. 716. — CHAMPEVAL, id., 263, et HUOT.

(41) Du Couderc. — 1638 : Pierre Couderc (du Couderc, 1661), S* de la Veyssière (Ussel), advocat en la Cour (1645), époux de Jacqueline Bonnot (1645), conseiller au siège (1648-1672). 1666 : Antoinette, mariée à Pierre Delmas de Grammond. 1680 : Jean, Sr de la Veyssière, époux d'Antoinette Nochèze, conseiller (1684) (+ 1er novembre 1721). 1689 : M. du Couderc, consul. 1690 : Antoinette, veuve de Pierre Laporte.

1694 : Marguerite (de) Monloys, veuve de Hélie du Couderc. 1707 : Antoinette du Couderc, mariée à Guillaume Dufour (+ 1713), secrétaire du Roy. 1716 : Margueritê (fille de Jean et d'Antoinette Nochèze), épouse d'Antoine de Bonnet. 1764 : Catherine, mariée à Pierre Bonnot de Bay. 1663, Jean, 1769, Jacques, prieurs et curés de la Tourette.

1782, Pierre Léonard, époux de Léonarde Méalet. (Reg. par., CIUMPEVAL; POULBRIÈRE; Doc. pers.et divers.)

(42) Arch. Cor., B. 496, B. 505, B. 417, B. 438. B. 465, B. 716, et reg.

par. d'Ussel.


Augustin de Tournemire, paroissien de Chirac. Le fils du lieutenant Pierre, Jacques, époux de Madeleine Monteil (1795), est l'aïeul des Bonnot que nous avons connus (43).

Martin Demichel, procureur au siège ducal (1624), fut consul d'Ussel en 1644 et 1645. De Pierre, notaire et procureur (1666), juge de la Garde et de Chasselines, procureur d'office d'Aix et d'Eygurande (1676) (44), époux Andrieu (1677), et de Jean, fils de celui-ci, également notaire et procureur (1708), agent du duc de Ventadour (1723), juge du Port-Dieu et d'Aix (1735, 1751), marié à Marguerite Pascal (1711), est issu Pierre-Léonard Demichel, tenu sur les fonds baptismaux, le 17 février 1723, par Pierre-Léonard Diousidon. Contrôleur des actes (1741), directeur des fermes du Roy (1751), juge d'Aix, d'Eygurande et du Port-Dieu (1751, 1757), seigneur du Theil et de Saint-Dezéry (postérieurement au 13 juin 1752, date du décès de Joseph Andrieu, titulaire de ces fiefs), lieutenant de la commanderie de Belle-Chassagne (1758), enfin lieutenant particulier au siège, (1759), Pierre-Léonard Demichel eut de sa femme, Jeanne de Fonmartin de Lespinasse : Guillaume, avocat en parlement, reçu conseiller au siège en 1774; Antoine, docteur en théologie, chapelain de Malte, vicaire de Gimel, curé d'Ussel (1802, 1817), « dernier d'une race éteinte » aujourd'hui, « grand cœur et grand d'âme », selon les expressions de son

(43) Reg. par.; Bull. Soc. Hist. Cor., XXIII et XXII; Doc. personnels et divers. — Antoine (de) Bonnot : époux de « damoiselle » Anthoinette (de) Forsse, fille de Jean et d'Honorette de Lametz. - L'hôpital d'Ussel dont il fut syndic a été fondé, l'an 1269, suivant « lettres données par les seigneurs Eble de Ventadour et Hélie d'Ussel, damoiseaux, aux consuls de la ville d'Ussel pour recevoir, autoriser et approuver la donation que font Aymar, dit de Geneau aux Pratz* et Jeanne del Veldior, dite la Douairière, d'une maison et dépendances sises audit lieu, pour les pauvres et même pour les passants ». Un vidimus de cette charte est aux Archives municipales. Il en existe un autre, du 11 septembre 1766, dans les Archives du comte d'Ussel, à Neuvic.

(44) Le procureur d'office « était celui qui faisait les fonctions de ministère public dans une moyenne ou basse justice seigneuriale. On l'appelait procureur d'office parce qu'il pouvait agir ex officio, c'està-dire d'office et de son propre mouvement, sans aucune instigation ni réquisition de partie » (Encyclop. méth. du XVIIIe siècle).


biographe (45); Marie-Victoire, sœur jumelle d'Antoine, qui contracta mariage à Ussel, le 3 février 1780, avec le chevalier Gaspard de Pouthe; et Marie-Jeanne, qui, au même moment, épousa le frère de Gaspard, François-Augustin de Pouthe, chevalier, garde du corps, et vint demeurer au château de Mareille, près du grand'oncle et de la grand'tante de son mari, Antoine de Pouthe et Marguerite de Monloys (46).

Assistant les magistrats, établissant les minutes, délivrant les grosses, le personnel assermenté du greffe comprenait le greffier en chef et un ou plusieurs greffiers commis. Gérald Laval (1623), Guillaume Lescrivain (1628), Mondon (1703), Antoine Lescrivain (1704), Pierre Moncourrier (1737, 1753), Antoine Redon (1768), Pierre Moncourrier de Beauregard (1777) ont été greffiers en chef. Maignac (1700), Diouzidon (1744), encore un Maignac (1744), Queyriaux (1749), Martinot (1753), Gendre (1759), Dupeyroux (1759), François Badour (1760), Eybraïlh (1763), François Redon (1773), un Moncourrier (1778), Goudounèche (1787), Rouffiat (1787), furent greffiers commis. Le greffier en chef, bien qu'il ne perçût aucun émolument pour les affaires concernant le duc, devait verser à celui-ci, chaque année, le mon-

(45) Raymond LACOSTE, id., p. 48.

(46) Reg. par.; Bull. Soc. Hist. Cor., XXIII; Doc. divers et personnels.

Joseph Andrieu, seigneur du Theil et de Saint-Dezéry (+ 1752), devint, par son mariage avec Antoinette l'Ebraly, le beau-frère de Jean Forsse, bgs d'Ussel, mon ancêtre, et de Annet Sauty, seigneur de Chalons, notaire royal.

Les Andrieu, bgs, détenaient le Teil (Ussel) depuis 1630. Ils eurent, 1625, la sieurie de l'Ebraly (Saint-Dezéry). A partir de 1629, ils possédèrent Bay (La Tourette) dont une de leurs branches se titra. C'est d'eux que Bay vint aux Bonnot, la mère de Jeanne (de) Laval étant Marguerite Andrieu de Bay — sœur aînée d'une autre Jeanne qui épousa Pierre Demichel (1677).

Les seigneurs de la Ganne (Saint-Exupéry) (1500-1630), de Roussilhe (Bort), la Maison-Rouge (Saint-Bônnet-le-Port-Dieu), qui avaient nom Andrieu, étaient écuyers. (Reg. par. — CHAMPEVAL : Bas-Lim.)


tant du bail de son greffe (200 livres en 1777) (47). Pierrè Moncourrier et son fils, Pierre Moncourrier de Beauregard — fils et petit-fils d'un notaire et procureur à la sénéchaussée (1668) — étaient aussi notaires et procureurs, en même temps que greffiers en chef (48). Le premier épousa Marie Monlouis; le second, Marianne Mornac de Badour. Ils appartenaient à une famille essentiellement usselloise, connue depuis la fin du XVIe siècle, éteinte en ces dernières années (49).

Voilà pour le siège. Auprès des trois juges le duc de Ventadour avait placé un avocat et un procureur qui le représentaient et requéraient en son nom. Ces officiers, d'abord ducaux, ensuite principaux (50), ou encore « du prince », représentèrent au XVIII" siècle les princes de Rohan-Soubise que leur alliance avec la fille du dernier Lévy (1694) avaient faits ducs de Ventadour. De même qu'on trouvait ailleurs les gens du roi, ils étaient, eux, les gens du prince.

Comme avocats, il y eut : 1623, Jehan Clédière, sieur du Breuil (51); 1630, Anthoine Esparvier; 1661, Pierre (de)

(47) Lettres de provision du 20 mars 1777 (Arch. Cor., B. 461).

(48) Arch. Cor., B. 419, B. 469, B. 461, B. 637, B. 569, B. 521, B. 449.

Arch. personnelles.

(49) Reg. par. et de l'état civil d'Ussel; Arch. Cor., B. B. 22.

(50) On note le mot principal (« advocat principal ») dès 1625 dans les actes baptistaires de l'église Saint-Martin d'Ussel. En 1662, dans le contrat de fondation du couvent des Récollets, signé le 25 octobre à « l'hosteil Vantadour », cette même expression est employée. Elle désignait l'avocat le plus important, et le premier de tous, comme étant du siège.

(51) Sur les Clédière et sur les Esparvier, voir : J. FAUCHER, « Vieilles maisons, vieilles familles d'Ussel. » (1 br., 1939.) Jehan Clédière : Sr du Breuil et de Rigannes, advocat en la Cour du Parlement de Bourdeaux (1623), advocat principal de Vanthadour (1626), procureur principal du duché de Vantadour (mars 1628), procureur général de Monsieur de Vantadour (novembre 1628) ; feu Me Jehan Clédière, procureur général et domanial du duché de Vanthadour (20 mars 1630). — Anne de Mary, sa veuve (1631, 1670).

Catherine de Clédière, leur fille (+ 1693), épouse vers 1640 Mathieu Forsse, bgs, consul (1646).

Jean-François Clédière, lieutenant particulier; marié (avant 1647)


Bonnot; 1683, Jean du Couderc (52); 168., Pierre (d')Esparvier (53); 1699, 1705, François Delmas de Grammont; 1735, 1762, Antoine Chaminade (54); 1769, Antoine-Joseph Monlouis; 1787, Pierre-Marc Monlouis de Laval; — comme procureurs : 1628, Jehan Clédière, sieur du Breuil; 1632, François Delmas, sieur de Grammont; 1681, Pierre Delmas de Grammont; 1707, un autre François Delmas de Grammont; 1730, Jean-Louis Delmas de Grammont; 1742, Antoine Chas'tagner du Teil ; 1769, 1786, Pierre-Joseph Chastagner du Mazeau. Le lieutenant-général recevait leur serment (55).

à Marguerite (de) Laval. Sa fille, Anne de Clédière, filleule d'Anne de Mary, épousa, 10 février 1669, François Dubois, écuyer, SI' de Clavières, frère du seigneur de Margerides.

1623 : noble Jehan de Clédière, vice-sénéchal pour le Roy au païs de Bas-Limousin.

Pierre de Mary, seigneur de Curziat, vice-sénéchal du Limousin, marié, en décembre 1609, avec Catherine d'Ussel, fille d'Antoine, chevalier, baron de Châteauvert, coseigneur d'Ussel, et de Claudine de Lestrange. — 1639, 1646, Pierre de Mary, conseiller au sénéchal. 1679, « feu Messire Martial de Mary, vivant vice-sénéchal du Bas-Limousin ».

1700, Jean de Mary, sieur de Laval. (Reg. par. d'Ussel. Bull. Soc. Hist.

Cor. Arch. Cor., B. 498.)

(52) Au 17 octobre 1684, sur les registres d'Ussel, on remarque cette mention : « M. de la Veyssière, avocat fiscal. » Ceci laisse penser que Jean du Couderc fut avocat principal entre le 28 juin 1682 (« advocat en la Cour ») et le 23 octobre 1684 (« conseiller au siège » ).

(53) « 17 juin 1692 : Marguerite de Laval, veuve de M. Pierre d'Esparvier, avocat principal au siège sénéchal de cette ville (Reg. de la par. d'Ussel).

(54) Chaminade. 1545 : Michel Chaminade (Livre Noir). 1553 : Chaminade, consul. 1559 : X. Chaminade (établissement de la sénéchaussée). 1670 : Antoine, bgs, époux de Marie-Marguerite Dallet; juge de Bonnaigue et de Monestier (1692), de Bonnesaigne (1694). Marguerite, leur fille, mariée à Joseph Barrot (1690, 1706). — 1680, Annet et, 1681, Antoine, notaires et procureurs. 1703 : Pierre, « philosophe ». 1707 : Guinot, praticien. 1721 : X. Chaminade, vicaire à Ussel. - 1704 : Antoine, avocat principal (1735, 1762), et Marie-Jeanne de Plasse du Chassaing, son épouse. Leur fils, Antoine-Xavier, sieur de Montéjoux, marié (1744) à Marie-Anne Désortiaux de la Ceppe. Leurs petitesfilles : Marie-Michelle, femme (1763) de Jean-Baptiste Forsse; Marguerite, unie (1772) à Mathurin du Faure. — 1770 : Marguerite, fille dévote du tiers-ordre de Saint-François. (Reg. par.; Bull. Soc. Hist.

Cor.; HuoT; Doc. pers.)

(55) Reg. par. d'Ussel; Arch. Cor., B. 422, B. 615, B. 494, B. 414 et supplément; et HuoT, id., p. 104.


A l'origine, l'avocat avait la prééminence sur le procureur et, en la pensée du duc, constituait le plus important des deux agents. C'est du moins ce qui ressort du règlement sur les préséances, du 15 novembre 1599 (56). Mais, dans la suite, on vit au contraire le procureur, chef d'un parquet organisé, primer hiérarchiquement l'avocat réduit à n'être plus désormais qu'une sorte de substitut. L'une des causes de cette transformation fut assurément l'imitation des cours royales, qui ne cessa de hanter nos magistrats, dont la juridiction avait une étendue supérieure à celle de certains présidiaux.

Mialaret, le Teil, le Vige, les Vergnes, le Mazeau — domaines de la région de Neuvic - fournirent des surnoms aux Chastagner. Procureurs ducaux, les Chastagner détinrent eux aussi la subdélégation de l'intendance au XVIIIe (1742-1769). Pierre-Joseph, fils d'Antoine et de Marie-Anne Giraud, s'unit à Marianne Ternat, parente de Pierre Ternat, curé d'Ussel (1761-1783), ancien curé de Neuvic, originaire de Mauriac; et de ce mariage sont issues les générations qui ont perpétué la famille jusqu'à nos jours. Thérèse eut pour mari (1752) Joseph de Plaigne, écuyer, seigneur de Pradniau, et leur fille Clémence, Pierre Salviat, avocat, rereveur domanial. Le fils du dernier procureur, Jean-Joseph, épousa Marie-Magdelaine de Cosnac. En 1685, on rencontrait à Ussel Pierre Chastagner, sieur du Mialaret; en 1676, Marguerite Pradinas, « veufve de Jean Chastagner, avocat »; et, en août 1666, Marguerite Chastanier, veuve de Michel Tixier, bourgeois, dont le fils Jean, avocat, célébrait sa noce avec Jeanne de la Farge (57).

Assez nombreux, les Monlouis descendaient de ces Monloys dont j'ai parlé dans mon étude sur les « Vieilles familles ». Habileté, décision, énergie, telles sont les qualités que

(56) « Règlement accordé pour les précéances et démarches de Messieurs les officiers et consuls de la ville d'Ussel. » (Reproduit Bull.

Soc. Hist. Cor., XXIII, 454-455.)

(57) Reg. par.; Arch. Cor.; CHAMPEVAL, Dict. des familles, I. 508; Documents personnels,


montrèrent les Monloys, notamment Martin, dont la belle attitude, en 1532, rangea les siens parmi les meilleurs ussellois. Les Monlouis, riches bourgeois titrés, de cette catégorie sociale qu'on a qualifiée de sous-noblesse, possédèrent un certain nombre de terres : Mareille, Consergnes, la Rebeyrotte, Loche, le Maschat, le Masviel, le Gardet, la Grange du Bost, Pontic, Rouberteix, Toylias, sur la paroisse d'Ussel; Séjéat, sur la paroisse de Saint-Exupéry; la Maison-Rouge et Sudrie, sur la paroisse de Saint-Bonnet-le-Port-Dieu (58).

La branche d'Ussel, tige originaire, produisit des avocats, des procureurs, des notaires, des juges seigneuriaux, un receveur d'amendes, des consuls, un maire électif, des prêtres, des magistrats (Guinot, 1624, 1635); Michel, 1629, 1647; Joseph, 1676) au tribunal d'élection qu'Ussel posséda quelque temps. Elle s'est alliée aux Clédière, aux Bonnot, aux Laval, aux de la Farge, aux de Bonnet, aux Esparvier, aux Jaloustre, aux Andrieu, aux du Couderc, aux Bastisse, aux Pascal, aux Demichel, aux Giraud, aux Danjolie (famille de la mère de Marianne Ternat), aux Rochefort, aux Désortiaux de la Geneste. Antoine épousa (1764) Thérèse Forsse dont le père, Joseph, est le trisaïeul des Forsse encore vivants (58 bis); leur fils, Antoinette Choriol de Ruère, fille de Jean Choriol, ci-devant seigneur de Ruère et notaire royal d'Eygurande. Marie-Jeanne (+ 1763) revêtit le costume gris et blanc des Menettes de Saint-François; MarieUrsule (+ 1758) et Jeanne (+ 1779), le costume noir et blanc des Menettes de Saint-Dominique : c'étaient deux sociétés de pieuses filles qui, explique Delmas (59), « ne faisaient point de vœux, mais vivaient dans une grande régularité, donnant aux enfants les premiers principes de la religion et de la piété, et s'occupant des œuvres de charité recommandées par l'Evangile ». De la branche d'Ussel se

(58) CHAMPEVAL : Bas-Lim., passim.

(58 bis) En 1939, lorsque ces lignes furent écrites. Depuis, les Forsse d'Ussel sont décédés (juin-août 1941). — Les Forsse avaient leurs tombeaux dans l'église paroissiale, au temps de la sénéchaussée. Six d'entre eux y ont été inhumés entre 1669 et 1733 (Reg. par.).

(59) Id., p. 96,


détachèrent, au cours du XVIIe, les Monloys de Mareille et les Monloys de Séjéat. Jean de Monloys, seigneur de Séjéat et de la Maison-Rouge, épousa (vers 1730) Marie de Labarre de Saint-Germain. Joseph-François, seigneur de Séjéat, était allié aux Dupuy de Mirambel (1765). Une petite-fille de Joseph, Gilberte-Marie Monloys, devint, le 18 fructidor an XIII, la femme d'Antoine Laveix, notaire, et lui donna une postérité qui se continue à Séjéat. Ceux de Mareille se distinguèrent par leurs alliances. Marguerite de Labarre de Saint-Germain s'unit à Léonard de Monloys, « seigneur dudit lieu ». Leur fils, Martin-Joseph (1697-1769) (60), entra dans une famille de haute chevalerie en obtenant la main d'Aimée de Lentillac, propre nièce du marquis de Sédières.

De cette union naquit, le 14 décembre 1733, Marguerite de Monloys, qui devait être la femme d'Antoine de Pouthe de la Roche-Aymon, seigneur de la Ville-du-Bois (61).

Dans ce tribunal tranquille, où ne paraissait probable aucune complication grave, il semble qu'une entente parfaite, une mutuelle estime, une confiance réciproque dussent exister entre les magistrats. Il n'en fut pas toujours ainsi, et des dissentiments s'élevèrent en plusieurs circonstances. Je laisse de côté le mémoire Diousidon, excessif et empreint de parti-pris. D'autres pièces sont plus sûres, dont je vais me servir pour citer quelques-uns des faits, heureusement rares, mentionnés dans les archives.

Jean-Louis Delmas et Antoine de Bonnet s'affrontèrent (1746) dans un procès pour affaires de famille. Ils étaient apparentés. Le cousinage résultant de l'union de Jean de Bonnet et de Marie Delmas de Grammont avait été resséré par des alliances communes avec les du Couderc : par celle du grand-père de Jean-Louis Delmas avec Antoinette du

(60) « M. Monlouis de Mareille de la Rebeyrotte. » (1747.) (Arch.

Cor., B. 704.)

(61) Dans la Haute-Marche, près d'Evaux, diocèse de Limoges. Reg.

par.; Doc. divers et personnels.


Couderc, en 1666, et par celle du père d'Antoine de Bonnet avec Marguerite du Couderc, en 1716. Marguerite descendait de Pierre, père d'Antoinette. Cette parenté assez étroite fut la cause du procès. Bonnet gagna au fond; mais, comme chacun avait, dans l'ardeur de la polémique, inséré, en ses écritures, des termes inj urieux pour l'adversaire, Millange, rejetant les demandes de réparation d'honneur, mit sur ce point les parties hors de cour (62).

Delmas de la Rebière, lieutenant-général, et Brival de Lavialle, lieutenant particulier, furent en désaccord. Vous verrez ce qui en résulta, en 1784, de leur mésentente (63).

Un jour, à l'audience, le lieutenant particulier Diousidon et le conseiller de Bay protestèrent contre l'habitude du lieutenant-général de prendre seul certaines décisions. JeanAntoine de Bonnet répondit : d'où s'ensuivit une altercation très vive (64).

Cet incident-ci ne fut, au fond, qu'une manifestation de l'inimitié persistante des Bonnot envers les Bonnet. En 1753 cette inimitié durait « depuis près d'un siècle » (65). L'épisode navrant que voici, succédant à des menaces, des injures, des tentatives d'agression, provoqua une information judiciaire.

Vers dix heures et demie du soir, le dernier dimanche de septembre 1753, Antoine de Bonnet, maire d'Ussel, venait de se coucher en sa maison donnant sur la Place, derrière l'église, quand il entendit frapper au heurtoir de la porte d'entrée. Il se leva, ouvrit une fenêtre, et aperçut un petit drôle qui lui dit apporter une lettre pressante de M. de Saint-Angel (66). Seul ce soir-là, sa jeune femme et ses domestiques étant restés à la Chabanne, il endossa une robe de chambre et, sans bas ni culottes, en coiffure de nuit, un flambeau d'argent à la main, descendit du premier étage.

Le drôle ne se trouvait plus à la porte. Bonnet pensa qu'il

(62) Arch. Cor., B. 521.

(63) Arch. Cor., B. 468.

(64) Arch. Cor., B. 854.

(65) Arch. Cor., B. 854.

(66) Messire de Clary, chevalier, baron de Saint-Ange], conseiller en la Cour des aides de Clenyiont,


était allé s'asseoir sur un banc de la boucherie disposée vis-à-vis et « au-dessous » de l'immeuble. Posant le flambeau sur les dernières marches de l'escalier, il sortit et s'avança vers la boutique. Pas de bruit dans la rue; les gens dormaient, ou se mettaient au lit. Après avoir fait quelques pas, il fut tout à coup assailli par quatre individus munis de gourdins et d'armes, qui le saisirent, deux par devant, deux par derrière, le frappèrent d'un coup de bâton dans le dos, d'un autre coup sur le front, lui donnèrent un coup de poing dans l'œil, écorchèrent son visage avec les ongles, et tentèrent de l'assommer par un nouveau coup de bâton sur la tête que Bonnet parvint à éviter. Aux cris de : Au feu! on m'assassine! poussés par le seigneur de la Chabanne, des voisins ouvrirent leurs volets : aussitôt les malandrins lâchèrent prises, et leur victime courut se réfugier dans la maison du sieur de Mareille, en face de la sienne, « devant l'église ». Joseph de Monloys rentrait de « souper » en ville. Il accueillit Bonnet sur le pas de sa porte, à la seconde même où une balle tirée par un autre bandit caché dans un recoin, manquant son but, passait en sifflant au-dessus de leur tête et allait frapper le volet puis ricocher sur une vitre de la fenêtre basse du sieur de Mareille.

Antoine de Bonnet, « pâle et ensanglanté », avait, rapporteront des témoins, « une grande noirceur et contusion sur un œil, le visage égratigné, une blessure dans le coude du bras droit, et une autre noirceur au bas de la main, où il disait avoir été mordu ». On lui donna les premiers soins.

Accompagné par M. de Mareille et suivi de deux ou trois personnes, il rentra chez lui. Bonnet constata que le flambeau était éteint; il s'assura qu'aucun malfaiteur ne se cachait dans les pièces et, après avoir reçu quelques visiteurs et vérouillé soigneusement sa porte, il se recoucha. Le lendemain tout Ussel prononçait le nom des coupables, et le surlendemain la grand'mère et mère de ceux-ci venait en pleurant exprimer ses regrets à la victime de l'odieux guetapens (67).

(67) Arch. Cor., B. 854, B. 857. — Celui qui tira la balle était le père des jeunes gens qui assaillirent Bonnet lorsqu'il s'avança sur la place,


Des magistrats, passons aux hommes d'affaires. Pour postuler au nom des plaideurs et défendre leurs causes, il y avait des procureurs — les avoués d'aujourd'hui — et des avocats. Ces hommes de loi étaient nommés par le duc.

Les procureurs recevaient des lettres de provision. Presque tous joignaient à leur charge celle de notaire et cumulaient ainsi deux offices distincts. Ils furent nombreux et s'appelèrent Andrieu. Arestier, Aubar, Audouze, Badour, Bastisse, Bessoles, Bonnet, Bonnot, Bonsir, Bosdeveix, Bourzac, Cayre, Ceyrac, Chabanes, Chaminade, Chassagnac, Chaudergues, Conchon, Couffy, Danail, Daubard, Delfau, Demichel, Desplas, Diousidon, Dupuy, Durand, Durand de Beauregard, Durriou, Esparvier, Forsse, Fourest, Friou, Giraud, Giroud, Goudounesche, Guinard, Holier, Jaloustre, Laval, Laveix, Lavigne, Lescrivain, Loche, Longevialle, Martinot, Meschin, Millac, Moncourrier, Moncourrier de Beauregard, Mondon, Monlouis, Monloys, Nochèze, Pascal, Paynot, Pelletaud, Plaze, Pollot, Pradinas, Redon, Rochefort, Roubinet, Roudet, Roussange, St-Supéry, Tessier, Tournadre, Triou, Vergne, Vermeil, Vialatte, etc. Parmi les avocats, on remarque Barrot, Berbray, Bertrand, Blanchet, de Bonnet, Bonnot de Bay, Boyer, Brival, Brousse, Chabanes, Chaminade, Chastanier, Chavialle, Clédière, Counil, Delmas, Desper, Diousidon, Du Couderc, Dumon, Du Plantadis, Esparvier, de Foninartin, Forsse, Galand, de la Farge, de la Geneste, Labou- • noux-Desvergnes, Langlade, Lavergne de Lajugie, Lescrivain, Lissac, Longevialle, de Monloys, Monlouys, SaintSupéry, Sauty de Châlons, Sudour, Tixier (68). Avocats et procureurs avaient leur doyen.

Avant d'entrer en fonctions, ils devaient, devant le tribunal assemblé, prêter serment « de bien et fidèlement exercer leur profession en leur âme et conscience ». Ils pro-

Bonnet porta plainte en s'adressant par « requête, au lieutenantgénéral criminel ès sièges royaux de la ville de Tulle ». (Jarrige du Bournazel.) (Arch. Cor., B. 854.)

(68) Arch. Cor., B. 414 à 493 et B. 501 à B. 687, passim; Reg. par.; HUOT; divers, -


mettaient spécialement de « prêter leur ministère aux pauvres gratis » (69) : et ceci montre que l'assistance judiciaire était pratiquée avant qu'une loi en consacre l'obligation.

Les honoraires des procureurs, fixés par un tarif semblable à celui des cours présidiales du ressort de Bordeaux, furent augmentés le 14 janvier 1744 (70).

Conformément à l'ordonnance royale de 1667, le serment était renouvelé tous les ans, à l'audience de rentrée. Ce jour, le tribunal se rendait en cortège et en robe « dans la chappelle du palais et du collège », à moins que ce ne fût à l'église paroissiale, où il entendait la messe solennelle du Saint-Esprit, précédée du chant du Veni Creator (71). Après quoi, l'audience s'ouvrait « au palais du sénéchal ». Avocats, procureurs, greffiers, huissiers, chacun à tour de rôle, à l'appel de son nom, s'avançait, montait sur le siège et, « devant la Passion figurée de Notre-Seigneur JésusChrist », « entre les mains du lieutenant-général », réitérait le serment, « la main levée à Dieu et un genou en terre » (72).

En dépit de belles qualités, ces hommes ne furent pas sans reproche. A plusieurs reprises la sénéchaussée dut sévir contre eux. C'est ainsi qu'en 1717 il fut interdit à Guillaume Meschin d'exercer pendant quelques temps, parce qu'il s'était, en diverses occasions, ingéré dans la connaissance des causes « nonobstant la présence des magistrats » et « sans suivre même l'ordre du tableau » (73). En 1735 le procureur Chabanes ayant, à l'audience, « manqué de respect » envers le lieutenant particulier Diousidon, celui-ci demanda réparation de « l'injure », et le tribunal, après réquisitoire de l'avocat principal Xavier Chaminade, con-

(69) Arch. Cor., B. 467, 5e feuillet.

(70) Arch. Cor., B. 425.

(71) La dernière messe célébrée « dans la chappelle du collège »,

est du 12 novembre 1789. (Arch Cor., B. 478.)

(72) Arch. Cor., B. 459, B. 4(;3, B. 471, B. 469.

(73) Arch. Cor., B. 642.


damna Chabanes à rester en prison tout le jour et le suspendit pendant trois mois (74).

Au degré inférieur, les huissiers - parmi lesquels Beaune, Bonnefon, Bouhaud, Bourdanchon, Bousset, Chaize, Chiniac, Chirol, Continsouzas, Diousidon, Goudounèche, Ignie, Machat, Maignac, Marchandon, Mauriac, Mongenot, Montanier, Peyrelade, Pourville, Pradinas, Vedrenne, Vennat — méritèrent, eux aussi, des punitions sévères, L'un, étant « d'une ignorance crasse », dit le texte, dut rembourser les frais qu'il avait engagés dans une saisie. Pour négligences jugées inexcusables, un autre subit la suspension temporaire. Un troisième, ayant fait à tort un procès-verbal d'exécution, paya dix livres de dommages-intérêts. Une amende de vingt livres fut infligée au sieur Besson qui avait exploité sans être provisionné ni avoir prêté serment. Un autre encore, fils d'huissier, s'étant attribué le titre et les fonctions, avait été ajourné devant le tribunal et subissait un interrogatoire au moment, heureux pour lui, des événements de 1789 (75).

Mais voici que les officiers du siège — sanctionnant leurs subordonnés hiérarchiques — étaient à leur tour frappés par leurs supérieurs. En 1741, le duc de Ventadour révoquait Jean-Louis Delmas, procureur principal (76). En 1784, la Souveraine Cour du Parlement de Bordeaux, dont ressortissait la sénéchaussée, punit sévèrement le tribunal pour une faute qui, maladroitement révélée, parut grave. Il s'agissait de ces épices sur lesquelles comptaient nos magistrats qui avaient acheté leur charge et ne recevaient point de traitement de l'Etat. Je laisse parler le procureur général.

Il y eut « scandale » à notre audience, dit-il , « par la représentation d'un billet écrit par le lieutenant particulier au lieutenant-général de Ventadour », aux termes duquel « le premier annonçait au second que certain procès dont

(74) Arch. Cor., B. 417.

(75) Arch. Cor., B. 447, B. 660, B. 452, B. 521, B. 628, B. 630, B. 471, B. 467, B. 534, B. 524, B. 478, B. 636.

(76) Arch. Cor., B. 422,


les épices avaient été consignées d'avant venait d'être terminé par une transaction, et que les parties voulaient retirer les épices. Sur quoi il invitait le lieutenant-général à rapporter à juger à eux deux ce procès sans appeler un troisième juge, et à partager entre eux ce qui reviendrait au troisième sur lesdites épices. Le lieutenant-général qui le produisit, continue le Procureur, espérait de faire reverser toute l'horreur de ce crime sur le lieutenant particulier son adversaire, parce qu'il se flattait de pouvoir dérober à la Cour la connaissance de la sentence qu'ils rendirent de concert et qu'ils ne craignirent pas d'antidater de six jours avant le billet ». En punition, le tribunal entier, composé de Jean-Baptiste Delmas, lieutenant-général; Brival, lieutenant particulier; Demichel, conseiller; Chastagner, procureur principal; Monlouis, avocat principal, et du greffier en chef, Pierre Moncourrier de Beauregard, estimé « pas moins coupable », fut, par arrêt du 10 juillet 1784, transcrit sur les registres du sénéchal le 17 juillet, suspendu de ses fonctions et remplacé par le présidial de Tulle. L' « interdit » devait être levé le 31 août en faveur de Monlouis, Demichel et Moncourrier. Delmas dut attendre jusqu'au 21 juillet 1785, et Chastagner jusqu'au 7 août suivant (77).

Restait Brival. Au début de 1786, Pierre (de) Bonnot, juge de la Gane, avocat en parlement, était nommé lieutenant particulier (78).

(77) Arch. Cor., B. 468, B. 469, B. 470, B. 633, B. 472.

(78) Provisions du 4 avril 1786. Prestation de sermet et installation du 26 juin 1786. (Arch. Cor., B. 633, B. 472.)


II

Où siégeait la Sénéchaussée?

Dans quel bâtiment la sénéchaussée ducale était-elle installée? Où tenait-elle ses audiences?

Aux termes du contrat de 1599, l'édifice attribué à la sénéchaussée devait être la « Maison de Vanthadour » sur la place « appelée le marché du bled ». Mais quelle place était, au XVIe siècle, celle du marché au blé, place désaffectée par la translation du marché sous la Halle au commencement du XVIIe? II y avait, autour de l'ancien château, plusieurs points pouvant servir à cet usage. En vain, j'ai cherché dans les manuscrits l'indication des immeubles entourant le marché. Delmas lui-même n'a, deux siècles après, produit aucune justification écrite.

Laquelle était cette « Maison de Vanthadour » qui existait en 1599 et, indique l'acte, « avec toutes ses appartenances et deppendances demourera et sera perpétuellement acquise pour la séance, tenue et administration dudict siège et officiers d'iceluy », Fût-ce dans cet immeuble qu'a été installé le tribunal? Devant désigner le Palais de Justice suivant les conventions originaires, le mot « Maison de Ventadour » aurait-il suivi le tribunal, à quelque endroit qu'il fût installé, plutôt que de rester l'appellation particulière d'un seul et même immeuble? Et pourtant, nulle part, même dans les placets présentés au lieutenant-général ou à un membre du siège, je n'ai relevé ce nom; et pas davantage je n'ai entendu citer cette maison par de très vieilles dames qui vivaient, jeunettes, au temps où Paul Huot composait son ouvrage. La Maison Ventadour : c'est le château ducal qu'on désigne habituellement ainsi.

L' « estat des frais » d'établissement de la sénéchaussée mentionne l'achat d'une « maison » où l'on fit « blanchir » une salle et faire des « sièges au barreau ». Cet état, s'il précise le prix d'acquisition (684 « escuz »), ne dit point


qu'il s'agisse de la « Maison de Vanthadour » (non plus d'ailleurs que de toute autre); et, en supposant que le tribunal siégeât dans cet immeuble en 1612 (1), a-t-il continué d'y demeurer? D'autre part, quand les contractants de 1599 affectèrent la « Maison de Vanthadour » à la sénéchaussée, ils ne parlèrent nullement d'opération pécuniaire. Néanmoins, comme on vient de le voir, un immeuble fut acheté dans le but d'en faire « la maison du siège ducal ».

Lorsque Paul Huot (vers 1855) étudia les Archives municipales d'Ussel, il dut constater l'imprécision des actes.

Pour reconnaître le « palais du seneschal », il disposait d'un passage du livre de Delmas situant l'ancien marché au blé « entre les maisons de MM. Lacoste, Cayres, Lanly et Damarzid » (2) ; et lui-même avait entendu appeler « Maison de Ventadour » un bâtiment sis en ce coin et « flanqué d'une tour à porte ogivale » (3). Sans être sûr de l'emplacement du marché (4), puisque Delmas n'apporte la moindre preuve, mais frappé par la similitude du terme « Maison de Venthadour » avec l'expression employée en 1599, le commentateur du Livre Noir inféra que la sénéchaussée avait son siège dans l'habitation qui touche à la tour de Soubise et sert actuellement de presbytère. Il s'efforça d'appuyer son dire par des témoignages oraux.

Que penser de cette désignation? Elle est basée sur la transmission orale, et l'on sait quelle déformation subissent les faits en passant de bouche en bouche. Pour comble, les indications verbales recueillies par Huot sont vagues et ne présentent aucun intérêt historique. Huot ne sait pas où placer exactement la salle d'audience : « vraisemblablement », dit-il, elle se trouvait au rez-de-chaussée; j'ai la « conviction » qu'elle n'était pas « en haut »; cependant,

(1) Date de l'état des frais. (HUOT, p. 22.) Voir ci-dessus, p. 2.

(2) Id., p. 65.

(3) HUOT, id., p. 19, en note.

(4) « .une petite place qui a dzÎ, en effet, servir de marché au blé. »

(HUOT, id., même page, même note.)


il est possible qu'elle fût au premier étage (5). Hésitation frappante, et qui montre la fragilité de ce qu'il avance, sans justification, sur l'immeuble dont il parle! Les personnes interrogées ont été incapables de lui indiquer, dans cet immeuble, l'emplacement de la pièce la mieux connue : la salle d'audience! En réalité, il n'a obtenu de ces personnes nul renseignement précis et sûr, et il écrit d'après des dires improbants. « La tradition orale s'efface vite, ne dépasse jamais le siècle », — estimait Maurice Barrés : après une période de soixante-cinq ans marquée d'événements qui troublèrent les esprits, cette tradition était devenue incertaine et confuse.

S'il semble exact que la maison renferma des services de la sénéchaussée, il est permis de douter qu'elle fut le siège du tribunal. J'ai peine à croire que les audiences avaient lieu dans la pièce en contre-bas dite présentement salle Jeanne-d'Arc; qu'une salle aussi exiguë et mal placée, sombre, humide, utilisée un moment comme écurie à chevaux, ait été l'endroit choisi pour la tenue de l'audience et le développement des débats d'une sénéchaussée ducale. Huot ne paraît guère persuadé. Pourquoi, au lieu d'inclure dans son texte l'importante fixation du local judiciaire, se bornet-il à signaler l'endroit par deux courtes notes imprimées en petits caractères au bas des pages? Et n'est-ce pas remarquable que le dernier président de la sénéchaussée, JeanBaptiste Delmas, qui publia l'Histoire d'Ussel en 1810, ait donné à la demeure le nom de son propriétaire du moment (Lacoste), et n'ait point indiqué, ou seulement laissé entendre, que les officiers du sénéchal avaient siégé là? Raymond Lacoste n'en dit rien non plus en décrivant cet étroit logis dans sa brochure sur l'abbé Demichel.

L'immeuble est formé de deux petits bâtiments distincts, liés ensemble. Le plus ancien, celui de droite, existait-il à la fin du XVIe siècle? Dans ce quartier on a utilisé des restes du vieux château pour faire plusieurs habitations. L'enca-

(5) HuoT, id., p. 22, en note.


drement des fenêtres, le fronton des portes, le devant des cheminées ont peut-être été rapportés d'ailleurs, et nous risquons d'attribuer à telle maison plus d'ancienneté qu'elle n'a. En admettant qu'il existât en 1599, et que la sénéchaussée y fût établie au commencement du XVII", il sied

USSEL. — Tour de Soubise et presbytère actuel (à gauche).

Au fond, Ancienne Maison Chaminade-Forsse.

(Cliché du Syndicat d'Initiative d'Unel).

d'imaginer que celle-ci, ne pouvant tenir dans un logement aussi mince, occupait aussi la tour de Soubise et se prolongeait dans la construction posée sur le roc à l'extrémité droite. Cette construction, qui fait corps avec la tour et doit être de même date, n'a qu'une pièce à chaque étage, mais possède des fenêtres ouvragées dans le style de la Re-


naissance et garde, à l'intérieur, deux belles cheminées qui sont un témoignage de son luxe d'autrefois. On accédait aux étages par la tour de Soubise, à l'aide d'un escalier en pierre et à vis transporté depuis peu dans la tourelle du clocher de l'église paroissiale. Plus tard — car il n'est point question d'agrandissement, mais seulement d'achat et de réparations en l'état de 1612 — fut bâti le côté gauche, élargissant l'espace.

Etait-ce là réellement? A la vérité, rien ne l'établit. Delmas, qui connaissait, a gardé le silence, et Huot, qui ne connaissait pas, désigne un local. Que Huot ait nommé le véritable endroit, c'est possible; mais il n'a pu trouver aucun texte justificatif, et les déclarations verbales par quoi il a tenté de suppléer à 'Cette insuffisance ne lui ont valu que déceptions. La preuve convaincante lui a manqué : il nous laisse dans une incertitude.

Que penser et que conclure? A défaut de textes, la tradition subsiste — cette transmission orale dont un écrivain disait qu'elle « va, avec le temps, en se déformant et en s'amenuisant ». Du moment qu'il n'y a mieux, il faut l'accepter telle qu'elle se présente et, ainsi, admettre que la sénéchaussée occupait les bâtiments accolés à la tour de Soubise, avec une petite salle de réunion dans la pièce du bas. Mais, puisqu'il est permis de croire, devant l'insuffisance des documents et le vague de la tradition, que le siège, en sa hantise des présidiaux, disposait d'une autre salle d'audience réservée sans doute aux séances importantes, quels locaux avoisinants pouvaient donc convenir à celle-ci?

Le bâtiment à tour quadrangulaire situé devant le château actuel et séparé de lui par une petite place qu'une autre petite place (6) prolonge, contint, au rez-de-chaussée, la prison ducale : détail émanant de Delmas (7) qui, je pense, appelle rez-de-chaussée la partie basse regardant le château

(6) L'ancienne place Saint-Pierre.

(7) Id., p. 66.

I


et servant aujourd'hui de remise et de bûcher. Ce qu'il y avait aux deux étages, Delmas ne le dit pas; mais chacun d'eux, le premier surtout, qui donne de plain-pied sur « la Halle », offrait la disposition d'une salle d'audience appropriée. Serait-ce là?

Ou encore à la mairie (8). Un manuscrit du XVIII", déjà cité, parle de la « chappelle du palais et du collège », à l'occasion d'un office religieux célébré devant le corps judiciaire (9). Il n'y avait qu'une seule chapelle pour les deux institutions. Or, le collège, fondation des Ventadours au XVIe siècle, était, antérieurement à la Révolution, établi dans les bâtiments devenus ensuite et à la fois hôtel de ville, prison et sous-préfecture, bâtiments précédés d'un espace assez large pour avoir pu constituer une place, autrefois, dans l'enceinte des fortifications. Et comme le tribunal ae première instance qui succéda en 1790 à la sénéchaussée résida dans cet immeuble jusqu'en 1826, on est peut-être en droit, ici également, de ne pas suivre Huot lorsque, en tout temps et en toute circonstance, il met la salle d'audience dans un local indigne de la Cour de Justice d'un grand fief de France (10).

(8) Rue des Sans-Culottes.

(9) Arch. Cor., B. 471, et ci-dessus, p. 20

(10) Bien qu'enseignant depuis la 7" classe jusqu'à la rhétorique, le collège d'Ussel logeait en un espace fort restreint. Le règlement de 1771, qui le rétablit après un temps de suppression, lui attribue quatre chambres de professeurs, deux salles (étude, dortoir) pour les pensionnaires, trois pièces pour les classes, une cuisine, des logements pour les domestiques, « les greniers, caves, basse-cour et jardin nécessaires ». Le corps professoral devait comprendre un principal et trois régents, chacune des trois classes étant doublée. Au cours des années suivantes, le collège « essuya une émigration » telle qu'on ne prévoyait, en 1780, que 40 à 50 écoliers. On espérait de prochaines arrivées qui doubleraient le nombre des élèves dans un délai de quatre ans, et l'on envisageait pour 1785 un 4e professeur. Une partie des locaux et des dépendances restait disponible, comme indique le rédacteur du statut de 1771 en exprimant le regret que « tous les bâtiments » ne soient pas occupés par le seul collège. (Arch. dép. HauteVienne. Bull. Soc. Hist. du Lim., t. XXII, pp. 296 à 307.)


III

Nature des rapports entre la ville d'Ussel et les Ventadours

Comment se présentait les rapports entre Ussel et les Venladours à l'époque de la sénéchaussée?.

USSEL. — Hôtel ducal de Ventadour.

(Cliché de la Corrèze Républicaine i Brive).

La transaction de 1532, que vint renforcer celle de 1622, avait fixé la nature des rapports. Mais les transactions étaient* elles-mêmes l'aboutissement d'une lutte de plusieurs siècles qui va être brièvement rappelée.

Du vivant d'Ebles VI, en 1264, il se produisit un de ces désaccords assez fréquents entre le vicomte et les consuls,


qui soutenaient énergiquement les intérêts de la communauté. Le cas était si grave qu'il fallut prendre un arbitre.

On choisit Bernard de Ventadour, archidiacre de Limoges, oncle d'Ebles. L'arbitre put amener les parties « à composition »; et Ebles donna peu après, à Ussel même, des lettres patentes ainsi conçues : « Nous, Ebles, vicomte de Ventadour, scavoir faisons à tous (ceux) qui ces présentes lettres verront que nous confirmons et approuvons toutes les coustumes que les consuls et la communauté de la ville d'Ussel ont, tiennent et possèdent., et promettons pour nous et nos héritiers et successeurs, sous serment corporel, à l'avenir et perpétuellement, défendre et irrévocablement observer lesdictes coustumes. » (1).

Ce serment, un des plus anciens titres d'Ussel, constitue aussi une pièce des plus importantes. Ebles approuve toutes les coutumes locales. Il promet de les respecter, de ne rien faire contre elles. Bien plus : il s'engage à les défendre.

Mieux encore : l'engagement vaut, non seulement pour luimême, mais encore pour ses successeurs, et à perpétuité.

Pourquoi de pareilles promesses, de la part d'un tel seigneur? Parce que les Ussellois n'étaient pas unis aux Ventadours par le lien féodal, et que ceux-ci ne furent pour eux que des seigneurs haut-justiciers. Les Ventadours, en 1264, n'eurent peut-être d'autre geste à faire que de « reconnaître », une fois de plus, les droits dont la ville jouissait depuis un temps immémorial, et qui provenaient, suivant Huot, de son allodiale origine. Mais Ebles VI dut faire ce geste de mauvaise grâce, puisqu'il y eut « composition ».

Après des affirmations si nettes, les Ussellois pouvaient avoir, ce semble, une tranquillité entière. Fût-ce méfiance?

A la requête de leurs consuls, le serment était renouvelé solennellement par le successeur d'Ebles, vicomte Hélie, à son entrée dans la ville, « l'an de l'Incarnation 1298, le jeudi après la fête Saint-Hilaire ». Hélie jura, entre les mains des consuls, sur les saints Evangiles, de « tenir et

(1) Charte de 1264 et vidimus de 1343 (Archives d'Ussel) et HUOT, pp. 28 et 46,


conserver les franchises, coustumes et statuts que les consuls,.- communauté et habitans de ladicte ville ont eus et tenus de toute antiquité » (2).

Les Ussellois n'oublieront point cette cérémonie. Nous les voyons au xv" siècle refuser de prêter au comte Louis le serment de fidélité, tout en le reconnaissant comme seigneur de justice. Au XVIe siècle, ils maintiendront qu'ils ne doivent aucun serment à titre de fief et de domesticité, puisque, remarquent-ils, leur communauté « n'a, du comte, nulle chose en fief noble » et qu'ils ne sont ni ses domestiques ni ses serviteurs (3). Dans un moment difficile, ils prendront texte de l'acte de 1298 pour rappeler que les comtes leur doivent, au contraire, le serment de garantie. Et ils auront gain de cause. Par la transaction du 2 février 1532, ils obtiendront une nouvelle confirmation des « libertés, privilèges, authorité, prééminence, juridiction, franchises et coustumes » dont ils ont « usé et joui par le passé » et, de nouveau, l'assurance qu'ils continueront à en user et jouir « de la même manière et dans la même forme ». En une autre clause du même traité, le comte reconnaîtra enfin que les consuls, manants et habitants d'Ussel ne sont pas tenus envers lui au serment de fidélité (4). Quand le même seigneur entrera solennellement à Ussel, il s'arrêtera tout d'abord devant la porte Duchier pour prêter aux consuls en robe rouge et tête nue le serment que le vicomte Hélie, son lointain prédécesseur, avait déjà renouvelé en 1298 (5).

Henri de Lévy, duc de Ventadour, pair de France, comte de la Voulte, refera lui aussi, en des circonstances semblables, le même serment devant la même porte (6).

On doit admirer ici de belles qualités de l'âme usselloise : une volonté, affirmée à travers les générations, de maintenir

(2) Acte de 1298 (Archives d'Ussel) et HUOT, p. 30.

(3) « .nec habebant aliquam rem in feudum nobile ab ipso domino comité., nec domestici nec familiu. »

(4) Livre Noir, pièce 4° (HUOT).

(5) Livre Noir, pièce 6" (HUOT).

(6) Livre Noir, pièce 7" (HUOT).


intactes les libertés communales; une énergique résistance aux prétentions qui pourraient les amoindrir; une fidélité constante à la signature inscrite au bas des actes. La transaction de 1532 est un chef-d'œuvre : les Ussellois ont su négocier un accord sans faire aucune concession au délégué comtal et obtenir pleine satisfaction sans céder quoi que ce soit des droits précédemment reconnus. Leur énergie se manifesta encore lorsqu'il s'agit d'obtenir de l'autorité seigneuriale la ratification de l'accord. Le comte et sa mère se trouvaient au château de la Voulte, en Vivarais. Au bout d'un an ils n'étaient pas rentrés à Ventadour. Avec raison les Ussellois s'inquiétaient, craignant que le comte Gilbert ne veuille plus signer une décision que son mandataire (7) avait dû accepter dans des conditions désavantageuses. Il fallait en finir. Résolument et courageusement, l'un des consuls, Martin Monloys, enfourche un cheval, se fait suivre d'un notaire et d'un témoin, et tous les trois chevauchent vivement vers la Voulte par le pont des Salles et Saint-Angel.

Ils arrivent sur les bords du Rhône. Auprès de la comtesse et de son fils, Monloys opère adroitement et obtient la ratification. Il est si habile et si résolu qu'il introduit dans l'acte une disposition supplémentaire. Et il revient, triomphant, vers ses compatriotes soulagés.

Audacieuse démarche, couronnée d'un succès éclatant, et belle page de l'histoire d'Ussel!. C'est également un aperçu de la lutte, tantôt violente, tantôt sourde, menée par les consuls contre les seigneurs, durant cinq siècles, pour le maintien des libertés traditionnelles et l'accroissement du bien-être de la population. Avec quelle ardeur, quel dévouement, quelle conviction, quelle fermeté, quelle persévérance, les consuls agissaient! Et quelles réussites, parfois brillantes, récompensaient leurs hardis et opiniâtres efforts!

En 1622, « toutes contestations entre les seigneurs de Ventadour et les habitants d'Ussel furent terminées par

(7) Antoine Andrieu, écuyer, seigneur de la Ganne, élu pour le roi en Bas-Limousin (HuoT, id., pp. 3 et 4),


une transaction passée devant les Conseillers du Roi, notaires au Chàtelet de Paris » (8).

Ainsi, entre Ussel et les Ventadours, aucun lien féodal : les Ventadours n'étaient pas, n'avaient jamais été, ne seraient jamais seigneurs féodaux de la ville. Mais ils possédaient sur celle-ci des droits de justice, que les ducs continuèrent d'exercer par l'intermédiaire de leur sénéchal (9).

IV

Les Affaires. — Audiences. Fériés. Composition du Tribunal. Compétence. Etendue juridictionnelle. — Causes civiles. Noms de plaideurs.

Appels de justices ordinaires et seigneuriales. — Décision d'intérêt général. — Enregistrement et publication d'actes d'autorité supérieure.

— Décès du duc de Ventadour. — Au Criminel. Faits punissables. —

Les fours banaux. L'Aubépin. Barbier de Villeneuve. — L'émeute de Maumont. Les incartades de trois jeunes Ussellois. — Recèlements de grossesses. Marie Astier. Autres peines. Libertinage. - L'assassinat du Seigneur de Margerides.

Une fois par semaine, le tribunal siégeait, assez régulièrement durant toute l'année, à l'exception de la période des fériés. En 1700 — date à partir de laquelle les plumitifs ont été conservés — il y eut 21 audiences en 7 mois; en 1701, 35 en 10 mois; en 1735, 27 en 7 mois; en 1770, 23 en 7 mois. Les fériés ne commençaient ni ne s'arrêtaient à jour fixe; elles allèrent, en 1700, du 13 septembre au 15 novembre; en 1701, du 7 septembre au 14 novembre; en 1708, du 20 juillet au 2 octobre; en 1735, du 18 juillet au 12 septembre; en 1736, du 20 juillet au 10 septembre; en 1737, du 19 juillet au 20 septembre; en 1770, du 16 juillet au 10 sep-

(8) DELMAS, id., p. 77.

(9) En 159!), les « seigneurs de Chasteauvert et d'A ngla rdz » avaient « quelque droict en la justice de la ville » (Contrat du 15 novembre 1599). Ils vendirent leurs parts aux Ventadour : les Chateauvert, le 7 novembre 1612, les d'Anglards le 17 juillet 1658.


tembre; en 1771, du 19 juillet au 9 septembre; en 1785, du 2 septembre au 14 novembre, avec audiences extraordinaires les 12, 17, 20, 23 septembre, les 29 et 31 octobre et le 6 novembre (1). On désignait, du nom général de « séance » (2) tout le temps de travail compris entre la première et la dernière audience de l'année judiciaire : séance, c'est-à-dire le temps durant lequel le tribunal était séant, siégeait.

C'est le lundi qu'avaient lieu les audiences. Rarement furent-elles tenues un autre jour. Il y en eut seulement 3 le mardi et 2 le mercredi en 1700; 9 le mardi et 2 le mercredi en 1701; 2 le mardi en 1735; 5 le mardi et 2 le vendredi en 1770. Elles s'ouvraient, soit à neuf heures, soit à dix heures du matin, suivant la saison. Le règlement de 1784 les fixa au lundi et au vendredi de chaque semaine, à dix heures de l'ouverture de la séance à « quasimodo », et à neuf heures « depuis quasimodo jusqu'à la fin de la séance » (3). Une heure avant le commencement des audiences, les procureurs devaient, à peine de rejet, « présenter en l'hôtel du président leurs cartels et placets » (4). Il n'y avait pas d'audiences spéciales pour les affaires criminelles (5).

Quand le lieutenant-général manquait, le lieutenant particulier présidait l'audience et un avocat ou un procureur complétait le tribunal. Le conseiller, le procureur principal, l'avocat principal présidèrent quelques fois. En même temps conseillers, le procureur et l'avocat purent exercer les fonctions de juge, le cas échéant (6).

(1) Arch. Cor., B. 414 à B. 479.

(2) Arch. Cor., B. 463, B. 469. Voir aussi le contrat du 15 nov. 1599.

(3) Arch. Cor., B. 414 à B. 479. — Règlement pour la tenue des audiences (1784) : B. 469.

(4) Arch. Cor., B. 469. — « .A Ussel, en nostre hôtel, par devant nous, Antoine de Bonnet. » (1723); « .A Monsieur le Sénéchal de Ventadour ou Monsieur son lieutenant. » (1702-1750). (Documents personnels.)

(5) Au présidial de Tulle les affaires civiles ne furent séparées des affaires criminelles qu'à partir de 1780 (Arch. Cor., B. 804),

(6) Arch. Cor., B. 414 à B. 687, passim.


Henri III de France avait octroyé au sénéchal de Ventadour des pouvoirs équivalents à ceux des autres sénéchaux du royaume, réservant toutefois les « cas royaux » (1578).

Ressortissaient de la cour ducale les causes civiles et criminelles que les vassaux et arrière-vassaux eussent auparavant intentées en première instance devant le siège royal de Tulle. La sénéchaussée formait le tribunal d'appel des justices ordinaires et seigneuriales incluses dans le duché, tandis que les appellations des jugements du sénéchal allaient, suivant leur importance, devant le présidial de Tulle ou devant le parlement de Guyenne (7). Privilège insigne accordé à un simple duc, hier comte, demain pair.

En première instance, écrivait Pierre-Léonard Diousidon, la sénéchaussée de Ventadour comprend la ville d'Ussel avec ses cinq faubourgs et près de cent villages qui en dépendent. En appel, elle embrasse « plus de cent cinquante juridictions, un grand nombre d'abbayes ou de prieurés, et plusieurs terres composées de dix, douze ou quinze paroisses. Son ressort est plus étendu que ceux de Tulle et de Brive; ceux de Nevers et de Montpensier sont les seuls qui puissent lui être comparés » (8). Le ressort s'étendait d'Herment à Tulle, de Neuvic à Donzenac, de Saint-Setiers à Saint-Chamans, et couvrait, de l'aveu d'Henri III, « une des plus belles et antiennes » terres du « royaulme ».

Parmi les affaires jugées en première instance — de 1700 à 1789 — on remarque assez fréquemment des poursuites contre des tenanciers. Les grands noms du pays limousin apparaissent ici : Joseph de Bort, chevalier, seigneur de

(7) Lettres patentes de février 1578 (reproduites par HuoT, id., pp.

24 et 25). Arch. Cor., B. 583.

On pouvait donc, pour les litiges nés dans le ressort, s'adresser directement au sénéchal, sans passer par un juge subalterne. Si l'on avait saisi ce dernier, et que l'on fit appel de sa sentence, l'appel devait être interjeté, obligatoirement, devant le sénéchal.

(8) Cité par HuoT, id., p. 103. — « Ce ressort, un des plus étendus de l'époque. » (René FAGE, Excursions limousines, II, 130.)


Pierrefitte (1769); Jacques de Castries, baron d'Anglards (1743); Marie d'Escars, veuve de François d'Hautefort, marquise de Saint-Chamans (1743); Françoise de Fontanges, marquise de Maumont (1743); Louis, marquis de Fontanges (1771); Joseph de Gains, seigneur de Montaignac (1744); Jean de Joussineau, comte de Tourdonnet (1784); Jean de Lauthonie, seigneur de Lagarde (1771); Raymond de Lavaur, comte de Sainte-Fortunade (1748); Hercule-Mériadec, prince de Rohan, et Charles de Rohan, prince de Soubise, seigneurs du duché de Ventadour (1747); LouisFrançois de SOlldeilles, marquis de Saint-Yrieix, la Gane, le Bazaneix, lieutenant du roi en la province du Limousin (1741); le marquis d'Ussel, baron de Chateauvert (1763).

Il y a aussi François Dubois, seigneur de Margerides et de Saint-Julien (1787); Gabrielle Fénis de Lacombe et son fils, Charles-Ignace Chauveau, baron de Rochefort (1772); Jacques de Fénis de Tourondel, brigadier des gardes du corps (1786); Guillaume Chassain de Fonmartin, seigneur de Charlusset (1777); Jean de Fonmartin, seigneur de la Mauriange (1755); Antoine de Pouthe de la Roche-Aymon, seigneur de la Ville-du-Bois, Mareille, etc. (1778). Les tenanciers s'appellent Beynes, Chambiges, Clément, Combes, Faugeron, Lacroix, Manzagol, Mempontel, Monéger, Mignon, Rebeyrix.; les lieux, Bourbouleix, ChantegriJ, Chassagnac, la Doullange, Lespinasse, le Mazel, la Rebière, Valiergues, Vernéjoux, Vernengeal (9).

Les demandes d' « avérations » de signatures ou de promesses entraînèrent des procès entre Jean Arzilier, voiturier d'Ussel, et le seigneur de la Chabanne (1745); entre Guillaume Blatin, négociant de Clermont-Ferrand, et Guillaume Demichel, de Saint-Dezéry (1789); entre François Boy, sieur de la Combe, et Roger Dufayet de la Tour, écuyer, seigneur de la Bastide (1760) (époux d'Angélique Ebrail); entre Antoine Dufayet de la Tour, lieutenant au régiment de Poitou-Infanterie (fils de Roger), et Antoine Demasson,

(9) Arch. Cor., 13. 414 à B. 479, passim.


seigneur de Saint-Félix, écuyer (son gendre; marié à Jeanne du Fayet) (1783); entre Catherine Champeval, veuve de Jean Laselve, maître chirurgien à Neuvic, et Jean Lavergne, curé de Saint-Etienne-aux-Clos (1745); entre Michel Clédière, étudiant au collège de Tulle, et Jean Chavaignac, bourgeois d'Ussel (1760); entre François Dupont, marchand de la ville de Tulle, et Marguerite de Bonnet, veuve du sieur de Badour (1735); entre M. de Lasserre, de Neuvic, et M. de Lamazière (1700); entre les frères Mandon, d'Ussel, et Jean de Fonmartin de Lespinasse (1737); entre Jean Puyraimond, marchand de Saint-Julien-près-Bort, et Annet Sauty de Châlons (1769), procureur d'office de la justice d'Aix, notaire royal, époux de Catherine Eybraly (fille de GilbertVincent Eybraly, sieur de l'Ebraly, et de Marie Lignareix) ; entre, d'une part, haut et puissant seigneur Léonard, marquis d'Ussel, officier au régiment du Roi, et Jean-Hyacinthe, vicomte d'Ussel, chevalier honoraire de Malte, et, d'autre part, Antoine de Bonnet, seigneur de la Chabanne (1787); entre Martin Vialatte, syndic de l'hôpital d'Ussel, Mathieu Vialatte, cavalier de la maréchaussée, et M. de Fonmartin de la Mauriange (1750) (10).

(10) Arch. Cor., B. 426, B. 479, B. 439, B. 564, B. 426, B. 417, B. 414, B. 419, B. 541, B. 474, B. 431. — Gilibert l'Ebraly et Marie Lignareix étaient déjà (1724) les beau-père et belle-mère de Jean Forsse, bgs, chirurgien.

Annet Sauty : avocat; notaire royal (1759, 1774); procureur d'office des juridictions d'Aix (1769), d'Eygurande (1777), du Chavanon et de Charboudèche (1782), seigneur de Châlons (1763, 1785). (Arch. Cor., B. 446, B. 485, B. 541, B. 626, B. 629, B. 440, B. 470.) 1766 : « D'après l'examen d'une reconnaissance de 1497, il est reconnu haut, moyen et bas justicier du village de Chaslon. » (B. 446.) Châlons, par. d'Aix.

L'Ebraly, par. de Saint-Dezéry. — Aux environs de 1744, GilibertVincent Eybraly, riche négociant de la région, acquit la terre noble de l'Ebraly (le petit Eybrail, l'Eybraily), ancien fief des Bonnet de la Chabanne et des Andrieu du Teil, et, comme les Andrieu, se titra sieur de l'Ebraly. Peu d'années après, à la suite du mariage d'une de ses filles, cette propriété devint la possession et la résidence des Sauty de Châlons. Les Eybraly demeurèrent dans le voisinage, principalement à Catalot, même paroisse; au village de la Jaloustre, par. d'Aix, dans un domaine acheté en 1741 par Gilibert qui l'habitait en 1753; et au Chassergue, par. de Courteix, où se fixa un des derniers enfants de Gilibert, François, époux d'Anne Redhon. Le fils aîné de François,


Retrait féodal, retraits lignagers, rétribution de messes, contestations de droits de justice, rentes dues, comptes entre parties, successions, saisies, dettes, autorisations de justice, vérifications d'écritures, interprétations d'écrits, provisions alimentaires, propriété, passage, serments décisoires, exécutions d'obligations ou de promesses, troubles de possession, recours de tenanciers, telles sont des affaires inscrites sur les plumitifs d'audience (1700-1789), où figurent aussi des séparations de biens et des séparations de corps : séparations de biens poursuivies par Marie-Charlotte Autier de Villemontée contre Antoine Delmas de Grammont (1783); par Françoise Bouharde contre JeanBaptiste Meschin (1712); par Marguerite Gorsse contre Jean Dubois de Margerides (1763); par Pierre de Laborde contre Elisabeth de Neuchèze (1771); séparation de corps, par Jeanne Arzilier contre Firmin Barbier de Villeneuve (1781), par Irénée Col de la Porte contre Joseph de la Croix de Castries (1782), par Françoise de Loyac de la Bachellerie contre Hierosme de Douhet d'Auzers qui l'avait un jour dé-

Gilbert (1773-1813), marié à Françoise Sapin (a), vécut au Chassergue, et son fils Charles-Eugène y naquit en 1809. Cette branche était la plus riche, la mieux apparentée, la plus cultivée de la famille dont certains membres, moins favorisés, retombèrent en paysannerie. Son nom changea progressivement : Eybraly, Leybraly, Lébraly (1809), L'Ebraly, l'Ebraly (b). Maire de Courteix sous l'Empire, Gilbert signait avec soin : L'Ebraly. Ce sont les Eybraly du Chassergue, devenus l'Ebraly, qui, entre 1829 et 1837, après l'éloignement (c) ou la mort des Sauty de Châlons, s'établirent au lieu et sur la terre de l'Ebraly, actuellement héritage des arrière-petits-enfants de Charles-Eugène.

(Reg. de l'état civil; Arch. Cor., B. 517, B. 658, B. 594, B. 550, B. 622; CHAMPEVAL, Bas-Lim., pp. 268 et 354.) (a) D'abord Sapin (1809-1811), puis Sappin de Roussine (1829-1837).

(b) Pour le rameau de Chassagnac-Chaveroche (auteur : Noël JeanBaptiste, 1789-1839, frère cadet de Gilbert) la transformation s'est arrêtée à : Lébraly.

(c) Août 1940 : X. Sauty de Châlons, conseiller honoraire à la Cour des Comptes. — Guillaume, son fils.

Février 1941 : Louis Chalus du Chéry et sa femme, née Sauty de Châlons, au château des Maillets, près de Dornes (Nièvre).


pouillée de ses vêlements et fustigée dans la basse-cour de leur résidence de Laveix (1771) (11).

Pour tous ces procès, une foule de plaideurs vint en justice. Leur énumération exigerait un volume et dépasserait le cadre de cette étude. Il convient toutefois d'ajouter quelques noms à ceux indiqués ci-dessus. Voici Jean Beaune, tambour-major de la milice (1759); Jérôme de Boucheron, curé d'Ussel en 1701, Jean Ternat en 1717, Pierre Laurens (licencié ès droits civil et canon) en 1742, Pierre Ternat en 1761, Pierre Forest de Masmoury en 1789; Etienne de Cardaillac, prieur de la Fage (1732); Jean de Cardaillac, écuyer, seigneur de la Nouaille (1715); Jean Chauveau, écuyer, seigneur de Rochefort (1701); Antoine Conchon, marchand (1675); Joseph-Mathieu de Cosnac, chevalier, seigneur du Tillet et d'Arsac (1779); Jean Dellestable, fermier des revenus du monastère de SainL-Angel (1760); Jacques Dumont, menuisier, et Suzanne Goudounesche, sa femme; Jean d'Escorailles, comte de la Roussille, marié à Eléonore Desplas (1679); Théodore d'Escorailles-Fontanges, marquis de Roussille (1744), brigadier des armées du roi; Gaspard Esparvier, commissaire général des saisies pour le duché de Ventadour (1700). Voici Joseph-Mathieu Forsse, docteur en théologie, curé du Puy-d'Arnac (1715), fils de Pierre, advocat en parlement; Antoine Forsse, vicaire de Sérandon (1758); François-Antoine Forsse, curé de Saint-Pardoux-IeNeuf (1775); François Bernard du Giraudès, seigneur de Lacoste, subdélégué de l'Intendant, juge de Neuvic (1751); dame Charlotte du Gibanel, épouse de « haut et puissant seigneur Messire Jean de Gonzague, de Mantoue et Monferrat, marquis de Gonzague » (1727); François de Salles d'Hautefort, marquis de Saint-Chamans (1732); François de Labarre, écuyer, seigneur de Saint-Germain (1738) et Joseph Lachaze, bourgeois, seigneur de Saint-Germain (1771); Antoine Lachau, juge de Meymac (1780); Joseph

(11) Arch. Cor., B. 414 à B. 479, notamment B. 467, B. 440, B. 455, B. 507, B. 562, B. 560, B. 671. Procureur de Françoise de Loyac : JennBaptiste Forsse (Documents personnels).


Lalée, receveur général aux saisies réelles du duché de Ventadour (1741); Joseph de Lestrange, marquis « dudit lieu » (1739); dame Claude de Lévy-Ventadour, abbesse de Bonnesaigne (1700); Gaspard-André de Long-Vert, principal du collège d'Ussel (1776); François Mornac de Badour, prêtre, curé de Saint-Dezéry et principal du collège (1785); Michel Martinot, fermier des droits de prairies et regains d'Ussel (1741); Joseph-François Masson-Dumas, écuyer, garde de la porte du Roi, gouverneur d'Ussel (1780); François Meschin, lieutenant de la milice bourgeoise d'Ussel (1701); Joseph-Martin de Monloys, seigneur de Mareille, « habitant ledit château » (1735); Louis de Paule, chevalier, seigneur de Soudeilles, du Lieuteret, du Bazaneix, de la Gane (1741).

C'est encore Philippe de Peyrissac, abbé de Bonnaigue (1700); Robert Pascal, abbé de Bonnaigue (1713); Antoine de Fondary, abbé de Bonnaigue (1723); François Dulac, seigneur-abbé de Bonnaigue, vicaire général de l'ordre de Citeaux (1770); Martin Prouzergue, chantre et organiste à Ussel (1769); Joseph Randon de Chateauneuf, marquis d'Apcher (1781); la marquise de Salvert, tutrice des enfants de feu le marquis d'Ussel (1777); Louis de Soudeilles, veuf de Philiberte de Sédières (1708). Et Guy d'Ussel, baron de Chateauvert, du Bech, héritier de feu Gilibert d'Ussel, son père (1678); et Marc-Antoine d'Ussel, chevalier, baron de Chateauvert, seigneur de Lagarde (1762); et reverendissime dame Léonarde-Gabrielle d'Ussel de Chateauvert, dame abbesse de l'abbaye royale de Bonnesaigne (1762); et Gabriel de Valon, comte d'Ambrugeat, lieutenant au régiment de Maine-Infanterie (1784). Oublierait-on Joseph Bardinet, syndic des Bénédictins de Meymac (1769), Pierre Boucher, prieur bénédictin de Saint-Angel (1742), Françoise Cramouzaud, supérieure des Ursulines d'Ussel, en religion sœur Saint-François (1781)?. (12).

Outre les procès intentés directement devant lui, le tribunal de sénéchaussée statua sur les appels civils et crimi-

(12) Arch. Cor., B. 414 à B. 493 et B. 501 à B. 636.


rieis des juridictions inférieures ordinaires ou seigneuriales. dont il avait, suivant les prescriptions d'Henri III, la connaissance immédiate et le privilège exclusif (13).

Dans un espace d'environ cent ans, j'ai compté, pour 150 juridictions ressortissantes, 87 appels seulement. 23 sentences furent confirmées sous la forme d'un « congé de bien jugé » ou d'une ratification; 64, infirmées ou cassées. Que les appellations aient été assez rares, les jugements réformés peu nombreux, et donc la justice inférieure bien rendue dans le duché de Ventadour, quoi d'étonnant? Les juges du premier degré n'étaient-ils pas, presque tous, des bomines.de loi expérimentés : avocats ou procureurs (14)?

L'an 1748, un appel de la juridiction de Saint-Chamans mena devant les juges le nommé François Sudric, « valet de chambre de M.' de Segondat, conseiller au parlement de Bordeaux ». En.M. de Segondat, qui n'a reconnu le grand Montesquieu (15)? Le lieutenant-général et ses assesseurs durent résoudre des conflits de juridictions : en 1750, un conflit entre l'ordinaire de .VentadoUr et l'ordinaire de Neuvic et Peyrou,; en 1760, un conflit entre l'ordinaire de Neuvic et Peyrou et la justice prieurale de Saint-Etienne-la-Geneste (16).

Des tracasseries vinrent du siège royal de Tulle, qui ne pouvait admettre la diminution sensible de son ressort causée par la création de la sénéchaussée usselloise. Les Tullistes, s'exagérant les effets de cette diminution, craignaient de tomber « en pauvreté », de voir leur cité,« marchande et populeuse » devenir « déserte et non fréquentée ». Ils

(13) « Par devant lequel seneschal dudict duché de Ventadour toutes causes civiles et criminelles qui se dévolueront par appel "tant des officiers ordinaires dudict duché que des officiers des terres, juridictions et seigneuries qui rellèvent en fief, arrière-fief ou aultrement en foy et hommaige d'icellui, ressortiront immédiatement. » (Lettres patentes de 1578.) Voir ci-dessus, p. 32 et renvoi 7.

(14) Arch. Cor., B.414 à B. 493-et B. 501 à B. 636.

(15) Arch. Cor., B. 523. — En réalité, Montesquieu avait quitté le Parlement de Bordeaux en 1726 ou 1727, étant président à mortier.

(16) Arch. Cor., B. 43 à B. 438. -


réagirent, et leurs empiètements furent tels, malgré l'arrêt de 1601 approuvant l'érection, que les magistrats d'Ussel, outrés, durent se plaindre d'anticipations « immodérées ».

La lutte, sourde ou bruyante, dura jusqu'au dernier moment (17). Tulle recherchait la suppression du siège de Ventadour. Ussel demandait au contraire la transformation de la sénéchaussée en présidial, désir que l'on retrouve exprimé dans les Cahiers du Tiers, de 1789 (18).

En dehors des cas particuliers soumis à son jugement, le tribunal prit certaines décisions d'intérêt général. Il réglementa la vente de la viande et des volailles, et fixa le prix d'une livre de bœuf à deux sous six deniers (1760). Contre les abus des cabaretiers, il tarifia le prix du vin à sept sous la pinte pour le vin du Limousin et à six sous pour celui d'Auvergne (1766). Son règlement sur les poids et mesures prescrivit la confiscation des instruments, avec une amende de dix livres, au cas de contravention (1760). Afin d'éviter le trafic des revendeurs, il défendit aux marchands d'aller, aux alentours de la ville, à la rencontre des porteurs de denrées (1764). Pour protéger les maisons couvertes de bois et de paille, il ordonna que les cheminées devraient être ramonées quatre fois par an au moins (1764) : mesure d'autant plus sage qu'un incendie avait, peu d'années avant (1755), détruit quinze maisons dans le faubourg du Thuel (19) et un autre (vers 1739) « la plus grande partie de la ville » (20).

A cette époque de vie plus facile qu'aujourd'hui, les œufs coûtaient deux sous six deniers la douzaine (1747), et

(17) En 1788 encore, conflit à propos des appels de Saint-Julien (Arch. Cor., B. 455). Sur cette lutte, voir E. DEcoux-LAÚOUTTE : « Juridictions royales en Bas-Limousin. » (Bull. soc. Lettres Cor., t. IV, pp. 408 à 412, et t. V, pp. 555 à 557.)

(18) HUOT, id., p. 101. Arch. Cor., B. 477.

(19) Arch. Cor., B. 439, B. 446, B. 442, B. 604. — La porte du Thuel paraît avoir été démolie en 1773 (B. 622).

(20) CHAMPEVAL : Bas-Lim., p. 244.


les visites médicales hors ville quinze sous (1765). Un perruquier comptait treize livres dix sous « pour neuf mois consécutifs d'accomodage » (1782) (21).

Un aspect des fonctions du tribunal fut d'enregistrer et de publier diverses décisions royales transmises par le Parlement de Bordeaux. Ainsi en advint-il pour les édits de 1750 sur les établissements de main-morte, de novembre 1764 relatif aux Jésuites, de 1767 autorisant toutes personnes; sauf les magistrats, à faire le commerce en gros, de 1769 concernant la levée du second vingtième; des déclarations du Roi de 1737 sur les registres des marchands, de 1741 sur la levée du dixième des revenus, de 1742 sur les curés, de 1752 sur la création d'une noblesse militaire, de 1759 sur les biens des religionnaires, de 1769 sur les cures des villes murées, de 1788 sur la prochaine assemblée des Etats Généraux; des lettres patentes de 1779 relatives aux manufactures, de 1783 sur les maîtres et ouvriers, de 1786 sur les privilèges de la juridiction du Point d'Honneur.

Deux arrêts du Parlement de Bordeaux, l'un du 13 mai 1774 enjoignant aux sénéchaux de maintenir les peuples sous l'obéissance du Roi, l'autre de 1787 interdisant l'inoculation dans l'intérieur des villes du ressort, furent également au nombre des actes de l'autorité supérieure enregistrés par la Cour du sénéchal (22).

Au mois de juillet 1787, le 7e duc de Ventadour mourut.

C'était le fameux Soubise dont le souvenir est lié à la bataille de Rosbach (5 novembre 1757). A notre mémoire montent les vers satiriques le représentant avec une lanterne à la main, dans la nuit noire, à la recherche de son armée le soir du malheureux jour. Une telle raillerie, transmise de

(21) Arch. Cor., B. 596, B. 445, B. 466.

(22) Arch. Cor., B. 414 à B. 493 et B. 501 à B. 636.


génération en génération, a défiguré la physionomie historique de ce brave et intrépide soldat qui, l'année suivante, remporta deux succès dans la Hesse. Orphelin à neuf ans (1724), Charles de Rohan, prince de Soubise, d'Espinoy, de Maubuisson, maréchal de France (23), ministre d'Etat, avait hérité du fief de Ventadour au décès de son grand-père, Hercule-Mériadec, duc de Rohan-Rohan, survenu en 1749.

Après lui, le duché revenait à sa fille Armande-Josèphe, épouse du prince Henri de Rohan-Guéménée. En apprenant la mort de celui qui était duc de Ventadour depuis 38 ans, la sénéchaussée décida de faire célébrer un service solennel à l'église d'Ussel, et prescrivit aux desservants une cérémonie funèbre dans chaque paroisse de la mouvance (24).

Pénalement, ou plutôt criminellement, car c'était la seule expression en usage, la sénéchaussée ducale eut à réprimer, outre les vrais crimes, des infractions du genre de celles que nous voyons couramment se produire : vols, coups, menaces, disputes, rixes, bris, recel., tant il est vrai que l'être humain reste le même, au lieu d'aller en s'amendant.

Voulez-vous connaître quelques faits punissables? Ce sont des vols de poissons dans le réservoir des Salles, dans le réservoir de Couzergue, dans celui de Vigier, dans l'étang de Bonnaigue; de truites à Venard, de bestiaux à Neuvic, de bourses à Ussel, d'argent à Chassaignac. Voici des coups de bâton sur un bourgeois de la ville par un boulanger du nom d'Estrade, des blessures avec une canne à lance, ou

(23) Titres et qualités en 1755 : « Son Altesse Monseigneur Charles de Rohan, prince de Soubise, duc de Ventadour, capitaine lieutenant des gens d'armes de la Garde du Roi, gouverneur pour Sa Majesté des provinces de Flandre et de Hainaut, lieutenant-général des armées. » (Arch. Cor., B. 708.) En 1785 : « Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Mareschal prince de Soubise, duc de Ventadour. » (Arch.

Cor., B. 470.) C'est lui qui fit construire dans le quartier du Marais, à Paris, le magnifique hôtel où, depuis 1808, sont établies les Archives nationales.

(24) Arch. Cor., B. 474.


avec une mesure d'étain jetée à la tête; des menaces de mort et d'incendie; des disputes au cabaret, à la fontaine, sous la halle, sur les fossés; un soufflet par Gabriel Bardinot, meunier de la Rebeyrotte, à un huissier venu saisir ses meubles. Le cadenas d'un tronc de l'église Saint-Martin est brisé pendant la nuit; une serrure de la maison Bonnot saute. Des rixes ont lieu dans les auberges, dans les boulangeries, à Beauregard, à la Bardoire, au cours d'une fête à la porte Duchier, sur la place publique entre le soldat Graffoulière et le praticien Goudounesche. On se dispute au sujet des landes de Ratou et de celles de Vergnolles, et l'on se bat à coups de pierres pendant une réunion de cordonniers tenue « sous l'Aubépin » (25).

D'autres encore?. En passant « sous l'Aubépin », le lieutenant de Confolens, Jean Chabannes, est maltraité par Antoine Moncourrier et Jean Chavanon. Dans la rue allant des Ursulines à la porte Duchier, la nuit, les nommés Fenouillac et Faurin assaillent François Chassaing, domestique de Jean Arzilier, aubergiste. De folâtres jeunes gens s'amusent à lancer des cailloux à un groupe d'ouvrières se baignant dans la Sarsonne, et l'une d'elles, Jeanne Chiniac, soutient ensuite que ces jeunes gens les ont injuriées, obligées à sortir de la rivière et, finalement, frappées. Au domaine du Charlat, appartenant à Jean Demichel, on enlève du pain et de la farine. A l'église d'Ussel, un calice et sa patène disparaissent de l'armoire, cependant que le sacristain, François Martinerie, est soupçonné de retenir une partie des quêtes et de voler les sacs du curé Jean Ternat. Le fermier des fours banaux dénonce les habitants qui font cuire chez eux du pain de seigle, alors que la pâtisserie est seule permise. (Ces fours étaient placés dans la partie centrale de la ville, entre l'église et l'entrée du Thuel, à quelques mètres des maisons Bonnet et Cosnac) (1753) (26). Le

(25) Arch. Cor., B. 637 à B. 687, passim.

(26) 27e témoin de l'enquête Bonnet-Bonnot.

Fermiers des fours banaux : 1741, Jean Monestier (Michelle Basilie, veuve Lavergne, sa gérante). Arch. Cor., B. 421; 1754 : Marcel Chiniac (id., B. 603).


quartier avait sa « Rue du Four-Banal ». Une autre rue appelée « Derrière les fours » « est une rue peu usitée », prévenait un citadin rendu prudent par une mésaventure (1784) (27) : s'agirait-il de la rue Esparvier actuelle, si importante au moyen âge et bien déchue au XVIIIe?) Soit à la suite de plaintes, soit directement sur réquisitions du procureur principal, des informations s'ouvrent et se poursuivent contre des individus qui, au pont des Salles, la nuit, ont démoli les garde-fous et les ont jetés dans la Diège; contre Léonard Culinas, surnommé Gastepaste, et Marie Sudrie, appelée Navaronne, coupables de vols commis ensemble; contre les gens qui ont attendu François Diousidon à la sortie de l'auberge Maignac dans l'intention de l'assaillir; contre le sieur Demichel pour avoir « assommé » Jeanne Conches en passant au village de Ratou; contre François Estager, sur la demande des femmes de Bonnesaigne, vexées qu'il ait établi une liste des maris trompés de leur paroisse; contre Pierre Couderc, d'Aix, qui a tendu un guet-apens à Jean Veyssière, de Saint-Etienne, dans la rue « conduisant à la porte de l'Aubépin » (peut-être devant la maison Chastagner; peut-être à l'angle de l'enclos Chaminade) (28). - Ne pensez-vous pas que ce nom d'Aubépin revient un peu trop fréquemment? L'Aubépin (ou aubépine) se trouvait à la sortie de la porte Séclide, du côté de la prairie. C'était un arbre sous lequel il y avait une croix scellée dans une pierre. Les Ussellois en promenade s'as- seyaient volontiers sur cette pierre (29). Des artisans ve-

(27) Arch. Cor., B. 638, B. 665, B. 684, B. 640, B. 638, B. 639, B. 650, B. 683, B. 596, B. 536.

(28) Arch. Cor., B. 644, B. 649, B. 664, B. 650, B. 647, B. 641.

(29) Arch. Cor., B. 638, B. 647. — Aubépin, masculin d'aubépine.

« Le mot d'aubépine est beaucoup plus d'usage que celui d'aubépin qui ne se trouve que dans des poésies anciennes. » (Dict. de l'Académie fr., éd. de 1822.) « Aubépin a été employé par Régnier », Marot, Palissy, Paré. (Littré, éd. de 1875), par Ronsard aussi (Odes, 4" livre) : .« Vy, gentil aubespin. Vy sans fin. Vy sans que jamais tonnerre. Ou la coignée ou les vents. Ou les tems. Te puyssent ruer par terre. »

Une ruelle voisine a été dénommée « rue de l'Arbre-Pin. » Arbre


naient, les soirs d'été, tenir leurs réunions ici. Seulement, quand il faisait nuit noire en ce coin tranquille et retiré, le passant attardé, regagnant la ville, reconnaissait difficilement, franchie l'enceinte, les personnes embusquées dans un enfoncement de rue ou à l'entrée d'une ruelle obscure.

Au delà de l'Aubépin, ondulait la campagne à travers quoi les malfaiteurs pouvaient s'enfuir et se cacher. L'endroit était propice aux mauvais coups, aux traquenards.

Des plaintes m'attristèrent : celles de Jeanne Arzilier, deuxième femme du dernier maire perpétuel, qui accusait son mari de mauvais traitements et son ancienne « fille de chambre » d'injures « graves » et « grossières » (30). Et je pensais au dernier maire, à ce pauvre Firmin Barbier de Villeneuve qui eut une existence déplorable. Fils d'un secrétaire du roi, investi par délégation d'une parcelle de l'autorité souveraine, il alla de chute en chute, pour tomber au rang de policier sous la Restauration. Après s'être uni en mariage à l'une de ces bonnes familles bourgeoises qui se confondent avec la petite noblesse, devenu veuf il épousait sa propre gouvernante, que bientôt il rouait de coups, et la fille issue de cette alliance disparate devait être, de son vivant, la femme d'un gendarme de notre localité. Il prit une troisième épouse dans un milieu semblable à celui de lr précédente. A la veille de sa mort, le gentilhomme qui, en son bel âge, mandataire du roi de France, avait tenu le premier rang à Ussel de concert avec le lieutenant-général, n'était plus, dans la même ville, qu'un insignifiant commissaire de police, grand beau-père d'un tenancier d'auberge (31).

Voici deux autres incidents sur lesquels informèrent les lieutenants du sénéchal. Gilbert de Boucheron, seigneur de

Pin? On constate ici une déformation populaire d'Aubépin sanctionnée innocemment par un Conseil municipal trop ignorant du passé de la ville.

(30) Arch. Cor., B. 680, B. 681.

(31) Reg. par. et reg. de l'état civil d'Ussel, et Arch. Cor., B. 675, B. 679, B. 680, B. 681, B. 682.


Saint-Hippolyte et de Chalusset, âgé d'environ 60 ans, était à table avec les siens, au château de Maumont, sa résidence, le 8 mai 1713, lorsque trois individus, conduits par le chapelain Dubois, vinrent « insolemment » — c'est son mot — lui demander quittance de rentes « qu'ils n'avaient pas payées ». Le sieur de Chalusset congédia « doucement » le groupe, qui sortit, mais presque aussitôt se rendit, armé de fusils, devant la chapelle du château. Les manifestants obligèrent le fils du marguiller à sonner la cloche. Ils savaient qu'à ce signal les paysans d'alentour, prévenus, accourraient avec des fourches, des piques, des fusils, des haches, et ils comptaient pouvoir, grossis en nombre, entourer le château et contraindre le seigneur. A ce moment survint le curé de Rosier et de Saint-Hippolyte auquel Boucheron avait eu recours. Les paroles de bonté que prononça le prêtre calmèrent un peu les séditieux. Ils firent un mouvement de retraite — vite arrêté par les hommes venus à leur aide : et, se portant derechef en avant, renforcés par des arrivées successives, ils pénétrèrent cette fois dans les dépendances, s'emparèrent de morceaux de bois qu'ils allèrent entasser devant le portail, puis allumèrent un grand feu. De nouveau, le curé, qui les connaissait tous, leur parla charitablement.

Mêlé au peuple, il n'ignorait point la rancœur de certains et avait compris le mobile du « tumulte ». Il raisonna si adroitement les mécontents, il sut être si persuasif, que, « après plusieurs remonstrances », dit simplement le texte, ils finirent tous par se retirer. La nuit étant venue, ils profitèrent de l'obscurité pour disparaître. Et ainsi s'acheva cette émeute, qu'on pourrait aussi bien placer 76 ans plus tard, parmi les scènes du début de la tragédie révolutionnaire (32).

Second fait. Trois gais lurons de notre ville, « enfants de famille », faisaient des leurs. Le soir, ils « vagabondaient » dans les rues, hantaient les pires cabarets, vivaient dans la débauche. En plein jour, ils poussaient jusqu'aux villages voisins où, pour s'amuser aux dépens des paysans,

(32) Arch. Cor., B. 641.


ils tuaient sous leurs yeux, avec des couteaux de chasse, la volaille qui se trouvait sur leur passage. A bout de ressources pécuniaires, ils convinrent de s'approprier une maison de campagne appartenant au père de l'un d'eux et habitée par une dame octogénaire. Ils connaissaient la demeure : déjà, ils y avaient bu quelques bouteilles de vin et consommé « du pain et du fromage ». Munis d'armes à feu, ils s'emparèrent sans peine de l'immeuble. Prestement, ils firent main basse sur tout ce qu'il renfermait : ustensiles de ménage, draps de lit et couverture de la vieille dame qu'ils chassèrent, sacs de grains qu'ils transportèrent « clandestinement » et « toujours armés de fusils » dans une maison d'Ussel, où ces objets furent mis en vente. Puis, ils ouvrirent un « cabaret public » au rez-de-chaussée. Continuant leur joyeuse existence, ils s'en furent à la Tourette en burlesque cortège, l'un battant du tambour, un nouveau compagnon jouant du fifre, et ils revinrent non moins comiquement, les autres portant, derrière l'orchestre, un seau rempli de vin. Ces plaisanteries, qui eussent mérité une sévère punition de la part des parents, se terminèrent fâcheusement par l'emprisonnement de celui de nos jeunes gens considéré comme le plus coupable. Mais ne se trompait-on pas? Dans les deux autres, il y avait un carme apostat, et c'était lui, des trois, le moins recommaridable (33).

Le crime qu'on appelait alors « recèlement de grossesse » étant sévèrement puni par les ordonnances de 1556 et 1585, une déclaration faite à temps mettait la personne à l'abri.

Sur les registres de la sénéchaussée on relève plusieurs de ces déclarations qui, dans l'ensemble, ont été peu nombreuses. La fille ou la veuve désignait d'ordinaire le séducteur : son maître, le fils de son maître, un parent de son maître, le domestique de son maître, le fils de son voisin, le procureur du Roi en l'Hôtel de Ville, un cavalier du régiment de Gramont, un cabaretier, un cordonnier, un avocat, un huis-

(33) Arch. Cor., B. 659, B. 660.


sier, un tailleur pour femmes, voire, certaines fois, un inconnu. De recherches de paternité, il ressortit ce curieux « usage du pays » que « les fils de la maison et les bergères ont toujours couché dans des lits jumeaux » (34).

Malgré la rigueur des peines encourues, quelques personnes ne voulurent jamais déclarer leur état. Et de temps en temps on trouvait, au réveil, des nouveau-nés exposés à l'entrée d'une église, ou abandonnés à la porte de l'Hôtel-Dieu ou devant l'oratoire de la Chabanne. Un cadavre fut découvert à l'étang de la Rebière (35).

Extrêmement dur était le châtiment. Marie Astier, journalière d'Ussel, convaincue d'avoir jeté une petite fille dans un puits, fut pendue sur le lieu de son forfait. La sentence est conçue en ces termes : « Veu le procès, (les) conclusions définitives du procureur principal du 6" du présent mois, les pièces du procès y référées, ensemble l'interrogatoire sur la sellette subi ce jourd'huy en la chambre du conseil par ladite Astier, le tout examiné, Nous, veu ce qui résulte desdites charges et informations, avons déclaré et déclarons ladite Marie Astier dhuement atteinte et convaincue de grossesse, accouchement et suppression de part; pour réparation de laquelle supretion de part l'avons condamnée et condamnons à faire amande honorable publiquement, la corde au col et une torche de cire ardente à la main du poids de deux livres au devant de l'église paroissiale de cette ville où elle demandera à genoux pardon à Dieu, au Roy et à la Justice de ladite supretion de part; (à estre ensuite) menée au devant de la porte par l'exécuteur de la haute justice, et, ce fait, à estre conduite par ledit exécuteur auprès du puits appelé de Redon situé au fauboug Ducher pour y être pendue et étranglée par ledit exécuteur à une potence qui sera à cet effet plantée proche le puits, où son corps mort de-

(34) Arch. Cor., B. 414 à B. 493 et B. 501 à B. 687.

(35) Arch. Cor., id. — 17 juillet 1782 : « Baptême d'un enfant trouvé ce matin à la porte de la Chabanne, qui a paru âgé de quelques jours, à qui nous avons donné le nom de Léonard Lafleur. » (Reg. par.

d'Ussel.) Manière en usage à l'époque. On se rappelle comment furent traités ceux qui devinrent d'Alembert et Chamfort.


meurera exposé pendant l'espace de 24 heures; et condamnons ladite Astier en trente livres d'amende envers le seigneur de cette justice, Son Altesse Monseigneur le prince de Soubise, et aux dépens envers ceux qui les ont exposés.

Fait et jugé en Chambre du Conseil du siège seneschal de Ventadour, à Ussel, le 19" jour du mois de juillet 1748, par nous, Antoine-Alexis Millange, lieutenant-général audit siège, assisté de Messieurs Duplantadis, lieutenant particulier, et de Bay, conseiller » (36).

Sévères, les juges ducaux le furent quelquefois. Ils condamnèrent le principal auteur d'un recel et d'une suppression à trois ans de galères, son complice à l'exposition et au fouet, la sage-femme à trois ans de bannissement (1780) (37). Ils infligèrent un bannissement de neuf années à Jeanne Peyrout, surnommée « Jeanne de la Galerie », une misérable, qui avait « coupé plusieurs bourses » un jour de foire à Ussel (1713) (38).

Désirez-vous savoir si ces peines étaient trop rigoureuses? Prenez celles d'un tribunal voisin, le présidial de Tulle, dont le ressort touchait celui du sénéchal et s'étendait aussi en Bas-Limousin. On y punit de mort une boulangère d'Ussel, pour avoir caché son accouchement; une servante, Tounitou, de Tulle, coupable d'infanticide; une voleuse, Elisabeth Armand, déjà flétrie de la marque; un individu qui, au cours d'une rixe, en avait tué un autre. A des vagabonds le présidial infligea 7 ans de galères; à d'autres vagabonds, la marque et le bannissement; à deux échappés des galères, le supplice de la roue. Des recèlements de grossesses, dans la région du Port-Dieu, entraînèrent le fouet et le bannissement, tandis qu'un vagabond récidiviste subissait 3 ans de galères (39). C'était donc le même ordre de peines à Tulle et à Ussel.

(36) Arch. Cor., B. 655. — Le droit de condamner à mort (haute justice) — dont ne disposent pas les tribunaux de première instance - suffit à montrer l'importance et l'étendue des pouvoirs de la sénéchaussée.

(37) Arch. Cor., B. 679.

(38) Arch. Cor., B. 641.

(39) Arch, Cor., 6. 909, B. 910, B. 891, B. 892, B. 922, B. 944, B. 895.


Un autre cas de répression intéressait la police des mœurs. Marie Goudouneix, fille d'un armurier de la ville, quoique « encore toute jeune », menait « depuis plusieurs années la vie la plus scandaleuse » : et ce libertinage était favorisé par d'indignes parents qui en retiraient un profit pécuniaire. Le procureur principal, s'appuyant sur les ordonnances de 1254, 1391, 1566 et 1586, demanda au siège, tant pour les parents que pour la fille, une « punition extraordinaire » (1741) (40).

Enfin, je relaterai un événement qui fit du bruit à l'époque : l'assassinat du seigneur de Margerides.

Le lundi 15 mars 1700, à l'heure de midi, Jean Dubois, écuyer, seigneur de Margerides, et son frère Jacques, seigneur de Saint-Julien, adolescent de 17 ans, chevauchaient en compagnie de Jacques Forsse. Nos gentilshommes étaient, tous deux, montés sur le même cheval, Margerides devant, Saint-Julien derrière. Ayant pénétré dans le bois de Montagne, propriété du sieur de Vaux, près de Beauregard, ils aperçurent, dans ce bois, un groupe de gens armés, où ils distinguèrent d'abord des valets à M. de Vaux. Sur le conseil de Margerides, Saint-Julien descend de cheval. Les gens s'approchent et, « d'une furie », menacent le seigneur de Margerides, l'avertissant qu'il lui arrivera ce jour-là « ce quy est préparé depuis longtemps ». Parmi eux, il y a, maintenant bien visibles, le sieur de Vaux, le sieur Langlade, frère de celui-ci, le sieur de Saint-Cantin de Beaufort, le sieur de Bonnefon : les autres ont « plutôt la figure de satellites ». Margerides est toujours à cheval, allant au petit pas; Saint-Julien le suit à pied. Langlade se détache du groupe, un fusil à la main, épaule et tire sur le seigneur de Margerides qui, atteint à la poitrine et à l'estomac, tombe de cheval. Saint-Julien veut porter secours à son frère; mais aussitôt la troupe l'entoure, et le sieur de Vaux s'empresse de lâcher un second coup de fusil sur Margeri-

(40) Arch. Cor., B. 649,


des « dont luy farssy tout le costé droict ». Pensant avoir achevé celui-ci, les assassins se retournent contre SaintJulien, lequel n'ayant aucune arme pour se défendre, prend la fuite, poursuivi par les agresseurs dont les balles se logent dans les arbres. Il sort du bois en criant : « Ayde!

Ayde! MM. de Vaux ont thué mon frère! » ; sur quoi, Forsse, qui s'est tenu à cheval, se met à galoper, demandant : « Justice! On nous assassine! » Le seigneur de Margerides reste dans le bois, étendu par terre, tout ensanglanté, le visage tourné vers le ciel, les mains sur la poitrine, l'épée dans le fourreau, mais le ceinturon « rompu en deux endroits »; du sang sort de la bouche; lorsqu'il est tombé, il a demandé un confesseur. Les assassins se sont éloignés : six ont pris la direction de Vaux.

Cependant le seigneur de Saint-Julien s'est rendu chez le juge ordinaire auquel il a fait une déposition écrite.

Celui-ci va sur les lieux : il trouve Margerides étendu « quasy mort », rendant le dernier soupir, revêtu de son habit bleu, en justaucorps et haut de chausses; ses poches sont vides, et la bourse ne contient plus rien. Le magistrat mande le sieur Mornac, maître-chirurgien juré de la ville d'Ussel, qui arrive précipitamment; et, après examen médical du cadavre, le corps est transporté au château de Margerides.

Dans les jours qui suivirent, l'information ouverte par le juge inférieur, Géraud Monestier, à la demande de SaintJulien, était poursuivie par le lieutenant-général de Ventadour, Antoine de Bonnet de la Chabanne. Le 10 avril, après réquisitions du procureur principal Delmas, Bonnet signait un décret de prise de corps « contre le sieur Langlade, cadet de Vaux » et contre son valet Mourguès, et un décret d'ajournement personnel « contre le sieur de Vaux aysné », « pour raison de meurtre commis en la personne dudit sieur de Margerides ».

Langlade et Mourguès, arrêtés, furent emprisonnés à Ussel. Vaux ne tarda pas à les rejoindre. Puis, tous les trois durent être transférés à Tulle. Ils languissaient dans les cachots de cette ville en attendant de gravir l'échafaud, quand


arrivèrent des lettres du Roi délivrées en leur faveur, à Versailles, au mois de mai de la même année 1700. Par l'effet de ces lettres — qui leur rendaient la liberté Louis XIV, délibérément, absolvait les assassins d'un crime qu'ils avaient indéniablement perpétré (41).

(Cette clémence royale pour des assassins aussi bien déterminés et convaincus ne peut s'expliquer et s'excuser que pour des motifs souverains, qui restent inconnus, mais n'en devaient pas moins être sérieux et valables.)

V

Fin de la Sénéchaussée. — Conclusion

1789. La suppression des justices seigneuriales, durant la pathétique nuit du mardi 4 août au mercredi 5 août, entraîna celle de la sénéchaussée, deux cent onze ans après qu'Henri III en décidait la création.

A cette date la cour ducale vaquait depuis quatre semaines. Sa précédente audience avait eu lieu le 7 juillet 1789, et le plus récent jugement, rendu ce jour-là, rejetait l'appel d'une sentence d'un magistrat ordinaire. Néanmoins, quinze mois s'écoulèrent avant que la suppression devienne effective. Une nouvelle année judiciaire commença, se poursuivit, s'acheva. En septembre 1790, la sénéchaussée continuait de tenir des audiences. Le 3, elle prononçait six jugements. Le 10, par un appointement, elle autorisait des plaideurs à prouver certains faits. Delmas présidait l'audience du 10 septembre, avec deux avocats, Brival fils et Jean Diou-

(41) Arch. Cor., B. 637 (« Assassinat de Messire Jean Dubois, seigneur de Margerides, par Jean-Joseph et Antoine Langlade, sieurs de Vaux, et leurs domestiques » ).

Relevé : 1694, « Anthoine de Langlade, seigneur de Vaux, Crouzat et autres places ». (Reg. par. d'Ussel.) — 1721, « Joseph Langlade de Vaux, bourgeois de Saint-Julien ». (CHAMPEVAL, Bas-Lim., p. 355.)


sidon, comme juges assesseurs, en « l'absence » des autres officiers du siège (1).

Comme la « séance » annuelle élait terminée, les vacations commencèrent. Mais il n'y eut alors aucune réunion pendant les fériés, et l'on sut bientôt que la « séance » ne se rouvrirait pas. Le moment approchait. Avant de disparaître définitivement, la sénéchaussée voulut siéger une dernière fois. Ce fut le 20 novembre 1790, un samedi, en audience « extraordinaire » tenue par Delmas, « lieutenantgénéral », assisté du même Jean Diousidon. Une seule affaire avait été fixée. Avocats et procureurs parlèrent, puis déposèrent sur le bureau les pièces de la procédure. Les juges allèrent prendre connaissance de ces pièces en chambre du conseil, rendirent leur sentence et se retirèrent.

Telle a été la fin digne et simple de la justice du sénéchal (2). Cinq jours plus tôt, le 15 novembre 1790, Louis XVI avait signé la nomination de Delmas au poste de président du nouveau tribunal qui allait, sans heurt, se substituer au siège de Ventadour.

Nous voici aux termes de cette étude.

Jusqu'ici la sénéchaussée d'Ussel était peu connue et mal connue. On avait une tendance à la juger d'après le mémoire de Pierre-Léonard Diousidon, que Huot eut tort de reproduire (3), et qu'il aurait dû plutôt enfouir au fond d'une armoire poussiéreuse : d'autant que ce mémoire, daté de 1731, ne concerne que l'époque où il fut écrit et ne peut, de surcroît, être regardé comme une juste peinture du milieu judiciaire. Diousidon me paraît un esprit chagrin : il critique tout le monde, il dénigre tout, sauf lui, sauf les fonctions de lieutenant particulier qu'il exerce; des faits et

(1) Arch. Cor., B. 481, B. 479. — Guillaume Oemichel, conseiller, « absent » le 10, avait, le 4 septembre, établi un procès-verbal de comparution de parties (id., B. 2.511).

(2) Arch. Cor., B. 2.511.

(3) HUOT id., pp. 103 à 106, et ci-dessus, p. 16.


des paroles, il retient ce qui est défavorable et garde le silence sur le reste. Sa jérémiade déforme la physionomie du tribunal. Qu'il y ait eu quelques défaillances, des fautes, des erreurs, parfois des abus, cela tient d'abord à la nature de l'homme dont le faible est d'errer; cela vient aussi de ce que les magistrats ne se sentaient point retenus par un contrôle attentif et permanent, et qu'ils étaient, par là, trop laissés à eux-mêmes. Mais ces fautes, explicables et la plupart excusables, constituèrent l'exception.

Du travail de dépouillement auquel je me suis livré, résulte pour moi la conviction que, plus on étudiera la sénéchaussée, plus s'atténuera la nocivité du mémoire. On trouvera des magistrats qui purent avoir des torts — quelqu'un en est-il exempt? — mais considérés dans leur ensemble, furent compétents, assidus, probes, jugèrent de satisfaisante façon, avec sérieux et gravité. On trouvera des hommes de loi (avocats en parlement ou simples praticiens) actifs, adroits, sachant conseiller le plaideur et soutenir ses intérêts; un greffe ponctuel et dévoué; toute une catégorie de gens estimables, que méconnaît le rédacteur du Mémoire en son esprit de parti. A la lumière d'authentiques pièces de justice la sénéchaussée apparaîtra dans son vrai jour, et je crois, oui, je crois qu'elle sera en assez bonne posture lorsque l'impartiale histoire l'aura définitivement campée.

.Puis, n'oublions pas que cette Cour ducale, en résidant à Ussel, accrut l'importance de la cité qui devint, grâce à elle, capitale incontestée de la montagne bas-limousine et gardons lui, nous Ussellois, un souvenir reconnaissant.


APPENDICE

1

SUR LES VENTADOURS

Entre deux petits cours d'eau torrentueux qui l'enserrent aux trois quarts, sur le crête d'une montagne abrupte et rocailleuse dont la base est protégée par de profonds ravins, en un site sauvage de bruyères, de forêts, de hauteurs, le château de Ventadour se dressait jadis, fièrement, à quelques kilomètres de la villette d'Egletons. Sa position formidable, ses défenses naturelles, les ouvrages d'art qui furent ajoutés, le firent considérer par Froissart comme un des châteaux les plus forts « du monde ». Des ruines en indiquent l'emplacement aujourd'hui; et « parmi les débris du passé, il n'est rien peut-être de plus imposant que ce manoir solitaire, que la puissance féodale posa, comme un nid d'aigle, au milieu des landes, sur des rochers inaccessibles » (a).

Là grandit une famille dont la domination s'étendit sur le sud-est et jusqu'au centre du Bas-Limousin, cependant qu'au sud-ouest les Turennes régnaient supérieurs en puissance et en illustrations.

Trois branches de maisons différentes assurèrent la continuité des seigneurs de Ventadour : une branche des Comborn, du XIe au xv" siècles; une branche des Lévy, du xve au XVIIe; puis une branche des Rohan. A chacune d'elles appar-

(a) Extrait de l'Histoire des Villes de France : Tulle, Ussel-Ventadour, par Alexis DE VALON, 1. br. (1847), p. 14.


tint successivement le fief de Ventadour, vicomté d'abord, comté le 2 avril 1350, duché à partir de février 1578, duchépairie en juin 1589.

Archambaud Ier de Comborn, appelé Jambe-Pourrie, ou encore le Boucher à cause de sa férocité dans les combats, celui-là même qui s'empara du château de Turenne en 986, est le plus ancien seigneur connu. Il était à la fois vicomte de Comborn, de Turenne et de Ventadour. Ses domaines furent partagés entre ses descendants, et c'est Ebles, son arrière-petit-fils, le frère d'Archambaud III, vicomte de Comborn, et le neveu de Guillaume, vicomte de Turenne, qui commença la lignée proprement dite des seigneurs de Ventadour (vers 1035).

En 1472, Blanche de Comborn, fille de Louis-Charles de Comborn, comte de Ventadour, et de Catherine de Beaufort (celle-ci fille de Pierre de Beaufort, vicomte de Turenne, et de Blanche de Gimel) porta le comté de Ventadour dans la maison de Lévy par son mariage avec Louis de Lévy, seigneur baron de la Voulte, près de Viviers. Maréchaux de la foi depuis la croisade albigeoise, les Lévy prétendaient, dit-on, sortir de la tribu de Lévy, l'une des douze d'Israël, et par suite être apparentés à la Sainte Vierge. On raconta qu'ils possédaient un tableau « représentant le déluge, où l'on voyait un homme tendre hors de l'eau une liasse de parchemins en criant : Sauvez les papiers de la maison de Lévy! », et un autre tableau mettant en scène « un Lévy s'incliant, nue tête, devant la Vierge qui lui disait : Couvrez-vous, mon cousin. » Ces histoires, ajoute Huot qui les rapporte (b), « paraissent apocryphes et propagées, non par

(b) Les Arch. munie. d'Vssel, p. 16.

On raconte également que le duc de Lévy, passant un jour devant un calvaire avec le vicomte de Pons dont la famille déclarait descendre de Ponce Pilate, dit à celui-ci d'un air attristé : « Voyez dans quel état votre ancêtre a mis mon parent. » (Cité par VËRHYLLE, Essai sur Olliergues, 1 br., 1927, p. 32.) « Cette maison, quelque ancienne qu'elle soit, ne tire son nom que de la terre de Lévy, dans le Hurepoix. » (DELMAS, id., p. 88.) L'abbé Niel (Bull. Soc. Hist. Cor., XI, 104) précise que, « outre des doutes


les Lévy, mais par ceux qui voulaient tourner en dérision leur orgueil peut-être excessif ».

Marie-Anne-Geneviève de Lévy, fille unique de LouisCharles de Lévy, duc de Ventadour, et de Madeleine de In Motte-Houdancourt, veuve de Louis-Charles de la Tourd'Auvergne, prince de Turenne, tué à la surprise de Steinkerque le 3 août 1692, épousa, en 1694, Hercule-Mériadec de Rohan-Soubise, duc de Rohan-Rohan, prince de Soubise; et ainsi le duché de Ventadour passa dans cette grande maison de Rohan, issue des anciens rois de Bretagne, qui le possédaient au début de la Révolution.

Il y eut huit ducs de Ventadour : 5 Lévy, 3 Rohan. La pairie s'est éteinte avec le dernier Lévy. Ces ducs furent : Gilbert de Lévy (1578-1591), époux de Catherine de Montmorency ; Anne de Lévy (1591-1622), marié à Marguerite de Montmorency ; Henri de Lévy (1622-1629), époux de Marie-Liesse de Luxembourg. Il céda le duché à son frère Charles et se fit d'église (c); Charles de Lévy (1629-1649), marié à Suzanne de Lauzières, marquise de Thémines, puis à Marie de la Guiche.

Scarron parle de lui dans son « Voyage de la reine à La Barre « (d); Louis-Charles de Lévy (1649-1694), marié à Catherine de la Motte-Houdancourt, qui devait être gouvernante des enfants de Louis XV. Il était « petit et bossu » (e);

graves sur leur origine juive, les Lévy tiraient leur nom d'une terre qu'ils possédaient dans l'Ile-de-France, près de Chevreuse, dans l'ancien doyenné de Chèvres ?».

(c) Chanoine de Notre-Dame, il fonda la « Compagnie du Très Saint-Sacrement de lautel » dans le but de combattre l'hérésie calviniste. Cette Société parvint à la plus active période de son influence sous la minorité de Louis XIV. (R. DE BOYSSON, L'invasion calviniste, 2" éd., pp. 389 et 393.)

(d) HuoT, id., pp. 109 et 110.

(E) DELMAS, id., p. 88, en note.


Hercule-Mériadec de Rohan (1694-1749), époux de MarieAnne de Lévy (f) ; Charles de Rohan (1749-1787). Soubise a été marié trois fois : en 1734, avec Anne-Marie-Louise de la Tour-d'Auvergne-Bouillon, d'où la princesse de Condé; en 1741, à la princesse Thérèse de Carignan-Savoie, dont VictoireArmande-Josèphe; en 1745, à la princesse Christine de Hesse-Rhinsfeld; Henri de Rohan, prince de Guéménée (1787-1789), époux de Victoire-Armande-Josèphe de Rohan-Soubise.

On a pu voir que le duché de Ventadour, avant de passer dans la maison de Rohan, avait été porté (1691) dans celle de Turenne qui eût par là, de 1717 à 1738, sans la mort de Louis-Charles à Steinkerque, possédé la majeure partie du Bas-Limousin.

 

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Titre : Bulletin de la Société scientifique historique et archéologique de la Corrèze

Auteur : Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze. Auteur du texte

Éditeur : (Brive)

Date d'édition : 1902

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : Français

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Description : 1902

Description : 1902 (T24).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Limousin

Droits : domaine public

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Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-89252

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Provenance : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 17/01/2011

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L'INSTRUCTION PRIMAIRE

A ÉGLETONS

Depuis 1650 jusqu'à nos jours

J. SEURRE-BOUSQUET ?

CHAPITRE PREMIER

L'Instruction au moyen-âge. — Le Séminaire du Moustier-Ventadour transféré à Égletons. — Règlement de l'évêque de Limoges pour les maîtresses d'écoles de son diocèse. — Traitement du maitre d'Egletons aux xvir et xvin* siècles. — Avènement dé Turgot à l'intendance de Limoges. — Ses efforts pour le développement de l'instruction dans les paroisses. — Augmentation du traitement du maitre d'école de la ville d'Egletons. — Considérations générales.

On sait que durant le moyen-âge l'enseignement fut Fapanage exclusif du clergé et que cette mesure est due à Charlemagne qui, dans un de ses capitulaires, ordonna à tous les prêtres de campagne de tenir des écoles dans les bourgs, d'y recevoir les enfants des fidèles, de les instruire avec charité et de ne rien exiger pour ce service.

Malgré les sages dispositions du grand empereur., malgré les efforts, dans la suite, du pouvoir royal, et sauf quelques écoles épiscopales et monastiques qui nous conservèrent dans l'ombre les traditions de la civilisation antique,, on peut dire de ces temps troublés et malheureux que le défaut d'instruction


et d'éducation était presque général, surtout en Limousin. (1)

" S'il faut en rechercher les causes, on les trouvera selon nous, non-seulement dans l'insuffisance des maisons d'école et des maîtres, dans l'indifférence et la parcimonie d'un grand nombre d'administrateurs de paroisses, auxquels il était difficile de faire comprendre que la fondation d'une école ou le traitement d'un régent Avalait une allocation de la commune ; mais aussi dans l'apathie des masses qui n'éprouvaient aucune sympathie pour l'instruction qu'elles considéraient le plus souvent comme un moyen de désunion dans les familles.

Aussi en face de toutes ces circonstances qui entravèrent si longtemps la diffusion de l'instruction primaire dans les campagnes, on comprend combien il était difficile de rencontrer de bons maîtres (2) s'attachant à une profession qui ne les mettait souvent pas à même de faire vivre leur famille ; et, par suite du défaut de fréquentation, combien peu d'élèves arrivaient à acquérir une instruction suffisante.

Néanmoins, beaucoup de villes et de bourgades

(1) Les écoles, dit M. Babeau, étaient plus répandues dans les régions de l'Est et du Nord de la France que dans celles du Centre, de l'Ouest et du Midi.

Dans l'Auvergne, la Marche, le Limousin, on ne rencontrait, dit M. Buisson daus son Dictionnaire de pédagogie, pas un maître d'école sur vingt villages. (Tome I, art. France).

(2) Dans un mémoire adressé par la communauté d'Egletons à Turgot vers la fin du ivni' siècle, il est dit que que : « vingt livres de traitement annuel sont affectés au maître d'école, quelquefois vingt-quatre quand on est content du sujet, ce gui arrive rarement. » (Pièce de mes archives).


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comprenaient combien l'instruction était nécessaire au développement de l'intelligence humaine et combien était précieuse l'existence d'une école publique.

Pour l'honneur de la ville d'Egletons, empressonsnous de dire qu'elle était de ce nombre. Ajoutons même que ses habitants, en dépit des préjugés trop vite accrédités, ont de tout temps et de toutes manières témoigné en faveur de l'instruction un goût prononcé et un empressement peu ordinaire. (1)

De cette localité du reste et de ses environs sont sortis des hommes dont la renommée littéraire remplit toute l'Europe du Moyen-Age, des poètes dont les vers ont été regardés comme des modèles, non pas de leur temps, ni dans leur pays, mais un siècle plus tard à l'étranger, au jugement des plus grands, des plus beaux génies. Pétrarque dans le Triomphe d'Amour et Dante dans la Divine Comédie n'ont-ils pas consacré, en effet, les noms de Bernard de Ventadour et d'une foule d'autres troubadours issus du Bas-Limousin?

Ventadour surtout fut non-seulement le berceau de poètes célèbres, tels que ce Bernard dont nous venons de parler et qui sut par ses gracieuses chansons d'amour émouvoir le coeur de sa châtelaine et celui de la belle Éléonore de Guienne; mais il fut encore le centre d'une vraie Cour d'amour.

Un des seigneurs, Ebles II, vivant en 1109, fut

(i) C'est sinsi que nous les voyons en 1620 donner vingt écus pour aider à la construction du collège de Tulle (Voyez G. CLÉMENT-SIMON. Histoire du Collège de Tulle. Pièces justificatives, p. 265).


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surnommé le Chanteur, à cause de son talent pour la poésie, de son goût pour les chansons et de la protection qu'il accordait aux troubadours.

La Cour de Marie de Yentadour, seconde femme d'Ebles V, fut encore un des rendez-vous des troubadours les plus illustres de son temps.

Maumont n'a-t-il pas fourni à l'Église deux papes, (1) des cardinaux, (2) des archevêques,, des évêques, (3) et des abbés sans nombre? (4) N'est-ce pas encore de ce lieu qu'est sorti un des plus grands érudits du xvi° siècle : Jean de Maumont? (5).

(1) Pierre-Roger de Beaufort, pape sous le nom de Clément VI, élevé au trône pontifical le 7 mai 1342, décédé le 5 décembre 1352, et son neveu autre Pierre-Roger de Beaufort, élu pape le 30 décembre" 1370 sous le nom de Grégoire XI, décédé en 1378.

(2) Hugues-Roger, frère de Clément VI, qui faillit devenir pape, fut ëvêque de Tulle et cardinal en 1342.

(3) Nicolas Roger, oncle de Clément VI, archevêque de Rouen de 1342 à 1347. — Jean Faure ou Fabri, né à Egletons, cousin-germain de Grégoire XI, cardinal et évoque de Tulle, décédé à Avignon le 6 mars 1372. — Jean-Roger de Beaufort, frère de Grégoire XI. — Guillaume de Maumont, évêque d'Angouléme au xn" siècle. — Bertrand de Maumont, évêque de Poitiers, où il mourut en 1385. — Autre Bertrand, évêque de Mirepoix, de Lavaur, de Béziers et enfin de Tulle, etc., etc.

(4) Entre autres Charles de Maumont, qui fut prieur de Vedrenne et abbé d'Uzerche le 10 août 1469, décédé le 18 septembre 1498.

(5) Jean de Maumont. érudit français, né au château de Maumont, paroisse de Rosiers-d'Égletons. 11 fut principal du collège de SaintMichel, autrement appelé de Chanac, et qui avait été doté en 1530 par la maison dePompadour pour les étudiants limousins. Selon La Croix du Maine, « c'était un homme très docte ès-langues et principalement dans celle de la Grèce, grand théologien et orateur fécond ». Il était grand ami de Jules Scaliger. Plusieurs de ses contemporains ont prétendu qu'il était le véritable auteur de la traduction de Plutarque qui porte le nom d'Amyot; cette assertion a été réfutée par La Monnoye dans une note sur YAnli-Baillel de ménage. On.a de Maumont :


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Égletons vit naître aussi un troubadour du nom de Gui de Glotos, connu seulement par un tenson avec Diode de Carlus. (1)

Cette phalange glorieuse de poètes et d'hommes illustres nous montre qu'aux xne et xine siècles l'insLes

l'insLes de Saint-Justin, philosophe et martyr, Paris, 1538, in-folio. — Les Histoires et Chroniques du Monde, tirées tant du gros volume de Jean Zouare, auteur byzantin, que de plusieurs autres scripleurs, hébreux et grecs, avec annotations ; Paris, 1563, in-folio. — Remontrances chrétiennes en forme d'épître à la Reine d'Angleterre, traduit du latin de Hierasme Oserias, évêque porlugalais ; Paris, 1563, in-8°. — Le même auteur avait écrit en italien un ample discours de la vie de René de Birague, chancelier de France, mort en 1583, et la Gallia Christiana le cite comme un ouvrage exact et utile.

? (Voy. Nouvelle Biographie générale, publiée par MM. Fifmin Didot frères, t. XXXIV, p. 363. 1865).

(i) Diode de Carlus ou de Charlus-le-Pailloux, près Ussel, luidisait : « Glotos [l'avide), vous me paraissez plutôt un marchand qu'un jongleur. Ne me trompez pas, dites moi franchement votre nom et votre profession. »

Glotos répondit : « Oui, Diode, je sais acheter et vendre, mais je suis plus empressé de vendre et je suis venu' ici à vous pour vous vendre du mérite, si vous en voulez.acheter. »

Voici, en langue de l'époque, le tenson ou dialogue entre Diode de Carlus et Guy de Glotos :

DIODE DE CARLUS

En re no me semblaz joglar Vos que us faiz, en Gi de Glotos, E nos sia ja schirnilz per vos, Mas digaz mi lot vostr' afar, O'I vostr' autre nom verladier, C'almalme semblaz merchadier E si vos es, no'l me celaz per re, Que us assegur et asseguraz me.

GUI DE GLOTOS

Diode, ben sai mercandeiar, Mas del vendre sui plus coitos, ,Per qu'eu soi sa vengutz a vos Vendrepretz si'n volelz comprar Pero, si vos faillon dinier, Penrai ronzin o blanc o nier, El s'el mercat nous agrada be, Tal com aura de vos,aurez de me.

(Voir Histoire littéraire de la France, t. XIX, p. 604, et Raynouard, Choix des Troubadours, t. V, pp. 174 et 175).


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traction dut être dans la région distribuée assez largement aux nobles et aux vilains. « Tous ces troubadourSj a dit le savant M. G. Clément-Simon, avec leur langue épurée, leurs rythmes ingénieux, toutes les grâces et même toutes les afféteries d'une poésie raffinée, ne s'étaient pas créés sans enseignement; c'est la meilleure preuve de la diffusion de l'instruction dans cette contrée. »

Le plus ancien document que nous possédions et où il soit fait mention de « régents (1) ou maistres d'escholles » à Égletons, remonte au milieu du xvne siècle (2). C'est un contrat en date du 26 octobre 1650 concernant l'achat d'une maison pour y installer un petit séminaire.

(1) Le nom de régent était donné avant la Révolution aux maîtres qui enseignaient dans les collèges. On le trouve aussi quelquefois, mais rarement, employé pour désigner les maîtres des petites écoles. (Buisson, Dictionnaire de pédagogie, p. 2556).

(2) Pourtant si au xivc siècle la qualité de clerc avait le même sens et la-même définition qu'au temps de l'avènement du christianisme dans les Gaules, on pourrait affirmer l'existence d'une école ou tout au moins d'un maître d'école à Égletons dès 1347. Un acte passé en cette ville le mercredi après l'octave de la Saint-Michel de l'année précitée, mentionne en effet parmi les témoins, un Gérald Rigaud, clerc d'Egletons (Clericus de Glolonis).

Sommes-nous ici en présence d'un clerc maître d'école? C'est d'autant plus probable que les registres de notaires de la ville de Tulle au xv* siècle font mention de sommes payées à des professeurs par des pères de famille, lesquels professeurs avaient tous la qualité de clercs.

Quant à la fondation de l'école, nous en trouverions l'origine dans le droit qu'avait le seigneur, haut justicier, de pourvoir à l'instruction primaire de ses vassaux, droit qui était en même temps qu'un devoir, une obligation.

(Voy. G. Clément-Simon, La vicomte de Limoges, géographie et statistiques féodales, p. 63. Périgueux 1877, et son Histoire du Collège de Tulîe, pp. 25 et 27 de l'Introduction).


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Cet acte, dont le lecteur trouvera le texte à la suite de la précédente notice, est intéressant à plus d'un titre, d'abord parce qu'il nous révèle l'existence d'un maitre d'école qui exerçait là depuis 1639 (1) et ensuite parce qu'il nous apprend la création d'un séminaire à Égletons. . ?

Ce séminaire existait depuis 1617 au MoustierVentadour. (2)

Anne de Lévy, duc de Ventadour, pair de France, chevalier des ordres du roi, conseiller en ses conseils d'Etat et privé, capitaine de 50 hommes d'armes de ses ordonnances et lieutenant-général en la province du Languedoc, l'avait fondé le 29 janvier 1617. Sa volonté avait été d'établir des places pour vingt

(1) L'Instruction primaire en Limousin sous l'ancien régime, par Louis Guibert. (Limoges, imp. V° H. Ducourtieux, 1888).

(2) On n'est point d'accord sur la date de fondation de ce séminaire. Plusieurs auteurs, entr'autres le distingué historiographe diocésain M. Poulbrière, le disent fondé en 1585. Un titre de 1644 émanant desbourgeois et prud'hommes de la ville d'Ossel, rappelle qu'il fut fondé en 15S5. L'Annuaire de la Corrèze pour 1815 dit qu'il fut établi en 1585 par Gilbert III de Lévy, duc de Ventadour, qui, le 8 août de la même année, le dota d'une rente de 1200 livres. D'autre part, les Calendriers ecclésiastiques et civils du Limousin, antérieurs à-la Révolution, le Pouillé de Nadaud, annoté par l'abbé Legros et publié par M. Clément-Simon (Bulletin de Brive, janvier-mars 1893, p. 60) le disent fondé en 1617 par le fils de Gilbert : Anne de Lévy. De tout cet ensemble, on peut en conclure que Gilbert III, duc de Ventadour, projeta, à la suite de la mission qui fut prêchée au xvie siècle, au Moustier, par le vénérable César de Bus, fondateur des Doctrinaires, la création d'un séminaire, qu'il en avait même jeté les bases, mais que n'ayant pu effectuer cette fondation pour des.causes que nous ignorons, son fils Anne de Lévy réalisa définitivement ce projet. C'est à cette dernière hypothèse que nous nous arrêtons. (Voy. à ce sujet : L'Archiprétré de Saint-Exupéry, par M. l'abbé Leclerc. Bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts de la Corrèze, 3™é livraison, pp. 294 et 295. Tulle, 1892.)


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pauvres prêtres ignorant les lettres, qui seraient près du lieu de Ventadour ou de la châtellenie d'Ussel, Meymac, Neuvic, Pérols et Corrèze, ou du Haut et Bas-Limousin ; qu'ils apprendraient la langue latine, les cas de conscience, l'administration des sacrements, la manière de faire le catéchisme et de prêcher Fexposition des évangiles ; un docteur en théologie, séculier ou régulier, les instruirait et les ferait vivre religieusement, et dès qu'ils seraient capables, ils feraient place à d'autres. S'il ne se trouvait pas de prêtres pauvres et ignorants, on prendrait de pauvres garçons. Le docteur pouvait être changé par les ducs de Ventadour, officiers et consuls de la ville d'Egletons.

Anne de Lévy donna mille livres de rente perpétuelle et annuelle et les revenus du prieuré de Ventadour, que le cardinal de Guise, abbé de Cluny, avait consenti d'être unis à ce séminaire.

On l'installa dans le prieuré même du MoustierVentadour, mais soit à cause de la position défectueuse du lieu, soit à cause aussi du voisinage du collège de Tulle., le séminaire n'y eut guère de pros-, périté. Ce fut alors que l'évêque de Limoges tenta de le transférer à Égletons et qu'à cet effet, Martial Desplas, « régent de la présente ville, directeur et maître du séminaire, fait l'acquisition, le 26 octobre 1650, pour la somme de sept cents livres, d'une maison appelée « de la Bonne », située dans la dicte ville et dans laquelle maison le dict séminaire est logé de présent ». Cette maison se composait : « d'une cuisine en'bas, d'une boutique y joignant, d'une cave en dessoubs, chambre et grenier au-dessus des dictes


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cuisine et boutique avec un degré en dehors de pierre pour monter à la dicte chambre » (1)

Le séminaire resta-t-il longtemps à Égletons?

La perte des archives ecclésiastiques et communales ne permet pas de nous prononcer, mais ce que nous pouvons affirmer, c'est que le séminaire ne réussit pas mieux à Égletons qu'au Moustier. (2)

Laissons là pour l'instant l'histoire de cet établissement plus tard converti en collège à Ussel, elle nous occupera ailleurs plus longuement. (3)

Pour en revenir à celle de l'instruction primaire au Moyen-Age et sous l'ancien régime, disons que de cet enseignement à Egletons il subsiste peu de traces positives, ni plans d'études, ni programmes spéciaux qui nous permettent de caractériser à bon escient les principes et les méthodes des régents en cette matière. Le nombre des élèves qui fréquentaient l'école nous est également inconnu; il nous faut aller jusqu'à 1686, époque à laquelle Mgr Lascaris d'Urfé., évêque de Limoges, donna à son diocèse un règlement pour les petites écoles. (4)

(1) Voir aux pièces justificatives pour ce document qui fut publié pour la première fois dans la Semaine Religieuse de Tulle, n° du samedi 18 juin 1882.

(2) La mention suivante relevée aux actes d'état-civil d'Egletons indique que le séminaire y était encore existant en 1652 : « Le 1er juillet 1652" décéda Gaspard Espaignol, estant au séminaire de Monseigneur le Duc en cette ville, estait natif de la ville d'Ussel ». Quoi qu'il en soit, dès 1662, le séminaire avait fait retour au Moustier, où nous trouvons le 3 avril même année : Estienne Andrieu, docteur en théologie, directeur du séminaire à Ventadour et curé du Moustier.

(3) Dans l'histoire du collège d'LTssel-Ventadour que nous avons sur le métier.

(4) Au Moyen-Age, les petites écoles dépendaient des évêques pour la doctrine., des curés pour la surveillance et des communes pour la subsistance. (Voir, pour ce règlement, aux pièces justificatives).


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Nous pouvons donc, d'après ce règlement, nous imaginer comment l'enseignement, surtout en matière religieuse, était organisé dans notre petite ville.

Tout d'abord, il était interdit aux maîtres et maîtresses de recevoir dans leurs écoles des enfants de sexe différent ; chaque matin les élèves étaient conduits à la messe dans les lieux où ils pouvaient avoir cette commodité ; les exercices de la classe commençaient toujours par la prière, et parmi les instructions que le personnel enseignant devait donner aux enfants, il était recommandé de leur apprendre, outre les règles de la civilité et de l'honnêteté, les principes de la foi et du christianisme et de prendre au moins une heure de temps chaque semaine pour les leur expliquer. A cet effet, les élèves devaient être pourvus non-seulement du catéchisme, mais aussi de VIntroduction à la vie dévote ou de quelques autres livres spirituels.

Sous l'ancien régime jusqu'à la Révolution, il est à présumer que l'école d'Egletons n'eut pas d'autre programme.

Comme les autres villes, Egletons votait chaque année des subsides pour son maitre d'école.

A quel chiffre s'élevaient-ils?

Un document qui remonte aux premières années du xvme siècle nous apprend que la communauté accordait en 1730 à Jacques Borie, et en 1738 à Jacques Bargy, régents, vingt livres de traitement annuel pour l'instruction de la jeunesse.

Il Bst infiniment probable que ce dernier chiffre était le chiffre normal du traitement de l'instituteur, même dans le siècle précédent.


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Les comptes consulaires de ces années ont complètement disparu, se métamorphosant sans doute en cornets à poivre ou à tabac au fond de la boutique de quelque barbare et inconscient épicier ou devenant à l'occasion matières inflammables pour réchauffer les membres engourdis de nos édiles modernes. (1)

Vingt livres affectées aux gages du. régent, c'est certes un chiffre excessivement modeste; mais ce chiffre doit être augmenté des cotisations qu'apportaient les enfants dont les pères étaient à la tête d'une certaine aisance.

Malgré tout, la situation, matérielle du personnel enseignant de cette époque était plus que précaire et cette situation misérable, jointe à son état de dépendance, le déconsidérait malheureusement trop souvent aux yeux des habitants, aussi l'instruction la plus élémentaire était-elle irrégulièrement et parcimonieusement départie. (2)

(1) Malgré les circulaires ministérielles et préfectorales du 16 juin 1842, du 20 novembre 1879 et du 27 décembre 1885, les archives communales d'Egletons sont dans un état lamentable, les titres antérieurs à 1790 ont été disséminés un peu partout et beaucoup ont été détruits. Quant aux documents concernant la Révolution, ils sont intéressants et à peu près complets, mais entassés sans précaution, exposés à toutes les causes de destruction et dans un état qui en rend le classement sinon impossible, au moins très difficile. Pour ce qui regarde les registres paroissiaux, que la loi du 20 septembre 1792 ordonne de déposer « dans la maison commune », ils remontent à 1637 ; ils sont dans un état parfait et ne présentent pas de lacune. Quelques papiers sans grand intérêt, quelques registres paroissiaux provenant de l'ancienne paroisse de Vedrenne, aujourd'hui annexée à Égletons, complètent le fonds des archives communales de cette ville, qui dans son intérêt ferait bien de veiller à leur conservation. Serons-nous celui dont la voix prêche dans le désert, vox clamanlis in deserto ? Hélas !

(2) Les petites écoles étaient pourtant nombreuses, dit M. Taine. On


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Il était donné à un homme que ses réformes et son amour pour le bien public ont rendu populaire dans notre province, de remédier à cet état de choses.

Turgot devait en effet, comme intendant de la généralité de Limoges, dissiper par des moyens salutaires un peu de cette ignorance générale qui l'émut si profondément dès son arrivée dans la capitale du Limousin.

« J'ai vu avec douleur, écrivait-il aux curés de la généralité dans sa lettre-circulaire du 25 juin 1762, que dans quelques paroisses le curé a signé seul parce que personne ne savait signer, cet excès d'ignorance dans le peuple me paraît un grand mal et j'exhorte MM. les Curés à s'occuper des moyens de répandre un peu plus d'instruction dans les campagnes et à me proposer ceux qu'ils jugeront les plus efficaces. »

Devant de telles exhortations, non-seulement l'instruction acquit un plus grand développement, mais le sort de ceux qui enseignaient fut sensiblement amélioré et c'est certainement sur les ordres de Turgot que nous voyons, dès 1765, le traitement du

en comptait autant que de paroisses et fréquentées et efficaces. (Taine, La Reconstruction de la France en 1800). Pourtant, et pour ne pas sortir de la région qui nous occupe, nous trouvons la preuve du contraire dans diverses assemblées d'habitants. Ainsi, en 1787, à une assemblée des habitants dé la paroisse du Jardin, sur 14 membres présents un seul savait signer. La même année, à Ohampagnac-laNoaille, à l'assemblée des habitants pour la nomination des collecteurs, sur 23 membres présents, 5 ont pu signer. Nous pourrions ainsi multiplier les exemples. (Voir A?'c/nues département, de la Corrèze, E supplément, 1898.)


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maître d'école de la ville d'Egletons s'élever' d'un seul coup au chiffre de cinquante livres. (1)

Sans doute c'était encore un chiffre relativement modeste, mais le régent pouvait, comme on le dit vulgairement, joindre les deux bouts, et puis on vivait en un temps où la pensée de Dieu et des récompenses éternelles dominait tous les intérêts matériels et où la. satisfaction du devoir accompli était la fortune la plus enviée.

Durant cette longue période qui s'étend de 1650, époque à laquelle nous trouvons trace d'un maître d'école à Égletons, jusqu'à la Révolution, il n'est pas douteux que plus d'un incident sur les règlements intérieurs de l'école ainsi que sur le régime des études, dut s'élever entre les régents et le corps consulaire.

Assurément, il serait curieux et intéressant de les connaître, mais, hélas ! les documents font absolument défaut et c'est tout ce que nous avons pu recueillir sur l'instruction primaire sous l'ancien régime à Egletons, ainsi que sur l'existence publique et privée des membres de cette branche de l'enseignement. (2)

ÇA suivre). JEAN SEURRE-BOUSQUET.

(1) Extrait du rapport annuel des Arc'i. dép. de la Corrèze, années 1887-88. Bulletin de Tulle, 1888, p. 662.

(2) Voir la liste des maîtres d'école aux pièces justificatives.

 

 

LES BÉNÉDICTINES

DE

BONNESAIGNE

THOMAS BOURNEIX, prêtre. Nonars, samedi, 1900. Nativité de la B. H. V. Marie.

INTRODUCTION

Un fort intéressant ouvrage à faire et bien de nature à tenter la plume mélancolique de l'éminent supérieur de Servières, — après qu'il nous aura donné son IIP volume du Dictionnaire des Paroisses depuis si longtemps désiré, — serait, à notre humble avis, de grouper, dans un travail d'ensemble, toules les maisons religieuses, abbayes, prieurés, celles, qui se sont épanouis sur la partie du Limousin formant actuellement le diocèse de Tulle, comme on l'a déjà fait pour les sanctuaires de la T. S. V. Marie, en Auvergne.

Quelle belle cueillette fournirait, au cher historiographe diocésain, la zone montagneuse comprise jadis dans le grand duché de. A7entadour, lui-même englobé aujourd'hui, en majeure partie, dans l'arrondissement d'Ussel !

J'y vois quatre abbayes : Bonnaigue, Meymac, Bonnesaigne et Valette ;

Et puis, une infinité de prieurés dont quelques-uns en renom : Saint-Angel, Bonneval, le Bousquet, Port-Dieu, Saint-Projet, Saint-Vie tour, Bort, la Celette, MoustierVentadour, Vedrenne, etc., sans parler de plusieurs celles ou cellules qui ne vécurent qu'un temps, comme la communauté de Tarnac établie sur le tènement des Franches, entre les villages de Chabane et de Parneix, de l'ordre de Citeaux, T. xxiv 2 — 5


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pour les dîmes de laquelle il y eut Mémoire dressé contre Joseph Green de Saint-Marsault, abbé d'Obazine, le 14 septembre 1771, par le curé du lieu réclamant.

Ce serait, non la Gallia Christiana, mais son diminutif, le Lemovicinum Christianum.

Pour nous, pauvre chroniqueur des paroisses que nous avons eu la charge de desservir, nous chantons moins haut. Nos ailes n'ont pas assez d'envergure pour planer ainsi d'un horizon à l'autre du cher diocèse. Nous nous contenions de voltiger de saule en saule le long du ruisseau limpide qui arrose la verdoyante vallée de Soudeilles. ou de sauter de branche en branche dans la forêt de Ventadour. Tout au plus si, dans un élan téméraire, nous nous permettons une envolée timide sur deux autres rivages : la Soudaine et la Menoire, dont les fraîches ondes nous ont désaltéré bien souvent ;

« Racan chanta Phylis, les bergers et les bois ».

Tel est notre modeste rôle.

Hier, nous chantions les pâtres de la Basse-Luzège et les filles de nos grands seigneurs montagnards qui s'enfuirent de Soudeilles et de Ventadour pour être changées, dans le monastère de Moulins, non en amandiers sauvages chargés de fruits amers, mais bien en fleurs mystiques de sainteté, parfumées des plus odorantes vertus.

Aujourd'hui, nous voudrions chanter les bois touffus de la forêt ducale et les dames bénédictines de Bonnesaigne qui se cachèrent, à l'ombre de son épais feuillage, durant plus de mille ans.

La tâche est engageante, mais délicate au possible ! Les dames de l'ancien duché montagnard, en effet, rendent leurs historiens méchants... Chaque fois qu'un cantador a essayé de les chanter, il n'a pu s'empêcher de distiller sur elles le venin de la confusion ou du ridicule.

Le troubadour vagabond d'Uzerche, Gaucelm Faydit, les chanta en fort beaux vers ; mais finalement prit congé d'elles Irademen et leur lança ensuite un sirvente sanglant.


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L'auteur du passage du Prince grec, à Ussel, les a célébrées en fort belle et bonne prose. A la fin de la plaisante comédie si bien jouée par le marquis de Gorse, le comte de Bournazel, les sieurs de Soudeilles, de la Salle, de Bansson, de Chabannes, consul dans la ville et bailli de la Ribéiï, et quantité d'autres gentilshommes des environs, il ne put s'empêcher de leur servir un grain de mystification dans les salons de Mme de Charlus... Finalement, le prince grec, dont elles se disputaient les faveurs, se trouva n'être que le vulgaire plaisant Boyer de Solignac

Plus près de nous, un autre écrivain a chanté les Dames de Meymac et les Fines de Saint-Angel. Dans l'ouvrage qu'il leur consacre, l'auteur : « Mêle le grave au doux, le plaisant au sévère v. On peut appliquer à son oeuvre l'épigramme qu'Arouet lançait je ne sais plus à quel auteur : « Les uers se sont mis dans sa prose ! »

L'essentiel pour.lui est de poursuivre de toute manière, en vers, en prose, suivant l'inspiration du moment, les personnages qu'il a en vue.

. En sera-t-il ainsi de nous pour les Dames de Bonnesaigne ?

Telle n'est pas notre intention. Ce n'est pas une satire que nous voulons tirer de notre plume contre les abbesses de Bonnesaigne, mais bien une élégie en leur faveur.

L'abbaye de Bonnesaigne, en effet, a toujours été la plus dolente de nos communautés montagnardes. Commencée dans le trouble et la confusion du vme siècle, elle a vécu dans les malheurs que nous attirèrent nos interminables guerres, tantôt avec les Normands, tantôt avec les Anglais ou les protestants, et finalement elle est allée sombrer dans les horreurs de notre grande révolution.

C'est cette malheureuse abbaye que, dans quelques pages émues, M. l'abbé Laubie nous a dépeinte avec la pâleur effrayante d'une morte couchée dans un tombeau, au milieu de débris informes qui n'ont aucun nom dans aucune langue. • Nous, voudrions, pour un instant, réveiller cette grande endormie de son sommeil séculaire ; souffler sur elle pour la


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ramener à la vie ; l'étaler en pleine lumière avec les couleurs riantes de la jeunesse sur le visage, les accents de la prière sur les lèvres et le front ceint d'un diadème « d'or à trois chevrons de sable ».

L'abbaye de Bonnesaigne, la plus dolente assurément mais la plus aristocratique de toutes nos maisons religieuses, est connue de notoriété publique dans les annales de la province ; mais, à notre avis, sous un faux jour, jeté sur elle par la haine de la noblesse que souffla Luther, qu'entretinrent si bien les encyclopédistes du xvme siècle dans les bas-fonds de la société et qu'exploitent encore à. merveille nos révolutionnaires modernes.

Pour juger l'abbaye de Bonnesaigne, les anciens historiens de la province, plus ou moins imbus de l'esprit sarcastique de Voltaire, n'ont pas assez tenu compte du sage conseil du païen Horace, dont nous avons cité en première feuille les mémorables paroles qui seront toujours celles d'un homme réfléchi et plein de sens.

« Quand, dit-il, nous trouvons dans un ouvrage de nombreuses pages brillantes, pourquoi nous offusquer de celles, plus rares, qui ont quelques taches échappées ou à l'incurie de l'auteur, ou à l'imprévoyance de la pauvre nature humaine ? »

Ce qu'Horace dit en faveur de tous les Rapins, sur toile ou sur papier, de tous les siècles, est vrai pour les communautés,- les paroisses et les diverses associations d'hommes ou de femmes.

Quand, dans une communauté, nous trouvons des abbesses, des religieuses admirables de vertus, durant des siècles et des siècles, qu'importe que quelques-unes d'entre elles se soient ressenties, pour un temps, des misères de leur époque, de la faiblesse inhérente à la nature humaine, ou d'une certaine incurie difficile à éviter dans l'art délicat de gouverner les âmes : ars artium regimen animarum 1

A des époques néfastes de son histoire, Bonnesaigne a eu quelques abbesses dont certains actes ne peuvent être innocentés, d'une manière absolue, aux yeux de la postérité,


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quoique chacun de nous s'en fût peut-être rendu coupable, en pareilles occurrences, en vertu du microbe morbide que tout homme garde toujours en son corps de boue, depuis la chute originelle. Malgré la profession que l'on exerce, le costume que l'on porte et la grâce des sacrements que l'on reçoit : « Nous restons toujours inclinés vers le mal ! »

Mais que sont quelques taches dans une communauté qui compte près de onze siècles d'existence ?

Lorsque, sur trente-neuf abbesses connues, on en trouve à peine deux ou trois de réprôhensibles, est-il raisonnable, est-il juste de jeter la pierre aux autres ?

Les autres ont été admirables de charité, de dévouement et d'intrépidité pour corriger les abus et ramener l'esprit de la règle dans leur malheureuse abbaye éprouvée, de tant de manières, par les sinistres événements qui se déroulèrent autour d'elle, pendant plusieurs siècles consécutifs de notre histoire nationale.

C'est pourquoi Bonnesaigne nous a toujours paru plutôt digne d'intérêt que de blâme. La vue de ses ruines et lé récit de ses malheurs nous ont toujours vivement impressionné et nous voudrions que les historiens, pris de la même commisération que nous, ne laissassent jamais glisser de leur plume l'épigramme, lorsqu'ils ont à parler de cette fleur des marais. Elle mérite qu'on s'apitoie sur le malheur de son sort, et, qu'au lieu d'exagérer ses fautes, on proclame hautement ses vertus.

Pourrons-nous réaliser un tel rêve, remplir un programme si beau !

Malheureusement l'ouvrage que nous livrons aujourd'hui, aux amateurs des choses antiques, sera encore plein de lacunes, comme les feuilles de tous ceux qui, avant nous, ont écrit sur Bonnesaigne. Nous en comblons quelques-unes pourtant, grâce aux grimoires découverts d'ici et de là ; grâce surtout aux riches fonds des bibliothèques de l'abbé Poulbrière et de MM. Champeval, de Valon et Rupin. Mais, pas plus que nos devanciers, nous n'avons pu soulever complètement le voile qui nous cache l'existence de Bonnesai-


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gne, du vme au xne siècle et durant la période de nos guerres contre les Anglais et avec les religionnaires.

Pour le lever, ce voile mystérieux, il faudrait faire comme le pieux M. de Larouverade, quand il voulut écrire ses Etudes historiques et critiques sur le Bas-Limousin (1860); il faudrait, comme cet historien consciencieux, passer plusieurs fois le Détroit et aller butiner dans la Tour du Temple où se trouvent entassées les riches archives que les fils de la perfide Albion ont volées à nos églises et à nos abbayes,, durant leur longue et néfaste occupation de la terre des Lemovices.

Mais, pour bien des raisons faciles à deviner, nous sommes obligé de nous contenter des feuilles volantes échappées au pillage et à l'incendie, plusieurs fois réitérés, des archives de Bonnesaigne.

C'est à l'aide de ces précieuses mais par trop rares feuilles jetées aux quatre vents, par les ouragans de toute sorte qui s'abattirent terribles sur l'abbaye, que nous pourrons néanmoins servir à nos lecteurs quelques chapitres n'ayant jamais vu le jour, depuis que l'on s'exerce à écrire sur Bonnesaigne : celui, en particulier, des longs démêlés des abbesses avec les curés de Darnets, depuis 1348 jusqu'à notre grande Révolution ; chapitre piquant qui nous révélerait au besoin, si nous ne le savions déjà, que les gens d'église d'alors étaient non moins divisés que ceux d'aujourd'hui. Et pourtant nous n'avons plus, comme eux, dîmes et proférents pour nous fournir matière à nous chicaner. Ce qui prouve que les dissensions, les disputes, aussi bien que les guerres, filles du péché originel, ont toujours été et seront sans cesse de tous les temps et de toutes les générations, malgré les conférences de La Haye ou de COUCOULOGNE que pourront imaginer nos Princes de la Paix, après qu'ils auront réglé les affaires glorieuses du Transvaal et les lugubres événements qui se déroulent actuellement en Chine (1).

(1) Ce double règlement, plus ou moins glorieux pour les nations de l'Europe, vient d'avoir lieu. — T. U.


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C'est ce malaise universel, ce sont ces tiraillements incessants de notre pauvre nature déchue, avec les êtres qui l'entourent, que le paysan Limousin exprime si bien, par un adage typique de sa belle langue d'Oc :

« Per tout poys lo dzeno le-i est ! »

ou par cet autre non moins expressif, de l'idiome d'Oïl :

« De quel côté que je me tourne, K Je vois la ville de Libourne ! »

Finalement nous verrons cette antique abbaye, lasse de lutter contre le malheur, plier sous le poids des épreuves et déserter nos bruyères parfumées pour un ciel plus clément.

Sur les bords de la Haute-Luzège, les Filles de saint Benoît ne respirèrent que rarement l'air fortifiant de la paix et du bonheur ; leurs poumons l'auront-ils davantage sur les rives enchanteresses de la Corrèze, au sein non plus d'un village champêtre mais de l'opulente capitale du Limousin inférieur ?

Guère mieux !

Là encore, nos Bénédictines émigrées vivront dans des ruines, au milieu des privations, jusqu'au jour, du reste assez rapproché, où une tempête, autrement effroyable que toutes celles qu'elles avaient entendues gronder dans la forêt de Ventadour, les emportera dans un tourbillon capable de déraciner les montagnes et les jettera aux quatre vents du diocèse.

C'est ce tableau lamentable des épreuves, des souffrances de Bonnesaigne, que nous voudrions pouvoir graver dans ce livre, comme sur une tablette « plus dure que l'airain », pour dire aux hommes de l'avenir :

O ! vous qui passez par les steppes d'Ussel à Combressol, que vous soyez voyageurs, touristes ou disciples de saint Hubert, quand vous touchez au gracieux village de la C/iapelle, de grâce, saluez d'abord la douce Madone de ce lieu ; et puis, prenez le petit sentier ombreux qui glisse entre le puy chauve du Deveix et la vaste prairie, il vous conduira


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au bourg de Bonnesaigne. Là, contemplez à loisir les hautes murailles qui se dressent au levant du modeste village, au pied de la montagne du Fleuret. Pénétrez ensuite dans leur enceinte, et voyez les débris entassés qu'elles entourent de respect, comme un objet de piôlé. C'est tout ce qui nous reste d'une abbaye fameuse qu'elles gardèrent pendant mille ans et plus. Ces ruines pulvérisées, semblables à un monticule de sable, sont l'oeuvre de la main du temps, mais surtout de la main mercenaire de l'homme ; et dites-nous si jamais, dans vos excursions lointaines, vous avez vu désolation semblable à la désolation de l'abbaye villageoise !

Les autres abbayes, en effet, eurent leurs heures de bonheur, participèrent à la gloire du Sauveur et le suivirent au mont Thabor.

Bonnesaigne, au contraire, fut constamment la victime du Calvaire, et semble avoir eu pour mission spéciale d'imiter la vie souffrante de l'Homme-Dieu.

De là, pour cette abbaye, un jeu de physionomie, uniforme et changeant, comme le génie de la souffrance, difficile à décrire :

Il faudrait à l'artiste des doigts de fée et le ciseau d'un Phidias chrétien.

Et puis, Bonnesaigne n'a jamais été appelé à donner une orientation aux grands événements de l'histoire nationale. Jamais cette abbaye n'a été portée sur les ailes du « Génie de la France missionnaire du Christ à travers les Nations », comme Paray, Moulins et tant d'autres. Malgré la noblesse de ses religieuses, sorties toutes de familles au sang généreux, l'abbaye montagnarde resta toujours repliée sur ellemême, par suite de circonstances néfastes qui ne lui permirent jamais de s'épancher au dehors et la retinrent constamment éiendue sur un lit de misères terrestres, au milieu de ses marais. De là, aussi, le terre-à-terre forcé du narrateur de son histoire.

II a beau vouloir s'accrocher à un fait mémorable, faire corps avec un personnage important et partir ensemble pour le pays de l'enthousiasme ; ce personnage et.ee fait, — rares


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oiseaux, — s'il a le bonheur de les rencontrer, ne le soutiennent qu'un instant ; et, malgré ses coups d'ailes réitérés pour se maintenir dans ces parages éthérés, il faut retomber lourdement dans une mare où flottent pêle-mêle mille petits bouts de papier portant des rentes, des dîmes, des proférents, des procès, des cabales, des fermes, des incendies, des ruines, quelques noms d'abbesses, des faits isolés ; disons le mot : mille riens et cent tripots ! Et pourtant :

Si vous ne les arrêtez au passage, pour les épingler ensemble, vous n'aurez jamais l'histoire de Bonnesaigne. Ils disparaissent, les uns dans la poussière, les autres sous la dent meurtrière des rongeurs, les autres enfin dans le fleuve de l'oubli d'où ils ne vous reviendront jamais plus sous la main.

Mais dans ce milieu, à ce métier de colleur, trouva-t-on jamais :

« Le lyrisme attablé, o Tout de neuf habillé ! »

Et le poète n'a-l-il pas dit à son tour :

« L'ennui naquit un jour de l'uniformité? »

Et encore :

« Le secret d'ennuyer, c est celui de tout dire ».

Autant de difficultés, presque insurmontables, pour un vulgaire rapsodiste

Sortons-en de notre mieux, c'est-à-dire comme nous pourrons !...

Après tout, ce n'est nullement, et pour cause ! une oeuvre sereine du Parnasse des Lettres que nous avons en vue, mais bien une excursion dans le royaume sombre de Pluton que nous entreprenons, pour la mise au jour de documents inédits que nos neveux et petits-neveux laisseraient encore, quand nous ne serons plus, dans d'éternelles ombres, au détriment de l'histoire de notre cher Limousin Hâtonsnous :

« Car la montagne prend sa coiffure de neige! »

Qui m'aime me suive, ou me suive qui voudra


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De nouveau, je trempe ma plume dans les eaux diaphanes de la Luzège, pour moi la Fontaine de Jouvence ; et en route !

Malgré les récifs, aux vents propices ou contraires, j'abandonne ma gondole pour un voyage au long cours — onze siècles ! — dans les marais de Bonnesaigne.

« Ave, Maris Stella ! »

THOMAS BOURNEIX, prêtre. Nonars, samedi, 1900. Nativité de la B. H. V. Marie.


CHAPITRE PREMIER

Topographie. — Cimetière. — Eglise. — Cour d'honneur. — Greniers d'abondance. — Ecuries. — Promenade. — Monastère.

§ 1. — TOPOGRAPHIE

C'est une paroisse hien intéressante que celle de Darnets !

Au centre,, flanquée de deux châteaux historiques, se dresse l'église, toute blasonnée aux armes des Soudeilles, chargées de celles des Lieuteret, des Malengue de Lespinasse., des Saint-Georges 1 des d'Àubusson, des Luzançon et des Sédières (ou des Montaignac).

Dans le fond, ses pieds foulent les ruines du célèbre Ventadour, dont les tours mutilées apparaissent, dans le lointain, comme deux fantômes grisâtres.

Sur ses flancs glissent, semblables aux bras du corps humain, deux rivières également cristallines et poissonneuses : la Basse-Luzège, à l'Ouest; et à l'Est, la Haute-Luzège.

Elles viennent l'une et l'autre d'un même réservoir, du plateau de Mille-Vaches, et courent, sur un lit de galets, de moulettes, de bivalves et de grêlées, former un unique cours d'eau, — la Luzège tout court, — un peu en aval de l'ancien château ducal.

Au Nord, sa tête est couronnée d'un diadème de verdure par la forêt de Ventadour, se déployant en hémicycle de l'une à l'autre Luzège, sous forme d'un immense croissant de 400 hectares de superficie.


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Parfois cette forêt, dans son exubérance, saute chez les voisins, par dessus la Haute-Luzège et forme alors, du côté où le soleil se lève, en guise d'aigrettes de couronne ducale : les bois de la Mazière-Basse, de Palisse, de Lerme et de Bonnesaigne.

C'est dans ce dernier massif, de la paroisse de Combressol, que dorment les ruines de l'abbaye bénédictine de filles dont nous entreprenons l'histoire.

Qu'on se figure au sein de ce massif, entre deux collines boisées, ouvertes comme un compas du Nord au Midi, un grand tapis de verdure, plat comme un lac ou un étang qu'il fut jadis, doucement incliné vers le soleil pour recevoir ses rayons réchauffants.

Tels les marais de Bonnesaigne !

Ils naissent au Nord, au bas de deux puys que relie ensemble le plateau de la Chapelle : le puy chauve du Deveix (Teoi, Deoi, Dephoi, les dieux) et le puy chevelu, qui abrite la chapelle et le gracieux village de ce nom contre les ardeurs du Midi. Ils naissent ensemble, ensemble ils meurent au Midi, en se resserrant un peu, dans les eaux claires de la HauteLuzège.

Un ruban d'eau dormante, nuance de saumure, étincelle au bon milieu, de la pointe au fond, des prairies et leur donne les airs aristocratiques d'un énorme écusson « De sinople au pal de gueules ».

De cette vaste pelouse, terminée brusquement en pacages rocailleux de pente rapide, avant d'arriver à la rivière, sortent d'ici de là, à fleur de gazon, des plaques de granit qui pourraient bien être autant de pierres tombales de guerriers fameux dans le temps, aujourd'hui oubliés.


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Cette vallée, ainsi ouverte aux feux du Midi, est frangée, disons-nous, de deux collines, mais d'inégales hauteurs.

Celle du Levant, plus haute, surmontée des mamelons du Deveix, de la Côte et du Fleuret, — autant de propriétés, — se termine en arête de bruyère en arrivant à la Luzège. •

Celle du Couchant, surbaissée, est entièrement livrée à la culture. Elle porte sur ses crêtes : le bosquet de sapins derrière lequel se cachent le village, l'école congréganiste de filles et le modeste édifice dédié à Notre-Dame de Deveix, de La Chapelle. Viennent ensuite les fermes de Monlcliauzoux (retenons ce nom), du Naudet, de la Chastres, des Escures, de Germain, le village de Feyt (bas et haut) (retenons aussi celui-là) et le moulin de la Rochette, au bas d'un rocher dominant la Luzège.

Revenons à la colline du Levant.

De la base du mamelon du Fleuret sort, en forme de cor de chasse replié vers le midi, un ressaut granitique, à pente douce, qui s'enfonce comme un harpon dans le flanc oriental de la prairie, jusqu'à deux doigts de la rive gauche du ruissel.

C'est tout le long de cette langue de terre végétale, montant du ruisseau vers la ferme du Fleuret, que s'étage le bourg de Bonnesaigne, à droite et à gauche de l'antique charrière arquée que gravit, durant des siècles,Ta plus brillante aristocratie de plusieurs provinces à la ronde, en accompagnant ses Damoiselles à l'abbaye champêtre.

De l'extrémité orientale du village, à la bordure d'énormes châtaigniers qui font sentinelles tout le


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long du pré de la Salle et du jardin de l'abbaye, entre la colline et la vallée, se déploie une surface plane à fleur de rocher. De cet endroit court, vers le Nord, un immense carré de murailles s'élevant, à mesure que le terrain de la prairie décline, afin d'avoir le même niveau tout autour des personnes et des choses qu'elles doivent protéger.

C'est au milieu de ce terrain, clôturé par ces quatre murailles, qu'émergeait l'abbaye, avec son église et ses dépendances accessoires.

« Pendant six mois de l'année, a écrit M. l'abbé Laubie, ce pays granitique est souvent refroidi par le vent Nord-Est, qui a passé sur les neiges du MontDore ou sur celles du Cantal.

« L'abbaye était heureusement abritée, au milieu de ces vastes prairies. Les champs du Fleuret, la Côte et le bois du Deveix, qui n'est aujourd'hui qu'une colline découronnée en face de la Chapelle, forment, sur le Levant, les trois châssis d'un long paravent derrière lequel Bonnesaigne pouvait se chauffer aux feux du Midi et du Couchant ».

Dans ce robuste carré de murailles blanchâtres, s'élevant à certains endroits, vers le Nord, du côté du pré de la Salle, jusqu'à dix mètres de hauteur, se trouvaient, disons-nous, les multiples dépendances de l'abbaye : cimetière, église, monastère, greniers d'abondance et les écuries.

L'église et l'abbaye formaient, elles aussi, un grand carré dans un immense carré.

Le jardin, très vaste enclos aux murailles élevées, était au Midi, dans l'arc du ressaut granitique, en dehors du mur d'enceinte, séparé de la communauté


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par la charrière rustique. Les religieuses y pénétraient, sans être vues, par un viaduc jeté sur le chemin rudimentaire, au bas du Fleuret. Ce jardin avait deux pièces d'eau, une pour le poisson, l'autre pour le lavoir ; une grande charmille était au fond. Cette pièce forme à présent une grande prairie triangulaire en face du village vers l'Orient.

La nouvelle voie publique de Meymac à Neuvic, arrivée dans les marais, passe le ruisseau sur un rustique ponceau, gravit ensuite l'ancienne charrière améliorée du ressaut jusqu'au milieu du bourg ; et là, tournant brusquement à droite, elle longe la muraille méridionale de ce bel enclos, encore tout clôturé des pierres moussues de l'ancien jardin abbatial ; puis, elle s'élève à travers les flancs cultivés de la colline jusqu'au niveau du Fleuret et disparaît enfin, au-dessus du vallon, petite comme un « Pal d'argent sur un champ d'azur et de pourpre » formé par le ciel bleu et les bruyères en fleurs, du côté du Bos des Pères (de Saint-An gel), dans la direction de Palisse et de Neuvic.

Et cet endroit, autrefois si solitaire, est aujourd'hui un peu récréé par les grelots du Rossinante qui tire péniblement la patache lambrissée portant les dépêches de l'un à l'autre immense canton montagnard.

De cette position entourée de marais, qu'améliora le travail, venait à notre abbaye son nom de Bonnesaigne : « Jacet in paludosa planitie à quà et nomen Bonoesanioe accepit » (Gallia ChristianaJ.

L'expression vulgaire Saigne, Sania, a la même signification que fonds gras el humide : « Sanioe


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enim vernacula idem sonat ac fondus pinguis et humidus » (Idem.)

Les notaires du Moyen-âge appelèrent aussi Bonnesaigne : Vallis, vallis calida, vaïles etuva, vallée, vallée chaude, vallée étuve ; ou bien, Podium maris, Puy du marais.

Et certaines abbesses, au lieu d'employer dans les actes leur nom patronymique, se servirent de celui du lieu qu'elles habitaient : de Voile, de Valle-Eluvâ, ou simplement de Val-Tuvâ, Val-Tuve, comme Adelaïs de Ventadour. D'autres, comme Blanche II de Ventadour, signaient : Domina Blanchia de Podiomoris, aliàs Bonnesanhioe. Ce qui a désorienté certains écrivains et leur a fait croire à l'existence d'abbesses dont les noms de famille étaient ceux de Vallée, du Val-Tuve et de Puy marais. Nous le constaterons au chapitre sixième de cet ouvrage.

Le portail d'honneur était du côté du bourg, à gauche du visiteur ; et le Fort à droite, vers la montagne du Fleuret, l'un et l'autre dans la partie supérieure, c'est-à-dire dans la muraille méridionale de clôture que longe l'ancienne voie publique grimpant à plein collier vers les champs du Fleuret.

C'était près du Fort qu'était jeté le viaduc conduisant les religieuses au jardin.

Le portail situé dans la muraille de clôture du Nord — partie inférieure de l'enclos — ne conduisait qu'aux écuries, aux greniers d'approvisionnements, sans qu'on pût pénétrer de ce côté dans le cloître; il ne servait qu'à l'exploitation du pré de la Salle et des domaines.


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Et maintenant, pénétrons par le portail d'honneur

,dans cet enclos muré, dont une faible partie est

ouverte au public et le reste uniquement réservé aux

religieuses, aux parents des élèves et aux visiteurs

autorisés.

§ 2. — CIMETIÈRE — ÉGLISE

Le Portail d'honneur, surmonté d'un « Damier d'or et de gueules » (des Ventadour primitifs), plus tard remplacé par un « Ecusson d'or à trois chevrons de sable » (des Lévis), s'ouvrait sur une avenue, d'une muraille à l'autre de l'enclos, coupée vers le milieu par une grande grille, et, presque au fond, par un mur percé d'une porte basse.

Cette avenue était gardée, à gauche du visiteur, par la muraille occidentale de clôture, et, à droite, par une série de constructions ajourées.

Ouvrons la première porte.

Nous voilà dans le champ des morts ; au milieu se dresse une haute croix de chêne peinte en rouge, avec Christ passé en blanc, que nous nous rappelons encore comme un rêve d'enfance. C'est là que dorment, sur le flanc méridional de l'église abbatiale, en attendant le signal du grand réveil, les pieux fidèles du village.

La seconde porte nous donne accès dans l'église orientée suivant toutes les règles liturgiques. Jetons, avant d'y entrer, un coup d'oeil sur son haut clocher, grande tour carrée que nous verrons, dans la suite, plusieurs fois visitée par la foudre et la mitraille.

A l'intérieur, l'église abbatiale présente une croix

T. XXIV 2 — 6


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latine, à trois nefs, avec dôme sur le transept, déambulatoire et chapelles circulaires.

C'était, rapporte la tradition, la soeur de celle de Saint-Angel, sauf pour le clocher, que cette dernière attend toujours et n'a jamais eu.

Les trois nefs terminées par une grille, en arrivant au transept, étaient réservées aux fidèles de l'annexe paroissiale.

Les bras de la croix, dans lesquels on montait par trois marches, étaient à l'usage de l'aumônier, des soeurs converses, des élèves et des employés de l'abbaye.

La tête de la Croix (ou chevet) était uniquement réservée aux soeurs de choeur, derrière une seconde grille qui les séparait de l'aumônier, des frères oblats, des soeurs converses et des employés de l'abbaye.

Leurs stalles circulaient tout autour, en hémicycle, sur trois rangs surélevés.

Le maître-autel (ou de communauté) était sous le dôme du transept.

Cette église, du patronage de la T. S. V. Marie (Présentation), existait dans toute sa splendeur longtemps avant 1165 et servait de sépulture aux religieuses.

La cure de Gombressol y avait une succursale d'environ 250 habitants, sous le vocable de saint JeanBaptiste (Nativité).

S'il faut juger des autels de cette église, par les vicairies établies dans l'abbatiale, ils étaient nombreux.

Sans parler du maître-autel et de celui de la succursale, on en trouve jusqu'à huit.

Ce sont :


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1° La vicairie de saint Eustache, avec prébende, fondée en 1200 par le pieux vicomte Ebles V de Ventadour, un an avant d'entrer en religion à l'abbaye de Grandmonl, et par sa vertueuse épouse, Marie de Turenne, soeur de Boson III et de Raymond seigneur de Servières. L'abbesse y nomma en 1473, 1487, 1492, 1580, 1587, 1602.

Le duc de Ventadour y nomma aussi.

2° La vicairie de sainte Anastasie, fondée par dame Burgondie de Ventadour, épouse de Pierre de Gbâteauneuf, seigneur dudit lieu et de Saint-Germainles-Belles (Haute-Vienne), père de Mathe, abbesse de Bonnesaigne de 1275 à 1285. L'abbesse y nomma en 1437, 1527, 1531, 1573, 1585, 1627.

3° La vicairie de sainte Catherine, qui payait dix livres. L'abbesse y nomma en 1447, 1492, 1569, 1575, 1593, 1660, 1696, 1721, 1729, 1762.

4° La vicairie de saint Loup, évêque de Limoges, avec prébende. L'abbesse y nomma en 1483, 1585, 1603.

5° La vicairie de Chalus (plus probablement Charlus, ce qui dénoterait encore une fondation des Ventadour).

6° La vicairie de saint Antoine, dite de Bargaudie. 0

7° La vicairie de saint Nicolas, évêque de Myre (en Lycie), avec prébende, en 1592 ; l'abbesse y nomma en 1416 et 1465.

8° Enfin la vicairie dite du Deveix, sous le vocable de N.-D. de Pitié, en la chapelle que l'abbesse Gabrielle de Beaufort de Canillac bâtit dans l'église abbatiale, sous la date de 1629, en souvenir de Tanti-


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que chapelle rurale que l'on voit en amont des prairies, sur le bord de la route nationale de Tulle à Clermont.

L'abbesse nommait à tous ces bénéfices.

Un quart de siècle environ après la mort du roi saint Louis, l'abbesse de Val-Tuve institua, dans son église, la confrérie de la Sainte Croix (1282-1292).

J'ai dit que les religieuses avaient leurs tombeaux dans l'église. A^oici un fait à l'appui de cette assertion qui n'a du reste pas besoin d'être prouvée, étant donné que, durant ces époques glorieuses de la foi, nos églises étaient autant de Nécropoles, dans lesquelles on ne pouvait faire un pas sans marcher sur l'Histoire, comme eût dit l'orateur romain : « Quàcumque enim ingredimur in aliquam historiam vesligium pominus » (Cic. Defnibus, liv. V, 2).

Voici donc le fait :

Le 4 mai 1875, mardi des Rogations, tandis que l'Eglise célébrait la fête de sainte Monique et qu'Ussel tenait sa grande foire, un paysan de Palisse fit, dans les décombres de l'abbatiale, une trouvaille sensationnelle.

En déchaussant un tronçon de colonne, il ouvrit un tombeau bâti à chaux et à sable. Dans ce tombeau se trouvaient deux statues de saints, un groupe de N.-D. de Pitié, et enfin un crâne humain parfaitement conservé. Le tout fut religieusement déposé dans une humble chaumière du voisinage, qui était celle du propriétaire des ruines.

Dès le lendemain, le village de Bonnesaigne se crut aux plus beaux jours de son abbaye ! De tous les cantons voisins, les curieux accouraient en foule ; et,


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durant plus d'un mois, la cahute fut un lieu de pèlerinage et des plus fréquentés.

Vingt jours après — c'était le lundi de la Sainte Trinité — j'y allai moi-même, en la compagnie de l'inoubliable M. Bazetou, revenant avec moi de prêcher la première communion à Palisse, sous le pastorat de M. J.-B. Furnestein.

Voici ce que nous constatâmes, après bien d'autres assurément, car la méprise n'est pas possible :

La première des statues est celle d'un évêque crosse, mitre; de saint Loup ou de saint Nicolas.

La seconde est celle de saint Antoine, avec l'emblème de son fidèle compagnon.

Notre-Dame de Pitié est assise, tenant sur ses genoux le corps inanimé de son divin Fils étendu de gauche à droite. Elle a les mains jointes et les yeux abaissés sur le corps de Notre-Seigneur. La Mère des douleurs est assistée de deux femmes : Marie-Madeleine et l'autre Marie dont parle saint Mathieu : « Erat autem ibi Maria Magdalena et altéra Maria » (XVII, 56-61). Celle de droite serre, avec compatissance, de sa main gauche, les mains jointes de la sainte Vierge, et de la main droite elle soutient la tête du Sauveur.

La femme de gauche passe son bras droit dans le gauche de la Mère de Jésus, et porte de l'autre main un vase de parfums.

Les divers personnages de ce groupe ont beaucoup souffert. Les têtes sont séparées des épaules et les figures grandement endommagées. La sainte Vierge a une partie du front emportée, et la sainte femme de gauche a le visage complètement détérioré. La tête


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du Christ a disparu, ainsi que la main de la sainte femme qui la soutenait.

D'après la déchirure qu'elle porte, la statue d'évèque avait le flanc gauche encastré dans les parois de la muraille, ce qui indique le côté de l'Evangile.

La tradition locale rapporte qu'en 1793 les bons habitants de l'endroit avaient caché ces objets de leur piété, depuis tant de siècles, au fond de ce tombeau, pour les soustraire à la profanation des terroristes d'Ussel et de Meymac. Elle ajoute que bien d'autres statues sont de même enfouies sous les dalles de l'abbatiale.

Groupe et statues sont en calcaire de même provenance que la pierre à personnages du tombeau de Soudeilles.

L'église de Saint-Bonnet-la-Rivière possède une Mater ûolorosa, mais de proportions réduites, absolument semblable au groupe de Bonnesaigne.

Enfin, le crâne humain est allongé, avec une épingle en acier enfoncée dans l'occiput. Quel nom fut gravé sur ce front le jour de son baptême ? Quelle âme a habité cette boîte osseuse? Quelle fille de nos grands seigneurs limousins est entrée dans ce tombeau avec cette épingle, pour retenir, jusque dans la mort, le voile qui cacha les charmes de son visage aux visiteurs qui se présentèrent aux grilles du parloir ? Quelle abbesse de Bonnesaigne portera au front, le jour de la résurection, cette cicatrice d'épingle? Mystère du temps, que nous pénétrerons peut-être dans l'éternité !...

Se doutait-il, le brave paysan, que sa trouvaille d'alors servirait aujourd'hui, aux Chroniqueurs, pour


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établir que l'église de Bonnesaigne avait les autels de saint Antoine, de saint Nicolas ou de saint Loup, de N.-D. du Deveix, et servait de tombeau aux filles de saint Benoît?

Des fouilles pratiquées avec intelligence sous ces décombres, ne tarderaient pas à nous révéler d'autres surprises.

Une nombreuse noblesse, dont il existe une longue liste dans l'obituaire du couvent, dort aussi dans cette église, à côté des abbesses; y a fondé des obits et fait d'abondantes aumônes. Je trouve dans mes notes :

& Le 1er mai 1665, décéda eh la maison de l'abbaye royale de Bonnesaigne, et fut inhumé dans l'église de ce lieu, Messire Léonard d'Ussel de Châteauvert, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, commandeur de Maissonnisse en Marche, âgé d'environ 76 ans, en présence de Joseph d'Espinet, avocat, et de Marie Ravet, tous habitants du bourg de Bonnesaigne ».

Anne de Montmorin était alors abbesse.

D'autres seigneurs demandaient, comme une faveur, de recevoir la bénédiction nuptiale dans l'église abbatiale. La coutume en était tellement bien établie que, dix ans après le départ de la communauté, les enfants de famille continuaient à aller s'y faire bénir :

ce En 1770, dans l'église abbatiale de Bonnesaigne, fut célébré le mariage de Joseph Mary, avocat au Parlement, du bourg de Saint-Angel, avec Mademoiselle Marie-Madeleine d'Espert, fille de Maître Michel d'Espert, notaire royal, et de demoiselle Marie-Rosa de Mirambel, du bourg de Bonnesaigne, en présence de M. Sourzac, chirurgien, et de M. Pierre Perrier,


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avocat au Parlement, juge de l'abbaye de Bonnesaigne et de la châtellenie de Davignac ».

Une réflexion seulement et notre visite dans l'abbatiale est finie.

Est-ce que, ami lecteur, la chétive bourgade de Bonnesaigne, avec : avocats, huissiers, juges, chirurgiens, apothicaires ou droguistes, et prêtres blancs ou habitués, car il y en avait, ne vous paraît pas aussi vivante, disons le mot, aussi lettrée alors qu'aujourd'hui, malgré l'instruction gratuite, laïque et obligatoire? QSQSÏ ce que nous nous sommes demandé bien souvent, chaque fois que nous avons eu le plaisir de dépouiller les archives d'une église de campagne. Partout, non seulement dans les bourgs, mais encore dans les villages, nous avons constaté la présence de mêmes hommes marquants. Bien plus, à Soudeilles, petite paroisse alors de trois à quatre cents habitants, j'ai trouvé jusqu'à quarante-deux prêtres, vivant en même temps, répandus dans les villages, au sein de leurs familles, instruisant les enfants du peuple et se réunissant le dimanche, aux offices de la paroisse, sous la houlette du pasteur, supérieur de droit de cette phalange de prêtres habitués, formant la communauté des prêtres de Soudeilles.

Oui, l'instruction, l'aisance et l'éducation surtout étaient alors plus répandues dans les familles villageoises qu'elles ne le sont aujourd'hui, malgré notre siècle de Lumière et de Progrès.

Voilà ce que nous ont valu, à nous habitants des champs, cent ans de révolutions, avec émigration vers la capitale et les grandes villes de province :

« La campagne se meurt, la campagne est morte ! »


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§ III. — COUR D'HONNEUR— GRENIERS D'ARONDANCE— ECURIES — PROMENADE ?—? MONASTÈRE

Après cette visite, sortons de l'abbatiale, et allons frapper à la porte de la grille qui s'ouvre à l'instant devant nous.

Nous voilà dans la cour d'honneur où parents, élèves, visiteurs et amis se succèdent à tour de rôle. Nous avons, sur notre droite, la façade occidentale du monastère, percée au bon milieu d'une porte d'entrée avec guichet soigneusement fermé.

Passons sans rien dire, même ce sans regarder au castel ».

La porte du fond de la cour d'honneur nous conduit dans la cour des greniers d'abondance et des écuries, vaste parallélogramme de l'une à l'autre extrémité de la muraille de ceinture du Nord. Les greniers sont à droite et les écuries à gauche du portail inférieur.

Admirons, en passant, l'ampleur des deux tours rondes, formant angles de la façade septentrionale du couvent. La porte, soeur de celle par laquelle nous sommes entrés dans la cour des employés subalternes, nous donne accès dans le préau, ou promenade des religieuses.

Nous voilà sur la façade orientale de l'abbaye, au bas du Fleuret, sur la lisière des énormes châtaigniers dont l'ombre bienfaisante saute par dessus la haute muraille de ceinture pour rafraîchir nos bénédictines. Dans le fond, au Midi, apparaissent le chevet de l'église, les murs du cimetière et le Fort avec son viaduc pour conduire les religieuses au jardin que nous connaissons déjà.


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Cette fois, prenons notre courage à deux mains et frappons à la porte faisant vis-à-vis au guichet du couchant, devant lequel nous avons passé sans oser déranger la portière.

Nous voilà dans la cour carrée de l'intérieur de l'abbaye. Nous pouvons cette fois contempler à loisir l'aspect grandiose du monument, que la piété de nos pères se plut à élever pour abriter la vertu des filles des seigneurs du Limousin et des provinces environnantes, durant plus de dix siècles.

Au milieu de la cour glouglotte une conche, dont les eaux jaillissantes, descendues du Fleuret, clapotent dans un bac rond creusé dans un énorme bloc de granit.

Les bâtiments forment eux-mêmes un carré autour de la cour : à l'Est, au Nord et à l'Ouest les trois ailes des constructions de l'abbaye, et au Midi, l'église abbatiale.

Les cloîtres, avec voûtes et arcades, régnent tout autour.

Par dessus bâillent les croisées étroites des deux étages de l'abbaye, dont la porte principale est dans une énorme tour ronde faisant saillie sur la façade qui relie les deux ailes du bâtiment, au septentrion.

Telle est la physionomie générale de l'abbaye villageoise de Bonnesaigne ; physionomie que nous avons pu saisir, non sans peine, à l'aide des pages malheureusement trop laconiques que nous a laissées M. l'abbé Laubie; des notes que nous possédons de M. le curé Bazetou, et des visites nombreuses que nous avons nous-même faites — toujours le coeur serré — autour de ces ruines désolées.


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Les greniers d'abondance et l'église mettaient l'abbaye à l'abri des vents du Nord et du Midi. Les coteaux boisés du Fleuret la défendaient contre ceux du Levant.

Ainsi gardée, ce l'abbaye se chauffait paisiblement, en hiver, aux feux du Midi et du Couchant ».

Défendue, sur les quatre côtés, par ses hautes murailles de ceinture, par son fort, son clocher et ses trois tours, l'abbaye pouvait aussi espérer que jamais injuste agresseur n'oserait venir troubler son repos, au milieu des marais et des bois, et que ses jours auraient une durée sans fin.

Hélas! ils étaient comptés, comme tous ceux des oeuvres sorties de la main des hommes !

De l'archiprêtré de Gimel, et à deux milles d'Ussel, Bonnesaigne formait un triangle avec T'abbaye et le prieuré bénédictins d'hommes de Meymac et de Saint-Michel-Archange de Saint-Angel.

Le monastère de Bonnesaigne relevait immédiatement du Saint-Siège et l'abbesse, élue à vie, qui le gouvernait, s'adressait directement et sans intermédiaire au Souverain Pontife :

ce Romanoe sedi immédiate subjacet locique Domina audit abbatissa » (Gai. Christ.J.

Cette abbaye valait 4,000 livres et en payait 500 au Saint-Siège à chaque nomination d'abbesse.

Du temps de l'abbesse Catherine de BeauvergerMontgon (1701-1747), on l'estimait valoir 8,000 liv. ; payait de décimes ordinaires 183 liv. 4 s. 6 d. ; de nouvelles, 22 liv. 13 s., et de subventions 440 liv.

Il y avait aussi, de son temps, une vicairie simple, qui valait 60 livres, en blé payé par la dame abbesse


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qui y présentait ; le curé de Rosiers-Masléon en était titulaire et en payait : décimes nouvelles 5 sous et subventions 10 livres.

Mais, profanes que nous sommes ! c'est violer trop longtemps la clôture de ces lieux sacrés et nous exposer à encourir interdit ou suspense ; sortons au plus vite!... Et, gravissant mélancoliques et rêveurs la côte du Fleuret, demandons-nous, en jetant un dernier coup d'oeil sur ces murs que nous nous figurons encore debout : qui donc, dans le lointain des âges, a eu l'idée de bâtir une maison religieuse en cet endroit solitaire, humide et chevelu? '

C'est ce que nous allons essayer de dire dans le chapitre second de cet ouvrage.


CHAPITRE II . . -

Origine de Bonnesaigne : 1° Légendaire. — 2° Historique. — 3° Abbatiale. — 730, 1165, 1174.

A quelle époque et par qui ont été élevées ces robustes murailles de Bonnesaigne que nous venons de visiter et qui ont bravé tant d'orages déchaînés contre elles par les hommes et par le temps?

Bonnesaigne a trois périodes bien distinctes dans son existence : la période légendaire ou traditionnelle, la période écrite ou historique et la période abbatiale.

§ 1. —ORIGINE LÉGENDAIRE DE BONNESAIGNE 730, 780, 1095, 1147

Gomme cette communauté n'a fait son entrée dans l'histoire, d'une manière éclatante, qu'en 1165, à la suite du Bref de privilège, daté de Clermont, que le pape Alexandre III adressait à la prieure Jovite, le scepticisme contemporain refuse d'admettre la vérité traditionnelle de l'existence de ce monastère avant le xne siècle.

C'est aussi juste que si l'on faisait ce raisonnement étrange, en parlant d'un académicien :

ce Je ne connais de cet homme que deux ou trois' actes de sa vie, avant le jour de son immortalité; donc il n'existe que depuis son apothéose dans le palais des muses de Richelieu ».


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La conséquence ne découle pas précisément de l'antécédent.

De même pour Bonnesaigne.

Son histoire nous est peu connue, durant 435 ans, par suite des événements sinistres de ces temps troublés de notre histoire nationale ; mais ce n'est pas une raison pour refuser de croire à sa préexistence au bref du pape et pour rejeter toute tradition conforme à cette croyance que l'on conservait précieusement dans l'abbaye montagnarde et que nous trouvons soigneusement consignée dans les auteurs anciens que nous nommerons bientôt.

C'est pourtant ce que font nos sceptiques modernes, ennemis jurés des traditions, dans de récentes publications.

L'un d'eux écrit, en effet :

ce L'abbaye (de Bonnesaigne) se prétendait, en son livre de Règles, fondée vers 731, par Eudes duc d'Aquitaine, et réformée en 1645. Soufflant sur cette fausse erreur pire que la nuit, reculons vers 1150 Vorigine de ce prieuré ; déjà en bonne voie en 1165; devenue abbaye VERS 1180 ».

Un autre continue :

ce Ce sont les Comborn, seigneurs de nos montagnes et fondateurs de l'abbaye de Meymac (3 février 1085), qui ont fait germer cette fleur des champs »...

D'autres s'aventurent à dire : ce Ce sont plutôt les Ventadour, rameaux des Comborn poussés dans nos bruyères en 1059, dans la personne d'Ebles Ier, fils d'Archambaud II et de Rotberge, fille d'Aiméric II vicomte de Rochechouard ».

Et ils ajoutent à l'appui de leur assertion, — ce


r-. 235 -^

qui est vrai du reste — : « Longtemps les Ventadour prétendirent à la qualité de fondateurs et se comportèrent comme tels en 1471, lors de la mise en possession de l'abbesse Blanche de Gimel ». Bien plus : ce A un moment donné, l'abbaye portait les armes des Ventadour, et ce fut de ces derniers qu'en 1280, l'abbesse Mathe de Ghâteauneuf fut obligée d'acheter le droit de justice dans l'endroit ».

Si les adversaires des traditions bénédictines sont à bout d'arguments-pour établir leur thèse, nous pouvons leur en fournir quelques autres, bien plus concluants, tirés des archives de M. J. Seurre-Bousquet, d'Egletons, et leur dire :

ec Non seulement Ventadour prétendit, durant des siècles, au titre de fondateur de Bonnesaigne; se comporta comme tel le jour- de l'installation de Blanche de Gimel ; donna ses armes à l'abbaye et vendit le droit de justice à Mathe de Châteauneuf, mais encore il avait des titres reconnus pour cela faire.

L'abbaye relevait, en effet, de Ventadour; et ce droit de ressort et de suzeraineté était établi, non seulement par l'usage plusieurs fois séculaire, mais aussi par des titres de 1280, 1338, 1341, 1444, 1599, 1603 et même de 1635... Retenons cette dernière date.

Hé bien! malgré tous ces actes, malgré tous ces titres — qui s'expliqueront du reste dans le cours de notre récit — tous militant en faveur de nos amis devenus nos contradicteurs dans la circonstance, les prétentions des Ventadour ne se justifient pas devant l'histoire et encore moins devant les tribunaux. Ils ne sont point les fondateurs de Bonnesaigne.

Ils en firent l'expérience en 1627.


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Une femme de grand caractère, comme il y en avait tant au siècle de Saint-Vincent de Paul, une abbesse intrépide, Mme Gabrielle de Beaufort de Canillac, lasse sans doute des abus que de semblables prétentions avaient entretenus malheureusement trop longtemps dans son abbaye, résolut de les réduire à néant. Elle dressa un mémoire sur les véritables origines de sa communauté et le soumit au Parlement. Les raisons sur lesquelles reposaient ses dires parurent tellement convaincantes que l'auguste assemblée, après mûr examen du mémoire, rendit un arrêt en 1627 par lequel les Ventadour se trouvaient déboutés de leurs prétentions de fondateurs de l'abbaye de Bonnesaigne.

Le pieux duc Henri, futur chanoine de l'insigne église Notre-Dame de Paris, et sa vertueuse épouse, Marie-Liesse de Luxembourg, future carmélite de Chambéry, étaient battus, malgré les raisons qu'ils durent opposer aux assertions de l'abbesse et les aboutissants qu'ils avaient au Parlement.

Seul le titre de bienfaiteurs de cette abbaye leur resta.

On ne peut donc pas dire que Bonnesaigne vit le jour vers 1150, deux ans avant la mort d'Ebles II, vicomte de Ventadour. Ce vicomte est bien du reste un des seigneurs limousins qui s'occupèrent moins à fonder des cloîtres, qu'à prendre part aux guerres privées de l'époque. Né avec une imagination ardente et vive, enrichie d'une certaine instruction, il précéda, dans la carrière des troubadours, le célèbre Bertrand de Born qui sut, comme lui, manier l'épée aussi bien que la harpe. Il avait pour émule le duc


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de Poitiers, Guillaume-le-Jeune, « bon troubadour, bon chevalier d'armes, qui courut longtemps le monde pour tromper les dames », et que la croisade ne corrigea pas de ses débauches. On connaît sa réponse à Gérard, évêque d'Angoulème, qui l'engageait à changer de conduite : ce Vous ramènerez, avec le peigne, vos cheveux sur le front, avant que je quitte la. princesse » (de Châtellerault). L'évêque était entièrement chauve (Guill. Malmesburg, t. V, p. 170 ; Marvaud, t. Ier, p. 241).

D'autres enfin écrivent, au Bulletin de la Société archéologique et historique du (Haut) Limousin :,

ce Cette abbaye n'était de son origine qu'un prieuré fondé, à ce que l'on croit, dès l'an 730 ; on ne le connaît pourtant que depuis un bref du pape Alexandre III, donné à Clermont le 18 juillet 1165, qui en fait mention et en confirme les biens à Jovite, prieure.

ce Si les seigneurs de Pompadour n'en sont pas les fondateurs originaires, au moins en sont-ils les bienfaiteurs insignes et les protecteurs, et ceux de Comborn, de Maumont, d'Anglars, de Chabannes, de Turenne, de Gastelneau, d'Ambrugeac, de Vars, de Chalon, de Penacors et autres seigneurs du BasLimousin y ont contribué » (t. XLVI, p. 350).

C'est-à-dire que Leduc, lui aussi, à l'air de ne pas connaître les traditions de Bonnesaigne ou en fait trop aisément litière (Etat du diocèse de Limoges, 9).

Pas plus que les Ventadour, les Pompadour ne sont les premiers fondateurs de Bonnesaigne.

Qui donc eut l'idée de bâtir ce monastère au fond de cette vallée grasse et humide des bords de la Haute-Luzège?

T. XXIV 2-7


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Le mémoire de la triomphante abbesse, dressé contre les prétentions de Ventadour, pourrait seul nous l'apprendre d'une manière précise. Mais où estil? qui nous le dira? Heureux le pionnier de l'histoire qui arrivera un jour à la découverte d'un tel trésor !

Puisque donc, faute de documents précis, nos adversaires eux-mêmes, bon gré mal gré, reviennent toujours sur le terrain des suppositions en disant : ce C'est vers 1150, vers 1165, vers 1180 qu'il faut placer l'origine de ce prieuré d'abord, devenu abbaye ensuite; si les Pompadour, etc., etc. », pourquoi ne pas nous débarrasser de tous ces vers et de tous ces si et maintenir simplement les traditions conservées à Bonnesaigne, sans vouloir toujours innover dans le domaine de l'histoire?

Les voici donc les traditions concernant les origines primitives de cette abbaye, que nous trouvons dans les vieux historiens et que respectent des écrivains que nous sommes heureux de suivre jusqu'à preuve évidente que nous faisons fausse route avec eux.

D'après ces traditions respectables, que les découvertes des fouilleurs de grimoires enfumés viennent confirmer chaque jour, Bonnesaigne, durant cette période ténébreuse de son existence, nous donne quatre fois signe de vie : en 730, en 780, en 1095 et en 1147.

La première fois, notre abbaye sort de terre;

La seconde, elle balance ses tours dans des flots de lumière ;

La troisième, elle est parée des libéralités de nos seigneurs montagnards ;


— 239 — La quatrième, sa mense se complète.

1° Fondation de Bonnesaigne (730J

Ce serait, en effet, le terrible adversaire de CharlesMartel, le duc Eudes, couronné roi d'Aquitaine et comte de Poitiers, à Limoges (681-735), lors de la débâcle de la première race de nos rois, qui aurait jeté, en 730, les premiers fondements de notre abbaye.

C'est ce que nous apprend le R. P. Estiennot, bénédictin fameux qui, de 1673 à 1684, rédigea 45 vol. in-fol. sur les origines des maisons de son ordre en France ; recueil précieux de documents sur lequel ont travaillé Mabillon, Sainte-Marthe et les autres Bénédictins.

Le R. P. Bonaventure de Saint-Amable constate la même.tradition, dans son article sur Bonnesaigne, et nous donne également la date de 730, tout en nous avertissant que, faute de documents, il est obligé de ne commencer l'histoire de notre abbaye qu'à partir du xne siècle, c'est-à-dire du jour où le pape écrivit de Clermont à la prieure Jovite (t. III, p. 460).

Dans la Préface des Constitutions, que la révérende abbesse Gabrielle de Beaufort de Canillac fit donnera sa communauté, en 1645, par des hommes éminents en science et en sainteté que nous aurons occasion de nommer plus tard, nous trouvons ce qu'il y a de fortes conjectures de croire que c'est environ 731 que l'abbaye de Bonnesaigne vit le jour », un an avant la victoire de Poitiers à laquelle le duc Eudes, enfin réconcilié avec la nouvelle dynastie, participa d'une manière si" brillante (732).

Enfin, dans l'acte de résignation de l'abbesse Anne


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de Montmorin, sous la date du 30 mai 1682, l'abbaye de Bonnesaigne est dite ce de fondation royalle ».

Les voilà les traditions de Bonnesaigne !

Et les historiens, arrivés après ceux que nous venons de citer, répètent les mêmes traditions et nous donnent la même date (730) :

ce On croit, dit Marvaud, que le fondateur (de Bonnesaigne) fut Eudes, duc d'Aquitaine, au vme siècle. Mais à la suite des guerres étrangères et intestines survenues peu de temps après, ce cloître avait été négligé. Plus tard, il s'enrichit de nombreuses concessions faites par les vicomtes de Comborn, de Ventadour, et par les seigneurs d'Anglars et d'Ambrugeac, qui ensuite s'en disputèrent longtemps la possession, toujours d'après les mêmes passions féodales que nous avons rencontrées si souvent » (t. Ier, p. 239).

Et le consciencieux M. de La Rouverade, ayant à parler de cette maison dans ses Etudes historiques el critiques sur le Bas-Limousin (1860), nous dit :

ce Bonnesaigne, abbaye de filles, contemporaine de Vigeois » (p. 172).

Or, cette dernière abbaye fut restaurée par saint Yrieix et sa mère Pélagie, qu'on croit avoir été la femme d'un comte de Limoges, en 571 (Hisl. du BasLimousin, p. 52).

Enfin, l'intrépide géographe Limousin, M. J.-B. Champeval, parlant de Bonnesaigne, nous dit dans ses notes : ce Bonnesaigne, prieuré fondé, croit-on, vers 730, connu cependant que par bref du pape 1165, érigé en titre d'abbaye plus tard, vers 1180 »...

De ce concert unanime d'historiens, anciens et modernes, il résulte clairement pour nous, malgré


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les novateurs que nous avons en vue, que les premiers fondements de Bonnesaigne, prieuré ou abbaye, comme l'on voudra, — cette question s'éclaircira plus tard — furent jetés en 730, par Eudes, roi d'Aquitaine et comte de Poitiers.

Voilà un premier point de Y histoire légendaire de Bonnesaigne, qui me paraît digne de respect et de croyance.

Le second l'est aussi.

2° Achèvement de Bonnesaigne (180)

Mais ce n'est pas dans les quatre ou cinq ans qui lui restaient à vivre, après cet acte de piété chrétienne, que le duc pouvait conduire à bonne fin l'oeuvre qu'il avait commencée dans les marais de Bonnesaigne.

Il dut la léguer, comme un héritage de famille, à Hunald, son fils.

Mais Hunald, à son tour, put-il s'occuper activement de l'oeuvre de son père durant les dix ans de luttes incessantes qu'il eut à soutenir contre CharlesMartel, Pépin et Carloman, qui le forcèrent à abdiquer et à se retirer dans l'île de Ré? (745).

L'infortuné Waiffre, son fils et son successeur, le put-il davantage?

Durant ses vingt-trois ans de règne (745-768), il fut traqué, comme une bête fauve, par Pépin, qui avait envie du beau et riche royaume d'Aquitaine. Chassé de Y Auvergne, du Quercy et du Limousin, Waiffre alla tomber misérablement, sous le poignard d'un lâche assassin, son ami (Warston, que Pépin avait


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soudoyé), dans la forêt à'Edobole, aujourd'hui Vergt en Périgord (765) (1).

Durant cette terrible levée de boucliers, où devaient périr la nationalité et l'indépendance de l'Aquitaine, les soldats de Pépin se comportèrent en vrais barbares : ce Monastères envahis, moines expulsés ou égorgés, églises dépouillées et châteaux renversés, ce furent là comme des jeux pour ces hommes sauvages ».

Pépin fit table rase en Auvergne ; Scorailles et autres châteaux furent renversés ; seul, celui de Tournemire nargua le puissant vainqueur : ce Turrim ne mira ! » Ne perds pas ton temps à regarder cette tour (765).

Le Limousin surtout fut livré à la merci des rudes envahisseurs. Ecoutons l'histoire :

ce Tout le Lemovicinum fut abandonné à la fureur des soldats de Pépin ». L'église de Nonars fut pillée et saccagée ; le château vicarial d'Arnac (Puy-d'Arnac) fut renversé depuis la Capfouillère jusqu'au jardin actuel de la cure (765) ; ce le castrum de Torenna (Turenne) fut visité aussi. Mais le lâche vicomte, qui avait attiré, en bonne partie, tous ces fléaux sur nos contrées, n'eut pas le courage de résister jusqu'à la fin. Il fit sa soumission et mérita, par cette félonie, de devenir l'unique seigneur du Limousin inférieur. Enfin, le castrum d'Isodunum (Yssandon), que Waiffre regardait comme faisant partie de son domaine privé, fut renversé de fond en comble ».

ce Tout le Pagus jusqu'à Isodunum, dit le chroni(1)

chroni(1) Ar.-D. de Chastres, par l'abbé Bessou, p. 35 et suivantes.


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queur, souffrit beaucoup. Cette partie de l'Aquitaine, qui abondait en vignobles et fournissait des vins aux pauvres comme aux riches, fut ruinée pour toujours (765) ».

Et Frédegaire ne rappelle qu'avec douleur cette partie des vengeances de Pépin qui, après avoir dépossédé ses maîtres du trône, étouffé leurs descendants dans les cloîtres, poursuivait les restes de leur maison et leurs sujets fidèles par le fer et par le feu » (De Larouverade, Etudes, etc., p. 149).

Les oeuvres fondées par Waiffre et ses ancêtres attirèrent tout particulièrement les colères du soudarl vainqueur. Et si Bonnesaigne battait alors son plein, ce qui est peu probable, il est aisé de deviner le sort qui lui fut réservé, dans cette conflagration universelle du Limousin qui s'était choisi Waiffre pour maître et pour roi.

En apprenant tous ces maux tombés sur son royaume, Hunald sortit de l'île de Ré pour venger son fils lâchement assassiné. Mais vaincu à son tour et pris par Charlemagne, il put néanmoins s'enfuir chez Didier, roi des Lombards, pour lui souffler la guerre contre l'oppresseur de sa famille. Charlemagne le poursuivit par de-là les Alpes, et c'est durant le siège de Pavie qu'Hunald fut lapidé par les habitants de la ville, las des calamités que sa présence dans leurs murs leur avait attirées (774). Ses descendants régnèrent quelques temps encore sur une faible partie de l'Aquitaine.

Hunald et Wa'ïffre, malgré les malheurs qui les accablèrent, semblent pourtant ne pas avoir perdu de vue, un seul instant, l'oeuvre de leur ancêtre. Ils y


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travaillèrent d'une manière plus ou moins active, selon les moments de repos plus ou moins longs que leur laissaient leurs guerres incessantes. Mais enfin, il paraît bien qu'ils s'en occupèrent, eux ou leurs successeurs amoindris. Les historiens Estiennot, Marvaud, de Larouverade, etc., en effet, s'accordent à dire que, six ans après la mort tragique d'Hunald sur la terre d'Italie toujours inhospitalière aux Français, Bonnesaigne était complètement achevée (780).

Voilà donc un second point de Vexistence légendaire de Bonnesaigne qui nous paraît solidement établi : commencée en 730, notre communauté aurait mis cinqante ans pour sortir de ses marais et faire son éclosion à la lumière. Mais en 780, tout était complètement fini. Elle était solidement établie, richement dotée et abondamment pourvue de sujets, et cela sous le règne bienfaisant de Charlemagne devenu empereur d'Occident (800).

Le troisième l'est aussi.

3° Bonnesaigne enrichie (1095)

ce S'il en est ainsi, d'où vient donc que Bonnesaigne est sans histoire, sauf pour quelques dates, de 780 jusqu'à 1095, l'espace de plus de trois siècles? » nous objectent les ennemis des traditions abbatiales.

ce Heureuses les abbayes qui n'ont pas d'histoire ! » pouvons-nous leur répondre.

Malheureusement, il n'en est pas ainsi de Bonnesaigne.

Nous ne connaissons que trop le sort qui lui fut réservé, ainsi qu'à nos autres communautés, après la mort du grand empereur d'Occident, durant l'in-


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vasion Normande et l'émancipation des vassaux de l'Empire.

Pendant cette durée de 315 ans, l'histoire de Bonnesaigne se trouve écrite, dans nos bruyères, en caractères de feu et de sang, par les barbares sortis des brumes septentrionales, ou en larmes d'oppression, derrière les murailles sombres de nos puissants seigneurs.

Trente ans après la mort de Charlemagne, en effet, arriva l'invasion Normande (814-845).

Or, cette invasion, qui dura un gros siècle et dont la perspective avait, dit-on, arraché des larmes au grand empereur mourant, désola les contrées du centre^ de la France, et le Limousin en particulier, vers 845.

ce Débarqués aux bords de l'Atlantique, ou remontant sur leurs longs bateaux le cours de nos rivières, les barbares, cette année-là, ravagèrent tout le pays qui s'étend, de la mer à l'Occident, vers l'Auvergne à l'Orient.

ce Leurs mains ce écumaient » de telle sorte qu'on ne voyait plus, dans la campagne, un animal utile, et leurs pieds suivaient si bien le sol qu'aucune région, dit le chroniqueur de Maillezais, ny ville, ny village, ny cité n'échappa à leurs ravages » (Bonaventure-Saint-Amable, t. III, p. 814).

ce Ce qu'ils poursuivaient le plus, c'était le prêtre, et avant ou après le prêtre, l'objet ou l'instrument du culte. Aussi voyait-on de tous côtés processions de pauvres gens, et ce translation de corps et de reliques de saints, pour les contregarder de la tuerie de ces démons incarnés, qui détruisaient les églises et les


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monastères, et consumaient par le feu les châsses et les ossements des saints » (Id., p. 320)

ce L'incursion recommença vers 885, avec des caractères non moins affreux et des suites non moins effroyables » (Poulbrière, Hist. du Dioc, 45-46).

Et l'abbaye de Bonnesaigne que devint-elle, durant cette période de malheurs sans nom qui s'étaient abattus sur les terres du Limousin ? Ne fut-elle pas « écumée » comme les autres maisons religieuses du centre de la France ? Que devinrent ses archives ? Ne furent-elles pas la proie des flammes? Rien ne le prouve, mais tout nous porte à le croire. Voilà pourquoi, non seulement Bonnesaigne, mais toutes nos autres maisons religieuses de ces temps barbares sont sans histoire,'ou n'ont que des lambeaux d'histoire, souvent quelques dates seulement, et c'est le cas de Bonnesaigne. Mais ce n'est pas fini.

Après l'épreuve Normande, arrive l'épreuve féodale, guère moins nuisible que la première à nos communautés.

Jusqu'à Charlemagne, les rois de France avaient été les bienfaiteurs-nés des communautés, sauf les exceptions lamentables qu'amenèrent la cruauté de la guerre et la barbarie d'hommes à peine touchés par les bienfaits de la religion. Mais, sous les successeurs du grand empereur, il en fut autrement. Les derniers Carlovingiens, en effet, étaient trop faibles pour porter droite la couronne et tenir haute l'épée que leur avait léguées leur glorieux ancêtre, pour faire respecter les personnes et les choses de l'Eglise.

Pendant les 173 ans que dura le règne de ces rejetons incapables du monarque d'Occident, règne plein


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de commotions qui amenèrent au pouvoir la troisième dynastie de nos rois (987), la féodalité, à la faveur de l'invasion Normande, prit naissance en France et se substitua à la royauté.

Nos grands -seigneurs, profitant des désordres dé l'Etat et de la faiblesse de ceux qui le dirigeaient, de simples vassaux de la couronne devinrent petits souverains ; et plusieurs d'entre eux, comme les Turenne, s'arrogèrent le droit de battre monnaie et de se dire Seigneurs par la grâce de Dieu.

Ils se dirent aussi, à l'exemple des rois, protecteurs et bienfaiteurs des maisons religieuses qui se trouvaient sur leurs terres. Mais les faveurs, dont ils purent les combler d'abord, dégénérèrent bientôt en oppressions. \

Ecoutons ce que nous dit l'histoire des épreuves qui les attendaient pendant le xe et le xie siècle jusqu'à la date des Croisades (1095) :

ce Les cloîtres, enrichis par la piété des peuples, se virent en butte aux vexations d'une féodalité turbulente et jalouse, qui brûlait de ressaisir avec usure ce que ses doigts avaient laissé tomber. Des hommes comme Adémar, comme Géraud d'Aurillac sont rares en tout temps ; ils étaient alors l'exception et la vio-. lence de la règle.

ce N'ayant donc pour la désarmer d'autre ressource que de se jeter dans ses bras, l'Eglise conçut l'idée d'un protectorat aussi glorieux que lucratif dont elle investit ses puissants oppresseurs, en les honorant du nom d'abbés laïcs, comme jadis Constantin s'était décerné le titre d'évêque du dehors. Mais il en fut des barons du Moyen-âge comme des Césars du Bas-


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Empire : l'institution dégénéra promptement en leurs mains » (Poulbrière, même Hist., p. 69).

Durant cette époque d'émancipation (814-1095), Bonnesaigne eut l'histoire d'un simple ce Domaine » de la Terre de Comborn.

Bonnesaigne ne devait ni ne pouvait échapper à cette influence des abbés laïcs. Ses biens passèrent aux mains des puissants seigneurs de nos montagnes, et ses affaires intérieures dépendirent également du bon caprice de ses primitifs PROTECTEURS, devenus ses OPPRESSEURS, qui avaient intérêt à empêcher leur victime de crier et de donner signe de vie. Lui permettre de crier, l'autoriser à appeler au secours, la laisser seulement cligner de l'oeil, c'eût été dire à cette grande détroussée : ce Réveille dans mon âme inquiète des remords mal éteints!... Clame et ne cesse de clamer mes injustices à ton égard ! »

Criants abus qui durèrent même plus ou moins jusqu'au xvne siècle et amenèrent souvent, dans Bonnesaigne, des scandales que nous aurons à déplorer dans le cours de ce récit.

Il fallait, l'ère bienfaisante des Croisades pour tirer notre abbaye de la loi du secret qui la muselait, depuis 780 jusqu'à 1095 qui nous permet de la contempler, balançant ses tours de sable sur un champ d'azur et de sinople au-dessus de la verte ramure de la forêt de Ventadour, dans le ciel bleu de nos montagnes.

Enfin, elle s'est levée cette ère bienfaisante des Croisades; elle a apparu radieuse au beau firmament de la France, ce la douce Fille aimée de l'Eglise, port assuré où se réfugie toujours la barque de Pierre battue par la tempête » : Filia Dulcis, more suo,


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profugum suscepit Gallia patrem 1 (Ëpitaphe gravée sur la tombe de Gélase II).

Urbain II est venu au coeur de la France exhorter nos grands seigneurs à faire trêve à tant de dissensions qui désolent le beau royaume de France, et à tourner leurs armes, sans cesse mises au clair, contre les Contempteurs de la gloire de Jésus-Christ et les profanateurs de son tombeau. En moins de quinze jours, l'intrépide vicaire du Christ a terminé tout ce qu'il se proposait de faire au Concile de Clermont. Il visite ensuite le monastère de Saucillange, les villes de Brioude, de Saint-Flour, d'Àurillac, et arrive au monastère d'Uzerche en plein coeur de l'hiver, le vendredi 21 décembre 1095, jour de la fête de saint Thomas. Les archevêques de Lyon, de Bourges, de Bordeaux, de Tolède, et les évêques de Poitiers, de Saintes, de Périgueux, de Rodez et de Limoges l'accompagnent, ainsi que l'élite des seigneurs Limousins et plusieurs autres personnages portant, les uns sur l'épaule droite les autres sûr le coeur, des croix d'étoffe rouge, cousues à leurs habits, que le Souverain Pontife distribuait lui-même à ceux qui voulaient s'enrôler dans la sainte milice pour combattre les oppresseurs des chrétiens d'Orient. Sans Favis contraire de l'évêque diocésain, Urbain II aurait consacré l'église d'Uzferche ; mais devant les pieuses instances qui lui furent faites, il partit le lendemain, avec son brillant cortège, pour célébrer à Limoges les fêtes de la Noël (V. Combet, Hist. d'Uzerche, p. 43).

Hé bien ! c'est à partir de cette période d'élans généreux, qui passa sur la France comme un souffle régénérateur, que l'abbaye de Bonnesaigne, comme


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beaucoup d'autres, put sortir des ténèbres épaisses qui l'enveloppaient depuis son berceau, et faire son entrée triomphale dans le domaine de l'histoire.

Assurément, nos seigneurs montagnards, si fortement attachés à leurs ducs d'Aquitaine malgré les malheurs qui les accablèrent, eurent à coeur de s'occuper de l'oeuvre de leur roi Eudes. Ils la relevèrent si elle succomba sous la violence des conquêtes austrasiennes ou les ravages de l'invasion normande ; ils la réintégrèrent dans ses droits, après l'avoir asservie eux-mêmes. Grâce aux terreurs de l'an mil, dès l'aurore de la première Croisade, les maîtres de nos montagnes, reconnaissant les méfaits dont, ils s'étaient rendus coupables en usurpant les biens des églises et des communautés, à la faveur des troubles qui la précédèrent, se montrèrent magnanimes de repentance et de générosité. Désireux de réparer, autant que possible, leurs torts envers Dieu, envers l'Eglise et envers les communautés qu'ils avaient opprimées et dépouillées au lieu de les défendre et de subvenir à leurs besoins, dans les malheurs des temps, ils se mirent résolument à l'oeuvre. Les uns bâtissaient des abbayes, comme Glandier, Meymac, sans parler d'une infinité de prieurés ; les autres relevaient les ruines que les orages politiques avaient amoncelées sur le sol ébranlé des églises et des maisons religieuses ; d'autres enfin, comme les Ventadour, abolissaient l'esclavage sur leurs terres ; rendaient largement aux communautés les biens qu'ils avaient enlevés, et bâtissaient des prieurés dans le bourg de Moustier, au village de Bonneval de Soudeilles, et jusque dans


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les murs de leur inexpugnable forteresse de SaintGeorges de Ventadour, etc.

L'antique abbaye de Bonnesaigne, visitée de bonne heure par l'épreuve, ébranlée jusqu'au fond de ses fondements par les secousses politiques qu'amenait chaque changement de dynastie, dépouillée par les barbares ou asservie par ses défenseurs, méritait autant, sinon plus que ses soeurs, de ne pas être oubliée.

Elle ne le fut pas.

La preuve qu'il en fut ainsi je la trouve, non pas dans les grands historiens, mais bien dans les notes précieuses que nous a laissées le bon abbé Bazetou, sur cette abbaye éteinte et mal connne, qu'il désirait tant faire revivre et placer en pleine lumière.

Ce premier aumônier de l'école de la Chapelle, fondée par testament de l'abbé Laubie, principal du collège de Villefranche (Aveyron), le 14 novembre 1864 ; autorisée quatre ans plus tard par l'empereur, le 23 juillet, sous Mgr Berteaud, d'illustre et savante mémoire, qu'a si bien fait revivre (1897) M. Germain Breton, enfant de Darnets, brillant supérieur du petit séminaire de Brive, dans son ouvrage : Un Evêque d'autrefois, et enfin réalisée le 9 avril 1880, a droit ici à un mot d'éloge d'autant plus mérité qu'on s'est toujours montré avare d'encouragements envers cet homme de bien.

Ce modeste et intrépide bourreau de travail, nommé presque octogénaire à l'aumônerie de la Chapelle (1885-1891) comme poste de repos, a passé les six dernières années de sa vie de la manière la plus méritoire. Il continuait à donner des retraites; il


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transcrivait les sermons des nombreuses missions qu'il avait prêchées dans presque toutes les églises du diocèse. Bien plus, il finissait d'user sa vue à déchiffrer les papiers poudreux de nos montagnes parlant de la malheureuse abbaye qui nous occupe.

Dans une des pages sorties de sa plume tremblante sur Bonnesaigne, pages encore humides de son dernier souffle de vie exhalé sur elles, il nous apprend ce qu'Ebles Ier, vicomte de Ventadour, fit du bien à Bonnesaigne ».

C'est court mais substantiel, comme une ligne biblique !

Ce simple mot suffit pour établir qu'au moment des Croisades Bonnesaigne, quoique sans histoire, vivait. Le vicomte Ebles Ie'', en effet, mourut en 1096, peu après le Concile de Clermont, au moment où nos chevaliers partaient pour la première Croisade.

Voilà donc un troisième point de Y existence légendaire de Bonnesaigne qui nous est acquis.

Commencée en 730, terminée en 780, notre abbaye était toujours debout en 1095, malgré les épreuves par lesquelles elle avait passé, pendant Yinvasion Normande et durant le règne de la féodalité.

Arrivé dans nos montagnes en 1059, Ebles Ier, pressé par un devoir de charité ou de justice, se hâta de soulager son âme et celle de ses ancêtres, en liquidant les charges qui pesaient sur son héritage paternel, depuis trop longtemps.

Il le fit envers Bonnesaigne ; la même année, il le fit aussi pour les moines de Tulle :

ce De plus, assuré de sa résurrection future, mais incertain de sa récompense éternelle pour son âme et


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celle de son père, de sa mère et de tous ses parents, il fit don de la moitié de l'église de Marcillac-laCroisille à l'abbaye de Tulle; y joignit des mas, des borderies et un pré adjacents ; plus la dîme, les proférents de certaines terres et en général tout ce qu'il avait en seigneurie des appartenances de cette église ».

Les termes indiquent une restitution (Poulbrière, Dict., t. II, p. 178).

- Pour Bonnesaigne aussi, le bien qu'il lui fit devait avoir plutôt Y odeur de la restitution que le parfum de la donation !

Mais enfin, restitution ou donation nous prouve avec une égale certitude que Bonnesaigne a vu le jour avant 1150, date que veulent bien lui assigner certains écrivains.

Le quatrième point qui nous reste à établir le prouve également.

4° Bonnesaigne complète sa manse (1147)

. Après ce troisième jet dans le domaine de la lumière, Bonnesaigne retombe, pour 70 ans, dans la région des ombres.

L'oeuvre de restitution ou de donation qu'avait commencée Ebles Ier ne devait pas se finir de sitôt.

La première Croisade l'avait inspirée, en réveillant dans l'âme de nos vicomtes les aiguillons du remords ou les sentiments de la générosité ; la seconde seulement devait la terminer, en inspirant à Eblës II le désistement le plus complet, avant de partir pour les champs de la Palestine d'où il ne devait revenir malade que pour aller mourir au Montcassin, après avoir bien bataillé et bien chanté.

T. XXIV. 2-8


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Dans son Bref de Clermont (1165), que nous résumerons bientôt aux chapitres III et VI de cet ouvrage, sauf à le donner en entier aux pièces justificatives, le Pape a la complaisance de reproduire la liste des domaines en la possession de Bonnesaigne, liste que lui avait adressée la prieure Jovite. De plus, il appelle par leur nom les bienfaiteurs qui l'avaient enrichi sous cette date. Or, Ebles le chanteur, son épouse AgnèsdeMontluçonet ses enfants : Ebles III, Archambaud et Aimon y figurent pour la meilleure part : «c Je mets sous la protection du bienheureux Pierre, etc., les biens que vous tenez du don d'Ebles vicomte, de son épouse et de ses fils », Ex dono Eblonis vicecomitis, uxoris et fliorum. Mais Ebles II n'a pas pu se montrer généreux, après 1147, envers le monastère qui nous occupe en lui donnant ce la forêt de Bonnesaigne » et diverses propriétés. Sa donation peut être antérieure à cette date, mais non postérieure, car c'est en 1147 que le vicomte partit pour la seconde Croisade. Il ne revit plus les terres du Limousin. A son retour, après un séjour prolongé en Palestine, il mourut en 1152 au Mont-Cassin, ce célèbre rendez-vous des illustres pénitents du Moyen-âge, où Ebles III, à son tour, devait aller, dix-huit ans après (1170), mêler ses cendres à celles de son père.

Pour la quatrième fois, nous sommes donc autorisé à défendre Yexistence légendaire de Bonnesaigne et à dire : la manse de Bonnesaigne était complète au départ d'Ebles II et d'Ebles III, son fils, pour la seconde Croisade (1147). Il n'est donc pas exact d'insinuer à ses lecteurs, dans des pages écrites un peu trop à légère, que le monastère de Bonnesaigne


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ne sortit de ses marais que peu d'années (1150) avant l'apparition de l'écrit pontifical (1165).

De 730 à 1165, l'histoire de Bonnesaigne ne nous est, il est vrai, que peu ou point connue. Mais gardons-nous bien de faire imprimer que les lambeaux que nous en avons soient une ce fausse erreur pire que la nuit, sur laquelle il faille souffler ».

En effet, dans cette-nuit sombre, nous Aroyons déjà briller, au firmament de cette partie de l'histoire de Bonnesaigne, quatre étoiles pour l'éclairer un peu :

La première y a été piquée, comme un clou d'argent, par le R. P. Estiennot de la Serre ;

La seconde, par les historiens qui l'ont suivi ;

La troisième, parle fouilleur de grimoires, M. l'abbé Bazetou ;

La quatrième, par la logique des dates.

D'autres après eux, à force de piocher dans les noires archives de nos greniers, pourront peut-être, une fois ou l'autre, en exhumer un soleil!... Car, en effet, selon la belle expression d'un gracieux poète : ce La science habite les greniers ».

' Et alors nous aurons, non plus la lueur d'une nuit toujours pâle malgré la scintillante clarté de son monde d'étoiles, mais bien l'ardente lumière d'un jour sans nuage du mois de juin. Et cette partie ténébreuse des origines de Bonnesaigne sera sans ombre.

Mais finissons-en avec cette période ténébreuse de l'histoire de Bonnesaigne ; sortons du tunnel dans lequel nous marchons à tâtons depuis quatre siècles et demi, à l'aide du terne miroitement de trois ou quatre dates pour nous indiquer la trace de ses pas à


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travers la longue nuit des siècles, depuis Eudes d'Aquitaine jusqu'au pape Alexandre III.

Désormais, travaillons en plein jour, comme les autres chroniqueurs, à la suite du vicaire de JésusChrist, et disons ce que fut en Limousin l'abbaye de Bonnesaigne, à partir de 1165 jusqu'à notre Révolution.

Passons à la période écrite de son existence. L'Histoire succédera avantageusement à la Légende, je le veux bien. Mais la légende ne sera pas détruite par l'histoire ; au contraire : l'histoire lui donnera raison. Nous allons le voir.

§ II. — ORIGINE ÉCRITE DE BONNESAIGNE (1165)

Cette fois, nous sommes arrivé à une date que personne ne conteste : en 1165, Bonnesaigne respirait à pleins poumons.

Voici sa genèse, d'après Bonaventure de S'-Amable :

ce Comme il y a un si grand silence parmi les auteurs de la naissance de ce monastère, et qu'il n'a paru qu'en ce siècle, je l'ai réservé pour en parler comme au lieu qui lui est le plus convenable. Car le pape Alexandre, dans son bref apostolique donné à Clermont le 18 juillet 1165 et le sixième de son pontificat, en fait honorable mention, et confirme à Jovite, prieure et à ses soeurs les biens dont elles jouissaient » (t. III, p. 460).

C'est après nous avoir rappelé, selon le R. P. Estiennot, la fondation de ce monastère, en 730, par ce Eudes, duc d'Aquitaine, père de Hunaud, ayeul de Gaïfre », qu'il nous avoue manquer de documents sur son


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compte durant cette période reculée, et qu'alors il ne commencera son article sur Bonnesaigne qu'à partir du jour où il trouve cet établissement en pleine prospérité, c'est-à-dire à la date du Bref du Pape, 18 juillet 1165.

Mais, des restrictions mêmes du bon religieux, il ressort clairement que le monastère de Bonnesaigne est de beaucoup antérieur à la date du Bref apostolique (1165). Son éclosion à la lumière a eu lieu longtemps avant.

Le simple bon sens suffit pour démontrer la légitimité de cette assertion.

Ce n'est pas, en effet, dans un jour ni dans un an, qu'un monastère acquiert les proportions de celui de Bonnesaigne, recrute des sujets, s'entoure d'importantes propriétés et va en deviner au loin jusqu'à « Peyralevada » (Peyrelevade, canton de Sornac).

Or, lorsque le pape Alexandre écrivait de Clermont, à la prieure, Bonnesaigne avait déjà fait ses preuves ; la maison avait des sujets, et de vastes et nombreuses propriétés, que nous nommerons plus tard, étaient sous' sa dépendance. Et c'est parce que Bonnesaigne était déjà connue avantageusement au loin que le vicaire de Jésus-Christ en « fait honorable mention, confirme à Jovite, prieure, et à ses soeurs, les biens dont elles jouissaient et met sous la protection du Saint-Siège les biens que les religieuses de Bonnesaigne ont acquis, ou peuvent acquérir ».

Sous la date du Bref, le monastère en question était dans toute sa splendeur et en pleine efflorescence ; ses vastes et grasses fondrières étaient desséchées et rendues bonnes et saines ; ses divers bâti-


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ments construits ; son église achevée avec son grandiose clocher, sous forme de tour carrée ; et les grandes demoiselles de la terre des Lémovices ou de YAlvernie circulaient sous les arcades du cloître, ou chantaient les louanges du Seigneur dans les stalles du sanctuaire, derrière un double rang de grilles austères.

Non, tout ce travail de géant, qu'exigeait l'appropriation de ces lieux insalubres pour les rendre habitables, ne se fit pas en un clin d'oeil et par enchantement.

Il a fallu de longues et pénibles journées de sueurs, à des centaines de malheureux esclaves, avant que les délicates et gentilles damoiselles de nos ce très grands, très puissants et très illustres seigneurs T> vinssent exposer leur santé dans cette vallée silencieuse, pour réveiller par leurs jeux et leurs chants les échos de nos montagnes endormies depuis de longs siècles, si non depuis le jour de la création.

C'est d'autant plus vrai encore, qu'à ces époques glorieuses de foi ardente, nos ancêtres, assurés de se survivre dans leur nombreuse descendance, ne bâtissaient pas uniquement pour eux, mais bien pour les générations à venir. Ils allaient lentement et faisaient oeuvre grande et durable. Souvent, en effet, du sommet des tours grises de leurs sombres repaires, nous contemplent deux ou trois siècles de générations éteintes à les construire.

Aujourd'hui, pour des raisons contraires, on est pressé de jouir ; on se hâte de construire et l'on fait oeuvre d'un jour. L'avenir n'est plus à la famille ! et souvent celui qui doit la fonder en est le propre destructeur dans son germe. 11 ne bâtit que pour lui et


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l'ombre de sa Vie : siciit umbra talis viia ! De même pour les vénérables monastères, qui ont leur origine noyée dans la nuit des temps.

Les illustres croyants qui en jetaient les fondements savaient que, si leurs propres enfants n'avaient pas la vocation d'y entrer, ce seraient les rejetons de leurs fils aînés qui, un jour, iraient les habiter.

Voilà pourquoi ils prenaient le temps de faire oeuvre qui pût traverser les siècles et faire reluire, le long des générations les plus reculées, l'éclat de leurs royales libéralités.

Voilà pourquoi aussi, au sujet de la maison qui nous occupe, les traditions qui nous disent : « Commencée en 730, Bonnesaigne fut terminée cinquante ans après », nous ont toujours paru plus près de la vérité que les écrits juvénaux nous insinuant, timidement il est vrai, que, florissant en 1165, Bonnesaigne ne commença à faire son éclosion à la lumière que ce vers 1150 », c'est-à-dire 15 ans avant son éclat.

Mais à quelle date le florissant monastère de 1165 a-t-il été honoré du glorieux titre d'abbaye ?

C'est ce qui nous reste à élucider en terminant le chapitre que nous avons consacré aux origines de Bonnesaigne.

§ III. — ORIGINE ABBATIALE DE BONNESAIGNE (1165-74)

Il est certain qu'en 1165 Bonnesaigne n'était pas abbaye, mais simplement prieuré.

S'il en avait été autrement, JOVITE, en écrivant au pape de vouloir bien mettre sous sa haute protection les biens de son monastère, n'aurait pas manqué de


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signer de son vrai litre l'objet de sa supplique. Et c'est parce qu'elle n'avait laissé tomber de sa plume que cette phrase : Jovite, prieure du monastère de la Bienheureuse Marie de Bonnesaigne, que le pape répète, dans sa réponse favorable, les mêmes expressions : Jovilm priorissoe monasterii Bealoe Marioe de Bonnasagnia.

Tout comme aussi, si les Ventadour en avaient été les fondateurs ce vers 1150 » ou avant, Jovite n'aurait pas omis de le dire au Souverain Pontife ; et le Pape, à son tour, qui reproduit dans son Bref, avec tant de complaisance, les noms des propriétés qui relevaient de Bonnesaigne, à cette date, noms que lui avait nécessairement transmis la prieure, se serait bien gardé de changer le titre de fondateurs en celui de bienfaiteurs, comme il nous présente les vicomtes dans l'écrit émané de sa suprême autorité. C'est parce que Jovite avait simplement dit, et sans réclamation de la part des chatouilleux seigneurs, que Bonnesaigne avait été enrichi par les dons ce d'Ebles, de son épouse et de ses enfants... et d'autres hommes de bien, que le vicaire de Jésus-Christ reproduit, dans son Bref, cette phrase significative et sans réplique possible : Ex dono Eblonis, uxoris el filiorum... et aliorum virorum.

Bonnesaigne n'était donc que prieuré en 1165. Mais alors, sous quelle date propice est-il devenu abbaye ?

M. Champeval nous dit, en parlant de ce prieuré : ce Déjà en bonne voie en 1165, devenu abbaye vers 1180 ».

Au Bulletin de Limoges, on écrit :


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ce La dame de Canillac de Beaufort fist ériger ce prieuré en titre abbatial l'an 1633 et eut de grands démêlés avec les seigneurs de Pompadour ; mais enfin elle en fut la première abbesse, et depuis, les dames qui en ont été pourvues ont pris le titre d'abbesse » (Leduc, Etat du diocèse de Limoges, t. XLVI, p. 350).

Double inexactitude facile à redresser, à l'aide des auteurs anciens, si l'on veut bien ne pas les traiter tout à fait de radoteurs.

Ecoutons le bon Père Bonaventure de. Saint-Amable, parlant d'après le bénédictin Estiennot à qui il avoue ce devoir le principal de ce qu'il dit de Bonnesaigne et des autres monastères du Limousin » ; il nous dit :

ce Elle (Jovite) n'est appelée que prieure dans ce Bref (1165), mais le nécrologe lui donne la qualité d'abbesse, disant ainsi : ce Le huitième des Ides d'avril mourut Jovite, abbesse de Bonnesaigne ».

Or, ce décès se place forcément avant 1174, date sous laquelle nous trouverons plus tard une autre supérieure que Jovite à la lête de Bonnesaigne.

C'est donc après 1165 et avant 1174 que Bonnesaigne changea son nom de prieuré en celui d'abbaye. Et tout comme Arnaud de Saint-Astier, de dernier abbé, devint premier évêque de Tulle, Jovite, de dernière prieure, devint première abbesse de Bonnesaigne. Et cela, toujours sous le pontificat d'Alexandre III ; Gérald II étant évêque de Limoges ; Richard, duc d'Aquitaine ; Ebles IV, époux de Sybille de Faye, vicomte de Ventadour, et Gérald, seigneur de Sodellas (Soudeilles), quelques années avant l'invasion de nos montagnes par les armées d'Henri II,


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roi d'Angleterre, qui alla se faire mettre en si piteuse déroute sous les remparts de Ventadour (1182).

Donnons maintenant, dans un autre chapitre, le nom des bienfaiteurs de Bonnesaigne et la nomenclature des terres dont ils se plurent à former la manse abbatiale, à l'envi l'un de l'autre.

(A suivre).

LES BÉNÉDICTINES

DE

BONNESAIGNE

(Suite)

CHAPITRE V

Importance de l'abbaye de Bonnesaigne : 1° Juridiction civile ; 2° Juridiction spirituelle ; 3° Règle de l'abbaye de Bonnesaigne.

g I. — JURIDICTION CIVILE

Ainsi constituée et dotée, Pabbaye de Bonnesaigne ne tarda pas à avoir un grand renom dans le Limousin et dans les provinces environnantes. Gomme un aimant puissant, elle attira à elle, à l'ombre de ses grandes murailles de clôture.,- au fond de ses marais, un grand nombre de familles honorables, comptant parmi leurs membres : des notaires, des médecins, des avocats, des juges, des huissiers, des guerriers même, etc. Tout un bourg se forma autour d'elle : le bourg de Bonnesaigne, avec quatre foires de vieille date et fort suivies.

Nous trouvons dans ce bourg : les Rigald et les de Belger, notaires (1343) ; les d'Espert, Espinet, Perrier, Mary, Magimel, Sourzat, de Mirambel, les d'Ussel-Châteauvert, les Tète-Blanche, huissier, etc. Et tous ces hommes de science, de loi, de guerre avaient à honneur de mettre leur savoir et leur expérience des affaires au service de la communauté, pour la bonne gestion de ses intérêts temporels.

C'est ainsi que messire Léonard d'Ussel de Cbâteauvert, chevalier de l'ordre de Jérusalem, commandeur de la commanderie de Maissonnisse, en Marche,

T. XXIV. 4 - i


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après avoir longtemps guerroyé pour la patrie, se retire à Bonnesaigne et accepte l'office de procureur de l'abbaye. Le 10 avril 1760, nous le voyons traiter avec maître Pigeyrol, curé de Darnets, docteur en théologie/ au nom de révérende dame LéonardeGabrielle de Châteauvert, sa fille, pour la perception des revenus que la communauté avait à toucher sur la cure de Darnets.

L'abbesse était seigneuresse, ayant son tribunal, ses juges et ses autres officiers de justice. C'est en 1280, avons-nous dit, que Mathe de Châteauneuf acquit, d'Ebles VII de Ventadour, le droit de justice dans l'endroit. Dès lors l'abbaye eut sa prison.

Mais elle eut, en même temps, un lieu de refuge, comme il y en avait tant au Moyen-Age, où les criminels trouvaient un abri contre les poursuites de la justice abbatiale ou seigneuriale, abri qu'ils croyaient y trouver encore, longtemps après que la Révolution eut enlevé ce suprême espoir des malheureux. Ce lieu de refuge est le modeste sanctuaire de NotreDame de Deveix (N.-D. de Pitié), situé au Nord des prairies de Bonnesaigne, au milieu du village de la Chapelle, assis à droite et à gauche de la route nationale de Tulle à Clermont, entouré d'arbres fruitiers, de jardins et de bois de pins. Cette chapelle, autour de laquelle s'est formé ce gracieux village, berceau d'un homme de bien, M. l'abbé Laubie, mort principal du collège de Villefranche (28 mars 1865), est fort ancienne. Son origine doit être contemporaine de celle de l'abbaye (730). Mais le mystère qui plane sur le berceau du monastère, durant plusieurs siècles (730-1165), couvre pareillement le sien et


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M. Hamon, dans son Histoire du culte de la sainte Vierge en France, se plaint ce de n'avoir rien pu apprendre de Notre-Dame de la Chapelle, dans le canton de Meymac ».

Ce que nous aurions pu apprendre, au pieux curé de Saint-Sulpice, d'après les notes manuscrites du notaire L. de Pezaret (6 mars 1497), conservées aux archives de Soudeilles, c'est qu'avant 1165 la chapelle de N.-D. du Deveix, avec la cure de Combressol qui comptait 860 habitants et payait 30 livres, fut donnée à l'abbaye de Bonnesaigne par Gérald II, évêque de Limoges. C'est en vertu de cet acte que l'abbesse nommait à la cure Saint-Pierre de Combressol, dont le titulaire était obligé d'assurer le service de la succursale fondée dans l'église abbatiale de Bonnesaigne.

Ce que nous savons encore c'est qu'en 1629, l'abbesse Gabrielle de Beaufort-Canillac voulut avoir, dans l'église de la communauté, une réminiscence de celle du gracieux village, en y établissant la chapelle, Y autel et la vicairie de N.-D. de Pitié (ou de Deveix), dont nous avons déjà parlé.

Cette chapelle-refuge était comme une sentinelle avancée, perdue dans les bois, pour appeler les voyageurs ; c'était une halte de recueillement avant de fouler le sol sacré de la communauté, et d'adieu après l'avoir visitée, avant de reprendre la direction de Saint-Angel, d'Ussel et de Meymac; c'était un refuge, avons-nous dit, dont la Terreur, promenée dans nos montagnes par les Sans-Culottes d'Ussel et de Meymac, qui vinrent abattre les tours du Lieuteret, ne firent qu'une ruine. Heureusement, les habitants de l'endroit avaient eu le temps d'enlever avant


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la statue vénérée de la Madone et de la cacher dans une caverne rocheuse du bois du Deveix où elle attendit longtemps, mais en toute sûreté, l'arrivée de jours plus calmes qui lui permirent de se réfugier dans l'église paroissiale.

Sous le premier Empire, un préfet de la Corrèze ordonna, à la municipalité de Combressol, de débarrasser le terrain de l'ancienne chapelle villageoise, pour la raison, ou sous le prétexte que ces ruines servaient de repaire (comme autrefois) aux brigands des environs. Les bons habitants de l'endroit sauvèrent encore leur pèlerinage : ils refusèrent d'exécuter cet ordre destructeur.

Ils avaient l'espoir d'une restauration de leur chapelle !

Cette restauration s'accomplit en effet ; ce fut Jean Laubie, frère du curé de Combressol et père de l'abbé dont nous avons prononcé le nom, qui l'effectua.

Par permission de M. Brival, vicaire-général de Limoges, en date du 1er janvier 1821, la statue vénérée de N.-D. de Pitié revint de l'église paroissiale, le 12 juin, dans son sanctuaire rétabli et embelli.

Parmi ceux qui la portaient triomphalement, sur leurs robustes épaules, se trouvaient :

Le chevalier Marins de Meynard de Maumont, seigneur de Lachenal, garde du corps, maire de Darnets; (Nathali) Boumeix, sous-officier de cavalerie, du village de la Barrière, paroisse de Darnets ; Taguel de Barsanges, géomètre ; et Bobert, propriétaire, de la paroisse de Rosiers-d'Egletons.

M. Teyssier, curé de Meymac, présida la cérémonie. Il était assisté de MM. Antoine Laubie, curé


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de Combressol; Joseph Souiller, curé de Darnets, qui célébra la messe d'action de grâce, ayant pour la lui servir le jeune Etienne-Joseph Bazetou, son élève, devenu plus tard curé de Puy-d'Arnac, de Soursac, de Maussac, et l'inoubliable missionnaire de nos campagnes, décédé, aumônier de l'école de la dite chapelle de Bonnesaigne, le 5 décembre 1891, à l'âge de 86 ans, et mis en terre le 7, dans le tombeau qu'il avait fait bâtir, pour lui et ses successeurs, au cimetière de Maussac, son église natale.

Se pressaient encore, autour du curé de Meymac, MM. Jean-Baptiste Bouharde, curé de Davignac; Léonard Mas, curé de Soudeilles et oncle de l'élève Bazetou ; Antoine Taysse, curé de Palisse, et Charles Lachaud, vicaire à Meymac.

Le procès-verbal de cette solennelle manifestation religieuse, en l'honneur de l'auguste Mère des Douleurs, fut signé par tous les prêtres que nous venons de nommer, et de plus par M. Lacombe de Lamazière, et Mme Champeval, née Lachaud.

Plus heureuse que l'abbaye qui lui donna le jour, la chapelle de N.-D. de Deveix est renée de ses cendres ; seulement au lieu d'être, comme par le passé, le refuge des repris de justice, elle est devenue, depuis 1821, Y abri des pauvres pécheurs, refugium peccatorum, où la Mère de la Miséricorde se plaît à presser sur son sein ses enfants égarés.

Avec N.-D. de Chaslres, paroisse de Bar, dont nous allons avoir l'histoire (1) par M. l'abbé Bessou, l'émment doyen de Lubersac, Notre-Dame de Deveix,

(1) Elle a déjà paru depuis que nous écrivions ces lignes.


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ou de la Chapelle, me paraît le pèlerinage le plus ancien du diocèse de Tulle en l'honneur de la Très Sainte Vierge Marie, malgré ce qu'on a pu écrire en faveur de N.-D. de Belpeuch.

C'est là que, tous les ans, le dimanche dans l'Octave de la Nativité, toutes les paroisses environnantes se donnent rendez-vous pour célébrer les louanges de l'auguste Mère de Dieu.

ce Un instant Notre-Dame de la Chapelle, deux fois désormais Notre-Dame du Deveix, rivalisa avec Notre-Dame d'Eygurande, de date bien plus récente (1720). Mais des abus s'étant glissés dans ce pèlerinage, l'autorité prit des mesures pour restreindre un concours qu'elle trouvait justement trop mêlé. Les fêtes d'aujourd'hui sont moins joyeuses et moins bruyantes ; elles présentent en retour plus de piété et portent plus de fruit. C'est au 8 septembre qu'elles ont lieu, comme à Eygurande et à Belpeuch, bien que là, comme à Belpeuch, l'image de la Vierge soit Notre-Dame de Pitié.

ce C'est là, qu'en 1875, se rendirent, pour les processions du jubilé, toutes les paroisses du canton de Meymac et quelques autres des environs : Saint-Angel et Palisse.

« Le matin, à la messe du pèlerinage, M. Bazetou, pour lors curé de Maussac, sa paroisse natale, déploya sa grande voix en disant la puissance et la volonté de Marie pour nous secourir. Le soir, à vêpres, ce fut le tour de l'élève de l'orateur du matin, M. l'abbé Chazal, doyen de Meymac, qui nous commenta en termes exquis l'antienne des suffrages : Sancla Maria succure miseris. On le voit, le vieux maître et


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l'élève du presbytère de Servières nourrirent merveilleusement nos âmes du pain de la parole de Dieu. En retour, le titulaire de l'endroit, M. l'abbé Lafon, l'ancien émule de Mgr Dupanloup sur les bancs de Saint-Sulpice, nous servit à l'hôtel Guy, ancienne maison Aigueperse, les produits les plus succulents de la montagne pour la nourriture de nos corps brisés de fatigue » (V. Biog. de M. Bazetou, p. 45).

Et les chants des pèlerins, et les échos des bois, et les notes argentines de la petite cloche villageoise éclatent tous les ans sur les ruines de l'abbaye sans pouvoir les faire tressaillir !

Il en sera ainsi des pages que nous leur consacrons : elles les laisseront endormies dans un éternel sommeil de mort !

§ II. — JURIDICTION SPIRITUELLE

L'abbesse de Bonnesaigne, élue à vie, était un personnage important dans le diocèse de Limoges, non seulement au point de vue temporel, mais encore et surtout au point de vue spirituel.

Elle avait droit de collation et de nomination à tous les bénéfices du patronage de son abbaye.

Bien plus, elle avait droit de présentation aux cures et vicairies perpétuelles de Villevaleix, de Darnets, de Combressol, de Maussac, de Chaveroche, de Saint-Julien près Bort, de Saint-Frejoux-leMineur, de Davignac, d Ambrugeac et de Menoire, diocèse de Tulle, et de Champagnac et Veyrières au diocèse de Clermont (aujourd'hui de Saint-Flour); en


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un mot, elle présentait à tous les bénéfices qui pouvaient dépendre de l'abbaye de Bonnesaigne et prieurés y annexés, ce pour, par la dite dame, jouir tant des droits que de tous les honneurs, fruits, profits, revenus et émoluments appartenant à l'abbaye ».

Ce sont les propres termes de l'official général de Limoges, le jour de l'installation de Mme de SaintMarsault, le 3 janvier 1781.

Je ne sais comment il en fut pour les autres cures, mais pour celle de Darnets les évêques de Limoges ne se faisaient pas scrupule d'y nommer, sous la présentation de la seigneuresse de Bonnesaigne. Dans tous les cas, si elle en présenta quelques-uns, elle n'eut pas le choix heureux, car tous sans exception, de 1348 à 1789, lui rendirent la vie dure ; nous le dirons dans un autre chapitre.

Pour le bon gouvernement intérieur de sa maison, l'abbesse était assistée d'une prieure claustrale et d'une sous-prieure, qu'elle nommait elle-même (1578).

La nomination de l'abbesse fut d'abord élective, comme partout, c'est-à-dire au choix des religieuses de l'abbaye et des prieurés qui en dépendaient.

Durant cette période, les religieuses furent parfois influencées dans leur vote par l'ingérence des seigneurs de Ventadour, mais surtout par les Gimel, les Saint-Chamant, les Ghabannes et les Lajugie de Maussac. Durant le Moyen-âge, nos seigneurs, en cela semblables aux Césars du Bas-Empire, se mirent « mitre en tête et glaive au poing », à régir ce qu'ils n'avaient qu'en tutelle et n'hésitèrent pas à s'imposer de force quand on n'accédait pas de gré. « Est-ce que les


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abbayes ne sont pas à moi? disait l'un d'eux à un évêque ».

ce Ainsi, les maisons de Dieu devinrent simplement des fermes ou domaines pour des races grossières, que le temps et l'Eglise même ne devait assouplir que petit à petit ».

Ainsi s'exprime M. l'abbé Poulbrière, dans son Histoire du diocèse de Tulle, pp. 69-70.

Et avant lui, dom Vaissète avait dit : ce Au xe siècle, les grands vassaux, sous prétexte de patronat, se rendirent maîtres de la nomination aux évêchés et aux abbayes qu'ils regardaient comme des fiefs mouvans de leur domaine, et ils exerçaient sur les monastères une' autorité despotique en qualité d'abbés laïcités (Hist. du Languedoc, t. II, p. 118).

Bonnesaigne ne devait ni ne pouvait échapper complètement à cette funeste influence du dehors.

Durant plusieurs siècles, en effet, la maison de Ventadour disposa presque seule de la nomination des abbesses. Mais disons tout de suite, à la décharge des Ventadour, pour cette intervention indue malgré les biens insignes qu'ils avaient faits à l'abbaye, que les abbesses imposées par eux furent toutes admirables de vertus. Malheureusement il n'en fut pas ainsi de celles que lui donnèrent les Gimel, les Saint-diamant et les Chabannes. Le gouvernement de ces abbesses se ressentit trop souvent de son origine laïque, de l'ambition et des autres passions qui agitaient cette époque de notre histoire féodale. De là l'origine et l'explication des dissensions, des intrigues et des divisions qui éclatèrent trop souvent entre les religieuses et leurs supérieures, scandales que


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nous aurons à déplorer dans le cours de cette histoire, mais qui ne sont pas imputables, nous le répétons, à la si chrétienne famille de Ventadour d'où sont sortis tant de prélats distingués, d'illustres religieux et de saintes religieuses. Et si les Ventadour ont paru, à certains historiens, se montrer un peu trop autoritaires lors de la nomination et de la mise en possession de l'abbesse Blanche de Gimel, en 1471, sous Louis-Charles, dernier représentant mâle de la branche de Comborn, nous dirons plus tard qu'ils avaient d'excellentes raisons de le faire.

Il en fut de même de la seconde race de nos vicomtes : Louis de Lévy, époux en 1472 de Blanche de Gomborn-Ventadour, fille unique de Louis-Charles dont nous venons de prononcer le nom, et héritier par alliance par conséquent de la fortune des Ventadour, put bien avoir aussi quelques prétentions sur Bonnesaigne, mais on ne voit pas qu'il en ait abusé outre mesure, pas plus lui que ses descendants.

Les maux dont eut à gémir Bonnesaigne, tant que la nomination de ses abbesses fut élective, ne venaient d'ailleurs que de Ventadour. Au xvne siècle, Ventadour fut bien évincé de ses prétentions sur Uabbave montagnarde ; mais les maux dont elle souffrait ne furent pas guéris pour cela; au contraire, ils allèrent en empirant à partir de ce jour.

D'élective, quand le pouvoir central de la Monarchie se fut accentué sous François 1er, la dignité abbatiale fut dévolue à la nomination du roi, et Bonnesaigne prit alors le nom pompeux d'abbaye royale.

Durant cette période, les intrigues cessèrent-elles ? Il ne le paraît pas.


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Ce fut pour les faire tomber en partie et remédier aux maux qu'une-semblable intervention causait à la communauté, qu'en 1627 l'abbesse Gabrielle de Beaufort de Canillac, pour mieux donner congé aux familles secondaires qui, à la longue, s'étaient introduites dans son monastère, résolut d'en expulser la famille seigneuriale à laquelle l'abbaye devait le plus de reconnaissance. En femme politique qu'elle était, sachant parfaitement de quel côté venait le vent, l'abbesse de Beaufort, profitant de la mésintelligence qui existait déjà entre nos grandes familles et Richelieu, et du désintéressement des honneurs et des grandeurs de ce monde bien connu du duc Henri et de Marie-Liesse de Luxembourg, son épouse, appelés à être peu de temps après l'un chanoine de Paris et l'autre carmélite de Ghambéry, fit enlever aux Ventadour leur titre de fondateurs de l'abbaye de Bonnesaigne, avec les privilèges qui y étaient attachés de temps immémorial.

Ainsi le régla le Parlement, qui ne leur laissa que le titre de bienfaiteurs.

Cet acte d'autorité, de la part de l'intrépide abbesse, dût paraître à plusieurs d'une hardiesse souveraine ; mais il ne semble pas dénoter chez elle une sagesse et une prévoyance consommée dans les affaires. A partir de ce jour, les Ventadour, jusque là attentifs aux besoins d'une abbaye qu'ils avaient relevée, si non fondée, se désintéressèrent en effet des affaires de Bonnesaigne ; mais Bonnesaigne n'en marcha pas mieux pour cela. D'autres intrigues y surgirent, et à partir de l'intrépide abbesse qui lui avait rendu son éclat primitif durant son long règne de 46 ans, Bonne-


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saigne, privé du puissant appui des Ventadour déboulés, alla toujours en déclinant.

Une fois nommée, l'abbesse, aussi bien que son monastère, ne relevait immédiatement que du saintsiège. Elle s'adressait directement, sans intermédiaire, au Pontife romain.

C'est ce que nous ont déjà appris les Bollandistes : Romance sedi immédiate subjacet locique Domina audit abbatissa (Gai., t. II).

Depuis le vin 0 siècle, l'abbesse de Bonnesaigne, fière de son glorieux privilège, acceptait bien visites, règlements, voire même subsides de la part des évêques de Limoges, mais sans leur reconnaître pour cela aucune juridiction sur sa maison. Ce ne fut pourtant pas sans bien des déboires que les choses marchèrent ainsi, durant plusieurs siècles. L'autorité épiscopale, jalouse de se voir ainsi arrêtée au seuil d'une maison religieuse, essaya plusieurs fois de happer ce privilège insigne ; mais les abbesses tenaient toujours la dragée haute. Au xvne siècle éclatèrent, à ce sujet, de graves et retentissants débats. L'évêque voulait, à tout prix, soumettre Bonnesaigne à sa juridiction ; et les religieuses refusaient d'abandonner le privilège qu'elles tenaient de leurs premiers fondateurs. L'abbesse, qui venait de faire tomber les prétentions des puissants ducs de Ventadour, se crut assez forte et assez habile pour arrêter celles des tenaces évêques de Limoges. Pour cela, elle fit agréger sa communauté, en 1648, à l'abbaye de Cluny, d'où il ne paraît pas, d'après Roy-Pierrefitte, qu'elle ait jamais reçu de visiteurs avant cette date. L'évêque, sans quartier, lança alors l'interdit sur la remuante communauté.


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La lutte n'en continua que de plus belle, durant plusieurs années, entre les deux juridictions. Finalement, l'abbesse succomba, et François de La Fayette, premier aumônier de la reine Anne d'Autriche, fut accepté comme supérieur de l'abbaye de Bonnesaigne qu'il dota des règles dont elle pouvait avoir besoin. C'est en 1657 qu'eut lieu cette soumission, six ans après la mort de Mmû de Beaufort-Canillac.

Ce qui n'empêcha pas de nouvelles contestations, sous Mgr Louis de Lascaris d'Urfé. Alors le roi intervint pour faire cesser ces scandaleux débats. Par arrêt du Conseil privé, rendu le 15 février 1691, il soumit définitivement la tracassière abbaye à la juridiction des évêques de Limoges. C'est ce que veulent dire ces lignes de la Gallia Christiana : Moniales abbalioe Bonnesanioe in Lemovico tractatu superiore, paulo post ultro sese obtulere ut ab Francisco de la Fayette episcopo Lemovicensi visitationem et vitoe régulas acceperunl (T. II, p. 42).

§ III. — RÈGLE

Filles de saint Benoît, naturellement les religieuses de Bonnesaigne suivirent, dès le début de leur existence, autant que possible, la Règle du glorieux fondateur de leur ordre, c'est-à-dire de 730 à 930.

Plus tard, à cause des affinités qu'elles avaient avec l'abbaye de Tulle, elles acceptèrent le règlement de Cluny que saint Odon, abbé de Tulle, introduisit dans sa communauté (930-1318). Dès lors, elles se servirent


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du bréviaire de Cluny, jusqu'à l'impression de celui du Concile de Trente.

Malgré ces deux règlements, on peut dire néanmoins que l'abbaye de Bonnesaigne n'eut guère d'autre Règle que la volonté de ses abbesses. Les religieuses spécifiaient bien, dans leurs lettres de profession, qu'elles embrassaient la Règle et la constitution de saint Benoît ; mais c'était une pure formule.

Les choses marchèrent ainsi jusqu'en 1645, que l'abbesse Gabrielle de Beaufort-Canillac voulut réformer sa communauté. Outre la clôture, elle fit faire les constitutions qui régirent sa communauté jusqu'aux mauvais jours de la Révolution. Pour les dresser, elle se servit du conseil de.quatre hommes très éclairés; l'un était l'abbé régulier des Pères de Citeaux; le second, M. Parrer, docteur de Sorbonne, grand maître de théologie du collège de Navarre ; le troisième, M. Guillaume Dumas de la Gouterie, bachelier de Sorbonne, ancien curé du Gros-Chastang (1594-1640), de Neuville (1640), traducteur de l'Octavius de Minulius-Félix, ami de saint Vincent de Paul et de Richelieu qui voulut lui donner l'évêché d'Alet, frère du poète franciscain Martial de Brive, et pour lors vicaire-général de Mgr Jean de Genouillac de Vaillac, évêque de Tulle ; le quatrième était M. Vincent de Paul, à cette date simple prieur de Saint-Lazare, qui, quinze ans plus tard, devait installer la mère Anne Ardemont à l'hospice d'Ussel, établi en 1269. Après mûre délibération, on trouva bon de se servir, pour Bonnesaigne, des constitutions que le Grand-Maître de Na,varre avait dressées autrefois pour les Bénédictines du diocèse de Clermont, en supprimant quel-


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ques articles trop austères. On fit de même tout ce qu'on put pour en avoir de ces Bénédictines de Clermont, mais jamais on ne put en obtenir. On résolut encore de faire quelque peu d'altération à ces constitutions, et ensuite on les fit approuver aux supérieurs, après y avoir ajouté quelques additions consacrées par l'usage (V. Sem. relig., 21 avril 1883).

Cette réforme, depuis longtemps nécessaire, produisit-elle tous les bons effets qu'en attendait l'intrépide abbesse? Elle dut ramener la régularité dans ce malheureux monastère le plus éprouvé, le long des siècles, de toutes nos maisons religieuses ; mais il ne paraît pas qu'elle ait fait augmenter, d'une manière sensible, le nombre des vocations. D'après les chiffres que nous en a conservés l'histoire, il est aisé de deviner les jours heureux ou malheureux que traversa Bonnesaigne.

Sous l'abbesse Mathe de Châteauneuf (1276-1286), la communauté comptait quarante religieuses et dix frères oblats. Le nombre de ces derniers fut réduit de cinq et celui des religieuses augmenté d'autant ; c'était du temps d'Ebles VU de Ventadour, époux de Blanche de Châteauneuf, soeur de l'abbesse de Bonnesaigne.

Durant nos luttes interminables avec l'Angleterre, les trois fléaux qui ravagèrent le Limousin en particulier, la guerre, la peste et la famine, s'abbattirent terribles sur Bonnesaigne ; le nombre des religieuses descendit alors à quinze (1345), dont nous donnerons les noms plus tard.

En 1399, tandis que notre province était livrée à des bandes de pillards, Bonnesaigne comptait seize


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religieuses ; c'était du temps de Gaillarde ,11 Robert de Blauge.

En 1407, durant le veuvage d'Isabeau de Vendat, mère de Jacques de Ventadour fait prisonnier à la bataille d'Azincourt (1415), elles n'étaient que neuf.

En 1471, peu d'années après le mariage de Blanche de Ventadour avec Louis de Lévy comte de la Voûte, sous l'abbesse Blanche de Gimel, elles montèrent au chiffre de dix-neuf. Il descendit à quinze sous Catherine de Chabannes, en 1597. En 1706, sous l'abbesse de Beauverger, elles étaient seize, y comprise l'abbesse.

En 1759, lors de leur émigration sous le ciel plus clément de Brive, elles étaient vingt-une soeurs et trois converses outre l'abbesse.

Enfin, quand éclata la Révolution, l'abbaye de Bonnesaigne comptait onze religieuses et trois converses, que nous ferons connaître en temps et lieu.

Et toutes ces religieuses furent gouvernées, l'espace de onze siècles (730-1790), par les demoiselles des plus hautes familles du Limousin et des provinces environnantes. Malheureusement, les archives de Bonnesaigne nous manquent de 730 à 1165 : un silence de mort règne sur l'abbaye durant ce long intervalle. Mais par les noms illustres que nous a livrés, à partir de cette date, Mme Marie Colas, religieuse de Mme Jacqueline de Blémur, qui a fait le catalogue des abbesses, avec chronique, il nous est facile de deviner la noblesse de celles qui nous restent inconnues.

C'est cette liste de Mmc Colas, reproduite dans les ouvrages du R. P. Bonaventure de Saint-Amable, de l'illustre publiciste Montesquieu et du savant Nadaud,


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que nous allons nous-même donner, avec quelques compléments que nous fournissent les ouvrages de M. l'abbé Poulbrière, les notes de M. Bazetou combinées avec celles que nous possédons nous-même, et les recherches de M. Champeval.

Quelle série de noms aristocratiques ! Vraiment, l'abbaye de Bonnesaigne semble n'avoir été fondée que pour recueillir les vocations des demoiselles des plus illustres familles du Limousin, de la Marche, de l'Auvergne et de plusieurs autres provinces !

Pas un nom de la plèbe !

De nouveau : saluons donc avec respect ces grandes abbesses, en les voyant passer, la crosse à la main, sous les arcades du cloître, ou en les entendant chanter, dans les stalles du sanctuaire, les louanges du Seigneur :

Elles sont la gloire ce du monastère Beatoe Marioe de Bonnesaigne » !

Malheureusement, pour la plupart d'entre elles, les documents nous manquent ; l'histoire ne nous a livré que leurs noms, et, pour les mettre en relief, nous sommes obligé de les faire vivre hors de leur couvent, avec leurs contemporains et les événements de leur époque. De là, dans notre récit, beaucoup de traits qui ne viennent pas directement au sujet qui nous occupe : ce L'Histoire des Bénédictines de Bonnesaigne ».

Observons, une bonne fois pour toutes, que dès avant l'apparition de la première abbesse de Bonnesaigne nous étions en pleine guerre de cent ans avec l'Angleterre. Ce qui nous donne un peu la raison du court passage au pouvoir de certaines abbesses et du

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manque de documents sur leur compte, durant cette longue et terrible levée de boucliers.

C'est en 1152, en effet, qu'eut lieu le divorce de Louis VII; en 1154 que commencèrent les hostilités. Elles devaient durer jusqu'en 1450, que les Anglais furent définitivement chassés de France.


CHAPITRE VI

Abbesses de Bonnesaigne (1165-1805)

l I. — JOVITE (1165)

Lorsqu'au xif siècle, Bonnesaigne, richement parée de ses anciens joyaux retrouvés, fait son entrée triomphale dans le domaine de l'Histoire, avec la majesté d'une reine revenant dans ses états après une longue et dure captivité, nous étions au lendemain de la seconde croisade à laquelle avait pris part, d'une manière brillante, sous les murs de Damas, Ebles II le Chanteur et Ebles III de Ventadour son fils. Le premier était mort depuis treize ans au Montcassin et le second ne devait pas tarder longtemps à aller à son tour y rendre le dernier soupir (1170).

Gérald était seigneur de Sodellas (Soudeilles), et le ceinturon de milice, avec les noms de Monseigneur et Dame, venait d'être donné au Paysan de Maumont et à son épouse, à la suite de la courtoise aventuré qui, grâce au vassal de Ventadour, tourna si bien à la confusion du puissant et malin comte de Poitiers, l'émule, avons-nous dit, du vicomte, dans l'art de trouver gentiment en vers (Chron. de Vig., p. 128).

La belle langue Lemozina était le parler de tous nos montagnards ; ils se flattaient même de ne pas


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en connaître d'autre et disaient, avec un certain orgueil :

De to-ous lous porlomens co-eï lou ma-ï que me pla-i ; On aymo dzomais tro lou porta de so may !

Cette langue était, en effet, arrivée à son apogée. Ebles II et Bernard, hom fo de paura generatio, pZlh d'un sirven del castel de Ventadom que era fomiers de cozes pa, mais l'émule du grand vicomte, dans l'art des chansons et des tensons, lui avaient donné sa véritable formule.

Les cansos que Bernard avait adressées à Agnès de Montluçon : Molher del vescoms que era mot gentil damna el gaia, étaient encore sur les lèvres de tous nos villageois. Les bergers les fredonnaient discrètement le long des rives des deux Luzège, ou sur la lisière de la forêt vicomtale ; et durant les longues veillées d'hiver, le chaume de nos étables, ou le manteau de nos larges cheminées, retentissait de ces couplets plus brûlants que les tisons enflammés du foyer :

Quan vei lo laudeta mover De joi sas alas contra-l rai, Que s'oblida es laissa cazer, Ailas ! quai enucia m'en ve, De cui qu'ieu ne veia jauzion ! Meravelhas ai, quar desse Le cor de dezirier no-m fon.

Quand je vois l'alouette agiter avec joie ses ailes dans la lumière, s'abandonner et se laisser choir par la douceur qui lui va au coeur, hélas ! quel ennui m'en vient à moi qui ne goûte point de bonheur ! Je m'étonne qu'aussitôt mon coeur d'envie ne se brise.


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Ailas ! quan cuiava saber D'amor, e quan petit en sai ! Quar ieu d'amar no-m peuse tener Celeis on ja pro non aurai ; Quar toit m'a-l cor, et toit m'a me, E si mezeis, e tôt lo mon ; E quam si-m tôle, no-m laisset re Mas dezirier e cor volon, etc.

Hélas ! combien je croyais savoir de l'amour et combien peu j'en savais! Car je ne puis m'empêcher d'aimer celle dont je n'obtiendrai jamais rien ; elle m'a ravi le coeur et m'a ravi à moi-même et à tout le reste du monde ; et elle ne m'a rien laissé, excepté le désir et le bon vouloir, etc.

Qui nous dira jamais les sourires malins, quoique contenus, de nos paysans, lorsque après chaque couplet de cette chanson, une des plus compromettantes que le téméraire poète se fût avisé d'adresser à la vicomtesse de Ventadour, quelque gars dégourdi de la joviale assemblée ajoutait, en guise de refrain :

El vescoms, le sieu senher s'apercebio de re !

Plus d'une fois, les échos de ces canzones champêtres durent aller mourir aux portes du couvent, si toutefois ils n'arrivèrent jamais aux oreilles de Jovite par dessus ses hautes murailles de ceinture.

Tout chantait alors, dans nos montagnes : les hommes et les êtres inanimés.. Les troubadours avaient tout poétisé : pics élevés, rochers osseux, fontaines cristallines.

Ici, c'étaient les Puys des Agneaux, des Eglises,


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de Château-Merles, de Russy, de Cialfond, de la Tourte et de la Garde.

Là, la roche des Dames, de la Chouette, des Compliments, de las Meidas, où le vent en ronflant faisait entendre des sons de cloches lancées à grande volée; de las Graoulas, où se réunissaient les corbeaux de dix lieues à la ronde pour fixer le jour de leur départ avant l'arrivée des frimas et pourvoir aux nécessités du voyage, au moins jusqu'à la première station. Ils porteraient en leur bec l'un une noix, l'autre une châtaigne, l'autre un gland, l'autre une faîne, l'autre enfin un morceau de fromage oublié sur la pelouse ou sur un rocher par les bergères en folâtrant. De las Fonblantsas, où se miraient les âmes du paradis; de las Bouinas, c'est-à-dire des Fées, chargées de porter du puy de la Tourte les blocs de granit pour bâtir le château de Ventadour; le Gour do-Loulo, où tous les ans, aux messes de minuit, se faisait entendre le carillon de cloches accordées à différents tons ; la Bologrando, énorme monolithe, dont la plus forte des fées se.déchargea, dans les bruyères de Veuilhac, quand ses soeurs lui crièrent, des gorges de la Luzège, que Ventadour était fini.

Ailleurs, c'étaient las Fonfreidas, dont les eaux donnaient toujours la fièvre et souvent la mort ; de la Goutto-Egledzo, sur les bords de laquelle on avait voulu d'abord élever l'église de Darnets ; mais d'innombrables lutins, durant la nuit, s'abattaient sur les murailles naissantes, les renversaient, les labouraient. A l'aube, le lieu présentait l'aspect d'un terrain sillonné par la foudre. Le travail du jour devenait la ruine de la nuit. Lassé de la diabolique persistance,


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le curé, s'étant recommandé à saint Maurice et à saint Martin, prend le marteau du maître-maçon, le jette au ciel. Le marteau vole et tombe juste à l'emplacement de l'église actuelle, au bas du coteau de ?sainte Valérie.

C'était la fon du'Droo où se désaltérait, en ricanant aux éclats, ce grand génie des lutins, après avoir ércinté hommes et chevaux.

C'était la fon de Miedzo-Fourel, autour de laquelle folâtraient d'innocentes nymphes que surveillaient de lubriques satyres cachés dans la ramure des grands arbres des bois de Ventadour. Malheur à la pastoure qui, poussée par la curiosité, s'aventurerait à troubler le mystère de ces lieux uniquement réservés aux puissances de l'air et des forêts !

C'était la fon des Etsontis où dansaient, falfadaient de Gais-Esprits-Follets, c'est-à-dire les âmes des enfants morts sans baptême.

C'était, pour en finir, la fon-cifer (Lucifer), où, par une permission spéciale de Dieu, esprits infernaux, fantômes, spectres, squelettes et gnoms tenaient parfois leurs assises malfaisantes et se livraient ensuite, pour retrouver leurs tombeaux, à des chasses volantes effrénées, avec des cris stridents capables de glacer d'effroi les coureurs de nuit, etc.

C'est au moment où, disons-nous, de Soudeilles à Miramont et de Ventadour à Montpensier, nos montagnes n'étaient qu'harmonies, que la voix toujours grave, solennelle, majestueuse du vicaire de JésusChrist, partie de Clermont le 18 juillet 1165, dominant les chants des bergers, les ris des moissonneurs, le bruissement de la forêt, le murmure de la Luzège et


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le bourdonnement de nos bruyères en fleurs visitées par les abeilles, se fit entendre à la prieure Jovite, dans le vallon de Bonnesaigne.

Et le pape Alexandre annonçait à l'heureuse prieure, à ses filles, à tous ces chanteurs, trouvères, jongleurs et troubadours, aux serfs d'alentour et à la France entière, que ce monastère de Bonnesaigne, caché dans un coin ignoré du Limousin, était désormais étalé en pleine lumière, sous la haute protection du siège apostolique, lui, ses habitantes et les propriétés qui en relevaient.

Et après avoir fait mention que tous ces biens (déjà nommés chap. III, § II) lui venaient du vicomte Ebles, de son épouse, de ses fils, de plusieurs autres hommes de bien et de l'avoir des religieuses ou de leurs économies, le Pape les déclarait bénévolement placés, par un privilège spécial, selon la demande qui lui en avait été faite par la Prieure et ses Filles, sous la protection du Bienheureux Pierre et du Saint-Siège apostolique.

Après cette solennelle déclaration, il menace de la colère divine tout injuste agresseur qui aura la témérité d'empêcher, par la violence ou tout autre moyen défendu, la prieure Jovite et ses Filles de jouir des biens acquis, ou à acquérir, à leur communauté, soit par concession des pontifes, libéralités des rois et des princes, oblation des fidèles, ou autres légitimes moyens.

Et si, après deux ou trois admonitions, ce perturbateur ne s'est pas amendé, qu'il soit dépouillé de la puissance et de l'honneur dûs à la dignité qu'il occupe, et éloigné de la manducation du corps très saint et


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du sang de Dieu Notre-Seigneur et rédempteur JésusChrist, et à son dernier soupir qu'il soit abandonné à la colère de Dieu.

Seules l'autorité du siège apostolique et la juridiction canonique fcanonica juslitia) de l'évêque de Limoges restaient pleines et entières sur les biens que la prieure présente possédait et que les supérieures de Bonnesaigne pourraient posséder et acquérir à l'avenir.

Et le Pape ajoutait :

ce Que la paix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec les biens qui l'accompagnent en ce monde, et les récompenses éternelles dans l'autre, soit à tous ceux qui respecteront cette décision. Amen ».

Et ce Bref, donné à Clermont le 18 juillet 1165, est signé de : ce Moi Alexandre, évêque de l'Eglise apostolique», de onze cardinaux dont on trouvera les noms aux pièces justificatives, et enfin de ce Hermantius, sous-diacre et notaire de la sainte Eglise romaine », qui l'avait écrit.

Bonnesaigne était-il déjà abbaye sous la date mémorable de 1165?

Nous avons déjà répondu : le Pape appelle Jovite simplement Prieure. Mais peu de temps après, le nécrologe du monastère lui donne le nom d'Abbesse, disant ainsi : ce Le huitième des Ides d'avril mourut Jovite, abbesse de Bonnesaigne » (Bon. Sl-Amab., t. III, art. Bonnes.)

Cette dernière prieure et première abbesse de Bonnesaigne n'était plus de ce monde en 1174. L'abbesse Flore l'avait déjà remplacée sous cette date ; nous allons le voir.


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§ II. — FLORE (1174)

Ce nom, glorieusement porté par quatre saints et six saintes, était fort à la mode à cette époque ; mais c'est surtout en Auvergne qu'il eut son complet épanouissement : saint Flour !

Deux siècles après la Fleur de Bonnesaigne, ce nom recevait un nouvel éclat de la vierge de Maurs (1309), morte à l'Hôpital-Beaulieu, diocèse de Cahors, le 11 juin 1347.

Illustre sur le catalogue des saints, il l'est aussi dans le monde des savants : Hugues de Flore, chanoine régulier de l'ordre des Prémontrés, de l'abbaye de Florens, au diocèse de Namur, a écrit vers 1230, par ordre de son abbé, la vie de sainte Juette, veuve et recluse à Hui, morte l'an 1227 ; celles de sainte Ide de Nivelle et de sainte Ide de Leuwe, religieuses d'un monastère de l'ordre de Citeaux, en Brabant (V. Moréri, t. III, p. 483).

Le même auteur nous parle aussi de Flore, fille savante, qui écrivit un livre de Contes amoureux. On lui attribue encore quelques autres ouvrages, et divers auteurs en font mention (p. 559).

Mais tout cela ne nous apprend pas d'où était sortie la Fleur de Bonnesaigne.

Le fait unique de sa vie que nous connaissons semble nous dire que si ce n'est pas une plante cueillie sur quelque montagne ou dans quelque vallée du Limousin, elle y avait du moins des racines. En 1174, le 13 septembre, l'abbesse Flore de Bonnesaigne se fit représenter aux funérailles du vénérable F. Pierre, abbé de Saint-Martin (Limoges), par Âmélius, jadis


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abbé d'Uzerche, retiré ensuite à Bonnaigue, et pour lors aumônier de Bonnesaigne (V. Bon. S'-Amable, p. 503, et Combet, Hist. d'Uzerche, p. 84).

Ceci se passait sous Ebles IY de Ventadour, époux de Sybille, fille de Rodolphe de Faye, seigneur de •grande considération à la cour des rois d'Angleterre, ducs d'Aquitaine, et frère de Guillaume vicomte de Castelleyrac (Châtellerault).

Le nom de Flore pourrait bien être une coquetterie de Floret, aujourd'hui Fleuret, famille de Bonnesaigne qui a produit un grand nombre de prêtres, entre autres l'abbé Bernard de Floret que nous verrons, en 1348, figurer à côté de maître Pierre de Fait et de messire Pierre des Manaudies, ses compatriotes, parmi les procureurs qui députèrent le damoiseau Jean Lajugie, de Maussac, auprès de l'évêque de Limoges, pour en obtenir la fulmination de la Bulle d'union de la cure de Darnets à l'abbaye de Bonnesaigne.

Et alors notre Flore aurait vu le jour sur le mamelon de Floret ou Fleuret, au bas duquel s'élève l'abbaye, avons-nous dit à différentes reprises. Cette terre a toujours été un fief indépendant, ne figurant jamais dans les propriétés de l'abbaye.

De son temps, le vicomte Ebles IV et son épouse firent du bien à l'abbaye.

Flore eut Marguerite de la Jugie pour remplaçante.

§ III. — MARGUERITE DE LA JUGIE (1182)

Cette abbesse portait : d'azur à la face d'or. La famille La Jugie tire son nom de la terre de la


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Jugie, paroisse d'Eyren, et se divise en plusieurs branches : d'Eyren, de Brive, de Theillac de Pérets, de Maussac, de Davignac, etc.

Elle a eu ses illustrations : Jacques de la Jugie, d'Eyren, épousa Guillaumette Roger, soeur du pape Clément VI, pour lors garde des sceaux. Il fut anno-. bli en 1338, grâce aux démarches de son illustre beaufrère. Guillaume et Pierre, issus de ce mariage, furent revêtus de la pourpre romaine, l'un par son oncle Clément VI, et l'autre par son cousin germain Grégoire XI (1342-1375).

L'humble religieuse de Bonnesaigne eût-elle jamais, dans ses oraisons, le pressentiment de la gloire qui attendait sa famille dans l'avenir? Elle eut probablement d'autres soucis que des rêves de gloire pour les siens et pour sa communauté ; nous le dirons bientôt.

Son petit castel d'origine était situé sur le flanc Nord de la modeste église de Maussac. Les La Jugie, seigneurs de Maussac, titrés de damoiseaux, figurent partout avantageusement, à côté de la haute noblesse limousine.

Le 15 mai 1206, Hugues Judicis, coseigneur de Soudeilles, signe une donation faite à la maison et aux frères du prieuré de Bonneval, paroisse de Soudeilles.

Le 7 juillet 1348, Jean de la Jugie, seigneur de Maussac, fut député par l'abbesse de Bonnesaigne, auprès de l'évêque de Limoges, pour en obtenir la sanction de l'union de la cure de Darnets à l'abbaye bénédictine, union opérée par notre compatriote Clément VI.

C'est du temps de notre abbesse que les armées


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d'Henri II, roi d'Angleterre, époux d'Eléonore d'Aquitaine, la cause de tant de malheurs pour nos contrées, vinrent ravager nos montagnes avant d'aller échouer piteusement sous les remparts de Ventadour, si bien défendus par Jaubert, seigneur de Saint-Flour-leChâteau (Auvergne), et gendre d'Ebles IV dont il avait épousé la fille, Marie ou Marguerite, soeur d'Ebles V.

Jaubert fut admirablement secondé par Gérald de Sodellas (Soudeilles), dont nous avons déjà prononcé le nom (1182).

Nous avions donc bien raison de dire que l'abbesse de la Jugie eut, durant son court règne, d'autres soucis que des rêves de gloire pour sa famille et pour sa communauté.

Marguerite de la Jugie ne nous apparaît, dans Bonnesaigne, que pour passer le pouvoir à Almodie de Saint-Jal.

§ IV. — ALMODIE DE SAINT-JAL (1182-1184)

Cette abbesse portait : d'azur à la bande accompagnée de six étoiles de même, posées en orle, trois en chef et trois en pointe.

Elle était née au château de Saint-Jal, en la paroisse de ce nom, canton de Seilhac.

Emportée sans doute par l'ouragan qui s'était déchaîné sur nos montagnes avec les fléaux de la guerre, Almodie de Saint-Jal ne passa guère que deux ans à la tête de l'abbaye.

C'est probablement la raison pour laquelle Marie Colas ne la mentionne même pas au nombre des supé-


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rieures de Bonnesaigne; Bonaventure de S'-Amable en fait autant. Mais les historiens venus dans la suite nous donnent son nom (Dict. des Par., t. I, p. 370).

Un demi-siècle environ plus tard, la famille de Saint-Jal, fondue dans celle des Robert de Lignerac, devait produire un cardinal, Aymard Robert de Saint-Gai, et diverses abbesses de Bonnesaigne dont nous parlerons bientôt (§ XII, XIX, XX).

Après deux ans de règne, Almodie disparaît, et fait place à Matabrune de Ventadour.

§ V. — MATABRUNE DE VENTADOUR (1184-1190)

Elle portait : Echiqueté d'or et de gueules, une tête d'enfant soufflant de chaque côté de Vécu avec cette devise : Inania pello !

ce Nommée au huitième des Ides de mai, Mathive Brune, peut-être, est-elle issue des Brun de Lusignan, comte de la Marche ».

Ainsi s'exprime l'historien de saint Martial.

Ses armes, pourtant, dénotent une Ventadour, et c'est bien ce que croyait Marie Colas, ainsi que le P. Bonaventure lui-même, sans s'en douter, puisqu'ils l'appellent l'un et l'autre Matabrune de Ventadour.

Ils ne se trompaient pas.

Son père, Ebles III, que nous avons dit être allé mêler ses cendres à celles du célèbre cantador au Montcassin (1170), s'était marié trois fois.

La première fois, il épousa Marguerite de Turenne, veuve du vicomte de Limoges, Aymard IV, et il en eut une fille du nom de Matabrune; après quoi, il


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divorça avec elle pour raison de parenté au 3e degré avec son premier mari (1146).

L'infortunée Marguerite de Turenne épousa alors Guillaume IV Taillefer, vicomte de Toulouse. Sa fille Matabrune s'allia, d'abord avec Reynald V le Lépreux, vicomte d'Aubusson, et ensuite avec Eschivat de Chabannes, de Madic, dont elle eut, entre autres enfants, Marthe de Chabannes, que nous allons retrouver abbesse de Bonnesaigne (1208).

Ebles III, de son côté, convola à une seconde alliance; il épousa, après 1146, Adélaïde de Montpellier, fille de Guillaume et de Sybille, et eut de nombreux enfants :

Matabrune qui nous occupe, tenue à baptême par sa soeur paternelle, dame Eschivat de Chabannes ; le vicomte Ebles IV de Ventadour, dit Archambaud, qui épousa, avons-nous dit, Sybille de Faye ; Guillaume, abbé de Meymac (1201-1208), ensuite de Tulle, mort jeune d'une chute de cheval (1212) ; Bernard VI, abbé de Tulle après son frère (1212-1239) ; Ebles, moine de Cluny, puis doyen de Mauriac et enfin abbé de Figeac (1212) ; Guy, chanoine et prévôt de Maguelonne (1212) ; Raymond eï.Hélie, chanoines de SaintEtienne de Limoges ; Ebles, qui fit quelquefois la guerre à son frère aîné, Ebles IV, vicomte de Ventadour, et enfin, Marie-Gaillarde, que nous retrouverons abbesse-de Bonnesaigne (1220-1235).

La troisième fois, Ebles III épousa Agnès de Bourbon, dont il eut un fils puîné, du nom de Guillaume, auteur de la famille d'Ussel. Nous retrouverons ce nom plus tard (g XXXVIII, 1758-1780).

Par Matabrune, les Ventadour prennent possession


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de Bonnesaigne et n'en sortiront pas de plusieurs siècles.

Quand cette première abbesse, sortie des GombornVentadour, prit la direction de Bonnesaigne, son père, Ebles III, était mort au Montcassin depuis 14 ans (1170).

Son règne ne dura que six ans, après lesquels arrive Almodie de Scorailles (1190).

§ VI. — ALMODIE DE SCORAILLES (1190)

Elle portait : d'azur à trois bandes d'or.

De cette illustre famille, si connue en Auvergne, en Limousin et en Berry, sont sortis de nobles caractères :

Raymond Ier et Raoul, qui prirent la croix en 1095 et rapportèrent de la Terre sainte les chefs de saint Gôme et saint Damien, qu'ils donnèrent à l'abbaye de Brageac ; de concert avec l'évêque de Clermont, ils vinrent délivrer l'abbé de Saint-Pierre-de-Sens, prisonnier à Ventadour ;

Bégon de Scorailles, disciple de saint Etienne d'Obazine, est le fondateur de l'abbaye de Valette (1145) ; Géraud est abbé de Tulle en 1153.

Et après notre abbesse, Marquis, seigneur de Scorailles, de concert avec son parent, Louis de Ventadour, fonda (1411), le couvent des Cordeliers de SaintProjet, d'où partit en 1793, pour la cure de Darnets, le malheureux intrus Jean-Jacques Saint-Bame.

Notre auvergnate, Almodie de Scorailles, était donc de haute lignée.

Sur la fin de son règne de dix ans, elle vit de nou-


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veau lés Anglais envahir nos' montagnes, toujours pour s'emparer du colosse de Ventadour, constamment fidèle à la sémillante Eléonore, mais rebelle au joug qu'Henri II et ses fils voulaient imposer aux seigneurs Limousins.

Dans toutes ces guerres il s'agissait, pour les seigneurs d'Aquitaine qui y prirent part, tous dans le secret de Bertrand de Born, d'affranchir leur pays, d'en faire même, s'il faut en croire le récit obscur des chroniqueurs du temps, un royaume indépendant de ceux d'outre-Loire et d'outre-Manche.

Richard, Coeur de Lion, l'avait compris. Voilà pourquoi à son retour de la troisième Croisade, pendant laquelle la belle Eléonore, sa mère, délivrée de sa captivité par le trépas d'Henri II (1189), mort de confusion sept ans après sa déconfiture dans-les bruyèîes du Moustier, avait gouverné l'Angleterre, il résolut de tirer le glaive contre' les barons du Midi, quoiqu'ils l'eussent secondé dans ses trois révoltes contre son père.

Alors une voix retentit d'une extrémité de l'Aquitaine à l'autre, criant aux nobles chevaliers et au peuple : ce Guerre aux hommes du Nord ! à nous sans partage la terre qui nous vit naître ! »

C'était celle de Bertrand de Born, le plus ardent ennemi du Coeur de Lion (Voir Bulletin, Brive, t. XXIII, janvier-mars 1901, p. 83).

Dans son indignation de voir les champs fertiles de l'Aquitaine foulés sous le pied brutal des Saxons et des Normands, il réveilla l'énergie et le courage des races du Midi par des sirventés, devenus autant de chants

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nationaux, qu'on répétait au village comme dans les châteaux-forts :

Pois Ventadorns, e Comborn, ab Segur, E Torenna, e Montfortz, ab Guordo, An fait acort ab Peiregore e Jur, E li borzès se claven de viro

Lorsque, à son gré, quelques barons tardaient à prendre les armes ou semblaient vouloir rester en paix, le guerrier-troubadour avait encore d'autres chants ; il jetait aux chevaliers timides ses sarcasmes rimes et satiriques, qui devaient émouvoir une noblesse dont le principal mérite était la valeur :

Un sirvente je fais de ces mauvais barons ; Plus jamais d'eux, jamais ne m'entendrez parler ; Je les excite tous assez, avec mille éperons, En puis-je faire un courir ou trotter ? Ils se laissent ainsi, lâches, déshériter ! Soient-ils maudits de Dieu ! Qu'ont-ils donc à songer, Nos barons ?

Et pour mieux allumer la haine et la vengeance de nos seigneurs limousins contre Henri II et son fils plus tard, Bertrand de' Born courait, la nuit et le jour, de Turenne à Comborn, de Comborn à Ventadour, et de ce dernier à Gimel, etc.

Les voeux du fougueux châtelain de Hautefort furent exaucés ; bientôt tout le Limousin ne fut qu'un immense champ de bataille.

Tout fier de montrer aux barons limousins que les combats de la Palestine et les soucis de sa prison n'avaient pas nui à son courage, le Coeur de Lion se mit à courir notre province. L'épouvante le précédait


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et la dévastation le suivait. Il fit raser plusieurs cha^- teaux en Périgord, en Limousin, surtout sur les terres du vicomte de Limoges et dans le comté de Ségur.

Les vicomtes de Comborn, Raymond III de Turenne, et Ebles IV de Ventadour entendaient retentir, autour d'eux, des menaces de ruines et de dévastations.

Ainsi que l'avait désiré son père, Richard, pour maintenir le Limousin sans cesse remuant, voulut faire de Ventadour le centre de ses opérations militaires.

Ce fut sur la fin de 1198, ou dans les commencements de 1199, que les voraces Anglais envahirent de nouveau la vicomte de Ventadour. Après avoir tout pillé et saccagé à plusieurs lieues à la ronde, monastères et églises, ils parurent sous les créneaux altiers du redoutable manoir.

Ventadour fuMl défendu par le vicomte Ebles IV en .personne, ou bien comme la première fois, dix-huit ans auparavant, par l'intrépide Jaubert son gendre?

L'histoire n'en dit rien. Mais nous savons de par ailleurs qu'Hélie de Soudeilles et le chevalier Pierre Ier de la Bardêche, du village de ce nom, paroisse de Darnets, revenus, comme Richard, de la troisième croisade, se couvrirent de gloire durant ce siège mémorable.

Malgré les efforts inouïs du fils qui avait à coeur de venger l'humiliation du père devant ces robustes murailles, Ventadour nargua les flèches, les javelots, la massue et les béliers de l'homme sorti des brumes septentrionales.

Comme la première fois, il fallut avouer son impuissance et se dire vaincu. Et lorsque le bruit se répan-


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dit, dans les gorges de la Luzège, qu'Adémar V, vicomte de Limoges, venait de trouver un trésor dans le château de Ghâlus, le bouillant Richard, confus de son insuccès, fut heureux de ce prétexte pour quitter nos landes et aller assiéger la place en question, où, toujours âpre à l'or l'Anglais ! il espérait en trouver des monceaux semblables à ceux que recèlent les mines du Transvaal.

Comme ses rapaces compatriotes qui traquaient les vaillants Boërs au moment où nous tracions ces lignes, il trouva à Chalus la mort. Une flèche, lancée du haut des remparts par Bertrand de Gourdon, alla percer le farouche guerrier qui était assis sur la Pierre de Maumont (6 avril 1199).

Interrogé par le Coeur de Lion, le fier chevalier répondit : ce Tu as tué de ta main mon père et mes deux frères, me voilà vengé ! »

Longtemps après son départ piteux de nos montagnes, le souvenir de ce l'ogre anglais » fut la terreur de l'enfant et de la mère, comme il l'était en Palestine.

En apprenant cette fin tragique bien méritée, tous les troubadours limousins, Ebles IV, Sybille de Faye son épouse, Ebles V leur fils, Bertrand de Born et les chefs de son parti reprirent la lyre pour chanter leur joie de la mort de leur plus cruel ennemi.

Seul, Gaucelm Faydit, le troubadour vagabond d'Uzerche, osa célébrer, dans une complainte touchante, le triste sort de ce lugubre général, courageux si l'on veut, mais exécrable précurseur du sinistre Roberts, l'égorgeur des femmes et des enfants de la République Sud-Africaine.


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Et Faydit disait dans sa complainte :

Bel senher Dens, vos qu'etz vers pardonnaire,

Vers Dens, vers hom, vera vida e merces,

Perdona-li, que ops e cocha l'es ;

E non gardetz, Senher, al si en fallir,

E membre vos com vos anet servir.

Beau seigneur Dieu, vous qui êtes vrai pardonnaire, vrai Dieu, vrai homme, vraie vie et récompense, pardonnez-lui s'il a pu vous offenser et exaucez-le ; et ne regardez pas, Seigneur, s'il a pu faillir, mais souvenez-vous comment il est allé vous servir (en Palestine).

Et il en avait besoin d'avoir cette bonne action à son actif pour paraître devant le Tribunal redoutable du Roi des rois, du Seigneur des seigneurs !

Le ravisseur de Nonne, d'Uzerche, pouvait en effet le pleurer : il perdait en lui un ami intime et généreux ; mais il n'en est pas moins vrai que, pour notre province, pour la France et pour Philippe-Auguste, la mort de Richard fut un heureux événement. Plusieurs vassaux se rapprochèrent du monarque et le reconnurent pour suzerain. Les principaux seigneurs limousins en firent autant, et, ensemble, se préparèrent pour l'avenir, encore chargé de nuages belliqueux.

C'est au milieu de cette confusion, de ce cliquetis des armes, que l'abbesse Almodie de Scorailles gouverna ses filles bénédictines.

On devine aisément le désarroi universel qui régnait dans les communautés avoisinant Ventadour. Voilà pourquoi Bonnesaigne, pillée, saccagée par les


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hordes d'Henri II et de Richard, manque d'archives, de documents précis, durant ces périodes agitées de notre histoire locale ; nous n'avons que des noms d'abbesses. Agnès de Tulle lui succéda.

§ VII. — AGNÈS DE TULLE (1200-1208)

C'est dans cet état de trouble, de désorganisation, de relâchement peut-être, qu'Agnès de Tulle trouva la communauté de Bonnesaigne lorsque, un an après la mort de Richard Coeur-de-Lion, elle succéda à Mme de Scorailles.

Cette abbesse nous vient, non plus de l'aristocratique Alvernie, mais bien des bords de la coureuse, de Tulle même. Elle sortait de cette vaillante famille de chevaliers, qu'après qu'Adhémar des Eschelles se fut dépouillé de ses biens en faveur de Saint-Martin et de ses moines de Tulle (843), nous voyons se former et grandir à l'ombre de la crosse abbatiale d'abord et de la mitre épiscopale ensuite (1318).

Parfois même, ils essayèrent de jouer à l'Adhémar, se disant suzerains de l'abbaye de Tulle. Mais l'abbé Bernard VI de Ventadour fit tomber de telles prétentions.

C'est ainsi que le père et le frère de notre abbesse, l'un et l'autre du nom d'Elie, le premier chevalier et le second damoiseau, furent amenés, en 1234, après de longues contestations, à renoncer aux droits de suzeraineté qu'ils exerçaient jusqu'aux portes de l'abbaye de Tulle, nonobstant la franchise de ses droits à elle octroyée par les anciens rois.


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Le frère de notre abbesse, en présence de l'évêque de Limoges, se dessaisit, en effet, en faveur de Fabbaye, de la part qui lui revenait dans la tour de la Motte, de toutes ses autres possessions situées dans l'enceinte du château, et reconnut ensuite les tenir en fief de l'abbé qui, avons-nous dit, était alors Bernard de Ventadour (1210-1239), lequel lui paya cent vingt-six livres de la monnaie de la Marche.

Si l'on veut avoir de plus amples détails sur cette famille, ordinairement au service de l'église de Tulle, il n'y a qu'à lire le Gartulaire de l'abbaye que publie en ce moment, au Bulletin de Brive, notre savant et intrépide chercheur, M. J.-B. Champeval, géographe limousin; à parcourir aussi VHistoire de Tulle, par Bertrand de la Tour, et celle du grand Baluze sur son Ithaque bien-aimée, et l'on sera pleinement édifié sur la noblesse et les actes de vertu de la tige d'où sortait le rameau implanté dans nos montagnes.

Contemporaine d'Ebles IV de Ventadour, d'Hélie de Soudeilles et de Pierre de la Bardèche, les pourchasseurs de Richard Coeur-de-Lion, elle vit nos barons partir pour la cinquième Croisade (1198-1204).

Sous son administration, le Limousin, après la dérouté de Richard Coeur-de-Lion, fut entièrement enlevé à l'Angleterre sous Jean-Sans-Terre, par Philippe-Auguste, mais ce ne fut pas sans épreuves pour nos églises et nos communautés, toujours à la merci du plus fort après chaque bataille.

Bonnesaigne en particulierj trop dans le voisinage de Ventadour, toujours point de mire des envahisseurs, eut beaucoup à souffrir de cette lutte de géants.


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Agnès de Tulle n'est plus en 1208; Marthe de Chabannes la remplaça.

§ VIII. — MARTHE DE CHABANNES (1208-1212)

Cette abbesse portait : De gueules au lion d'hermine, armé; lampassé, couronné d'or.

La noble et ancienne famille de Chabannes, venue du Bourbonnais en Auvergne et en Limousin (SaintExupéri), descendait des comtes d'Angoulême ; ses membres portaient le titre de cousins du roi, à cause de leurs alliances directes avec la maison de France.

Cette famille possédait, avant la Révolution, la terre et le château de Madic, dans la paroisse de ce nom, canton de Saignes, sur un monticule au bord de la Dordogne, non loin de Bort. Ce château flanqué de tours, aujourd'hui en ruines, présente encore un aspect majestueux.

Les de Chabannes étaient seigneurs de Madic, de Saignes, de Lapalice, d'Apchon, de Charlus en Limousin, paroisse de Saint-Exupéri, comtes de Rochefort, marquis de Curton.

Vers 1146, nous avons vu Eschivat de Chabannes s'allier aux Ventadour, en épousant Matabrune, fille d'Ebles III et de Marguerite de Turenne, épouse divorcée du vicomte montagnard pour raison de parenté.

Eschivat vivait encore en 1190. De son mariage avec la fille des Ventadour il eut : 1° Ebles 1er de Chabannes, qui vivait encore en 1271, et 2° Marthe, dont nous nous occupons.


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D'après les archives de M. Longy, d'Eygurande, Marthe de Chabannes est dite abbesse de Bonnesaigne en juillet 1208 (V. notes de M. J.-B. Champeval).

Quatre ans après elle a disparu, et nous voyons à sa place l'abbesse Almodie....

Quarante-trois ans plus tard, nous trouverons à Bonnesaigne d'autres abbesses sorties du sang des Chabannes.

I IX. — ALMODIE (1212-1220)

Nous n'avons aucune donnée sur cette abbesse, pas même son nom complet.

Est-ce Almodie de Scorailles, revenue au pouvoir? Est-ce une Almodie de Saint-Jal, ou une Almodie de Montbrun, de la même souche que l'épouse d'Ebles Ier de Ventadour mort en 1095, avons-nous dit, ou en 1096 d'après les notes du chanoine Flamary? Nous l'ignorons d'une manière absolue. La Semaine religieuse du diocèse n'en sait pas plus long que nous (V. n° 31, 29 juillet 1882).

De 1212 à 1220 que dura le règne de cette Inconnue, le monde fut témoin d'un spectacle étrange : les peuples chrétiens, persuadés que les fautes des princes étaient la cause de l'insuccès des Croisades, organisèrent une expédition d'enfants, dont les mains pures devaient délivrer le tombeau de Jésus-Christ (1212). 11 s'en assembla jusqu'à trente mille en France et plus de vingt mille en Allemagne.

Ces pauvres enfants, si dignes d'admiration, périrent misérablement par les chemins ou furent dépouillés par les voleurs. Ce futle sort de ceux d'Allemagne.


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Ceux de France, qui allèrent jusqu'à Marseille, se mirent entre les mains de deux marchands, insignes scélérats, qui, après leur avoir juré de les conduire gratuitement en Palestine, les chargèrent sur sept vaisseaux : deux firent naufrage., avec perte de tous les enfants qu'ils portaient ; les cinq autres arrivèrent en Egypte, où leurs infâmes et parjures conducteurs les vendirent aux Sarrazins.

Qui nous dira jamais les noms de ceux de nos montagnes qui, peut-être à l'instigation de dame Almodie, allèrent mourir dans les flots bleus de la Méditerranée, ou gémir dans l'esclavage sur la plage africaine !

Durant cette période, le vertueux Ebles V, époux de Marie de Limoges d'abord, et ensuite de la généreuse Marie de Turenne, était seigneur de Ventadour ; nous dirons, dans un instant, pourquoi nous employons ces deux épithètes.

Elle eut pour remplaçante Marie-Gaillarde de Ventadour, en 1220.

§ X. — MARIE-GAILLARDE DE VENTADOUR (1220-35)

Marie-Gaillarde était fille d'Ebles III, vicomte de Ventadour et d'Adélaïde de Montpellier, dont le mariage fut si fécond : neuf enfants que nous avons déjà nommés (V. § V, Malabrune).

Elle était par conséquent soeur de l'abbesse Matabrune (1184-1190), de Bernard VI, abbé de Tulle, d'Ebles IV, vicomte de Ventadour, et tante d'Ebles V, que nous allons admirer.

Quand elle arriva au pouvoir, son père était mort


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depuis cinquante ans (1170), et son frère le vicomte Ebles IV depuis six ans (1214).

Son neveu, Ebles V, époux en secondes noces de Marie, soeur de Boson III de Turenne, était à la tête des affaires de Ventadour. Ce sont ces deux pieux châtelains qui fondèrent, dans l'église abbatiale, la vicairie de Saint-Eustache et donnèrent des rentes pour l'entretien d'une lampe qui devait être constamment allumée au dortoir de la communauté (1220).

De son temps aussi, Bernard VI, son frère, abbé de Tulle, fit du bien à Bonnesaigne (1212-1239).

L'année après son élection, l'abbesse Gaillarde fut singulièrement édifiée par un acte sublime de renoncement aux grandeurs de ce monde, de la part de ses neveux de Ventadour.

Voici ce que nous raconte, à ce sujet, le chroniqueur de Vigeois :

« L'an de l'Incarnation 1221. le seigneur Ebles V, vicomte de Ventadour, prit l'habit religieux de Grammont(l), en présence des nobles seigneurs Robert (ou Raymond, vicomte de Turenne, d'après Baluze), et de son honorable frère Raymond, vicomte de Servières ; des vénérables religieux Guillaume, abbé de Meymac (frère de l'abbesse de Bonnesaigne), Bertrand de Monceaux, et des chevaliers Constantin de la Chassagne et Hugues, son frère.

« Fait à Grammont, après l'octave de la Pentecôte, en présence de Guillaume, abbé de Tulle (le même que celui de Meymac ?), Guillaume, officiai de Limoges (ou plutôt Raymond, autre frère de l'abbesse), et Guillaume de Maumont, chanoine de Limoges » (Geof,, p. 148 ; — Marvaud, t. II, p. 95-97).

Baluze complète la liste des témoins de cet acte solennel et nous apprend que Marie de Turenne,

(1) Ou Grandmont.


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épouse du vicomte, assistait, avec Raymond et Ebles VI leurs enfants, à cette prise d'habit, ainsi que Bernard VI de Ventadour, abbé de Tulle, autre frère de l'abbesse et par conséquent oncle de ceux-ci : istorum patruus (Eist. de Tulle, p. 160).

Avions-nous tort, tantôt, d'appliquer à Ebles V Fépithète de vertueux, et à Marie de Turenne, son épouse, celle de généreuse ?

Cet exemple sublime de vertu chrétienne devait jeter encore plus d'éclat, quatre cent vingt ans plus tard, dans cette même famille de Ventadour, en la personne du duc Henry de Lévy, et de Marie Liesse de Luxembourg, son épouse, qui se firent, après la bataille de Castelnaudary (1632), l'un chanoine de Notre-Dame de Paris, et l'autre religieuse du Carmel de Chambéry qu'elle avait fondé, ainsi que la maison des Carmes de cette même ville (V. Trois Limousines à la Visitation de Moulins, p. 44).

Savoir si nos deux seigneurs montagnards n'avaient pas été dégoûtés des grandeurs de ce monde par les horreurs de la guerre qu'ils eurent à soutenir, l'un contre les Anglais et l'autre contre les protestants, pour défendre le sol de la Patrie et les dogmes de la Religion catholique?

Avant cette prise d'habit, Ebles V avait fondé définitivement le prieuré de Bonneval, paroisse de Soudeilles, sur la rive gauche de la Basse-Luzège, après diverses tentatives infructueuses de la part de ses ancêtres sur le mamelon de Coty, entre le village de Montusclat et l'étang de la Forêt, paroisse de Darnets.

De concert avec sa généreuse épouse, il avait également exposé toutes ses terres à la juridiction et à


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la puissance de l'archevêque de Bourges et de l'évèque de Limoges, afin que la communauté de Grammont fût indemnisée de toutes les dépenses qu'elle ferait pour lui, soit de son vivant, soit pour sa sépulture (Item, p. 137).

Brave troubadour chrétien ! qui, avec votre épouse, aimiez tant à rivaliser en cantilènes avec Faydit d'Uzerche, vous n'étiez pas partisan de l'infernale incinération moderne quand vous preniez tant de précautions pour régler à l'avance votre sépulture et votre enterrement ! Vous étiez partisan de la résurrection des corps, et voilà pourquoi vous vouliez qu'on traitât le vôtre avec respect et dignité le jour qu'on le confierait à la terre !

Grammont n'était pas inconnu au noble et pieux vicomte et gracieux troubadour. A différentes reprises, avant d'y entrer, Ebles, obéissant à un secret attrait de la grâce, l'avait visité, comme pour choisir la place qu'il devait y occuper un jour. Il s'était même montré généreux et bienfaiteur envers cette abbaye.

En effet, lorsque l'archevêque de Lyon vint visiter la célèbre abbaye, Ebles V l'accompagnait, et c'est alors qu'il donna aux moines, ses futurs frères, la forêt du Montusclat, plusieurs terres avec leurs serfs et une rente annuelle à percevoir sur les manses de Soudeillette, de la Massonie, paroisse de Soudeilles, et de Pécresse, de celle de Davignac. ' Mais les moines, instruits par le passé,'ne recevaient plus de concessions qu'en vertu de titresauthentiques ; celui du vicomte portait : « Afin de faciliter le tout, nous leur donnons pour pleiges et caution des choses promises, les nobles personnes


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Raymond de Turenne, Raymond son frère, seigneur de Servières ; Bertrand de Monceaux ; Constantin de la Chassagne et Hugues son frère.

On le devine sans peine, un tel exemple de vertu héroïque, parti de si haut, dût avoir du retentissement sous les voûtes de Bonnesaigne et y ramener la piété et la ferveur que les farouches Anglais en avaient peut-être bannies.

De fait, notre abbaye prospéra à vue d'oeil, à tous les points de vue, sous le règne bienfaisant de MarieGaillarde de Ventadour. Cette abbesse est comptée au nombre des grandes supérieures de Bonnesaigne et parmi les insignes bienfaitrices de la Chartreuse de Glandier que l'on venait de fonder (1219) (V. Hist. de Glandier, p. 51). Grâce à elle, bien des dégâts commis par les Anglais furent réparés à Bonnesaigne.

Mais après l'entrée en religion, à Grammont, du chef de la maison, que devinrent les autres membres de cette grande et admirable famille de Ventadour?

La généreuse vicomtesse-troubadour, Marie de Turenne qui, de concert avec son amie Marie Audier de Malemort, troubadour aussi, avait si bien éconduit l'importun et débauché Faydit : « Et près conjat d'ela iradamen », dût être une glorieuse mère dans le monde !

Sur huit enfants issus de son mariage avec le bénédictin Ebles V, six entrèrent également en religion : Raymond, fut chanoine de Saint-Etienne de Limoges (1239); Hélie, également chanoine de la même église (1239) ; Hélie, prévôt de Tulle (1241); Ebles, abbé de Figeac (1246) ; Bernard, évêque du Puy (1251); autre Bernard, archidiacre de Limoges, chapelain


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du pape Innocent IV (1250), chanoine de Tours en 1260, et recteur du prieuré d'Argentat en 1263 (Voir Dicl. sigill., p. 408).

Les autres deux brillèrent dans le monde : Alix, épousa Robert Ier, dauphin d'Auvergne (Chroniq. de Vigeois, Baluze, notes du chanoine Flamary) ; enfin, Ebles VI, que nous venons de voir à Grammont assistant au généreux sacrifice de son père, devint, après cette mémorable journée, l'époux de Dauphine dé Latour d'Auvergne, fille de Bernard VI et de Jeanne de Toulouse, de laquelle il eut quatre enfants : Ebles VII, qui continua les Ventadour; Marie, morte jeune; Isabeau, qui vers 1263 épousa Faucon de Montgascon, après la mort duquel elle devint, en 1276, l'heureuse épouse de Robert de Montbron, tant loué par la chronique de Saint-Martial pour sa grande charité envers les pauvres; et Alix, qui fut seigneuresse' de Bonnesaigne (1292-1307).

Mais notre vieille abbesse, Marie-Gaillarde de Ventadour, ne vit qu'en partie tant de gloires religieuses de sa famille. Elle n'eut même pas le légitime orgueil de voir son petit-neveu, Ebles VI, partir (1245) pour le voyage d'outre-mer avec Alphonse, comte de Poitiers, frère du saint roi Louis IX, monté sur le trône en 1226 :' depuis dix ans elle avait passé de vie à trépas. Marie de Beaumont lui succéda en 1235.

§ XL — MARIE DE BEAUMONT (1235-1249)

Marie de Beaumont portait : De gueules à l'aigle d'or, à Vorle de chausse-trapes de même. Entre les mille bons résultats, toujours plus ou


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moins contestés, qu'eurent les Croisades, il en est un que tout le monde peut accepter : « Elles mirent les grandes familles de France en relations ».

Les chevaliers de provinces et de nationalités si différentes purent, durant le repos des armes, échanger leurs vues sur les hommes et les choses de leurs pays respectifs.

Il me semble les entendre, durant les trêves ou les veillées, sous le gourbi, devisant chacun sur la terre qui l'avait vu naître. L'un vantait les murailles inexpugnables de son château ; l'autre la profondeur de ses fossés : « Toute la paille du royaume de France ne suffirait pas pour les combler! » (Ventadour); l'autre la beauté de son clocher villageois ; l'autre, enfin, les maisons religieuses d'hommes ou de femmes de sa province, etc.

Les chevaliers-troubadours de la vicomte montagnarde n'étaient pas des moins loquaces.

C'est sans doute leur faconde ou leur habitude de tout poétiser, même nos montagnes grises, nos marais humides, nos bois giboyeux, nos molles châtaignes et nos ruisseaux truiteux qui valut à Bonnesaigne la bonne fortune d'avoir pour abbesse, après Marie-Gaillarde de Ventadour, la fille d'une des familles les plus illustres de la province du Maine.

Marie de Beaumont nous arrivait de Beaumontle-Vicomte, petite ville sur la Sarthe, entre le Mans et Alençon, autrefois vicomte, plus tard duché et aujourd'hui petit chef-lieu de canton de 1,775 habitants.

Voici quelques-uns de ses ancêtres : Raoul Ier, fonda en 1109 l'abbaye des religieuses d'Estival, à la persuasion d'un saint ermite nommé Aleaume. On y établit


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l'ordre de saint Benoît et Godechide, soeur du vicomte, en fut la première abbesse ; Richard Ier, grand-père de notre abbesse de Bonnesaigne, avait épousé une fille naturelle de Henri Ier, roi d'Angleterre, mort en 1135; Richard II, son père, eut de son mariage: 1° Raoul II, qui continua la famille ; 2° Guillaume, qui en 1202 succéda à Guillaume de Chémillé, sur le siège épiscopal d'Angers, qu'avait occupé Raoul de Beaumont, un de ses oncles, prélat d'un très grand mérite, mort en 1184; Guillaume aussi, mort le 2 septembre 1246, fut un prélat de beaucoup de réputation ; 3° Constance, dame de Conches ; 4° et enfin, Marie, qui nous occupe.

Le frère de notre abbesse, Raoul II, fonda aussi, en 1218, le prieuré de Loué, dont il fit présent à l'abbaye de la Couture ; de plus il donna, l'année même que sa soeur devenait abbesse de Bonnesaigne, le parc d'Orques à Marguerite, comtesse de Fif, sa nièce, fille de Constance, dame de Conches; et Marguerite, à son tour, céda ce parc aux Chartreux qui s'établirent dans le Maine. Raoul II avait fait cette donation avec le consentement de ses fils Richard III et Guillaume.

Richard III, d'un commun accord avec son épouse Mathilde, fit encore, en 1242 et 1243, de nombreux bienfaits aux mêmes religieux chartreux. La fille unique de Richard III, du nom d'Agnès, épousa en 1253 Louis de Brienne, fils puîné de Jean, dit d'Acre, roi de Jérusalem. De ce mariage naquit Robert, qui épousa Marie de Craon, et en eut Marguerite qui, en 1338, épousa Bernard de Ventadour.

Notre abbesse de Bonnesaigne appartenait donc à une famille illustre, s'il en fut en France ; mais, on le

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voit par tout ce qui précède, à une famille avant tout chrétienne et bienfaisante. Bonnesaigne s'en ressentit, sous le supériorat de quatorze ans de cette noble et illustre religieuse. Elle laissa sa communauté en bon état, parfaitement relevée des secousses par lesquelles l'avait fait passer par deux fois les troupes d'Henri II et de Richard Coeur-de-Lion, rois d'Angleterre.

Marie-Gaillarde de Ventadour eut en elle une digne continuatrice de son oeuvre bienfaisante envers Bonnesaigne.

Les échos du bien que Marie de Beaumont faisait à sa communauté et des exemples de vertus qu'elle avait donnés à ses filles bénédictines, durent en arriver directement aux oreilles de ses parents, et sûrement de ses compatriotes, de la bouche même d'Ebles VI de Ventadour, dans les plaines de l'Egypte, sur la rive droite du Nil.

C'est, en effet, sur la fin de l'administration de Marie de Beaumont (1245), que nos chevaliers partirent pour la septième Croisade, ayant à leur tête le grand roi saint Louis.

Notre Limousin en fournit un beau contingent. Ebles VI voulut être de la partie : « Je le trouve, dit Baluze, ez année 1236 et 1249, en laquelle il partit pour aller en voyage d'outre-mer, avec Alphonse, comte de Poitiers, frère du roi saint Louis *>.

Marie de Beaumont ne devait pas voir la fin de cette expédition désastreuse (Mansourah, 1250).

« Elle décéda ou quitta sa place en 1249. Le nécrologe en fait mention le troisième des Nones d'avril » (V. Bonaventure de Saint-Amable).

La noble fille de la verte Armorique ne semble pas


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avoir eu trop à se plaindre des Limousins, ni avoir fourni à sa famille de trop mauvais renseignements sur le compte de nos barons, car, moins d'un siècle plus tard (1338), Marguerite de Beaumont-le-Vicomte, fille de Robert de Brienne, petit-fils de Jean, roi de Jérusalem, et de Bérengère de Castille, avons-nous dit, devint l'épouse de Bernard, premier comte de Ventadour.

Notre abbesse fut remplacée par Gaillarde de Robert de Saint-Jal.

gXII. —GAILLARDE DE ROBERT DE SAINT-JAL (1249-63)

Cette supérieure était, par'sa mère, de la même famille qu'Almodie de Saint-Jal, quatrième abbesse de Bonnesaigne, en 1182.

Son père était Àymard de Robert de Lignerac, seigneur de Saint-Jal, qui fut grand-père du cardinal Aymard, son filleul, et d'une abbesse de Bonnesaigne, dont nous parlerons au paragraphe XIX de cet ouvrage.

' Sous l'administration de Gaillarde de Robert, les événements se précipitèrent en France et en Limousin surtout.

En 1250, le roi saint Louis est fait prisonnier à la mémorable bataille de la Mansourah.

Nos seigneurs étaient partis nombreux à la suite du vaillant roi ; c'étaient : le vicomte de nos montagnes, Ebles VI; Audoin d'Aixe ; Déodat d'Àlbignac ; Guillaume et Raoul Autier ; Guillaume Baudoin ; Bochard de Bochard ; André de Boisse, de Chamberet ; Hugues de Carbonnière ; Guillaume de Bonneval ;


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Guillaume de Chassin, de Fonmartin ; Sanchon de Corn ; Etienne de Courteix ; Robert Coustin ; Bernard David ; Gilles de Flavignac ; Hugues de Fontanges ; Adhémar de Gain; Guillaume de Lacu; Pierre de Lasteyrie; Guillaume de Ligneyrac; Renaud de Montaignac ; Hugues de Noailles ; Hugues de Perpezac ; Amable de Plaignes ; Amblard de Plas ; Geoffroy Roger ; Jean de Saint-Privat ; Guillaume de Ségur ; Raymond de Ségur, et quantité de serfs émancipés et même faits nobles et chevaliers par cela même qu'ils prenaient la croix (Musée de Versailles).

Et plusieurs d'entre eux ne revirent jamais plus le clocher de leur village ; d'autres, ce ne fut qu'après une dure captivité, et d'autres enfin, ce ne fut qu'à la suite de leur roi, après qu'il eut retrouvé sa liberté.

Le vicomte de Ventadour fut de ce nombre.

La consternation dut être grande dans nos montagnes !

Le saint roi lui-même fut tellement frappé d'un tel désastre, qu'à son retour en France, pris d'un scrupule de conscience, il rendit à Henri III, roi d'Angleterre, la province du Limousin que PhilippeAususte avait définitivement arrachée des griffes de Jean-Sans-Terre.

Ce qui fut cause que Ventadour et Bonnesaigne virent de nouveau la croix blanche de France, céder le pas à la croix rouge d'Angleterre en Limousin.

De nouvelles désolations, durant plus d'un siècle, fondirent sur nos filles bénédictines : nous le dirons dans un autre chapitre ; mais Gaillarde de Saint-Jal était dans le tombeau depuis bien des années quand


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elles arrivèrent. « Le nécrologe place sa mort le douzième des Calendes d'août (1263) ». Etiennette de Chabannes lui succéda.

§ XIII. — ETIENNETTE DE CHABANNES (1263-1276)

Cette abbesse portait : De gueules au lion dlier-* mines, armé, lampassé, couronné dor.

Eschivat de Chabannes, père de Marthe, huitième abbesse de Bonnesaigne, avait un frère du nom de Jourdain, cinquième comte de Chabannes.

Ce comte Jourdain épousa Abra de Montfort, et eut de son mariage, entre autres enfants, Etiennette qui nous occupe.

Notre abbesse, cousine germaiue de Marthe, était donc de haute lignée; ce qui ne l'empêcha pas d'avoir l'esprit sordide et de se faire accuser de ladrerie, par ses religieuses, pour une question de pitance, « afin d'accroître ses revenus » (Marvaud, t. Ier, p. 240).

Les religieuses se plaignaient des économies que leur abbesse réalisait sur leurs estomacs ; de là désaccord et graves démêlés, qui arrivèrent jusqu'aux oreilles de l'évêque de Limoges. Aimeric La Serre de Malemort crut devoir intervenir, et en 1272, durant les premiers jours du printemps, se trouvant à Bonnesaigne, l'abbesse passa, en la présence de l'auguste prélat, un accord avec ses religieuses, réglant la quantité de pain et la pitance qu'elle devait leur accorder journellement.

C'est le premier désaccord, survenu entre l'abbesse et ses filles, dont fasse mention l'histoire. Mais est-ce la faute des vicomtes de Ventadour, que certains his-


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toriens semblent rendre responsables des mésintelligences qui régnèrent trop souvent dans l'abbaye montagnarde? Est-ce pour eux que, sur ses vieux jours, thésaurisait l'auvergnate abbesse?

Sous l'administration d'Etiennette de Chabannes une voix, vibrante comme un coup de clairon, éclata sur les remparts de Ventadour. Elle fit tressaillir les bois de Bonnesaigne, les gorges de nos Luzège, celles du Doustre, de la Triousoune, de la Diège, de la Sarsonne et du Chavanon ; elle retentit des bords de la Dordogne jusqu'aux rives de la Vienne. C'était Ebles VII, criant à nos barons montagnards de s'armer pour la huitième Croisade.

Il fut entendu cet appel patriotique et chrétien. Nos montagnards avaient à coeur de venger la déroute de la Mansourah.

Le vieux croisé, Ebles VI, se redressa sur ses jambes pour essayer ses forces d'autrefois ; mais il fallut retomber sur un lit de souffrances et se résigner à mourir (1270), tandis que son fils s'illustrait en Tunisie.

Ebles VII, marié depuis sept ans avec Blanche de Châteauneuf, fit alors ses adieux à son père pour la dernière fois en ce monde, à sa mère qu'il devait avoir le bonheur de garder jusqu'en 1299, à sa jeune épouse et à ses enfants en bas-âge, et partit de Ventadour avec ses varlets et ses deux voisins, Hugues de Soudeilles et Pierre II de la Bardèche, de Darnets, fils unique de Robert et de Delphine de Peyre-Faure (Petri-Fabri), de cette famille d'Egletons qui ,en 1371, devait donner à l'église de Tulle l'évêque Jean Fabri, qui fut cardinal.


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Le l0,-mars 1270, nos héros montagnards s'embarquèrent avec saint Louis, oublieux des mauvais jours de sa première captivité.

Charles du Fresne, seigneur du Cange, dans VHisioire du saint Roi, par Joinville(1668, in-fol.), parle d'Ebles VII avec éloge. Il se distingua au siège de Garthage, à côté du'roi de France et de ses trois fils, Philippe, Jean et Robert. Et après la mort du pieux et vaillant monarque (25 août 1270), il fut fait chevalier, sous les murs de Tunis, par Edouard Ier, roi d'Angleterre.

Est-ce dans ces mêmes circonstances que les autres deux guerriers, Hugues de Soudeilles et Pierre de la Bardèche furent faits également chevaliers? Je l'ignore. Toujours est-il qu'ils le devinrent.

Dans le terrier des rentes de l'église de Darnets, nous voyons qu'au moment de sa mort le chevalier Pierre de la Bardèche donna, pour la communion pascale des habitants de sa paroisse natale, un sétier de vin et plus s'il était nécessaire. De plus, il fonda une rente de deux sols, payable à la fête du bienheureux saint Michel, pour l'entretien de la lampe de la Sainte Croix :

« Item Dominus Petrus de la Bardescha. MILES, legavit 1 setier vini in die paschoe vel plus, quod opus erit ad communionem ; et itemDictus Dominus, 2 solidos renduales, in festo Beati Michaëlis ad opus l&mpadis S- Crucis sitos in hospitio suo » (Terrier de 1383).

Qui nous dira jamais les prières de nos bénédictines durant cette expédition guère plus heureuse que la précédente, pour la conservation de nos croisés, leurs compatriotes ? Et lorsqu'ils reparurent sur nos


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plateaux, qui nous dira les félicitations, quoique tempérées par la mort du roi magnanime, que leur adressa l'abbesse de Chabannes?

Etiennette se démit en 1275 et mourut l'année suivante. Elle fut ensevelie dans la chapelle de Gurton, devenue sacristie plus tard, vers 1600, dit M. Champeval.

Sa mémoire est au nécrologe, le troisième jour des Nones de juillet.

Le pouvoir passa alors à Mathe de Ghâteauneuf.

g XIV. — MATHE DE GHÂTEAUNEUF (1275-1285)

Encore une parente des Ventadour pour abbesse de Bonnesaigne !

Hâtons-nous de dire que ce fut aussi une bonne fortune pour notre abbaye.

La noble et illustre famille de Ghâteauneuf était fort connue en Quercy, en Périgord et en Limousin. C'est de cette source que sont sortis Raymond, évêque de Périgueux, et quantité d'autres grands personnages qui se sont fait un nom dans l'histoire.

Notre abbesse était fille de Pierre, seigneur de SaintGermain-les-Belles-Filles et Ghâteauneuf, aujourd'hui l'une et l'autre localité chefs-lieux de canton de la Haute-Vienne. Sa mère était Burgondie de Ventadour, fille d'Ebles IV (mort en 1214) et de Sybille de Faye.

Mathe était par conséquent nièce de l'abbesse MarieGaillarde de Ventadour (1220-1235), et soeur de Blanche de Ghâteauneuf, que nous avons dit avoir épousé en 1263 le preux chevalier Ebles VII, le héros de Tunis (1270).


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Pendant les dix ans que dura son administration, l'abbaye de Bonnesaigne fut très florissante; ce fut l'apogée de sa gloire. Vers 1280, il y eut jusqu'à quarante religieuses et dix frères oblats. Le nombre de ces derniers fut réduit de moitié et celui des religieuses élevé d'autant, ce qui le porta au chiffre de quarante-cinq, chiffre que nous ne trouvons plus dans les annales de l'abbaye. Cet accroissement extraordinaire de religieuses tenait sans doute à-la ferveur du xmesiècle, mais aussi à la piété de l'abbesse et à la bonne gestion des intérêts matériels de sa maison. C'est cette grande abbesse, en effet, qui fit entrer sous la juridiction de Bonnesaigne l'important prieuré de Villevaleix, voisin de Châteauneuf, par le concordat qu'elle fit avec la prieure Dame Astor de Montledier.

C'est elle encore qui, en 1280, acquit de son beaufrère, le vicomte Eblon VII de Ventadour, toute la justice de Bonnesaigne.

Cinq ans après cette importante transaction, le 3 des Nones d'août 1285, la mort l'enlevait avant l'heure à l'affection de ses filles, et la crosse abbatiale passait à Adelaïs de Val-Tuve, ou de Ventadour, sa parente.

I XV. — ADELAÏS DE VENTADOUR (1285-1292)

Cette abbesse est une de celles dont le nom véritable a le plus désorienté les chroniqueurs de Bonnesaigne. Gomme elle signait du nom de son bénéfice, tantôt Adelaïs, Helis ou Hélie de Valle, de Val-Tuvâ, ou de son nom de famille Ventadour, les fouilleurs de grimoires, suivant qu'ils dépouillent un titre por-


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tant l'un ou l'autre de ces noms, l'appellent tantôt Adelaïs, Helis ou Hélie de Vallée, du Val-Tuve, tantôt Adelaïs de Ventadour, et en font autant d'abbesses différentes.

. Nadaud estime que tous ces noms divers désignent la même personne, et il ne se trompe pas : c'est bien une et même Ventadour, mais peu connue. Son nom d'Adelaïs lui venait d'Adélaïde de Montpellier, épouse d'Ebles III en 1146. Volontiers elle renonçait à son nom de famille pour prendre celui de l'endroit qu'elle habitait. Nous verrons bientôt sa parente, Blanche de Ventadour, en faire autant et adopter celui de Dame Blanche de Podiomaris, Puymarais.

Parmi les dix enfants issus du mariage d'Ebles VII avec Blanche de Ghâteauneuf, je trouve une Hélie ; c'est apparemment notre abbesse qui est ici désignée. Dans ce cas, elle avait pour frères et soeurs :

1° Ebles VIII, qui continua la postérité des Ventadour ; 2° Ebles, seigneur de Donzenac, Boussac, Corrèze, époux de Gallienne de Malemort, dame de Donzenac; 3° Hélis, doyen de N.-D. du Puy et évêque de Tournay ; 4° Ramnulphe ou Raymond-Hélis, père de Blanche Ire, XVIIe abbesse de Bonnesaigne, et vicomte de Ventadour (V. Sigill., p. 408) ; 5° Ebles, chanoine de Reims ; 6° Guillaume, religieux en l'abbaye de Saint-Augustin de Limoges, doyen de Carennac, et, après son frère Hélis, évêque de Tournay; 7° Marguerite, épouse de Louis de Beaufort, seigneur de Montferrand, en 1290; 8° Dauphine, mariée à Guillaume de Mercoeur, seigneur de Gerzat; 9° Marie, veuve en 1298 de Jean Salin, seigneur de Châteauneuf.


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C'est du temps de cette abbesse qu'on institua, dans l'abbaye, la confrérie de la Sainte Croix, pour promouvoir la piété des religieuses, preuve évidente de celle de leur supérieure.

En 1290, deux ans avant de laisser le pouvoir, Adelaïs eut la consolation de voir le mariage de son frère, Ebles VIII, avec Marguerite de Beaujeu, fille de Louis, seigneur de Montferrand, et de Marguerite de Beaujeu, dame de Bomès ou Beaumez, en Berry.

Le nom de notre abbesse, mais elle ne vivait plus alors, passa à une de ses petites nièces, fille de Bernard, premier comte de Ventadour, à Adélaïde qui, elle aussi, fut abbesse de Fontevrault en 1372.

Ebles VIII mourut jeune, sans enfant, et sa veuve, Marguerite de Beaujeu, épousa son beau-frère Ram-^ nulphe ou Raymond-Hélie de Ventadour, et fut mère de Blanche Ire, abbesse de Bonnesaigne en 1307.

Adelaïs de Val-Tuve se démit ou mourut en 1292, et Alix de Ventadour, sa tante, la remplaça comme abbesse de Bonnesaigne.

I XVI. — ALIX DE VENTADOUR (1292-1307)

Alix de Ventadour était fille du vicomte Ebles VI et de Dauphine de la Tour d'Auvergne, que nous avons dit avoir encore eu de leur mariage : Marie, morte jeune ; Isabeau, épouse d'abord de Faucon de Montgascon (1263), et ensuite de Robert de Montbrun (1276), tant loué par la chronique ae Saint-Martial à cause de sa grande charité pour les pauvres, et enfin Ebles VII, le héros de la huitième Croisade, qui épousa sa parente, Blanche de Châ-


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teauneuf, la même année.que Faucon de Mont-gascon obtenait la main d'Isabeau de Ventadour (1263).

Elle était donc tante de la précédente abbesse et belle-soeur de la vicomtesse de Ventadour, Blanche de Ghâteauneuf.

Cette Alix, omise par Bonaventure de Saint-Amable et par M. l'abbé Poulbrière, nous est signalée par l'abbé Bazetou, par la Semaine religieuse et par le chanoine Flamary, de la Garnie, décédé à Tulle et enterré à Nonars sur la fin de décembre 1876 (Voir Sem. relig., lre ann., 5 août 1882, n° 32).

Quand elle arriva au pouvoir, son père était mort dépuis longtemps (1270), mais sa mère vivait encore en 1299, d'après un titre conservé aux archives de l'évêché de Limoges (Notes du chan. Flamary).

En 1307, l'abbesse Alix disparait et fait place à Blanche Irc de Ventadour, sa petite-nièce (M. Ghampeval dit nièce, et ajoute : Alix, -j- vers 1308. Double méprise).

g XVII. — BLANCHE lre DE VENTADOUR (1307-1326)

Blanche Ire était fille de Ramnulphe ou RaymondHélis, frère d'Ebles VIII, vicomte de Ventadour, et de Marguerite de Beaujeu, veuve dudit Ebles VIII (Voir Sigillog. du Bas-Lim., p. 410).

Elle avait pour frères et soeurs :

1° Ebles IX, émancipé par son père en 1312, et marié deux ans après avec Marthe de Comboru, fille de Guischard, seigneur de Treignac et de Chamberet, et de Marie de Ventadour ; leur contrat de mariage est du 20 novembre (1314) et le nom de notre abbesse y


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est cité. Ce vicomte fait le pèlerinage de S'-Jacqnes, en Galicie, en 1325 ; en 1325 il vivait encore avec Marthe, son épouse, ainsi que Baluze déclare l'avoir trouvé marqué de la main d'André Duchêne ; mais il mourut avant 1329, ne laissant qu'une fille qui fut Blanche II, abbesse de Bonnesaigne ; et Marthe de Comborn se remaria avec Brun, seigneur de Claviers; 2° Bernard, qui fut vicomte de Ventadour après la mort d'Ebles IX, son frère, et épousa, le 17 mai 1338, Marguerite de Brienne, fille de Robert, vicomte de Beaumont-le-Vicomte, et de Marie de Craon. Nous le retrouverons plus tard fait comte de Ventadour, six ans- avant la bataille de Poitiers ; 3° Hélie, doyen de Notre-Dame du Puy, mort évêque de Castres en 1383 ; 4° Guy, évêque d'Avranches, de Vabres et de Cambrai, mort en 1347 ; 5° Guillaume, religieux à Saint-Martial de Limoges ; 6° autre Guillaume, également religieux à Saint-Martial en 1339 ; 7° Anne, qui venait immédiatement après notre abbesse ; 8" enfin un autre Guy, qui fut le successeur de son frère sur le siège de Cambrai en 1351.

M. Ghampeval nous dit que Blanche acquit quelques terres à Neuvic. Elle mourut le 5 juillet 1326, et sa filleule, Blanche II de Ventadour lui succéda.

§ XV11I. — BLANCHE II DE VENTADOUR (1326-1347)

Blanche II, nièce et filleule de l'abbesse qui précède, était l'unique enfant que le vicomte Ebles IX de Ventadour eut de son mariage, si vite brisé (1314-29), avec Marthe de Comborn, des seigneurs de Treignac.

Elle était par conséquent également nièce de


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Bernard, qui succéda à son frère Ebles IX comme vicomte de Ventadour. Elle prenait quelquefois le nom de Puymarais ou de Bonnesaigne : « De Podiomaris alias Bonnesanhioe ». [

Blanche II devait être bien jeune quand on lui mit en main les rênes du gouvernement, 12 ans au plus.

Sous son règne, les épreuves de toute sorte recommencèrent pour Bonnesaigne. Déjà même, avant son arrivée au pouvoir, il y avait rupture de bonne harmonie entre le roi de France et celui d'Angleterre.

Dès 1324, en effet, le roi de France avait envoyé son frère, Charles de Valois, en Gascogne, pour reconquérir la Guyenne, à la suite d'un méfait commis par les Anglais.

En 1329, ce fut avec restriction mentale qu'Edouard fit foi et hommage, à Philippe de Valois, du duché de Guyenne, Périgord, Limousin et autres terres, selon que le raconte Froissart au premier volume de sa Chronique.

Il y avait dans l'ombre des complots ourdis contre la couronne de France.

En 1340, Philippe fit mettre en mer quatre cents navires de guerre pour aller en Angleterre ; mais les Anglais, avertis à temps, les détruisirent dans le port de l'Ecluse.

Six ans après ce désastre maritime, arriva la défaite de Grécy (1346), et puis la prise de Calais :

« L'an mil trois cens quarante sept

« L'Anglais print Calais, comme on sçait ».

Pendant que nos barons étaient à la guerre, le Limousin était en proie à la peste et à la famine (1340).


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Bonnesaigne surtout fut rudement éprouvé ; la misère y régnait.

De quarante-cinq qu'elles étaient sous l'abbesse de Châteauneuf, le nombre des religieuses descendit à quinze sous l'abbesse Blanche II de Ventadour.

Ce fut pour subvenir à leurs besoins que le vicomte Bernard fit, à la communauté, plusieurs donnations en 1338; et en 1345, entre autres privilèges, il permit à l'abbesse, sa nièce, de prendre dans la forêt de Ventadour jusqu'à deux cents charretées de bois.

Cette même abbesse, profitant de l'arrivée de son compatriote de Maumont au suprême pontificat, exposa à Clément VI que la communauté de Bonnesaigne était très pauvre en ce moment et ne se nourrissait que de pain de seigle et de vin excessivement mouillé (Lymphalissimo ou UsilalissimoJ, etc.

Le résultat final de tant de doléances fut que la cure de Darnets fut unie, pour la moitié de ses revenus, à l'abbaye criant misère, ainsi que trois villages de Soudeilles (1343-1345).

Nous dirons, dans un autre chapitre, ce qu'il en advint de cette union de la cure de Darnets; pour le moment, contentons-nous simplement de signaler au passage, à son rang de date, cet acte de la juridiction papale et le désarroi dans lequel se trouvaient les affaires de Bonnesaigne sous l'abbesse Blanche II de Ventadour, qui mourut le 17 avril 1347 (Bonaventure nous dit le septième juin).

Pour consoler un peu.les curés de Darnets de la perte de leur bénéfice, cette abbesse fit, avant de mourir, une fondation de cinq sols de rente annuelle, dans l'église de Darnets, pour l'entretien de la lampe


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de la Sainte-Croix. On lit en effet, dans le terrier, que le curé Pierre Blancherie fit faire en latin, le 22 février 1385, ces paroles qui nous apprennent la piété et la dévotion de Mlle de Ventadour :

« Legavit Domina Blanchia de Podiomaris alias Bonnesaiihioe ad opus lampadis S. Crucis 5 sous renduales ».

Ils étaient percevables sur la moitié du manse de Chammas, près Montanias, dans la paroisse de Saint-Hippolyte : « Quos assignavil, in dimidio manso Chammas prope Montanias in parochia S' Ypoliti ».

La lettre de fondation de cette rente annuelle de cinq sous était entre les mains du curé Blancherie lorsqu'il fit faire le terrier de son église par Jean Pile-Roux, afin d'avoir sous la main une liste complète des revenus de sa cure qu'il n'entendait nullement partager avec l'abbesse de Bonnesaigne : De quibus jacet littera sigillata sigilli proedictoe abbatissoe Bonnesanhioe.

Blanche II de Ventadour obtint donc (1345) l'union de la cure de Darnets à son abbaye, mais n'en vit point la consommation ; ce fut Almodie de Saint-Jal, sa remplaçante, qui la vit se réaliser par l'autorité de l'évêque de Limoges. '

g XIX. — ALMODIE DE ROBERT DE SAINT-JAL (1347-49)

Aussi bien que les autres abbesses de ce nom, Almodie était sortie du château de Saint-Jal.

Petite-fille d'Aymard de Robert de Lignerac, seigneur de Saint-Jal et soeur du cardinal Aymard Robert de Saint-Jal, promu en 1342 et mort en 1363


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(V. g IV, XII et XX). Notre abbesse était par conséquent nièce de la douzième supérieure de Bonnesaigne dont nous avons déjà parlé.

Quand elle arriva au pouvoir, la communauté de Bonnesaigne ne comptait que quinze religieuses professes. C'étaient :

Dame Almodie de Saint-Jal, abbesse ; dame Almodie d'Agneau (de Agno), et dame Clémentine de Repaire, prieures claustrales ; dame Léoterie de Léones, sacristaine; dame Gallianne de Meaumont; dame Blanche de Gimel ; dame Souveraine (Soberana) ; dame Delphine d'Anglars, future abbesse en 1365 ; dame Marguerite de Meymac ; dame Marguerite de Champieyx; dame Alayde d'Ayrains, future abbesse; dame Guillelme d'Arsala ; dame Marguerite de Confolent; dame Marguerite de Gourson (de Corso, Corso, Coursou, était un village de trente-deux âmes, paroisse de Treignac, siège d'un fief fort ancien à la famille de Coursou ; Bernard 1er, vicomte de Comborn, eut de Hermengarde de Coursou, Archambaud IV, vicomte en 1229) ; et enfin, dame Marguerite de Saint-Denis.

Toutes ces religieuses, éprouvées par la peste et la famine, toujours in exlremà necessitate aussi bien que cinq ans auparavant, convoquées au son de la cloche, se réunirent en chapitre le sept juillet 1348, un an après l'arrivée au pouvoir de la nouvelle abbesse, par devant maître Jean Belger, clerc public du diocèse, par autorité impériale notoire, limousin.

Pourquoi faire? Pour élire des procureurs qui iraient à Limoges solliciter, auprès de l'évèque Jean de Comborn, délégué à cet effet par le pape Clément VI, la fulmination de la Bulle d'union de la cure

T. XXIV. 4-5


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de Darnets à l'abbaye de Bonnesaigne. Furent nommés procureurs de la communauté, le vénérable et scientifique personnage, maître Jean de Val, ou Devaux (de Valibus), jurisconsulte; les chéris dans le Christ : D. maître Pierre de Fait (de Failo); D. Pierre de Manaudès ; D. Bernard de Floret, tous prêtres ; et D. Jean Lajugie, damoiseau, de Maussac.

Etaient présents à cet acte, les chéris dans le Christ : D. Pierre de Peyre-Rohan ; D. Jean Dalhon, et D. Jean Dabris, tous prêtres.

Mais comme il n'était pas nécessaire que cette procession de procureurs, la plupart en bottines de bouleau, allât fouler les tapis du puissant évêque de Limoges, les cinq choisis, séance tenante, ainsi que leur en donnait le droit la procuration des religieuses, en subdéléguèrent un d'entre eux pour faire le voyage de la capitale du Limousin.

Ce fut le damoiseau de Maussac, Jean Lajugie, qui fut désigné par ses collègues.

Le jeune damoiseau, fier de la marque de confiance qu'on venait de lui témoigner, se lissa de son mieux et trois jours après sa subdélégation, 10 juillet, il était à Limoges (apud ortum nostroe Dioecesis).

De Maussac dut parler avec éloquence et persuasion, car à mesure qu'il avançait dans l'exposé des motifs qui l'avaient amené auprès de l'évêque, il voyait le prélat incliner vers la teneur de la supplique « inclinans ad sujjplicationem ».

Quand la lecture de la Bulle pontificale et celle de la procuration abbatiale furent terminées, Lajugie s'inclina à son tour, reçut la bénédiction épiscopale, baisa l'anneau, se releva, salua profondément et se


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retira dans un coin pour essuyer la sueur qui perlait sur son front. Preuve de sa vaillance!

L'évêque, de son côté, se releva majestueusement de son siège, passa dans son cabinet de travail, et quelques instants après il faisait remettre, par son secrétaire particulier, au damoiseau de Maussac, un pli cacheté aux armes des Comborn, portant l'adresse du chapelain d'Ussel.

Le vénérable Hugues de Chalmels, en effet, était désigné par son évêque pour faire l'évaluation des revenus de l'église de Darnets, afin que le prélat pût, en connaissance de cause, fixer la portion congrue du curé et déterminer la part qui devait revenir aux bénédictines.

Un mois après, les parts de chacun étaient faites, par un arrêté épiscopal délivré au damoiseau de Maussac, à Nobiliac (Noblat, près Saint-Léonard), où le prélat était en tournée pastorale, le 10 août 1348, jour de Saint-Laurent.

Arrêtons-nous là, pour le moment; nous aurons occasion, dans le chapitre VII de cet ouvrage, de revenir avec plus de détails sur cette grave question de l'union de la cure de Saint-Maurice de Darnets à l'abbaye de Bonnesaigne.

Almodie de Saint-Jal ne jouit pas longtemps du fruit de sa victoire, comme abbesse de Bonnesaigne ; l'année d'après (1349), elle était remplacée par Gaillarde-Roberte de Ligneyrac, sa parente. Elle ne mourut pourtant que le 25 juillet 1361, deux ans avant son frère le cardinal Aymard, au moment où les malheurs qu'elle et Blanche II de Ventadour avaient pressentis éclatèrent sur nos montagnes.


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g XX. — GAILLARDE ROBERT DE LIGNEYRAC (1349-50)

Elle portait : Ecu d'argent à trois pals d'azur.

Le château de Ligneyrac, entre Meyssac et Turenne, fut le berceau de la famille des Robert de Ligneyrac, ducs de Caylus, dont les armes sont gravées sur les portes des églises de Ligneyrac et de Sarazac, et au château de Noailles.

Cette famille a eu ses illustrations.

En 1249, Guillaume se croisa avec nos seigneurs montagnards : Ebles VI, Guillaume de Chassin seigneur de Fonmartin (?), André de Boisse, seigneur de la Farges, paroisse de Ghamberet, etc. (V. g XII).

En 1260, de concert avec ses frères Hugues et Pierre, il passe un compromis avec son oncle Aymard Robert, sous l'arbitrage d'Archambaud de Comborn, et en 1265, avec le consentement de son frère Hugues, il cède à Raymond de Turenne tout ce qui lui appartient en haute et basse justice à Montignac. C'est en retour de cette cession que les Robert reçoivent le château de Ligneyrac et plusieurs rentes dans les paroisses de Ligneyrac et de Noailhac.

Aymard Robert, dont nous venons de parler, était seigneur de Saint-Jal (entre Uzerche et Seilhac).

Sa fille Gaillarde fut XIIe abbesse de Bonnesaigne ; ses deux petits enfants furent l'un le cardinal Aymard et l'autre la XIXe abbesse de Bonnesaigne dont nous venons de nous occuper.

Jean Robert de Ligneyrac épousa, le 21 août 1377, Bertrande de Cosnac, nièce du cardinal Bertrand de Gosnac et soeur des deux évêques de Tulle, de ce nom.

Edme Robert, maréchal de camp en 1618, cheva-


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lier de l'ordre du roi en 1650, était réputé l'un des seigneurs les plus braves de son temps.

Le comte Robert de Ligneyrac, marquis de Caylus, épousa la célèbre Marthe-Marguerite de Villette, née en 1673, cousine de Mme de Maintenon, élève de Saint-Cyr, et c'est pour elle que Racine composa le prologue à'Esther. Mariée à 13 ans, elle laisse des enfants et des Souvenirs, c'est-à-dire des confidences pleines de naïveté et de malice sur l'intérieur de la cour de Louis XIV. Elle mourut en 1729.

Son fils, Anne-Glaude-Philippe de Tubières, comte de Caylus, né à Paris en 1692 et mort en 1765, fut un célèbre archéologue, auteur d'ouvrages remarquables.

Joseph-Louis de Caylus était pair de France en 1814.

Le représentant actuel de cette illustre famille est François-Joseph Robert de Ligneyrac, duc de Caylus, grand d'Espagne de lre classe, né en 1820 et marié en 1851.

Au xvie siècle, François, baron de Ligneyrac, chevalier de l'ordre du roi, capitaine des gardes d'Isabeau d'Autriche femme de Charles IX, devint seigneur de Pleaux, gouverneur d'Aurillac et lieutenant royal de la Haute-Auvergne. Sa race, dès lors, ne cessa de grandir et de s'étendre. Nous la trouvons au château de la Prade, commune d'Arpajon (Cantal), d'où elle revint en Limousin au château de Bazaneix, près Ussel. C'est de là qu'en 1691, 16 mars, partait MarieRoberte de Ligneyrac, pour devenir l'épouse du marquis Louis-Marie de Soudeilles et donner le jour à l'aimable visitandine de Moulins, Louise-Françoise, petite-nièce de la célèbre supérieure Louise-Henriette de Soudeilles, amie intime de la bienheureuse Marie


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Alacoque, et son bras droit dans la diffusion du culte au Sacré-Coeur (V. Trois Limousines à la Visitation de Moulins).

Notre abbesse de Bonnesaigne nous venait donc des environs de Meyssac ; elle était, pour le moins, grand'- tante de Jean Robert, époux, en 1377, de Bertrande de Cosnac.

Son séjour, dans nos marais, nous est signalé par les archives de M. Ambroise Tardieu, historiographe de l'Auvergne, qu'a dépouillées M. J.-B. Champeval, à la complaisance duquel nous devons le nom de cette abbesse.

Marguerite Judicis fut sa remplaçante en 1350.

g XXI. — MARGUERITE JUDICIS (1350-1361)

Cette abbesse, jusqu'ici ignorée des historiens de Bonnesaigne, nous est révélée par les recherches infatigables de M. J.-B. Champeval.

Du même nom que Marguerite de la Jugie, troisième abbesse de Bonnesaigne (1182), elle sort assurément de la même source qu'elle, c'est-à-dire des la Jugie d'Eyrein si répandus dans nos montagnes et dans tout le Bas-Limousin, à Brive, Perets, Maussac, Davignac, etc.

Mais descend-elle, comme la troisième abbesse, de Hugues Judicis, seigneur de Maussac et coseigneur de Soudeilles en 1206? Dans ce cas, elle serait soeur de Pierre de Maussac et tante du damoiseau Jean la Jugie, dont nous avons parlé à différentes reprises.

Si elle vient de la maison-mère, c'est-à-dire à'Eyrein, elle serait fille de Jacques la Jugie d'Eyrein


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et de Guillaumette Roger, soeur du pape Clément VI (1342-1352), et aurait pour frères Guillaume, fait cardinal en 1342, et Pierre, qui fut archevêque de Sarragosse, de Narbonne et de Rouen en 1375.

M. Champeval la croit originaire de Vars, canton d'Ayen. Dans ce cas, on s'explique que les seigneurs de Vars soient compris au nombre des bienfaiteurs de Bonnesaigne sur la liste incomplète que nous avons déjà donnée (V. chap. III).

Je me demande si cette Marguerite de Juge ou de la Jugie, dont la famille sort d'Eyrein, ne serait pas la même que la religieuse Alayde d'Eyrains que nous venons de trouver à Bonnesaigne dans l'assemblée capitulaire où le damoiseau de Maussac, Jean la Jugie, fut nommé procureur de l'abbyaye pour plaider à Limoges l'union de la cure de Darnets à l'abbaye montagnarde, selon la teneur de la Bulle du pape Clément VI ?

Dans ce cas, nous comprendrions parfaitement pourquoi les procureurs choisis par les religieuses, d'une voix unanime, subdéléguèrent le petit damoiseau de Maussac, son parent, pour faire le voyage de Limoges !

Je me demande encore si notre supérieure ne serait pas la même que la religieuse Marguerite, en religion soeur Saint-Denis, que nous avons vue pareillement figurer dans cette importante réunion du 7 juillet 1348 (V. § XIX).

Quoiqu'il en soit, la famille La Jugie, d'où sortait notre abbesse, portait : « De sable à la bande d'or, accompagnée de six coquilles d'argent posées en orle » (Nobil. Lim., par de Bergues, p. 92).


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Simple question : N'y aurait-il pas ici méprise de la part de cet employé des postes, écrivant toujours en courant, et les six coquilles dont il nous parle ne seraient-elles pas les six roses des Roger, comme les décrit le Dictionnaire sigillographique du BasLimousin, p. 674?

C'est sous le supériorat de Marguerite Judicis que les malheurs entrevus par ses trois devancières, Gaillarde Robert de Ligneyrac, Almodie de Saint-Jal et Blanche II de Ventadour fondirent sur nos contrées.

Après la déconfiture de Poitiers (1356), où périrent

glorieusement les chevaliers Guillaume de Bar, Jean

de Maumont, et les écuyers Bernard de Donzenac et

Guy de Bournay, et où se signalèrent Bernard de

Ventadour et Robert, son fils, resté un des derniers

sur le champ de bataille, entouré d'Anglais tombés

sous ses coups, et surtout après le traité de Brétigny

(1360), le Limousin devint, en effet, la proie de nos

perpétuels ennemis, dont :

« La rage inassouvie

« Qui des vaincus poursuit la vie,

« De leurs cités fait un vaste tombeau ».

Les Anglais sont doux dans l'adversité, mais très dangereux dans la prospérité : « Anglica gens est optima flens, sed pessima ridens ! » (V. Annales d'Aquit., par Jean Bouchet, p. 203).

Marguerite Judicis disparait juste au moment où ces insatiables écumeurs du reste du genre humain, semblables à des chacals affamés en recherche d'une proie bonne ou mauvaise à dévorer, parcouraient nos plateaux (1361).


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Sa parente, Gaillarde-Roberte Ire La Jugie de Blauge, de Maussac, lui succéda.

g XXII. — GAILLARDE-ROBERTE Ire DE BLAUGE (1361-65)

Elle portait : De sable à la bande d'argent, à cinq étoiles d'or posées en orle.

Cette abbesse était la première fille de Pierre La Jugie, sieur de Blauge ou d'Ublange, seigneur de Maussac, et soeur du damoiseau Jean de La Jugie, que nous venons de voir si bien s'acquitter, auprès de l'évêque de Limoges, de la mission que lui avaient confiée les religieuses bénédictines de Bonnesaigne.

C'était une manière — un peu excessive — de témoigner leur reconnaissance, pour les bienfaits reçus, au petit damoiseau de Maussac, que de choisir cette enfant pour abbesse.

Elle devait être, en effet, bien jeune ; elle ne figuremême pas au nombre des quinze professes dont nous venons de donner les noms, sous la date de 1348.

Bonaventure de Saint-Amable semble nous dire qu'elle naquit en 1347. Elle n'aurait donc eu que quatorze ans lors de son arrivée au pouvoir, ce que nous avons déjà vu et verrons d'autres fois dans cette malheureuse abbaye, dévorée par tant d'intrigues.

Où étaient donc Bernard de Ventadour et Robert, son fils, quand ils abandonnaient ainsi l'antique abbaye à la merci du petit seigneur de Maussac?

Prisonniers en Angleterre, depuis la bataille de Poitiers !

C'est sans doute pour se faire pardonner la jeunesse et l'inexpérience de sa fille dans les affaires, que nous


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verrons plus tard Pierre de La Jugie se montrer généreux, — aux dépens des curés de Maussac, — envers sa petite-fille devenue également abbesse de Bonnesaigne.

La jeune abbesse, Gaillarde-Roberte, ne resta que cinq ans au pouvoir.

Elle mourut le 2 juillet 1365 (21 juillet, M. J.-B. Champeval).

Là encore, qui oserait rendre les Ventadour responsables de la nomination de cette enfant comme abbesse de Bonnesaigne ?

Dauphine d'Anglars fut sa remplaçante.

g XXIII. — DELPHINE ou DAUPHINE D'ANGLARS(1365-80)

Les d'Anglars portaient : De sable au lion d'argent, armé, lampassé et couronné de gueules, accompagné de trois étoiles d'argent.

Le château d'Anglars est de la paroisse de SainteMarie-Lapanouse, doyenné de Neuvic, diocèse de Tulle.

Le premier d'Anglars fait son apparition en 1320, comme rendant hommage au vicomte Ebles IX de Ventadour, frère de Bernard, fait comte six ans avant la déconfiture de Poitiers (1356), où il se couvrit de gloire ainsi que son fils Robert, dont nous avons parlé et dont nous parlerons encore.

Le 7 juillet 1407, Astorg d'Anglars épousa Dauphine d'Ussel, et en 1408 Marguerite de Rochedagour.

Il en résulte trois branches :

1° Georges, resté au château familial, qui donna sa fille unique à Claude de Montfaucon, baron d'Alaisu


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de Vezenobre. De cette union surgit Jeaulin de Montfaucon, dame d'Anglars et d'Ussel, qui transmit la succession à la famille de Lacroix de Castries, dont une descendante est devenue de nos jours l'épouse du maréchal de Mac-Mahon ; leur fils aîné, soldat d'avenir, a épousé Marguerite d'Orléans, fille du duc de Chartres, l'ancienne fiancée de Philippe d'Orléans, héritier de la couronne de France ; 2° Jean Ier, seigneur de Saint-Victour, qui disparait en 1576 dans la famille de Saint-Nectaire, aujourd'hui remplacée par la famille de Bargue, dont le fils aîné vient d'épouser une des filles du général de Mirihel encore pleuré de l'armée ; 3° Jean II, époux de Françoise de Bassignac, des environs de Mauriac (Cantal).

L'abbesse Delphine d'Anglars nous est déjà connue de nom ; elle était professe à Bonnesaigne lors de la procuration délivrée au damoiseau de Maussac, pour traiter les affaires de la communauté auprès de l'évêque de Limoges.

Elle était fille du châtelain d'Anglars, que nous avons dit avoir fait sa première apparition dans nos annales en 1320, pour hommage rendu au vicomte Ebles IX de Ventadour.

Le rapprochement de la date de la mort de cette abbesse avec celle du mariage d'Astorg, nous porte également à croire qu'elle était tante du châtelain d'Anglars, qui épousa Dauphine d'Ussel en 1407, et en 1408 Marguerite de Rochedagour.

Durant les quinze ans qu'elle passa à la tête de l'abbaye de Bonnesaigne, Delphine d'Anglars vit tour à tour les Anglais et les Français envahir et piller son monastère : « Elle fut malmenée parmi les guerres


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des Français et des Anglais » (Bonav. Saint-Amable). C'est ce que nous dirons plus longuement, dans le chapitre des épreuves de Bonnesaigne.

C'est de son temps (1371) que le brave Duguesclin, l'épée de la France, parut sur nos plateaux pour donner la chasse aux forbans du Nord.

Delphine d'Anglars mourut neuf ans après, en 1380. Une autre fille du petit damoiseau de Maussac occupa sa place durant vingt ans : ce fut Gaillarde-Roberte II de Blauge.

g XXIV. — GAILLARDE-ROBERTE II DE BLAUGE (1380-1400)

Gaillarde-Roberte II, petite-fille de Pierre de La Jugie et nièce de Gaillarde-Roberte Ire, pénultième abbesse de Bonnesaigne, était fille du damoiseau Jean La Jugie, de Maussac, dont nous avons si souvent prononcé le nom.

Inutile de raconter ici les maux qui désolèrent sa communauté ; qu'il nous suffise de dire que la guerre était plus acharnée que jamais entre la France et l'Angleterre et que nos bénédictines étaient toujours dans les plus pressants besoins.

La communauté ne comptait plus que seize religieuses.

C'est cette abbesse qui, en 1385, eut de grandes contestations au sujet des revenus de la paroisse de Darnets avec le curé Pierre Blancherie.

Gaillarde-Rorberte II mourut en 1400 et fut remplacée par sa soeur Gaillarde-Roberte III.


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- o

gXXV. — GAILLARDE-ROBERTE III DE BLAUGE (1400-34)

Gaillarde-Roberte III était soeur de la précédente abbesse et par conséquent fille du damoiseau Jean La Jugie de Maussac et petite-fille de Pierre, seigneur de Blauge ou d'Ublange, que nous allons retrouver.

Elle était prieure de Villechèze (Veyrières, Cantal), nous dit M. Champeval, quand elle fut choisie pour abbesse de Bonnesaigne.

L'abbaye dont on lui confiait la direction était, par suite de nos guerres interminables, dans le plus pitoyable état. Le nombre des religieuses était descendu de seize au chiffre dérisoire de neuf en 1407.

Gaillarde-Roberte III ne se découragea pas ; sa confiance en Dieu fut au niveau des épreuves terribles par lesquelles passait sa communauté.

Durant son long supériorat de trente-quatre ans, elle fut l'insigne bienfaitrice de son établissement ; et cette abbesse est une des grandes et belles figures qui ont illustré Bonnesaigne : « Elle fit au monastère des biens infinis ».

Son grand-père, Pierre de Maussac, jaloux sans doute de se faire pardonner le scandale qu'il avait donné en imposant à la communauté sa fille pour abbesse, à peine âgée de quatorze ans, se montra toujours, sous sa petite-fille, le grand bienfaiteur de la malheureuse abbaye.

Le prieuré de Maussac (saint Christophe, patron), appartenait déjà à Bonnesaigne, mais non l'église.

Le 10 avril 1402, Pierre de Maussac y fonda, en cette église paroissiale, une vicairie à l'autel de SainteCroix.


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Puis, en 1406, il donna, aux dépens des curés de Maussac, cette même église, mais non la vicairie de Sainte-Croix, à sa petite-fille dont nous parlons, abbesse de Bonnesaigne depuis six ans.

Cette cure de Maussac avait 280 habitants et payait 30 livres. Les abbesses y nommèrent en 1506, 15, 16, 58, 71, 87, 1619, 70, 74 et 1713, comme prieures de Maussac. L'évêque de Limoges y nomma aussi en 1713, ce qui prouve qu'il y avait conflit entre les deux autorités, chose fréquente à cetle époque.

Pour la vicairie de Sainte-Croix, Pierre de Maussac, et plus tard ses successeurs, devait y nommer dans le mois de la vacance ; ce temps passé, le curé conférait.

Cette vicairie fut unie à la cure, le 5 février 1430, par noble Jeanne de Quintena, nièce du fondateur.

Noble Jean de La Jugie, sieur de Teilhac, paroisse de Pérets, damoiseau, y nomma à cette vicairie en 1454, 1474 et 1492.

Gaillarde-Roberte III, avons-nous dit, est comptée au nombre des très bonnes abbesses de Bonnesaigne ; elle releva son abbaye et fit refaire la tour du clocher ; c'est elle encore qui fit unir à sa communauté le manse et le prieuré de Menoire.

Durant les jours terribles de l'épreuve, GaillardeRoberte entendit gémir ses religieuses et vit couler leurs larmes amères, en apprenant Azincourt, où Jacques de Ventadour, fils du vaillant Robert, fut fait prisonnier; Verneuil, où périt glorieusement Guy de Ventadour, à côté de Louis de Soudeilles qui reçut son dernier soupir. Mais aussi, elle entendit éclater leurs chants de joie et vit couler leurs larmes de


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bonheur quand elles apprirent que nos montagnes n'avaient plus à craindre d'être écumées par l'anglais rapace et que la France en était enfin purgée en majeure partie.

Gaillarde-Roberte III est, en effet, contemporaine de la glorieuse mission de la vénérable Jeanne d'Arc, que les chevaliers limousins secondèrent si bien, surtout Guillaume de Brosse, qui combattit constam-; ment aux côtés de la providentielle libératrice delà France.

Elle mourut le 4 août 1434, trois ans après notre grande héroïne, laissant le pouvoir à une Auvergnate, Dauphine de Chabannes.

g XXVI. — DAUPHINE DE CHABANNES (1434-1469)

Cette abbesse est de la même famille que Marthe et Etiennette que nous connaissons déjà (1263-1276), et que Catherine que nous trouverons plus tard à la tête de l'abbaye de Bonnesaigne (1556).

Dauphine était fille de Robert, seigneur de Charlus, tué à la funeste bataille d'Azincourt (1415), et d'Alix de Bort de Pierrefite (V. Dicl. des Paroisses : Combressol).

Elle avait cinq frères : 1° Etienne, capitaine d'une compagnie de gens d'armes, tué au combat de Crevant-l'an 1423 ; 2° Jacques, qui continua la famille de Chabannes. 11 fut sénéchal de Toulouse et prit part à toutes les grandes expéditions de son temps. Il se trouva au combat de Rouvray en 1429, à la- prise de Compiègne, 1430, etc. ; en 1440, lors de la Praguerie, il prit le parti du Dauphin, servit au siège de Gaeii en


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1450, et quelques temps après il fut pourvu de la charge de Grand-Maître, traita de la capitulation de Blaye, contribua à la réduction de Bayonne, et ayant été blessé à la bataille de Castillon, le 17 juillet 1453, il mourut de sa blessure le 20 octobre suivant. Il avait été marié deux fois : la première fois avec Anne de Launay, morte sans enfants; et la seconde fois avec Anne de Lanjeu, dont il eut Geoffroy et Gilbert, sieur de Curton, qui fut gouverneur du Limousin ; 3° Antoine, le premier comte de Dammartin en 1411, fait prisonnier à la bataille de Verneuil (1424); 4° Jean, marquis de Curton et de la Palice, qui épousa Péronnelle de Ventadour, fille du vaillant Robert et de Isabeau de Vendat, issue d'Oudin et d'Alix du Breuil, de la maison de Courcelles (V. Moreri, t. II, Chabannes) ; 5° enfin, Jeanne, qui épousa Jean Balzac, seigneur d'Entragues.

On le voit, notre abbesse n'avait pas à rougir de ses frères ni de ses neveux. Elle était bien étayée pour relever sa communauté. Le lit-elle? L'histoire nous dira bientôt qu'elle ne put même guère y songer.

Elle fut bénite, comme abbesse, le 10 janvier 1434, et semble avoir aimé Bonnesaigne. L'année suivante, en effet, elle fut titrée du monastère de Fare-Moutier, en Brie, diocèse de Meaux, et renonça généreusement à ce titre pour garder celui de Bonnesaigne (1435). Plus tard, elle revint pourtant sur sa détermination et accepta d'être- nommée abbesse conjointement de Fare-Moutier et s'occupa de son gouvernement. Bien plus, d'après Nadaud, elle y alla comme abbesse, en 1454, mais non sans espoir de retour dans nos montagnes.


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Nous connaissons, en partie du moins, les religieuses qui se sanctifièrent, à Bonnesaigne, sous l'administration de Dauphine de Chabannes. Voici quelques noms :

1° Jacquette et Florence de Valon de Champiers de Boscheyrono, c'est-à-dire du Boucheron de Davignac. Elles étaient filles de Guérin de Valon de Champiers et de Philippie Mourina (Mourin), mariés le 24 février 1399 (1).

Nos deux bénédictines avaient dix frères ou soeurs : Geneviève, qui épousa Jean Ier de Loubertès, seigneur de Lascaux (Meymac), fils de Guillaume et de Marie Malengua; Catherine, religieuse à l'abbaye de la Règle; Louis, religieux au monastère de Saint-Angel;

(1) La famille de Valon, d'ancienne chevalerie du Quercy où elle est connue dès le xc siècle, a possédé dans cette province les seigneuries de Lavergne-Valon, Thégra, Gigôuzac, Saint-Amaran, etc. Au xvc siècle, elle eut un accroissement en Limousin, où des donations et mariages lui portèrent les seigneuries du Boucheron, de Champiers, d'Ambrugeac et de Saint-Hippolyte, et pendant qu'elle s'est continuée d'une part en Quercy par la branche de Gigôuzac, Saint-Amaran, elle s'est établie d'autre part en Limousin par la branche dite de Boucheron, d'Ambrugeac et Saint-Hippolyte de la manière suivante :

Bernard Estienne de Valon, coseigneur de Gigôuzac, avait épousé, vers 1373, Florence de Neuvic de Champiers ; leur fils Guérin se maria en février 1399 (vieux style) avec Philippie Mourina, fille de feu Guillaume Mourini, et reçut à la même date de Maragde d'Ussel la donation du lieu del Boschayro avec charge de porter, lui et ses successeurs, les noms et armes des « hostels de Champiers et dal Boscheyro ». Vers la même époque, Guérin fut aussi héritier testamentaire de Guillaume de Neuvic, seigneur de Champiers, son grand-père, et se fixa dès lors en Limousin. — Rigon de Champiers, seigneur du Boucheron, mort sans postérité, avait fait héritier Maragde d'Ussel, sa femme ; et Rigon tenait lui-même la seigneurie du Boucheron de son aïeul, Hèble de Champiers, qui l'avait acquise en 1315 du vicomte de Ventadour.

T. XXIV. 4-6


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Marguerite, Jeanne, Jean, Agnet et Jacques qui suit.

Jacques de Valon de Champiers épousa, le 3 avril 1453, Huguette de Beyneta, fille et héritière de Hugues de Beynette, seigneur d'Ambrugeac (près Meymac), et de Marguerite de Saint-Hippolyte, à la condition de prendre le nom et les armes d'Ambrugeac et Saint-Hippolyte. De ce mariage naquirent deux fils : Bertrand, auteur des Valon du Limousin, et Pierre, héritier universel de son père, auteur des Valon restés en Quercy (1).

Le 23 décembre 1441, Jacquetle reçut de sa mère un legs de dix septiers de vin, et Florence cinq sols, qui furent remplacés en 1445 par un legs de cinquante sols.

2° Philippie de Loubertès, qui prit l'habit à Bonnesaigne et fut abbesse de Fontgauffier en 1451. Elle avait pour frères Jean Ier, époux de Geneviève de Champiers dont nous venons de parler, et le premier des quatre Loubertès qui furent abbés de Meymac. Elle eut pour remplaçante à Fontgauffier (Sarlat) sa propre nièce, du nom d'Agnès, fille de Jean Ier et de Geneviève de Champiers. Cette dernière abbesse avait pour soeur Philippie, mariée à Jean d'Anglars, seigneur de Saint-Victour, et pour frère Jean II de Loubertès, qui épousa Gilberte de la la Roche-Aimon, morte en 1520, ne laissant qu'une fille d'abord religieuse à Bonnesaigne et ensuite mariée.

3° Anne-Catherine de Maumont, que nous allons

(1) Cette famille est encore représentée de nos jours par les Valon de la Corrèze et du Lot.


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retrouver abbesse de Bonnesaigne pour quelques mois.

4° Dans une quittance de février 1454 (ancien style), délivrée par l'abbesse Dauphine de Chabannes à Bertrand de Bonnefond, curé de Darnets, à la suite d'un long procès que nous rapporterons au chapitre : Procès des abbesses avec les curés de Darnets, nous trouvons quelques autres noms de religieuses de Bonnesaigne ; ce sont :

Marie d'Ambrugeac ; Marguerite et Huguette de la Forssa ; Marie et Marguerite de Maumont, et Catherine de la Ghapoulie, formant la partie la plus considérable de la communauté, stipulant pour elles et pour celles qui viendront après elles, autant que cela pouvait les concerner.

Cet acte passé dans l'abbaye par Alpaix, notaire royal à Meymac, porte les signatures des témoins : messire Pierre de la Bardèche, de Darnets, et Jean de la Guinhari, prêtre, du lieu de Bonnesaigne. Il est contresigné aussi du seing manuel du notaire Dayrat (ou Cheyrat), clerc du diocèse de Limoges.

C'est à l'aimable complaisance de M. le baron Paul d'Ussel, commandant démissionnaire, le brillant correspondant des Bulletins de Brive et Tulle, que je dois la communication de cette pièce intéressante, et il la fait suivre des notes suivantes, que je suis heureux de reproduire ici :

« 1° Marie d'Ambrugeac doit être fille ou soeur de Hugues de Beynette, époux de Marguerite de Saint-Hippolyte seigneur d'Ambrugeac (Voir plus haut).

« 2° La famille de Forssa est une branche cadette


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de la famille de Chabannes (Nadaud, Nobil. Lim., t. I, p. 645). La Force est un lieu près de SaintExupéry, qui du reste a disparu, tout au moins, de la carte de l'état-major. Le fondateur de cette branche est Ebles de Chabannes, damoiseau, seigneur de la Force, fils de Ebles II de Chabannes, coseigneur de Gharlus-le-Pailloux et seigneur de la Force, lequel vivait en 1215 et en 1255.

« Cet Ebles de Chabannes de la Force, damoiseau, eut pour fils Pierre de Chabannes de la Force, chevalier, lequel n'eut qu'une fille, Marguerite, qui épousa avant 1374 Georges de Sartiges, et cette branche de la Force s'éteignit ainsi. Ces renseignements de Nadaud ne sont pas exacts en ce dernier point, car dans une pièce du chartier de ma famille (cotée XIV-60) du 12 juillet 1391, j'ai trouvé un Ebles de Chabannes, alias de la Forssa, fils de feu Ebles de la Forssa qui vend tous ses biens à Aymon de Rochefort.

« 3° Le chroniqueur Geoffroy, prieur de Vigeois, prétend (p. 128 de la traduction de Bonnélye) que le fondateur de cette famille est un paysan du village de Maumont qui, par une gasconnade, sut flatter l'amour-propre de son seigneur Ebles de Ventadour, dont il attira l'attention. Ce paysan, ayant par la suite donné des preuves plus sérieuses de son mérite, devint chevalier. Le prieur de Vigeois plaisante un peu les prétentions nobiliaires exagérées qu'à son époque montrait cette famille. En réalité elle a rendu de grands et longs services, et la vanité d'un de ses premiers membres est un petit péché bien humain.

« 4° On ne trouve point dans Nadaud de notes sur la famille de la Chapoulie; dans la charte (XIV-56)


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du 27 novembre 1359 du chartrier de ma famille, je trouve le renseignement suivant : Etienne de la Chapoulie épouse Marguerite de Bony. Ils sont morts tous les deux en 1356, laissant :

« 1° Guillemine de la Chapoulie, épouse de Bernard de Gimel ;

« 2° Etienne de la Chapoulie, qui épouse Claire de Champiers de Neuvic, laquelle, devenue veuve, épousa Géraud de Rochefort, seigneur de Saint-Martial-leVieux (paroisse du canton de la Courtine, Creuse) ».

Qu'il me soit permis d'ajouter à ces précieux renseignements deux mots seulement sur les Chapoulie :

1° Darnets avait sous cette date le fief noble de Chapoulier dont parle Nadaud (Nobil., I, 432). Sous la date du 26 février 1554, nous trouvons aux archives de Darnets nobles Mondon (Raymond) et Jean du Chapoulier (V. Trois Prieurés Limousins, Bulletin de Tulle, 4e liv., 1902);

2° A Cornil, il y avait le fief de la Chapoulie, dont Jacques de Bar était seigneur en 1685 (V. Dict. Sigill., p. 69).

Ce sont toutes ces saintes religieuses que nous verrons plus tard chassées plusieurs fois de leur communauté.

En 1450, Dauphine eut la consolation d'apprendre que la France était entièrement délivrée de ses terribles oppresseurs.

Trois ans après (1453), son abbaye fut rudement éprouvée par une bande de voleurs, marchant sous les ordres d'un insigne brigand, du nom de Rigaud, qui assaillit et pilla Bonnesaigne.

Dauphine de Chabannes, après un règne de trente-


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cinq ans, mourut à Bonnesaigne le 29 mai 1469; la Semaine religieuse dit le 24 mars, et M. Champeval le 24 mai, d'après M. Longy.

A la mort de la vieille abbesse, le champ resta libre aux compétitions, et nos religieuses bénédictines, influencées par le dehors, furent loin de s'entendre pour élire une supérieure. Ce fut Anne-Catherine de Maumont, mais elle ne put prévaloir contre sa concurrente et l'obstination des soeurs que nous connaissons en partie.

THOMAS BOURNEIX. (A suivre).

(Suite)

§ XXVII. — ANNE-CATHERINE DE MAUMONT (1469-70)

Les Maumont portaient : « D'azur au sautoir d'or cantonné de 4 tours d'argent maçonnées de sable y ; et notre abbesse, d'après Bonaventure de SaintÀmable : « D'azur à la croix alaisée d'or ».

Voilà déjà cinq fois qu'au cours de cet ouvrage nous trouvons à Bonriesaigne des demoiselles de Maumont : Gallienne, en 1348; Marie et Marguerite, en 1454; Blanche, prieure de Villevaleix, en 1470, et Anne-Catherine., qui nous'occupe., en 1469.

D'où venait cette famille? De la terre de ce nom, paroisse de Rosiers-d'Egletons.

Au xne siècle, Maumont ou Malmont, nom qui signifie mauvaise montagne (malus monsj, était un fief de Ventadour. Le petit seigneur qui le tenait portait le nom de cette terre, qu'il jouissait moyennant la redevance à'une tonne de cire vierge, qu'il portait tous les ans à son puissant suzerain, le jour de la fête patronale du Moustier-Ventadour (29 juin).

Avant même l'aventure qui lui valut l'émancipation de sa terre et pour ses enfants le ceinturon de milice, le vassal des Ventadour s'était acquis une T. xxv. i — 2


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réputation dans l'histoire et s'était élevé au-dessus de la plèbe.

Suivant la Chronique Normande, Guy de Maumont était contemporain de Philippe Ier, roi de France (1060-1108). (Bibliot. Niel, curé de Naves).

Son fils Jean donna le jour à un croisé, du nom de Hugues, qui à la voix d'Urbain II partit pour la Terre-Sainte (1096), à côté du vieux Raymond comte de Toulouse, de Golfier de Lastour, le héros de Marrah, de Jérusalem et d'Antioche, de Raymond Ier de Turenne, etc., tandis que les Ventadour brillaient, à cette première Croisade, par leur absence, Ebles Ie'' étant trop vieux (f 1096) et Ebles II, le futur chanteur, trop jeune pour s'armer ; ce dernier ne devait le faire qu'en 1145, avec son fils Ebles III.

Avant cette date avait eu lieu la curieuse aventure dont parle le prieur de Vigeois, aventure qui eut pour résultat d'anoblir le manant, le jiaysan de Maumont, d'élever ses enfants au rang de chevaliers, et leur valut le manse de Maumont affranchi de tout cens (1).

(1) Voici le récit de Geoffroy de Vigeois :

(i Ebles (II de Ventadour), frère de Pierre de Pierre-Buffière, par sa mère Almode, était renommé par ses gracieuses cantilènes, et ce talent lui valait la faveur de Guillaume IX (de Poitiers), fils de Guy. Toutefois ils étaient rivaux, et cherchaient à se surpasser en courtoisie.

« Un jour, Ebles de Ventadour vint à Poitiers et se présenta au château du comte Guillaume pendant que celui-ci était à table. Le comte de Poitiers fit servir à son hôte un repas somptueux, mais dont les apprêts furent lents. Lorsqu'il se leva de table, Ebles lui dit : ce n'est pas la peine qu'un comte comme vous fasse tant de dépenses pour recevoir un si petit vicomte que moi.

« Au bout de quelques jours, Ebles retourne dans ses terres ; le


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Mais alors, comment appeler paysan, manant, vilain, un brave croisé qui a cent fois affronté la mort dans les champs de la Palestine? La réponse est facile : il est évident que tous ceux qui partirent pour les Croisades ne sortaient pas des premiers rangs de la société, pas plus que de nos jours tous les soldats qui ont combattu sur les bords du Rhin et sur les rives de la Loire, à Forbach, à Patay et au Mans, ne sortent de la noblesse. Les enfants de la bourgeoisie et du peuple accompagnèrent leurs seigneurs ou bien s'enrôlèrent sous les bannières d'autres barons de la contrée. Mais ils eurent beau trimer, s'élever audessus de la plèbe, tant qu'ils n'eurent point le ceinduc

ceinduc suit de près, accompagné de cent chevaliers, et arrive à l'improviste à Ventadour au moment où le vicomte était à table.

« Ebles, se voyant joué, fait promptement donner à laver. En attendant, ses serviteurs courent la châtellenie, enlèvent toutes les viandes qu'ils y trouvent et. les portent promptement à la cuisine. Heureuse- • ment c'était un jour de fête, les poules, les oies et la volaille abondaient à Ventadour. Ils préparent un dîner si splendidf, qu'on aurait dit les noces de quelque grand seigneur.

« Sur le soir, un paysan, à l'insu du vicomte, entre dans la cour du château, conduisant un char traîné par des boeufs : Serviteurs du comte de Poitiers, s'écria-t-il, approchez tous, et voyez comment se livre la cire à la cour du seigneur de "Ventadour. Puis, saisissant une doloire de charpentier, il brise les arceaux de sa voiture et d'une grande tonne défoncée s'échappent et tombent à terre d'innombrables gâteaux de la cire la plus pure.

« Le vilain les laisse négligemment à terre et s'en retourne avec son char au village de Maumont. Le comte de Poitiers, étonné de tant de profusion, fit en tout lieu l'éloge de la générosité et de l'adresse du vicomte de Ventadour.

« Ebles récompensa ce paysan et lui donna, ainsi qu'à ses enfants, le domaine de Maumont. 11 les éleva au rang de chevaliers, et aujourd'hui (vers 1183-85) ils se disent les neveux d'Archambaud de Solignac et d'Alboin, archidiacre de Limoges ».

(Traduction Bonnélye, p. 127-8. — Histoire littéraire de Finance T. XIV, p. 343).


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turon de milice, les usages du temps voulaient qu'ils sentissent toujours la vassalité et fussent réputés d'un rang inférieur.

Et puis, à cette époque, les expressions vilain, manant, paysan, n'avaient point le sens injurieux que nous leur attachons aujourd'hui. . Le nom de vilains (villani) désignait les hommes libres devenus tenants de fiefs, ou ceux qui étaient tombés en servage. Ils étaient toujours les serfs du seigneur ; mais cette servitude différait de la glèbe, et consistait uniquement à payer aux seigneurs certaines redevances annuelles et à fournir certaines corvées. (Marvaud, T. II, p. 167).

Pas plus que celle de vilain, l'expression manant n'avait rien d'injurieux ni de blessant pour la' classe d'hommes auxquels on l'appliquait. On trouve en effet, dit Combet, dans les ordonnances royales de ces temps et des temps subséquents, ces expressions : « Nos chers et bien aimés les Manans et habitants de notre ville d'Uzerche au Bas-Pays Limousin ». Et il continue : « L'acception moderne du mot manant s'explique par le discrédit où tombèrent les bourgeois qui transportèrent leur domicile à la campagne, et par le mépris avec lequel certains seigneurs affectèrent de les traiter. Manants, habitants, bourgeois, sont des termes dont la signification est à peu près la même ; la différence consiste en ce que les bourgeois étaient des hommes qui payaient une rente au seigneur pour avoir le droit de posséder un héritage dans l'intérieur d'une ville, tandis que le manant était celui qui habitait un village ou un bourg sous la même condition » (Hist. d'Uzerche, p. 129).


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De même le mot Paysan; il voulait simplement dire en lui-même : habitant les collines ou le bord des eaux. C'est là sa vraie signification, soit qu'on le fasse dériver du latin pagus ou du grec Ttayo; ou Tr/m, colline, source, fontaine, habitant les hauteurs. L'habitude est, en effet, de fixer les habitations sur les hauteurs ou près des eaux. Le chroniqueur de Vigeois veut donc simplement dire habitant de la campagne.

Et puis, au Moyen-âge, Paysan voulait uniquement dire homme qui supporte des charges de l'Etat, qui paye certaine taille et fait quelque corvée ; ce nom n'avait nullement la signification désavantageuse qu'on veut bien lui assigner quelquefois de nos jours : « C'est un paysan. » (V. Bescherelle).

Nous le répétons : le vilain, le manant, le paysan de Maumont en était là. Il jouissait les terres de ce village moyennant une redevance au vicomte son voisin, et tout nous porte à croire que la cire répandue avec tant de profusion le long de la cour du château de Ventadour faisait partie de l'annuité que Maumont payait au suzerain de nos montagnes. Il paraît même, d'après certains auteurs, que c'était là toute sa redevance ; la cire vierge était alors d'une extrême rareté et d'un prix fort élevé. (Bibliothèque de l'abbé Niel).

Le paysan, devenu seigneur de Maumont, avait pour enfants se disant ce neveux d'Archambaud de Solignac, et d'Alboin, archidiacre de Limoges » : . 1° Hugues, qui entra en religion et remplaça même son oncle, Archambaud de Solignac. Il ne fut pourtant pas son successeur immédiat ; ce- ne fut que quinze ans après qu'il fut élevé à la dignité abba-


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tiale, en 1194, et sept ans après il rendait son âme à Dieu (Abbé Niel).

2° Guillaume, qui en même temps que son frère Hugues gouvernait l'abbaye de Solignac, était chanoine de Limoges. Il se trouve à Grandmont, en 1221, le jour de la prise d'habit du vicomte Ebles V de Ventadour, et signe l'acte officiel avec Marie de Turenne, épouse du vicomte bénédictin, et avec Raymond et Ebles, leurs enfants, qui avaient voulu accompagner l'une son époux et les autres leur père jusqu'à l'autel du sacrifice des grandeurs de ce monde (Geoff. de Vig., p. 148; Marvaud, T. II, p. 95-97).

Ce Guillaume est compté au nombre des bienfaiteurs du monastère de Meymac.

3° Pierre Pr, chevalier, qui fait également des donations à Meymac, dans le xne siècle.

A partir de Pierre Ier de Maumont, nous avons la généalogie de sa famille. Voici comment l'établit M. l'ingénieur de Fontanges, dans sa Notice historique sur la seigneurie et le château de Maumont (1887):

1° Pierre Ier eut Guillaume de Maumont, qui fut curé de Rosiers et d'Egletons en 1273, et Pierre II qui suit ;

2° Pierre II, qualifié damoiseau en 1275, et en 1307 chevalier, seigneur de Maumont, épousa Marguerite de Gimel, qu'un titre de 1301 appelle Peyronne. Elle lui apporta la seigneurie du château supérieur de Gimel. Entre autres enfants, ils eurent Bertrand Ier qui suit;

3° Bertrand Ier, par son mariage avec Adélaïde de Châteauneuf, devint seigneur et baron de S1-Vit, près de la Croisille (Haute-Vienne), de Saint-Germain-


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les-Belles-Filles, de Châteauneuf, tout en restant seigneur en partie du château supérieur de Gimel et de Maumont de Rosiers. Ils eurent : Gobert, non marié ; Isabeau, femme de Hugues de la Roche ; Dauphine, mariée à Pierre de Mallevai, et Pierre III, qui continua la famille.

4° Pierre III, seigneur en partie de Maumont, de Gimel, de Châteauneuf, de Saint-Vit, de TournoëL épousa Anne, fille de Renaud d'Aubusson, seigneur de la Borne, de Monteil-le-Vicomte, vicomte de la Feuillade. Ils eurent trois enfants : Bertrand II, auteur de la branche de Fromental, que nous allons retrouver à la tête de la famille de Maumont; Pierre IV, coseigneur de Maumont et de Gimel, qui prit le titre de damoiseau et se disait majeur de 14 ans et mineur de 25 dans le contrat de mariage de sa soeur avec Elie de Noailles, en 1349 ; il épousa Louise, fille de Robert Dauphin d'Auvergne, seigneur de Jaligny, et d'Isabeau de Chastel-Perron, dont il ne paraît pas avoir eu d'enfants; et, enfin, Jean Ier qui suit.

5° Jean Ier, aîné, seigneur en partie de Maumont et de Gimel, seigneur de Saint-Vit, épousa, le 6 juin 1345, Marie, fille de Faure {Fabri) d'Egletons. Ce mariage fut accordé par Guillaume II Roger, vicomte de Beaufort, frère du pape montagnard, Clément VI ; la dot de Marie Fabri était de mille florins d'or, assurée sur la seigneurie de Bellovidère. L'année suivante, Guillaume II Roger épousa Guérine de Canillac (Auvergne), fille unique de Marc de Ganillac, et se trouva par ce mariage seigneur de la baronnie de Canillac.

Du mariage de Jean Ier de Maumont avec l'Egleton-


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naise naquit Bertrand' III qui suit. Jean Ier fut tué à la bataille de Poitiers (1356) et enterré dans l'église des Frères-Mineurs de cette ville (V. Annales d'Aquitaine).

6° Bertrand III épousa, le 4 septembre 1377,, Hélis, fille de Jean de Bonneval et d'Alix de Brème, et eut Antoine qui suit.

. 7° Antoine de Maumont n'eut que des filles de son mariage, et la seigneurie de Maumont échut à Bertrand II, auteur de la branche de Fromental, fils de Pierre III et d'Anne d'Aubusson.

8° Bertrand II de Fromental, coseigneur de Maumont, de Gimel et de la Roche (château du bourg de Saint-Vit), capitaine de Fleix, avait épousé une fille de Guy de Saint-Martial, soeur de Pierre, archevêque de Toulouse. De ce mariage naquirent : Bertrand, évèque de Mirepoix, présent en 1398 au contrat de mariage de sa nièce Catherine de Maulmont avec Jean de Monceaux, et Jean II qui suit.

9° Jean //épousa, en 1372, Hélène d'Aigrefeuille, fille d'Àymard et soeur de Guillaume II d'Aigrefeuille, cardinal de l'Eglise Romaine en 1366. De ce mariage naquirent : Bertrand, évêque de Tulle, mort en 1425 ; Hugues, qui fut abbé de la Chaise-Dieu ; Géraud, abbé de Saint-Pierre d'Uzerche ; Catherine, mariée en 1398 à Jean de Monceaux, seigneur d'Escorailles, dont le contrat de mariage fut passé en présence de l'évêque de Mirepoix, oncle de la mariée (V. ci-avant), et enfin, Nicolas qui suit.

10" Nicolas, seigneur de Maulmont, Saint-Quentin, Fromental, Saint-Léger, Saint-Martial de Gibanel, cité dans les hommages de 1414, 16, 19 et 1437,


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épousa en 1415 Catherine, fille de Jean d'Aubusson, seigneur de la Borne et de Monteil-le-Vicomte, et de Guyonne de Monteruc. Ils eurent Pierre V qui suit.

11° Pierre V, seigneur de Maumont, Laterie, Chadeau, la Bastide, épousa en 1435 Catherine Joubert, fille du seigneur de la Bastide, et dès lors l'écusson des Maumont fut chargé des armes des Joubert : « D'azur fascé d'or à 3 fleurs de lys de même, 2 en chef et 1 en pointe ».

Ce sont les écussons qui dominaient, comme clefs de voûte, dans l'ancienne chapelle de Maumont, avec les armes de l'épouse de Charles de Maumont : « D'or à deux membres (ou pattes de griffon, d'autres disent de faucon,) arrachés de gueules surperposés et armés de sable (ou d'azur) », époux d'Anne de Bourdeilles, fille de François et d'Hilaire du Fou. Il était seigneur de Maumont, Fromental etVillars, baron de la RocheLimosy, et vicomte de Bridiers ; il mourut en 1526.

Pierre V eut de son mariage : Anne-Catherine qui nous occupe et Bertrand III. Tandis que ce dernier, seigneur de Maulmont, de Fromental, Saint-Quentin, Saint-Léger, Magnac et en partie de la vicomte de Bridiers, continua la famille de Maumont en épousant Jeanne, fille de Léger, baron de la Roche et de Magnac, qui lui donna Gilles, marié en 1492 à Françoise de Culant, fille de Louis, seigneur de Culant et de Saint-Désiré, conseiller, chambellan du roi, gouverneur du Berry, et de Michelle de Chauvigny, revenons à l'abbaye de Bonnesaigne, au moment du trépas de Dauphine de Chabannes.

A la mort de cette abbesse (29 mai 1469), les religieuses de l'abbaye montagnarde furent loin de s'en-


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tendre pour lui donner une remplaçante. La majorité des suffrages se porta immédiatement sur Blanche de Gimel, religieuse à Notre-Dame de la Règle de Limoges, et la minorité sur Anne-Catherine de Maumont, et ce fut elle qui triompha pour quelques mois. Le pape Paul II, lui-même, pour des raisons que nous ne connaissons pas, fut du côté de la minorité, et par un bref du 29 janvier confirma l'élection d'AnneCatherine de Maumont.

De là les mésintelligences.

Finalement, après une année de lutte, Anne-Catherine de Maumont fit preuve d'intelligence et de vertu : elle céda son titre d'abbesse de Bonnesaigne moyennant 40 écus d'or de pension et l'obtention d'un bénéfice égal à celui qu'elle délaissait. Ces deux conditions furent acceptées : elle fut faite abbesse de la Règle d'où venait sa concurrente, et où elle eut pour remplaçante sa propre nièce, Catherine de Maumont, fille de Bertrand III et de Jeanne de Léger ; et le calme se rétablit, au moins en apparence pour un temps, dans la remuante abbaye de Bonnesaigne.

Encore une fois, pas plus dans ces compétitions abbatiales que dans les questions de pitance et de jeunesse qui agitèrent les têtes du couvent de Bonnesaigne, nous ne voyons les Ventadour impliqués. Le champ reste libre aux intrigues des familles secondaires de Chabannes, de Maussac, de Maumont et de Gimel, causes jusqu'ici des émotions plus ou moins répréhensibles qui faisaient vibrer les imaginations de nos bénédictines derrière leurs murailles austères. Nous allons établir bientôt que ce sont toujours ces mêmes familles unies par le sang, et jamais les


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Ventadour, qui furent les promotrices des désordres plus graves encore que nous aurons à déplorer dans l'abbaye de Bonnesaigne : cuique suum !

Arrivons maintenant à l'heureuse concurrente d'Anne-Catherine de Maumont, et disons si Blanche de Gimel, qui fit pourtant du bien à son abbaye, futune abbesse politique.

§ XXVIII. — BLANCHE DE GIMEL (1470-1504)

Gimel porte : Bourrelé d'argent et d'azur à la bande de gueules brochant sur le tout.

Lorsque la majorité des suffrages exprimés par les Bénédictines de Bonnesaigne l'appela à régir cette abbaye, en 1469, Blanche de Gimel, âgée seulement de 26 ans, était déjà professe en l'abbaye de la Règle.

Et lorsque sa concurrente, Anne de Maumont, élue par la minorité et confirmée par bref du pape Paul II (29 janvier 1470), eut consenti à se désister moyennant les compensations que nous avons dites, Blanche de Gimel fut confirmée abbesse de Bonnesaigne.

Elle prit possession de son abbaye, en vertu d'un bref apostolique donné le 29 août 1470.

« Blanche fut élue, mais elle ne fut pas pacifique » (Bonaventure de Saint-Amable, T. III, p. 461).

« Blanche de Gimel fut installée, l'année suivante, par l'abbé de Bonnaigue, qui avait reçu les bulles apostoliques et qui lui tenait une main, et par Pierre de Ventadour qui lui tenait l'autre, en qualité de fondateur et de représentant du vicomte (lisez comte) son père » (Dict. des Paroisses, T. I, p. 370).

Les historiens nous disent communément que, ce


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jour-là, « l'autorité des Ventadour se montra surtout abusive, en prenant ainsi part à la nomination et à la mise en possession de l'abbesse Blanche de Gimel ».

Ici, avant d'aller plus loin, un mot d'explication devient nécessaire.

Pour ne pas remonter plus haut, Bernard de Ventadour, le glorieux prisonnier de Poitiers, et Robert, son fils, chassés l'un et l'autre de Ventadour par l'aventurier Geoffroy-Tête-Noire, dont nous parlerons en son lieu; Jacques, fils de Robert, époux deN. de Torsay, fait prisonnier à Azincourt, mort vers 1422, sans postérité, et Charles, son frère, époux de Roberte d'Auvergne, mort après 1445, me paraissent s'être passablement désintéressés des affaires de Bonnesaigne : ils avaient d'autres soucis en tête ; et nous avons vu les abus faire alors leur apparition sous les voûtes de l'abbaye.

Louis, fils de Charles, époux de Catherine de Beaufort dame de Char lus, fille de Pierre-Roger dernier rejeton mâle de^l'illustre famille des papes de Rosiers, voulut réagir contre ces abus et montrer, aux petits intrigants des environs qui en étaient les auteurs, qu'il était encore quelque chose dans cette abbaye que ses ancêtres avaient comblée de bienfaits et où ils avaient toujours maintenu l'ordre, la discipline et les vertus religieuses par les nombreuses abbesses sorties de leur illustre et vaillante race, par ailleurs si chrétienne.

Voilà pourquoi le 29 août 1470, ne pouvant assister lui-même à l'installation d'une fille des intrigants Gimel, Louis se fit représenter ce jour-là par son fils Pierre, qui, au nom de son père, devait conduire


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Blanche de Gimel par la main. Le' comte entendait montrer par là, à la nombreuse assistance accompagnant la jeune abbesse de l'église au monastère, delà salle capitulaire au dortoir, de la salle à manger à la cuisine, de l'infirmerie aux cellules des religieuses, etc., que Ventadour aurait désormais, un peu mieux que par le passé, l'oeil ouvert sur Bonnesaigne.

Hélas ! le mal était fait ! La division était dans le couvent; les Ventadour furent impuissants à en détourner les fâcheuses conséquences et à y ramener la primitive obéissance.

Du reste, deux ans après l'installation dont nous parlons, la première race de nos vicomtes de Ventadour disparaissait de nos montagnes. En 1472, en effet, Blanche de Ventadour, unique héritière de Louis qui venait de faire cet acte d'autorité dans Bonnesaigne, donnait sa main en mariage à Louis de Lévy, seigneur de la Voulte, en Vivarais. Nous disons : « Unique héritière »., car son frère Pierre venait de mourir sans avoir contracté mariage, et son autre frère, Jean, déjà religieux, allait bientôt devenir abbé d'Obazine (1484-1517).

Les Gomborn avaient duré à Ventadour 434 ans, de 1059 à 1493, date de la mort de Louis dont nous nous occupons.

Est-ce grâce à la surveillance que le 'dernier comte, Comborn-Ventadour, exerça sur Bonnesaigne, ou à toute autre heureuse influence venue de je ne sais où,. que l'abbaye montagnarde fut calme, paisible et fervente, sous l'abbesse de Gimel ? Je l'ignore.

Toujours est-il que, durant les 34 ans de règne de cette abbesse, Bonnesaigne prospéra à vue d'oeil. Le


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nombre des religieuses monta, un an après son élection, de neuf à dix-neuf, et s'y maintint.

Cette abbesse augmenta considérablement les revenus de son abbaye ; elle lui fit unir les prieurés de Veyrières (Vervilles), de Peychadoire et de Muratel, par un bref apostolique qu'elle obtint du pape Sixte IV.

Sur la fin de ses jours, pourtant, Blanche de Gimel commit une imprudence qui déteint sur toute sa longue administration ; elle ne fut pas politique, et fit la grosse faute de céder sa place, en 1504, à sa nièce, Marguerite de Gimel, ce qui fut la cause de bien des désordres dans son abbaye !

D'après M. Champeval (papiers de Lentillac), Blanche de Gimel vivait encore en décembre 1508.

§ XXIX. — MARGUERITE DE GIMEL (1504-1537)

Blanche de Gimel, venons-nous de dire, céda sa place, en 1504, à Marguerite de Gimel, sa nièce, qui, pendant quaranle-deux ans, fut la plus malheureuse des femmes. Ses malheurs commencèrent le jour même que sa tante démissionna en sa faveur.

Ce même jour, en effet, deux religieuses de la communauté de Bonnesaigne élurent, pour remplacer la tante au détriment de la nièce, Jeanne de Veyrac, dans la chapelle de Boschaud, dépendance de Saintr Angel.

Cette nouvelle concurrente était de la maison de ce nom, paroisse de Saint-Cirgues (Xaintrie), cohéritière de la maison de Merle et coseigneuresse de Saint-Cirgues, où le choeur de l'église de Saint-Jean avait à la


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fois sa litre et sa sépulture ; famille qui associa tour à tour à son château local les seigneuries de Malesse, Gussac (Auvergne), Pouls, Sexcles, défendit vaillamment contre les Anglais la forteresse de Merle et disparut vers le milieu du xvie siècle (Dictionnaire des Paroisses).

Evidemment, l'élection de Jeanne de Veyrac, par deux voix, ne pouvait avoir aucun résultat, et n'en eut aucun, en effet; mais c'était une deuxième lutte dans le couvent, toujours en dehors des Ventadour.

Marguerite de Gimel, soutenue par le pape et le roi, triompha de Jeanne de Veyrac, sa rivale. Elle fut mise dans sa charge en juin 1505, par un bref de Jules II et un placet de Louis XII. Mais elle ne fut pas en repos à cause de l'élection de Jeanne de Veyrac, qu'elle eût toujours sur le coeur ; et puis, avec son caractère hautain, elle ne sut pas se plier sous le joug de l'humilité, se faisant toute à toutes, pour gagner l'affection de ses compagnes et les conquérir à NotreSeigneur Jésus-Christ.

Les têtes s'inclinèrent sous l'autorité de sa crosse, mais les esprits ne se soumirent jamais et les coeurs restèrent toujours vides d'affection pour elle. Néanmoins, malgré le vide que. l'on faisait autour d'elle, Marguerite de Gimel semble s'être occupée des intérêts de son abbaye; c'est ainsi qu'en 1515 nous la trouvons, tantôt à Bonnesaigne tantôt à Champagnac (Auvergne), traitant diverses affaires. Voici ce que M. l'abbé Poulbrière a découvert à ce sujet, dans les minutes de J. Dohet, notaire de Rilhac-Saintrie :

« 10 juillet 1515 —In aulà abbaliali monasterii Bonessaigne, noble et honorable dame Marguerite


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de Gimel, abbesse de ce monastère, donne à Me Jean d'Escures not. royal du lieu même de Bonnesagne, investiture d'un pré par lui acheté et appelé de Lespinasse, situé au Mas del Feyt, confrontant avec le chemin allant du lieu de Lerm au lieu de Combressol et avec le pré appelé de Lespinasse de Jean-petit del Feyt. Prix 16 livres tournois. Vendeur Pierre dit lo moyne del Feyt. Témoins de l'investiture : Dno Helia Malortigue, pbro et Bertrando Lobas, servitoribus dicte domine, habitatoribus Bonessanhie:

« Même jour et lieu. — Investiture pour la Porte, hôte dud. Bonnesaigne, qui avait acquis lo prat Noalhac, aux appartenances de Combressol, confrontant avec pré d'Ant. Cauti et le pré del Veyrat; une terre appelée de la Cham Gaillard, confrontant avec chemin public de Combressol à Maussac et avec terre de Guillaume Cauti ; une pièce de terre... confrontant à terre de Bernard Delayre (Dreleyre? auj.) e( à terre de Pierre Cogusle ou Cogurle ; autre appelée à la Vernhe et Pauc avec un pastural, confrontant à terre de François Deleyre et d'Antoine Cauti ; enfin un autre pastural dit de las Noals, confrontant à pré des héritiers de feu Jean de las Borie et pastural de François Delayre ».

Un mois après ces arrangements, l'abbesse de Bonnesaigne se trouvait dans son prieuré de Champagnac pour visiter ses religieuses et passer les conventions suivantes :

« Le 6 août même année 1515, à Champagnac d'Auvergne, investiture donnée à Etienne Pigeyrol prêtre, curé ou vicaire perpétuel de ce lieu, par la même abbesse, prieure en même temps de Champa-


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gnac et de Veyrière, membre dépendant de son abbaye ; témoins : Jean Chassée, prêtre de Bonnesaigne.

« Le 15 août. Investiture donnée par la même, en sa maison priorale de Champagnac, à un habitant de ce lieu.

« Le 27, elle nomme son procureur pour la perception de ses droits abbatiaux le prêtre Hélie Malortigue, du diocèse de Sarlat. Jacques La Porte, de Bonnesaigne, se porte caution dud. prêtre pour la moitié de la perception.

« Le 15 septembre, elle y donne une investiture à Antoine Ghanals du Mas de Ribeyrols, paroisse de Saint-Julien, prope Sarro (auj. près Bort), pour acquisition aux appartenances du Mas de la Grange, dite paroisse.

« Le 16, elle y fait des transactions avec des gens de Champagnac ».

Après cela, Marguerite de Gimel rentra à Bonnesaigne.

« Le 6 décembre, elle y donne investiture à des Delbos, du Mas del Bos, paroisse de Lamazière-Basse ; témoin, avec le prêtre Malortigue, noble et religieux homme Pierre-Claude de Gimel, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

« Le 7, elle investit encore Antoine Vieyres, prêtre du lieu de Maussac, acquéreur d'Antoine Delbos, dite paroisse, d'un pré appelé Longaygue, aux appartenances dud. Maussac, confrontant avec l'eau de Longaygue, le pré del Vieyres et le pré de François Delbos. Prix, 9 livres de monnaie courante. Acte d'achat reçu par Me Louis Planet.

T. XXV. 1 - 3


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« Même jour, investiture de Catherine Delayre, veuve de Combressol, pour permutation de maison et jardin aud. lieu, confrontant, la maison avec maisons de deux Delayre, le jardin avec jardin d'Antoine Salesse et avec pré de la Borie.

« Item, acquisition par elle, de Jacques Laporte, de Bonnesaigne, du pré dit de Soubtz las eslras, dessous les fenêtres, au dit lieu, confrontant au pré de la Salle, de lad. dame, la pêcherie de la même et le pré de Jean Laporte. Prix : 8 livres de monnaie courante.

ce Puis, même jour, investiture de diverses gens, entre autres du prêtre Pierre de Lestangui, à Combressol, à Maussac, paroisses (pour la première, villages des Flottes, du Noudès, gens du même nom).

« Le 7 janvier 1516, elle investit Me Légier de Mari, baschelier en lois, notaire de la ville de Meymac, par achat à Pierre dit lo Gros, de Cros (Combressol), d'un pré appelé del Timble (!) aux appartenances du Mas del Monclouso, confrontant au bois du même nom (Del Monclouso) d'un côté et chemin de Combressol el navis sur deux côtés.

« Item le 15, Antoine Dupuy, marchand de Neuvic, par.acquisitions, à deux autres Dupuy, frères, du mas de Bezeaud, dite paroisse, et à deux autres en d'autres mas ».

Enfin, le 17 janvier 1516, l'abbesse Marguerite de Gimel termina à l'amiable une grande contestation qu'elle avait avec un de ses voisins, de Bonnesaigne même. L'acte qui en fait mention est le premier acte français du registre, avec titre latin, que nous venons d'analyser. Il débute par ces trois lignes latines :


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Pro honorabili et religiosa Dna abbatissa Bonnessaigne, Guillelmo dicto Guillot, magistro Johanne et Johanne La Porta transaclio.

Voici ce dont il s'agissait ; laissons parler le notaire :

Comme « l'abbaye (de Bonnesaigne) est une belle abbaye, de noble et ancienne fondation, et laquelle a esté dotée de plusieurs beaux biens et villages, mouvens et tenus de l'abbesse, à cause "desquels luy sont dehus plusieurs cens, rentes, dixmes et aultres drocz et devoirs annuels », l'abbesse « pour recolliger et amasser les fruictz de son abbaye, a coustume de y tenir ung recepveur ».

Le receveur était tenu naturellement de rendre compte à la dame abbesse des cens, rentes et autres droits et devoirs de l'abbaye dont les intérêts lui étaient confiés, et cela annuellement.

Depuis trente ans c'était feu maître Pierre Laporte, de son vivant curé de Maussac, qui était chargé de cette délicate mission, commençant à la Saint-Michel et finissant à pareil jour de l'année suivante. Le curé de Maussac passa de vie à trépas avant d'avoir fini l'année 1514-1515, et ce furent ses héritiers, les Laporte, surtout Jean et Monsieur Jean qui, continuant la charge de leur oncle, s'emparèrent de la recelte déjà réalisée et perçurent les cens, rentes et autres devoirs qui étaient en retard ou non échus au moment de la mort de leur bienfaiteur.

Mais ils ne se pressaient pas, au gré de l'abbesse, de rendre leurs comptes de gestion.

L'abbesse réclamait non seulement les recettes de l'année 1514 à 1515, mais encore certains arrérages


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dus par l'ancien curé de Maussac, arrérages qui, pendant sa longue gestion de trente ans, avaient fait la boule de neige et devaient s'élever à plus de dix mille livres tournois, à raison de cent livres tournois par an.

A ces réclamations de Marguerite de Gimel, les Laporte répondaient : Nous ne sommes tenus de rendre que les comptes d'une année, Pierre Laporte ayant toujours rendu compte des années précédentes à Madame de Gimel elle-même, et à sa précédente, Blanche de Gimel, dont il existe quittances générales et particulières.

Pour les comptes de l'année de leur gestion, ils étaient prêts à les rendre, et s'ils ne les ont .pas rendus plus tôt, « c'est à cause de certaines menaces proférées par l'abbesse et par ses serviteurs, menaces qui les avaient effrayés et à la suite desquelles ils n'avaient osé venir à l'abbaye, ni s'approcher de l'abbesse, pas même du lieu de Bonnesaigne ».

Ils ajoutaient que, lors même que leur oncle aurait été en retard de quelque petite somme, l'abbesse avait lieu d'être satisfaite, puisque, après la mort du dit Lapoite, curé, ils avaient eux-mêmes donné à MM. ses frères la somme de seize ou dix-sept cents livres tournois, soit aux MM. de Digmel [sic], soit à l'aumônier de Tulle, ses frères, dont ils avaient quittance, et de plusieurs autres choses qu'ils avaient données à Mme l'abbesse, etc.

Non satisfaite de toutes ces explications, MmD l'abbesse fit appointer les frères Laporte de la somme de cinquante écus d'or pour les préjudices que de tels retards avaient causés à son monastère. Enfin, de part et d'autre, effrayés de la tournure


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que prenait cette affaire embrouillée, les belligérants furent d'avis d'en finir à l'amiable. C'est pourquoi le 17 janvier 1516 ils passèrent, au lieu de Bonnesaigne et en la salle abbatiale du monastère, la transaction suivante :

1° Les dits Laporte seront tenus de payer à Mme l'abbesse, tant pour raison de ce qu'ils pourraient avoir plus reçu que baillé durant le cours de l'année 1514, que pour les arrérages qui pouvaient être dus par leur oncle dont ils étaient les héritiers, depuis le premier jour de son entrée en fonction jusqu'au jour de son décès, la somme de huit-vingts livres tournois payables, quatre-vingts livres tournois le premier lundi de Karesme prochain venant, et autres quatrevingts livres tournois dans le jour de Noe prochain venant ; le tout payé et porté à Mrae l'abbesse, en sa maison abbatiale de Bonnesaigne.

2° De plus, les Laporte devaient payer toutes les charges ordinaires de l'abbaye dues depuis trente ans, pendant le temps de la recette, soit aux dames religieuses de l'abbaye, soit aux vicaires et autres, excepté ce qui pouvait être dû à Jacques Sanolhac, cordonnier de Saint-Angel, à cause des fournitures qu'il avait faites à l'abbaye, en ouvrage.

3° Les Laporte étaient enfin tenus de garder de dommage et de payer à maître Loys Planet, notaire à Meymac, vingt-quatre sétiers de seigle et cent qartes d'avoine, mesure de Bonnesaigne, si toutefois ils ne l'ont déjà soldé, et aussi le tenir quitte envers le curé de Meymac.

Moyennant quoi, les Laporte demeuraient quittes envers l'abbesse de toutes ses revendications.


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L'abbesse, à son tour, levait la saisine et la mainmise et leur rendait leurs biens pris et saisis ; de part et d'autre on renonçait à tous procès ou procédures faites d'un côté et d'autre, etc. De part et d'autre on loua, approuva, etc., la transaction qui venait d'être passée, et que l'on promettait et jurait de tenir ; on hypothéquait ses biens et on se soumettait à la cohercion et compulsion de M. le Sénéchal du Limousin, officiai de Limoges, juge ou bailli de Ventadour, et juge ou bailli de Mme l'abbesse, etc., etc.

Fait double en présence de noble homme maître Antoine Andrieu, bachelier en décrets, sieur de Laguane (de Saint-Exupéry), et de Eme Bardin de Bellecroix, habitant du lieu d'Eyde, diocèse de Limoges et deGlermont, témoins, etc. (Minute sans signature).

L'année suivante (1517), douze ans après son installation, Marguerite de Gimel commit à peu près la même faute que sa tante : elle donna le prieuré de Champagnac (Auvergne) à sa nièce, Marie de SaintGhamant, qui n'avait que dix ans. Cette prieureenfant était fille de Pierre de Saint-Chamant, seigneur de Scorailles, et de Marguerite de Sainte-Aulaire.

Un an après (1518), la faute ou l'imprudence fut encore plus forte. Se trouvant malade, à toute extrémité, l'abbesse Marguerite de Gimel résigna, à la jeune prieure de Champagnac, l'abbaye de Bonnesaigne.

Cette petite abbesse de onze ans était assurément incapable de gouverner Bonnesaigne. Le pape Léon X, par un Bref, nomma alors deux ecclésiastiques pour administrer le temporel de la communauté.

Vaines précautions !

Bonnesaigne et Villevaleix refusèrent toujours de


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reconnaître cette enfant pour abbesse, jusqu'à ce que leur opposition fût réduite à néant par le Parlement de Bordeaux, car les affaires en allèrent jusque-là.

Sur ces entrefaites, l'ancienne abbesse, Marguerite de Gimel, étant guérie, reprit, sans aucun droit, la direction de l'abbaye de Bonnesaigne, au grand mécontentement et des soeurs que froissait son caractère .altier, et de sa nièce Marie qui, arrivée à sa majorité de trente ans (1537), se hâta de prendre, à son tour, la direction de son abbaye ; on devine dans quel état et au milieu de combien de difficultés.

I XXX. — MARIE DE SAINT-CHAMANT (1537-1555)

Les armes des Saint-Chamant sont : De sinople à trois fasces danchées d'argent.

Marie de Saint-Chamant, nommée en 1518 par cession de sa tante, Marguerite de Gimel, et confirmée par bref de Léon X, ne put prendre les rênes du gouvernement de Bonnesaigne qu'en 1537, lorsqu'elle eut atteint ses trente ans. Elle fut bénite dans le château de Saint-Chamant le 12 juin 1541.

Pour se débarrasser de sa tante, elle lui donna le prieuré de Villevaleix, comme lieu de retraite, et la moitié des revenus de l'abbaye de Bonnesaigne.

Marguerite de Gimel partit donc de Bonnesaigne pour le prieuré de Villevaleix. Mais les guerres et d'autres difficultés intérieures la forcèrent à revenir à Bonnesaigne.

Ici, nous touchons au point le plus critique de l'histoire de notre abbaye montagnarde. Le fait que nous allons rapporter est tellement incroyable, qu'il faut


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toute l'autorité d'un auteur sérieux, comme le R. P. Bonaventure de Saint-Amable qui le livre, pour qu'il ne nous paraisse pas inventé à plaisir, si non absolument impossible.

C'est ici que la règle de sage critique, posée par le païen Horace, doit nous guider dans nos appréciations et nous empêcher de les porter trop sévères : Ubi j)lura nittent... non ego paucis Offendar maculis, quas aut incuria fudit, Haut humana parum cavit natura.

Voici donc le fait que nous livre l'histoire, sur le compte de la tante et de la nièce se disputant le pouvoir abbatial :

Revenue à Bonnesaigne, l'ancienne et hautaine abbesse, la fière prieure de Villevaleix, Marguerite de Gimel, ne put se plier à la loi de l'obéissance sous l'autorité abbatiale de Marie de Saint-Chamant. La tante ne put se soumettre à la nièce, qu'elle s'était pourtant choisie pour remplaçante.

Le retour et la présence de Marguerite de Gimel à Bonnesaigne furent un vrai malheur pour l'abbaye et un grand scandale, non seulement pour la communauté, mais encore pour la postérité. Il est unique dans la longue existence de onze siècles de Bonnesaigne qui, par suite des malheurs du temps, était en pleine décadence ; circonstances qui, sans excuser la faute, en diminuent l'horreur et nous montrent que, lorsque nous ne sommes plus guidés que par l'esprit du monde et non par la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde, c'est-à-dire par Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre pauvre nature déchue est capable de tout.


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Voici donc ce que rapporte l'historien de SaintMartial en Aquitaine :

« Là (à Bonnesaigne), portant envie à sa nièce, elle (Marguerite de Gimel) souffrit d'icelle (de Marie de Saint-Chamant) beaucoup de peines presque jusqu'à l'extrémité, et enfin mourut presque de faim, de disette et de maladie, abandonnée de tout le monde.

ce Et lorsque l'heure dernière sonna pour elle, le 6 janvier 1547, les religieuses traînèrent son corps, à l'abbesse Marie, avec une corde, pour la faire ensevelir, et le clergé du voisinage dût l'ensevelir par charité, sans réfection ni honoraires ».

Etaient alors curés dans le voisinage de l'abbaye : Jacques de Montaignac, de Darnets ; Pierre Chanal, de Soudeilles ; François Granier, d'Ambrugeac, etc.

ce Exemple estrange, continue le pieux religieux, pour détourner les supérieurs et les supérieures de favoriser aux élections la chair et le sang. 11 eut bien mieux valu à cette pauvre religieuse de n'avoir pas de nièce, ou de ne luy donner pas sa charge, qui luy servit pour luy mettre le pied sur la gorge, et peut-être la perdre pour jamais ».

Ni la tante ni la nièce ne furent deux abbesses heureuses et édifiantes pour Bonnesaigne.

L'abbesse Marie ne fut pas plus heureuse après qu'avant la mort de sa tante, ce Dieu ne le permit pas. Occupée à thésauriser et vivant hors dû cloître, elle tomba malade entre les mains de personnes intéressées qui, pour mieux la voler, cachèrent son état et la laissèrent mourir à 48 ans, sans secours religieux, le 14 mars 1555. Bonaventure de Saint-Amable dit que


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ce fut le 29 (Dict. des Paroisses, T. I, p. 371. — Bonavent., T. III, p. 460).

ce Ses actions, ajoute le Père Bonaventure, ne méritent pas qu'on en parle, sinon avec horreur ».

C'est une tache ; mais il y en a jusque dans le soleil. Elle est personnelle, car la famille de notre abbesse est une des plus anciennes et des plus honorables du Limousin ; Odon de Saint-Chamant, près d'Argentat, figure à la deuxième Croisade, et Gérald à la troisième. Treize ans après la mort de notre malheureuse abbesse, le sir de Saint-Chamant était nommé, dès la création de l'ordre, chevalier du Saint-Esprit (1578), par la volonté de Catherine de Médicis.

L'abbesse Marie, avons-nous dit, était fille de Pierre, seigneur de Scorailles, et de Marguerite de Saint-Aulaire.

Un François Murât de Beaupoil de Saint-Aulaire était curé de Darnets durant une bonne partie du temps (1482-1538) que ces sinistres événements se déroulèrent derrière les grandes murailles de Bonnesaigne ; c'était un parent maternel de l'abbesse, d'après M. Poulbrière.

Son frère aîné, Henri de Saint-Chamant, était déjà gouverneur de Thérouanne depuis deux ans (1553), quand arriva la triste mort de l'abbesse Marie dont nous parlons. Cette même année (1553), il défendit vaillamment la place qui lui avait été confiée, et, à partir de cet acte de courage, il mérita de porter une engrelure dans ses armes.

Quatre-vingt-douze ans plus tard, une autre fille de la maison de Saint-Chamant devint la XXXVIIme abbesse de Bonnesaigne, et, à l'exception de sa parente


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et de quelques autres, devait tenir à rendre le dernier soupir dans son abbaye.

Marguerite de Livron succéda à Marie de SaintChamant pour quelques mois.

§ XXXI. — MARGUERITE (alias CATHERINE par Nadaud) DE LIVRON (1555, quelques mois)

Les Livron portaient : ce D'argent à trois fasces de gueules et un franc quartier d'argent, chargé d'un roc d'échiquier de gueules ». Sur un de ses écussons se trouve, en partition, le ce Vairé d'or et de gueules » des Beauffremont.

Cette famille, originaire de la Champagne, se fixa chez nous dès les premières années du xive siècle.

Elie de Livron portait le titre de seigneur d'Ayen etd'Objat en 1341..

Son fils épousa, en 1361, Marie, fille du seigneur de Saint-Exupéry, près Ussel.

Antoine de Livron hérita de Marie de Pompadour, sa mère, de la seigneurie de la Rivière, paroisse de Beyssac, et épousa Marie de Noailles vers l'an 1413.

En 1477, Bertrand de Livron, seigneur de Vars, la Rivière et Objat, écuyer d'écurie de Louis XI, capitaine de Coiffy, en Champagne, est époux de Françoise de Beauffremont, dame de Bourbonne en cette province, qui, portant sa seigneurie dans la famille de Livron, fut cause d'une expatriation. C'est ce Bertrand qui portait les armes que nous avons décrites plus haut.

Vers 1587, nous trouvons un autre Bertrand de Livron, seigneur d'Objat, neveu probablement de


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notre abbesse d'un jour (V. Marvaud, T. II, p. 336. — Dict. des Paroisses : Objat.

Les Saint-Viance succédèrent par alliance aux Livron, à Objat.

Revenons à notre abbesse de Bonnesaigne.

Les vies agitées et les morts tragiques de Marguerite de Gimel (1547) et de Marie de Saint-Chamant (1555), ne servirent de rien aux gentilshommes de ces deux maisons unies par le sang. Elles auraient dû, ce semble, leur ouvrir les yeux et les corriger de leur malheureuse habitude de s'immiscer dans les affaires des communautés religieuses.

Il n'en fut rien.

Comme on était alors, — les faits que nous venons de citer ne le prouvent que trop, — en pleine décadence monastique, les Saint-Chamant, et les Gimel surtout, ne manquèrent pas d'intriguer pour l'élection d'une des leurs, afin de remplacer à Bonnesaigne l'abbesse défunte, Marie de Saint-Chamant.

Les intrigues combinées de ces deux familles aboutirent, en effet, à faire élire leur parente, Marguerite de Livron, peu après le 14 mars 1555.

L'élection fut faite, mais elle fut aussi cassé au bout de quelques mois de lutte. Marguerite de Livron ne put prévaloir contre sa concurrente, ce car l'ambition de commander s'était fourrée dans ce monastère » (Bonaventure).

Les de Chabannes aussi, alors tout puissants à la Cour, avaient pris part aux démêlés de Bonnesaigne, et ce fut une des leurs qui l'emporta et fit évincer l'abbesse Marguerite de Livron déjà nommée.

Devant tant d'intrigues, par ordre du pape et du


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roi, Marguerite de Livron, imitant le bel exemple d'Anne de Maumont, se dépouilla d'un pouvoir éphémère qu'on lui avait tous les jours contesté et se retira cette fois moyennant cent livres de rente annuelle seulement.

L'Auvergne l'emportait sur le Limousin !

Arrivons à son heureuse rivale, Catherine de Chabannes-Gurton.

§ XXXII. — CATHERINE DE CHABANNES-CURTON (1555-1605)

Cette abbesse, dite Catherine par de Ribier, et Marguerite par Courcelles, issue d'une famille de l'Auvergne qui nous est parfaitement connue et que nous avons vue fournir d'autres abbesses à Bonnesaigne, était déjà religieuse de Prouille, dans le diocèse de Saint-Papoul, à 20 kilomètres de Carcassonne, quand un Bref du pape et du roi l'en tira pour la faire supérieure de notre abbaye, de préférence à Marguerite de Livron qui ne garda le pouvoir que quelques mois après son élection.

L'abbesse Catherine était fille de Joachim, seigneur de Gurton, sénéchal de Toulouse, chevalier d'honneur de la reine Catherine de Médicis, qui pourrait bien avoir donné son nom à la supérieure qui nous occupe, le jour de son baptême.

Joachim de Chabannes s'était marié quatre fois.

La première fois, il épousa, en 1527, Pétronnelle de Ventadour, fille de Gilbert Ier et de Jacqueline Dumay, veuve d'André de Crussol. Il en eut un fils


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mort jeune, et Catherine, femme de François, baron d'Estaing et de Murol.

La seconde fois, il épousa Louise de Pompadour, dont il eut : Jean, mort sans lignée ; Isabeau, abbesse du Pont-aux-Dames ; Catherine, femme de François de Bar, baron de Baugi, et Hélène, abbesse de Vassy.

La troisième fois, il épousa. Claude de la Rochefoucaud, dont il eut : François, marquis de Curton, qui rendit de grands services au roi Henri IV, et épousa Renée du Prat, dont il eut : Christophe, Henri et Antoine, morts sans lignée, et Jean, héritier de ses frères ;

Joachim eut enfin, de ce troisième mariage, trois filles, parmi lesquelles l'abbesse Catherine, qui nous occupe.

La quatrième fois, Joachim de Ghabannes épousa Charlotte de Vienne, dont il eut : François, tige de la branche de Saignes; Gabriel, tige de la branche de Savigny-Piounzac, et Philiberte, mariée, l'an 1565, avec Jean de Mont-Boissier, dit de Beaufort, marquis de Canillac.

Le sénéchal de Toulouse, après avoir donné, de ses quatre mariages, de nombreux enfants à l'Église et à la Patrie, rendit son âme à Dieu, à Paris, en 1569.

Sa fille de Bonnesaigne est celle, de toutes les abbesses de cette communauté, qui a eu le plus long règne : cinquante ans !

Durant cette moitié-fin de siècle, Catherine de Ghabannes eut le temps de faire du bien à sa communauté. Bonaventure de Saint-Amable nous apprend, en effet, que cette abbesse « augmenta les prébendes de ses religieuses ».


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Inutile d'ajouter que, sous l'abbesse Catherine, nous étions en pleines guerres religieuses. C'est peutêtre la raison pour laquelle nous devons nous montrer moins sévère envers sa mémoire, pour un acte de légitime défense dont on l'accuse pourtant do s'être rendue coupable en 1563 : nous voulons dire l'hécatombe d'une bande dé Calvinistes qui avait envahi son abbaye. Plus tard, en la racontant, nous discuterons cette grillade qui fut suivie, deux ans après, de terribles représailles.

Pour le moment, contentons-nous de dire que cet acte de légitime défense, en temps de guerre, est loin d'égaler en atrocités ceux dont les perfides Anglais, armés jusqu'aux dents, se sont rendus coupables envers les femmes et les enfants des malheureux Boërs qui étaient sans défense.

Des femmes désarmées, à plus forte raison, peuvent défendre leur honneur par toute sorte de moyens contre d'infâmes brigands nocturnes, seraient-ils revêtus de l'uniforme militaire.

La grillade du Montclauzoux, qui peut très bien s'expliquer sans être imputée à l'abbesse, est peut-être ce qui valut plus tard, à la famille de Chabannes, la gloire dû martyre (1).

(i) Marie-Henriette-Hyacinthe de Fournier de Quincy, épouse en 1766 de Claude-François de Chabannes du Verger, seigneur d'Argoulais, de Montbaron, de Montbois, chevalier de Saint-Louis, capitaine de cavalerie au régiment de Broglie, fut en effet exécutée pendant la Révolution.

Receleuse de prêtres et de Mgr Louis-Jérôme de Suffren, évéque de Nevers, M"c veuve de Chabannes fut arrêtée un jour qu'elle venait d'entendre la messe dans une maison isolée de Clamecy, avec ses trois filles : Cécile, Marie-Henriette et Suzanne. Enfermée à Pressures,


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Catherine de Chabannes est la dernière abbesse que cette famille ait donnée à notre abbaye.

Elle rendit hommage de Bonnesaigne au duc de Ventadour, le 4 novembre 1599 (Champeval).

Neuf mois avant de mourir, elle fit un acte d'autorité qui doit lui faire pardonner beaucoup :

Le 1er juillet 1604, elle prit pour coadjutrice sa nièce, Gabrielle de Beaufort de Canillac, qui devait être, dès l'année suivante, la plus illustre des abbesses de Bonnesaigne ; on ne peut, cette fois, reprocher à la vieille abbesse d'avoir trop écouté, comme certaines de ses devancières, la voix de la chair et du sang.

Catherine de Chabannes, après cinquante ans de règne abbatial, décéda le 2 avril 1605, écrit M. Poulbrière; le 8 avril, publie la Semaine religieuse; et Bonaventure de Saint-Amiable avait dit longtemps avant : ce Ce fut le 8 août de l'an 1605 que cette abbesse passa de vie à trépas ».

L'une ou l'autre des deux premières dates peut être admise ; mais celle du bon religieux est évidemment fautive, car, quelques lignes plus bas, il nous

elle comparut à Clamecy le 15 janvier 1794. Envoyée à Paris avec dixsept autres prisonniers, elle fut enfermée à la Conciergerie et exécutée le 15 mars 1794 (25 ventôse an II).

Après la tourmente, Jean-Frédéric de Chabannes, marquis de Curton, colonel de cavalerie, un des soldats de l'indépendance des EtatsUnis, émigré en 1789 dans l'armée des Princes et dans celle de Quiberon, rentré en France en 1802, racheta sa terre de Madic qui avait été vendue nationalement, la revendit et mourut en 1836, laissant trois filles. Il fut le dernier des de Chabannes possesseurs de Madic, aujourd'hui splendide propriété de M. Joseph Spinasse, d'Egietons (V. La Révolution en Auvergne, par M. Serre).


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apprend que la remplaçante de Catherine de Chabannes fut nommée le 20 avril 1605. Ce fut Gabrielle de Beaufort-Canillac.

g XXXIII. — GABRIELLE DE BEAUFORT DE CANILLAC (1605-1651)

Beaufort porte : D'argent à la bande d'azur accompagnée de six roses de gueules.

Et Canillac : D'azur à un lévrier d'argent, accolé de gueules à la bordure componée d'argent.

Cette abbesse est de haute lignée. Elle descend en ligne directe de Guillaume Roger II, frère du pape de Rosiers, Clément VI.

Ce Guillaume Roger II, que nous avons vu accorder en 1344 le mariage de Jean de Maumont avec Marie Faure (Fabri), d'Egletons, devint, l'année même, vicomte de Beaufort, petite ville de l'Anjou, que Philippe de Valois lui avait donnée par lettres-patentes du 7 juin 1344. Dès lors, le nom primitif de Roger disparut insensiblement, pour ne laisser subsister que celui de Beaufort.

Ce premier vicomte de Beaufort (Guillaume II Roger) se maria trois fois.

Avant d'être vicomte, il avait épousé Marie du Chambon, dont il eut quatre enfants :

1° Pierre Roger, qui fut le pape Grégoire XI ;

2° Guillaume Roger III, mariée en 1349 à Eléonore de Gominges; acquéreur en 1350 de la vicomte de Turenne appartenant à sa belle-soeur, Cécile de Cominges, mariée à Louis de Poitiers, comte de Valentinois et de Diois. Il n'eut que deux filles, Eléonore,

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mariée à Edouard de Beaujeu, mort (1400) sans enfants, et Antoinette comtesse de Beaufort et vicomtesse de Turenne, mariée en 1393 à Jean Lemaingre, maréchal de Boucicaut II, créé chevalier la veille de la bataille de Rosebec (1382) par le roi Charles VI; fait prisonnier à Azincourt, où il conduisait l'avantgarde ; mort en Angleterre, des suites des blessures qu'il avait reçues (1421). Son épouse l'avait précédé de cinq ans dans l'éternité (1416), n'ayant eu de son mariage qu'un enfant du nom de Jean, mort presque au berceau ;

3° Nicolas, époux de Marguerite de Gallard (1370), fille unique de Jean, seigneur de Limeuil et d'Herment (Auvergne), et de Philippine de Lautrec, d'où Jean héritier, dès 1413, de sa tante de Turenne, et mis en possession de la vicomte après la mort de son oncle Boucicaut, qui en avait la jouissance depuis 1416, mais qui ne profita jamais des libéralités de son épouse, pour la raison que nous avons dite ;

4° Roger, seigneur de Rosiers,et du Ghambon, né en 1342, mort sans enfants.

En 1345, Guillaume II Roger, toujours simple vicomte de Beaufort, épousa, en secondes noces, Guérine de Canillac (Auvergne), fille unique de Marc, seigneur de Canillac, et d'Alixent de Poitiers. L'année d'après, par lettres-patentes, en date du mois d'avril 1346, la terre de Beaufort fut érigée en comté. C'était le cadeau de noces du roi de France.

De ce second mariage naquit Marques ou Marquis de Beaufort de Canillac, qui, en 1369, épousa Catherine-Dauphine, fille de Béraud, premier comte de Clermont, Dauphin d'Auvergne, et de Marie de Vie


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de Villemur. Ce Marqués de Beaufort de Canillac portait : ce Ecu droit, écartelé aux 1 et 4 de Beaufort » : d'argent à la bande d'azur accompagnée de six roses de gueules rangées en orles ; « aux 2 et 3 » ; d'azur au lévrier d'argent colleté de gueules, à la bardure componée d'argent, qui est de Canillac ».

Ce sont, on le voit, les armes de l'abbesse Gabrielle dont nous nous occupons, sauf qu'elles ne sont pas écartelées; elles n'en avaient pas besoin.

Du mariage de Marques naquit Louis Roger de Beaufort, vicomte de Canillac, qui se maria deux fois :

1° Avec Jeanne de Norri, fille d'Etienne, seigneur de Norri, et de Jeanne, dame de Passac;

2° Avec Jeanne, fille de Jean, baron de Montboisier, et de Catherine de Chalençon.

Ce Louis était aussi comte d'Alet, vicomte de la Mothe et de Valerne.

De son mariage avec Jeanne de Norri naquit Charles-Roger de Beaufort, marquis de Canillac. CharlesRoger épousa Jeanne de Chabannes, fille d'Antoine, grand-maître de France, et de Marguerite de Nanteuil, comtesse de Dammartin.

Sans nous attarder plus longtemps à établir une généalogie parfaitement inutile, disons tout de suite que Gabrielle de Beaufort de Canillac était issue de ce mariage et qu'elle eut pour soeur Marie, qui épousa Louis de Montmorin, dont nous allons trouver bientôt les deux filles : Anne et Marie-Françoise, à l'abbaye de Bonnesaigne, auprès de leur tante.

De grande et illustre lignée, notre abbesse se ressentit toujours, durant ses 46 ans de gouvernement,


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de la distinction de son origine. C'est, sans contredit, la plus éminente des supérieures de Bonnesaigne.

Coadjutrice de Catherine de Chabannes, sa tante, le 1er juillet 1604, elle fut nommée abbesse, par bref du pape, le 20 avril 1605.

Intelligente, active, pieuse et charitable, Gabrielle de Beaufort fit un bien infini au dedans et au dehors de sa communauté.

Elle releva son abbaye à tous les points de vue ; dès avant sa profession, ce elle avait mangé son patrimoine pour la rétablir », après les épreuves terribles des guerres de religion, dont nous parlerons dans un autre chapitre.

Au point de vue matériel, elle augmenta les bâtiments du monastère; en releva les ruines, entre autres celles du clocher qui, plus ou moins épargné par la guerre, venait d'être foudroyé pour la troisième ou quatrième fois (1400-1434-1597-1598). La dernière fois, surtout, le clocher fut abattu et la voûte écrasée. Mais rien ne fut au-dessus du courage de l'intrépide abbesse.

Pour ramener dans sa maison une modeste aisance, depuis longtemps disparue par suite des malheurs de la guerre ou de la mauvaise gestion de certaines abbesses, elle obtint que quelques prieurés fussent unis à la mense abbatiale : Villevaleix, Champagnacles-Mines (1605). (V. Chap. III, § II, n° 2).

Elle réussit aussi à relever son abbaye au point de vue moral et spirituel, et à rendre la clôture obligatoire. Pour ramener parmi ses soeurs l'esprit d'obéissance,


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de soumission et de piété, pour les faire vivre, en un mot, dans l'esprit de leur vocation, elle leur fit donner de fréquentes retraites par les prédicateurs les plus en renom, par leur sainteté surtout plutôt que par leur éloquence. C'est ainsi que nous trouvons à Bonnesaigne, du temps de l'abbesse Gabrielle de Beaufort, le célèbre oratorien Jean Le Jeune, ou le Père aveugle, avant ou après ses inoubliables missions à Tulle et à Treignac. Nous raconterons, dans le chapitre des épreuves de Bonnesaigne, la curieuse aventure qui lui arriva un jour de cette retraite.

Nous l'avons déjà dit, en un autre endroit de cet ouvrage, jusqu'à cette abbesse les religieuses de Bonnesaigne faisaient bien voeu, le jour de leur profession, d'observer la règle de saint Benoît; mais, en réalité, c'était ordinairement la volonté, pour ne pas dire le caprice, des supérieures qui leur servait de règle. Pour couper court à ce grave abus, cause de tant de désordres dans l'abbaye, Gabrielle de Canillac fit dresser de nouvelles constitutions par quatre hommes éminents, du nombre desquels saint Vincent de Paul, et exigea que la clôture ne fût plus lettre morte, en donnant elle-même la première à ses filles l'exemple de la résidence la plus rigoureuse, derrière les hautes murailles et les grilles austères de son couvent (1645).

Elle vit aussi une cause d'abus qu'il fallait réformer à tout prix, dans l'influence que les seigneurs de Ventadour avaient exercée, de temps immémorial, sur les affaires intérieures de sa maison, en vertu de titres établis en 1280, 1338, 1341, 1444, 1599 et 1603, avons-nous dit ailleurs. Ce sont ces droits, ou pré-


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tentions, que l'intrépide abbesse fit tomber (1627), par un arrêt du Parlement, qui laissa aux Ventadour pourtant le titre de bienfaiteurs de cette abbaye.

La victoire de l'abbesse ne dût pas lui être bien chaudement disputée, car le duc Henri et son épouse, Marie-Liesse de Luxembourg, sont bien les plus inoffensifs de tous les seigneurs de Ventadour. Le premier, après la bataille de Castelnaudary, se fit chanoine de Notre-Dame de Paris, et la seconde entra au Carmel de Chambéry qu'elle avait fondé, ainsi que la maison des Carmes de cette même ville, de concert avec son généreux époux (V. Trois Limousines à la Visitalion de Moulins).

Le pieux duc Henri dût se soumettre sans trop de peine à la sentence du Parlement. Mais il n'en fut pas ainsi de Charles, marquis d'Annonay, son frère et successeur au duché de Ventadour. Un titre de 1635 nous apprend, en effet, que, huit ans après la victoire de l'abbesse, Bonnesaigne relevait toujours de Ventadour. Bien plus, en 1647, le duc en réclama l'hommage à la triomphante abbesse elle-même (Papiers de M. Seurre-Bousquet ; lettre du 21 avril 1901).

En même temps qu'elle plaidait avec le puissant duc, Gabrielle de Beaufort avait deux autres affaires sur les bras, mais de nature différente : elle donnait procuration pour un procès contre Jean Dupuy, de Meymac, et réduisait au silence le seigneur de Pompadour.

Ce seigneur croyait encore être sous le régime absolu de la féodalité : il voulait continuer à opprimer Bonnesaigne, comme héritier des Comborn.

Voici ce qu'il avait imaginé :


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Quand, après le passage de Goligny et de Lamaurie, à Bonnesaigne, l'intrépide abbesse de Beaufort eut relevé son monastère, Pompadour imagina de la dépouiller de son titre à'abbesse, titre dont avaient joui ses devancières depuis le xne siècle. Il voulait, à la faveur des troubles et de la confusion qui régnaient encore en France, et surtout en Limousin, à la suite des guerres de religion, faire reculer l'abbaye de cinq siècles et la remettre dans son berceau de prieuré. Il pensait, l'irréprochable gentilhomme ! qu'à l'exemple de certains hobereaux de l'époque, Bonnesaigne avait usurpé pour s'anoblir et se donner des bottes à talons rouges, un titre qui ne lui convenait pas.

Mme Gabrielle de Beaufort ne fut pas de cet avis. Elle soutint victorieusement ce nouveau genre d'épreuves pour son monastère et le titre à'abbesse lui resta après de longs et grands débats (1633). C'est ce qui a fait croire, à certains historiens, que ce n'était qu'au xvne siècle que Bonnesaigne avait été honoré de son titre abbatial (V. chapitre II, § III).

Gabrielle de Beaufort semble pourtant avoir été égarée, au moins une fois, par son zèle ardent de réformatrice de Bonnesaigne. Voici pourquoi :

Dès le principe, nous l'avons dit, Bonnesaigne ne relevait que du Pontife Romain et l'abbesse correspondait directement avec le Pape. A la longue, les évoques de Limoges s'introduisirent dans l'abbaye et finirent par y étendre leur juridiction. L'abbesse de Beaufort voyait là encore un abus qu'il fallait détruire pour, ramener son monastère aux privilèges de la règle primitive. Le débat s'envenima et les contestations allèrent au point qu'en août 1629 Mgr François de


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la Fayette, en tournée pastorale dans nos montagnes, voulut visiter, comme supérieur, l'abbaye de Bonnesaigne, avant de se rendre à Soudeilles (23) et à Egletons, d'où il repartit le 28 ; Mme de Beaufort s'y opposa formellement, et comme l'évêque insistait elle lui ferma là porte au nez. L'intrépide abbesse entreprenait cette fois une lutte dont elle ne devait pas voir la fin, mais qui devait se terminer au détriment de son monastère, en 1657, après l'avoir soumis, en 1648, à la juridiction des abbés de Cluny pour le soustraire à celle des évoques de Limoges.

Si l'on devait encore reprocher autre chose à cette grande abbesse, ce serait peut-être l'acte de faiblesse dont elle se rendit blâmable en 1645, en donnant les prieurés de Villevaleix et de Champagnac-Muratel, unis à la mense abbatiale depuis 1605, à ses deux nièces : Anne et Marie-Françoise de Montmorin.

Dès 1636, elle s'était fait donner une pieuse coadjutrice, Charlotte de Planèze, sa nièce, originaire de Rouergue, qui malheureusement mourut le jour même de la réception de son brevet.

L'abbesse de Beaufort sentit si vivement la perte qu'elle et sa communauté venaient de faire, par la mort inopinée d'une personne si accomplie, qu'elle mit neuf ans à trouver une autre coadjutrice capable de continuer son oeuvre à Bonnesaigne. Mais le 17 juillet 1645 elle crut l'avoir devinée dans une autre de ses nièces, Anne de Montmorin, dont nous avons déjà prononcé le nom ; et elle vit juste.

La vieille abbesse eut encore six ans de bonne vie pour former sa remplaçante et en faire une digne continuatrice du bien qu'elle avait toujours poursuivi


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pour sa communauté. Gabrielle de Beaufort de Canillac, après quarante-six ans de règne, mourut pleine de jours et de mérites devant Dieu et devanl les hommes, le 8 février 1651, ou le 18 du même mois et de la même année, d'après le R. P. Bonaventure de Saint-Amable.

C'était une très digne abbesse, dont on fit deux fois l'oraison funèbre.

Elle laissait bien à la communauté plus de 28,000 livres de dettes ; mais après le grand bien qu'elle avait fait à son abbaye et surtout les abondantes aumônes qu'elle avait versées dans le sein des pauvres, personne ne songea à reprocher de tels arrérages à la bienfaisante et glorieuse mémoire de la parente de nos papes de Rosiers.

En 1634, Pierre Dodet, consul d'Egletons, était juge de Bonnesaigne.

g XXXIV. — ANNE DE MONTMORIN (1651-1682)

Les Montmorin portaient : De gueules au lion d'argent armé et lampassé de sable, le champ semé de molettes de même.

ce La maison de Montmorin, dit Bouillet, est une des plus anciennes et des plus illustres de la province d'Auvergne; elle tirait son nom d'une terre considérable, près Billom ».

La Révolution la décima : cinq membres de cette famille en furent victimes.

Anne de Montmorin nous est déjà connue. Elle est fille de Louis et de Marie de Beaufort de Canillac,


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soeur de la dernière abbesse de Bonnesaigne dont nous venons de parler.

Anne fit sa profession à Bonnesaigne même, le 20 octobre 1632.

En 1643, sa tante, Gabrielle de Beaufort, lui donna le prieuré de Villevaleix uni à Bonnesaigne depuis 1605.

Le 17 juillet 1645, elle la rappela de Villevaleix pour en faire sa coadjutrice, et Marie-Françoise de Montmorin, sa soeur, prieure de Champagnac, lui succéda à Villevaleix.

Et le 8 février 1651, date de la mort de sa tante, Anne de Montmorin devint abbesse de Bonnesaigne jusqu'en 1682 ; Deloche dit jusqu'en 1683. Elle ne fut bénite pourtant que le 31 janvier 1656 par l'évêque de Tulle, Louis de Rechigne-Voisin de Guron, au nom de son collègue de Limoges. Le R. P. Bonaventure de Saint-Amable dit que ce ne fut que le 8 septembre 1658 qu'eut lieu cette bénédiction.

C'est sous l'administration d'Anne de Montmorin, du temps de l'évêque Jean de Vaillac, qu'échoua définitivement la tentative d'établir à Tulle des bénédictines de Bonnesaigne.

Dès 1649, en effet, le pieux évêque en avait appelé quelques-unes dans sa ville épiscopale, déjà si bien pourvue d'ordres religieux. Anne de Montmorin, ellemême, alors coadjutrice de sa tante, s'offrit des premières ; et, en compagnie de Marie-Françoise de Montmorin, sa soeur, déjà prieure de Villevaleix, elle se rendit à l'appel de l'évêque pour essayer de planter sur les bords de la Corrèze un rameau bénédictin des rives de la Haute-Luzège.


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La nouvelle fondation s'ouvrit le 25 janvier 1650; une prieure, deux religieuses et plus tard quelques demoiselles de la ville s'y établirent.; les revenus de Villevaleix et de Champagnac étaient affectés à l'oeuvre. La prieure de Villevaleix en fut supérieure lorsque sa soeur repartit pour Bonnesaigne comme abbesse en 1651.

En 1657, Marie-Françoise dé Montmorin, en résidence à Tulle, eut la consolation de recevoir à la prise d'habit une jeune montagnarde, Mlle Françoise de Fontanges, fille du haut et puissant Charles de Fontanges, seigneur, baron de Maumont, et de Hélène de Mirambel de la Nouailhe. Son contrat, passé par devant Etienne Bonnet, notaire royal, est du 22 septembre 1657 et porte la dot de deux mille livres tournois. Cet acte fut reçu par devant la grille du parloir, derrière laquelle se trouvait la majeure partie des religieuses dont les noms suivent :

Mraes Marie-Françoise de Montmorin-M ontars, prieure de Villevaleix et supérieure dudit monastère de Tulle ; Antoinette de la Pommérie, Suzanne de Bezug, Marie de Blot, Pascale Dupuy, Gabrielle de Gains de Montaignac et Isabeau de Jaucen, toutes religieuses professes.

Du côté de M. et de Mme de Fontanges se trouvaient : Bernard Gaye, docteur en théologie et curé d'Egletons, que nous rencontrons souvent mêlé aux affaires du prieuré de Bonneval et de l'abbaye de Bonnesaigne, Jean Braquilianges, conseiller du roi au siège de Tulle, Jean Dupuy, aussi conseiller et enquêteur en l'élection de la dite ville.

L'acte est signé : Maumont de Fontanges, Gaye,


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Braquilianges, Dupuy, de Albier, Etienne Bonnet, nre, et l'expédition par Forzès et Desieyz, notaires.

Son contrat de profession est du 6 octobre 1658, et porte en plus des noms de religieuses que nous connaissons, ceux des soeurs Honorée de Fénis, et de Laporte. Il fut passé en présence de Jean Dupuy, conseiller du roi, élu et conseiller examinateur en l'élection de Tulle, et de Jean Melon, avocat, sieur du Pézarès, paroisse de Davignac. Le notaire était toujours Etienne Bonnet ; expédition en fut délivrée par Me Forzès, notaire.

Ce contrat de profession porte les signatures suivantes :

Sr de Montmorin Montaré prieure, sr de Maumon de Fontanges, srde la Pommérie, srde Laporte, du Bezut, sr M. de Blot, sr P. Dupuy, sr de Gains de Montagnac, sr I. de Jaucen, sr H. de Fenis. Maumon, H. de Mirambel de La Nouailhe, Dupuy, J. Melon et Forzès notaire royal. (Ex meisj.

L'oeuvre ne fut pourtant jamais florissante. Elle échoua même ; insuffisance de revenus, mauvaise administration, ou manque de sève religieuse, quel que fût le motif, après avoir compté jusqu'à treize soeurs.

Marie-Françoise de Montmorin repartit pour Bonnesaigne. Elle ne' laissait à Tulle que trois sujets qui en 1673, sur permission de l'évêque, qui était l'illustre Mascaron, gagnèrent d'autres couvents.

Alors, Mgr Mascaron, de concert avec les notables de la ville, acheta l'établissement des bénédictines pour y recevoir les infirmes et les pauvres de la ville. Il le bénit solennellement le 8.janvier 1674 et y


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installa l'aumônier, les soeurs de la charité et douze pauvres. Ce fut l'Hôpital général de Tulle, et c'est aujourd'hui le Carmel (V. Dictionn. des Paroisses, T. Ier, p. 367).

Nous l'avons déjà dit, à différentes reprises, en 1648 le 13 août, l'abbesse Gabrielle de Beaufort de Canillac, pour, soustraire sa communauté à la juridiction des évoques de Limoges, l'avait soumise à celle de Cluny, dont elle reçut visites à partir de cette date.

Anne de Montmorin, au contraire, fit tous ses efforts pour l'arracher à la congrégation de Cluny et la soumettre à l'ordinaire ; ses efforts furent couronnés de succès ; et, à partir de 1657, Bonnesaigne releva directement de l'évêque de Limoges. C'est ce que veulent ces paroles de Gallia, que nous avons citées en un autre endroit de ce travail : ce Moniales abbatioe Bonnesanioe in traclatu superiore, paulo post ultro sese oblulère ut ab Francisco de la Fayette episcopo Lemovicensi visitationem et vitoe régulas acciperent » (T. II, p. 42).

Ce qui n'empêcha pas de nouvelles contestations sous l'évêque Durfé. Alors le roi intervint et par arrêt du 15 février 1691, neuf ans après la démission ou huit ans après la mort d'Anne de Montmorin, il soumit définitivement la remuante abbaye à la juridiction épiscopale.

En 1666, Anne de Montmorin avait dans sa communauté deux religieuses appartenant à une famille patriarcale des environs de Chamberet. C'étaient les demoiselles Louise et Marie-Françoise Hugon. Elles étaient filles d'Annet, écuyer, seigneur du Prat et de Magoutière, paroisse de Lavinadière, et de Peyronnelle


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de Villelume. Leur frère cadet, Léonard, le troisième de huit enfants, avait épousé Anne du Teil, dame de Scoeux, village de Chamberet (1645). Dieu bénit ce mariage : huit enfants sortirent de cette union.

Le huitième, Léonard-François, né le 17 juin 1666, fut baptisé le 19 juillet par le vicaire de Laporte.

Ce fut une fête de famille !

Le parrain fut noble François Hugon, frère aîné du baptisé. La marraine devait être Dame Marie-Françoise Hugon, religieuse au couvent de Bonnesaigne. Mais, parce que les ordonnances et statuts de l'évêque de Limoges défendaient très expressément de recepvoir et admettre aulcun religieux ou religieuse, l'enfant fut tenu, au nom de nôtre bénédictine, par Claude de Forest, femme à Antoine HugonDuprat, du château de Magoutière.

Signé : Duprat, Fourest, de Hugon, de Hugon, Françoise de Hugon, marraine (V. Arch. de Chamberet et de la famille Hugon de Scoeux).

Après un règne de trente-et-un ans, Anne de Montmorin se décida à résigner son titre d'abbesse, purement et simplement es mains du roi. L'authentique de cet acte de résignation, dont la teneur se trouve dans la Semaine religieuse du 8 février 1896, nous a été gracieusement donné par M. J. Seurre-Bousquet, d'Egletons ; il a pour titre : ce Acte de démission faite par dame Anne de Montmorin, abbesse de Bonnesaigne, aux fins de la résignation de la dite abbaye, 1682 ».

Le voici :

« Au devant de la grille du parloir de l'abbaye de Bonnesaigne, fondation royalle de l'ordre de saint


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Benoit au diosaize de Limoges, le trahtiesme jour du mois de may mil six cens quatre-vingt et deux avant midy par devant les notaires royaux soubsignés en présance des tesmoins bas-nommés, fust présante en sa personne dame Anne de Montmorin dame abbesse de la présante abbaye, laquelle vollontairement c'est desmise et ce démet es mains du roy notre sire de dicte abbaye de Bonnesaigne pour, par Sa Majesté y nommer, et faire pourvoir qui bon luy semblera, soubz la réserve néantmoins de la somme de douze cens livres de pansion viagère et annuelle quelle c'est réservée et réserve sur les fonds et revenus de ladite abbaye payables par chacune année à deux termes esgaux scavoir : aux festes de Noël et de Saint JeanBaptiste, franche et quite de toutes charges ordinaires et extraordinaires impozées et à impozer, prometant etc., juré etc., renoncé etc., compellé etc.

Faict en présance de M. Bernard Gaye prebstre, docteur en théologie curé de la ville de Gletton, y habitant, et Charles de Sartiges du Levandais, escuyer sieur de la Chaise habitant en son chasteau de Levandais paroisse de Champagnac en Auvergne et Me Jehan Colombin prestre docteur en théologie directeur des dames religieuses de ladicte abbaye tesmoingts.

A. M: MONTMORIN, abbesse de Bonnesaigne, résinante ;

GAYE, présent; 3. COLOMBIN, présent; DE LACHAIZE ;

FOULHIOUX, notre royal; CHAZAL, notaire royal,

reseveur.

Immédiatement après cet acte de résignation, Anne de Montmorin en passa un second, en présence des mêmes personnages, au-devant de la grille du parloir d'en haut, toujours avant midi. Elle donnait à ses


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procureurs généraux et spéciaux, sans que la généralité déroge à la spécialité, pouvoir de résigner purement et simplement entre les mains de notre saint père le pape, monseigneur son vice-chancelier, ou autre ayant ce pouvoir, l'abbaye de Bonnesaigne, en faveur toutefois de Claude de Lévy-Charlus, religieuse, et à la réserve ci-devant indiquée de douze cents livres de pension viagère et annuelle, que ladite dame abbesse s'était réservée et réservait sur les fruits et revenus de l'abbaye, payable, par chacune année, en deux termes et paiements égaux, savoir aux fêtes de Noël et de Saint-Jean, francs et quittes de toutes décimes, rentes et charges ordinaires et extraordinaires imposées et à imposer ; et non autrement, ni d'autres paiements donnés même des parcelles.

L'abbesse affirmait sur son âme, devant les notaires, que pour ce présent acte n'était intervenu, ni n'interviendra aucuns dol, frande, tâche de symonie; ni aucuns autres faits vicieux et illicites; promettant avoir pour agréable tout ce qui par ses procureurs sur ce sera fait et de rembourser les frais qui seront faits.

Cet acte était fait en présence de Monsieur M. Bernard Gaye prestre, docteur en théologie et curé de la ville d'Esglaittons, Charles de Sartiges du Lavandes, escuyer, sieur de la Chaize, etc., et Jean Colombin, prestre, docteur en théologie, directeur des dames religieuses de l'abbaye de Bonnesaigne.

Signé : A. DE MONTMORIN, abbesse de Bonnesaigne, résinante ; GAVE ; J. COLOMBIN ; DE LACHAIZE ; FOULHIOUX, notre ; CHAZAL, notaire royal, reseveur.


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Les voeux de la vieille abbesse, dont la main avait peine'à tenir la plume, furent exaucés : elle se retira des affaires ; la pension demandée fut accordée, et la religieuse qu'elle réclamait, pour la remplacer, lui fut donnée.

Mais Anne de Montmorin ne jouit pas longtemps du repos qu'elle convoitait, ni de la pension qui devait lui faire passer ses derniers jours dans une modeste aisance : l'espace d'un an.

Elle mourut l'année suivante, le 10 juillet 1683 (1).

(1) Un siècle plus tard, la famille de notre abbesse de Bonnesaigne disparut de l'Auvergne d'une manière bien tragique :

Louis-Victor, gouverneur du château de Fontainebleau, âgé de 30 ans, fut égorgé par les Sans-Culottes à la Conciergerie, après le 2 septembre, pendant que son cousin, le ministre, était massacré à l'Abbaye ;

Armand-Marc, ambassadeur en Espagne, fut empalé et porté ainsi jusqu'aux portes de l'Assemblée nationale qui applaudit;

Sa veuve, Françoise de Tanes, fut arrêtée à Passy, avec sa fille aînée, comtesse de Luzerne, et son fils Calixte-Hugues, et tous trois furent conduits à l'échafaud le 21 floréal an II (10 mai 1794).

Au pied de l'échafaud, en attendant son tour, le jeune CalixteHugues,'à chaque coup du fatal couteau, s'écriait : « Vive le roi! »

Cependant il pâlit quand vint le tour de sa mère, et il cria moins fort vive le roi ! Enfin, son tour était arrivé. Le jeune Calixte se rendit à l'échafaud sur la même charrette qui portait Elisabeth de France, soeur du roi. Cette dernière, avant d'aller rejoindre le jeune Calixte, reçut l'absolution de M. Claude de L'Hermite de Chambertrand, chanoine de Sens, qui était du nombre des condamnés.

Elisabeth de France avait trente ans ; Calixte en avait vingt, selon Boudet, ou vingt-deux, d'après Wallon. Le soir même, à onze heures, il fut enterré avec sa mère à Mousseaux.

En lui s'éteignit la famille des Montmorin de la Chassaigne.

(V. Révol. en Auvergne, p. 57).

T. XXV. 1 - 5


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§ XXXV. — CLAUDE (GLAUDIE, CLAUDINE) DE LÉVYCHARLUS (de Ventadour) (1682-1701)

Les Lévy, continuateurs des Comborn au château de Ventadour dès 1472, portaient : Trois chevrons brisés de sable sur un champ d'or, deux épées croisées en cimier, avec cette devise : Duris dura frango.

Signalée à l'attention des chefs ecclésiastiques, le 30 mai 1682, par Anne de Montmorin résignante, la religieuse Claude de Lévy-Charlus fut, en effet, nommée abbesse de Bonnesaigne.

Selon quelques auteurs, les négociations de sa nomination, à la tète de l'abbaye de Bonnesaigne, durèrent depuis le 30 mai jusqu'à la fin de l'année 1682, et ce ne serait guère qu'en 1683 qu'elle aurait pris le gouvernement de sa communauté. D'autres disent que ce fut la même année.

Quelle était la famille de cette religieuse?

C'est par surprise que, dans l'ouvrage Trois Limousines à la Visitation de Moulins, p. 200, nous l'avons dite fille de Charles de Lévy-Ventadour et de Marie de la Guiche de Saint-Garon.

Elle est bien des Lévy de Ventadour, mais d'un cadet qui fut baron et comte de Charlus.

Elle descend en ligne directe de Jean de Lévy, second fils de Louis, baron de la Voûte, et de Blanche de Ventadour, fille unique de Louis-Charles et de Catherine de Beaufort, dame de Charlus, fille de Pierre Roger, comte de Beaufort, et vicomte de Turenne, et de Blanche de Gimel mariée en 1445. Notre abbesse Claude était fille .de Roger de Lévy,


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comte de Charlus, marquis de Poligny, lieutenantgénéral des armées du roi, gouverneur du Bourbonnais, et de Jeanne de Montjauvent, fille de MarieFrançois, baron de Montjauvent, et d'Angélique de Vienne de Soligny, mariés en 1642.

Elle avait pour frères :

1° Charles-Antoine, seigneur de Charlus, qui épousa Marie-Françoise de Paule de Béthisy, fille aînée de Charles, seigneur de Mézières, et d'Anne Perdrier ;

2° Gilbert, prieur de Port-Dieu ;

3° Gaspard, chevalier de Malte, mort en 1675 ;

4° Madeleine, alliée à Louis de Foucquet, marquis de Belle-Isle.

Du second mariage de son père (1656) avec Louise de Beauxoncles, fille de Louis, seigneur d'Oucques, et d'Anne de l'Hopital-Sainte-Mesme, l'abbesse Claude avait pour frères :

1° Roger, mort jeune;

2° Elisabeth;

3° Catherine-Agnès de Lévy, dame de Remiremont.

Il paraît que le père de notre abbesse fut content de sa bru, Marie-Françoise de Paule de Béthisy, car il épousa, en troisièmes noces, la belle-mère de son fils aîné, Anne de Perdrier, veuve de Charles de Béthisy. Il y eut donc double mariage : le père et le fils épousèrent l'un la mère et l'autre la fille. Mais de ce troisième mariage il n'y eut pas de frères pour notre abbesse de Bonnesaigne.

Lorsque, le 30 mai 1682, Anne de Montmorin résigna en faveur de Mlle de Lévy-Gharlus, elle était religieuse à Belle-Chasse, Paris (V. Moréri, p. 759, lrecol.)


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Les documents nous manquent sur son gouvernement de dix-huit ans à Bonnesaigne.

Aux archives départementales, nous trouvons simplement quelques procès qu'elle eut avec deux voisins de ses vastes propriétés. La première fois, elle obtint une condamnation par défaut contre les tenanciers de la Fage et ceux de Vialle Moury ; et la seconde fois, toujours à propos de rentes sur le tènement de la Fage, elle eut un procès avec Charles du Boucheron, sieur du Bugier, et Jean du Boucheron, sieur du Mas de Beyne, paroisse d'Ambrugeac.

C'est cette abbesse qui, malgré la soumission exemplaire d'Anne de Montmorin, eut la velléité de soustraire de nouveau son monastère à la juridiction de l'évêque de Limoges. Mais cette fois, avons-nous dit, le roi intervint et Bonnesaigne fut pour toujours soumis à l'autorité épiscopale (1691, 15 février).

C'est elle encore qui, de concert avec Louis-Charles de Lévy-Ventadour, l'archevêque d'Auch, et Charles de Rohan, prince de Soubise, duc de Ventadour, faisait de si vives instances auprès de sa parente, Marie-Henriette de Lévy-Ventadour, toute sa vie simple religieuse à la Visitation de Moulins, pour la décider à accepter des abbayes, malgré la promesse formelle qu'elle avait faite à sa tante mourante, l'incomparable Marie-Félicie des Ursins, veuve de l'infortuné duc Henri de Montmorency, de n'en jamais accepter (Voir Trois Limousines à la Visitation de Moulins, page 217).

Ceci se passait du temps de la Mère Louise-Henriette de Soudeilles, supérieure de Moulins pendant près de trente ans, morte en odeur de sainteté en


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1714, et de Louise-Françoise de Soudeilles, sa petitenièce, morte également en odeur de sainteté, simple religieuse à Moulins, en 1759.

Malgré ces deux actes peu louables de la part de notre abbesse montagnarde, Claude de Lévy-CharlusVentadour fut une très bonne religieuse durant les dix-huit ans qu'elle passa à Bonnesaigne, ce où elle mourut saintement, nous dit Bonaventure de SaintAmable, en 1701 », l'année même que la duchesse de Ventadour, Marie de la Guiche de Saint-Géran, mère de la Visitandine, Marie-Henriette, rendait son âme à Dieu, le 23 juillet, à l'âge de 78 ans.

Les historiens de son temps nous disent :

ce La dernière abbesse (de Bonnesaigne) était la dame de Lévy de Charlus, qui a laissé cette abbaye assez bien accomodée, mais toujours très mal bâtie et encore plus mal située dans un pays le plus ingrat et un air plus sauvage qu'il y ayt dans le bas-Limousin, du côté des montagnes, dans l'archiprêtré de Gimel. Et par son déceds, le Roy y a nommé la dame de Beauverger de Nougon (pour Mongon) qui en jouit à présent » (Leduc, Etat du dioc. de Lim., Bull, de Lim., T. XLVI, p. 350).

Nous dirons au chapitre IXe, § III, ce qu'il faut penser de ce tableau lugubre de Bonnesaigne, que notre historien semble avoir tiré de sa propre imagination sans avoir jamais visité les lieux qu'il décrit sous de si sombres couleurs.

Claude de Lévy est l'avant-dernière abbesse de Bonnesaigne ayant dans les veines du sang des Ventadour, et la dernière qui en ait de la famille des papes de Rosiers, Clément VI et Grégoire XI.


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g XXXVI. — CATHERINE DE BEAUVERGER-MONTGON (1701-1747)

Encore une fille de l'aristocratique Auvergne pour abbesse de Bonnesaigne ! C'est ce que nous affirme M. Serres, dans son intéressant ouvrage : ce La Révolution en Auvergne, T. III, p. 53 », en disant que la famille de Beauverger-Montgon est de la paroisse de Grenier, près Blesle.

Catherine était prieure de Villevaleix quand le roi la nomma abbesse.

Le 26 janvier 1706, cinq ans après sa prise de possession, toutes les religieuses de Bonnesaigne, au grand complet, étaient réunies au parloir de la communauté ; c'étaient :

Catherine de Beauverger-Montgon, abbesse ; Marguerite de la Brosse, prieure ; Peyronne de Barmontet ; Gabrielle Tineau de Vennac ; Jeanne de Saunade ; Peyronne Fraisse ; Gabrielle de la Mothe ; Marguerite de Lacour ; Françoise de Servientis ; Marguerite Duran ; Marie de Laprade ; Jeanne de Saint-Aubin ; Léonarde Lorte ; Marianne de Fayac, et Marguerite de Gibanel, toutes dames professes.

Pourquoi cette assemblée solennelle ?

Pour recevoir à la profession Mlle Françoise de Vénis, soeur des .Anges, novice dans l'abbaye depuis quinze mois, âgée de dix-huit ans ; fille de messire François de Vénis, chevalier, seigneur des Oussines, de Fernoël (Fournol?), baron de Peyrelevade et autres places, et de noble dame Marie-Henriette de SaintMartial de Conros, présents et résidant ordinairement en leur château des Oussines, paroisse de S'-Merd.


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Le seigneur de Marsillac et la dame de Saint-Martial, père et mère de la Soeur des Anges, assuraient à leur fille, pour qu'elle fût nourrie et entretenue comme les autres dames de choeur, outre la dot et l'habit de profession, de leur bon gré et agréable volonté, une pension viagère, extinguible à son décès, de trente livres annuelles que devaient servir Jean Grandaud et François Mazaux, leurs fermiers du village de la Eondilière.

Etaient présents à cet acte, reçu par Laplène, notaire royal, messire Antoine Dupuy, sieur de S'-Pardoux, prêtre, docteur en théologie, curé de Meymac, messire Jean Dufaure, prêtre, curé de Perets, et signèrent à l'original seize religieuses, dont on trouvera les noms aux pièces justificatives, et MM. Marsillat de Vénis, de Gonros Marcilliac, Soudeilles, Fayat, du Faure, S*-Pardoux, prêtre, et Laplène, notaire royal.

Acte contrôlé à Meymac le 26 janvier 1706, fol. recto 24 n° 3, reçu onze sous. — LAPLÈNE.

(Communication de M. Champeval. — V. Sigillog., p. 418).

A part cette pièce importante, qui nous donne le

personnel de l'abbaye au commencement du xvme

. siècle, nous sommes sans archives sur le règne,

pourtant long de 45 ans, de l'abbesse de Beauverger.

La soeur de l'heureuse professe était Catherine de , Veinis, qui, le 9 mai 1702, avait épousé FrançoisAimé Joussineau de Fayat, écuyer, seigneur de Beffou et de La Valade, paroisse de Ghamberet, veuf de Françoise de Masvalier, dame de La Valade.

Voici les trois ou quatre faits que nous avons pu recueillir sur le compte de l'abbesse de Montgon :


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En 1734, en sa qualité de prieure de Villevaleix, elle fait porter en hommage, par son frère, à l'évêque de Limoges, le susdit prieuré et les revenus y attachés (G. Préfect. de Limoges, T. Ier).

En 1740, audience à Uzerche, pour dame Catherine de Montgon, abbesse de Bonnesaigne (Sénéchaussée d'Uzerche, p. 17).

En 1741-42, nous trouvons également à la Sénéchaussée d'Uzerche : ce Rôle de dépenses de la même abbesse (S. B., p. 31).

En 1747, 15 juillet, deux mois avant sa mort, elle consentit une rente annuelle, au capital de 2,000 livres, à Mlle Marie-Victoire Laval, originaire de La Fage, paroisse de Saint-Pardoux-le-Vieux, rente qui fut fidèlement servie par l'abbaye jusqu'en 1790. Mais, sous cette date, s'en suivit une explication assez sérieuse dont nous parlerons en son lieu, sous l'abbesse Green de Saint-Marsault.

Catherine de Beauverger-Montgon mourut à Bonnesaigne, le 13 ou le 17 septembre 1747.

Juste quarante-sept ans après la mort de cette abbesse, la famille de Beauverger-Montgon fut rudement éprouvée par la Révolution.

Au moment où l'orage menaçait le plus, JacquesFrançois de Cordeboeuf-Beauverger, comte de Montgon, quitta l'Auvergne pour se rendie à Arras, dont il avait été nommé gouverneur militaire. Il emmenait avec lui sa famille et une servante dévouée, appelée Thérèse Chazelles, fille de son régisseur de Védrines.

L'orage venait d'éclater.

Deux fils du comte, Jacques-François-César et JeanAntoine, tous deux officiers au régiment de Cam-


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braisis, furent arrêtés. Ils faisaient partie du fameux convoi de prisonniers qui furent massacrés sur la route de Paris à Orléans, le 9 septembre 1792. Grâce au dévouement d'un soldat de leur régiment, ils purent échapper à la boucherie.

Il n'en fut pas ainsi de leurs parents d'Arras. Le proconsul Joseph Lebon y arriva et terrorisa la ville.

On avait pressé le gouverneur d'émiger. Mais M. de Montgon avait noblement refusé, disant que, placé à son poste par le roi, il y resterait tant que le roi ne l'aurait pas relevé.

Mais bientôt il dût quitter forcément son poste de gouverneur de la citadelle d'Arras.

ce Pendant qu'il se cachait lui et les siens, dit Boudet, Thérèse les nourrissait en faisant de la dentelle. Quand ils furent incarcérés, elle se voua à l'adoucissement de leur captivité... Quand elle avait gagné quelque argent, elle achetait des provisions et les portait à la prison

ce Les femmes étaient surveillées plus rigoureusement que les hommes et Thérèse ne pouvait voir ces dames, Mme de Montgon et sa fille Delphine, dame de Saint-Cyr, mais elle obtenait sans difficulté de voir le prisonnier, son maître.

ce Un jour, M. de Montgon lui donna sa tabatière.

— Tiens, lui dit-il, sans aucune émotion apparente, tu donneras cela à ta maîtresse quand tu la verras ».

— ce Vous ne prisez donc plus? lui observa la jeune fille — Non, je ne priserai plus ! » répondit simplement M. de Montgon ; et en même temps il lui remit sa montie dont il avait arrêté le ressort, comme


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pour mieux donner à ce souvenir suprême l'empreinte de la mort.

Il venait d'être condamné.

6. Thérèse ne connut l'exécution que par la rumeur publique ; elle apprit par hasard qu'elle venait d'avoir lieu; elle accourut et ne put voir que les ruisseaux de sang.

ce La date de la condamnation, ajoute Marcellin Boudet, n'a été précisée ni par les témoins, ni par M. d'Espinchal. Elle ne figure pas dans la liste officielle de celles qui sont attribuées à Lebon ».

Le commandant de la citadelle d'Arras avait, outre les deux fils mentionnés pins haut, un fils aîné, le marquis de Montgon, qui épousa, au retour de l'émigration, M1Ie de Baurron, et c'est dans le couvent de Baurron qu'il assura une retraite à Thérèse Chazelles, où ses descendants lui servirent jusqu'à sa mort une pension en reconnaissance de son dévouement dans les temps d'épreuves » (Tribunaux d'Auvergne, p. 68 et 284. — Hisl. de la Révol. en Auvergne, T. III, p. 53, par M. J.-B. Serres, 1895).

Après cette digression, revenons à Bonnesaigne, quarante-sept ans en arrière, c'est-à-dire au 17 septembre 1747, date de la mort de l'abbesse Catherine de Beauverger-Montgon, et parlons de Marie-Gabrielle de Saint-Chamant, qui lui succéda.

g XXXVII. — MARIE-GABRIELLE DE SAINT-CHAMANT (1747-1758)

De la même famille que Marie de Saint-Chamant, trentième abbesse de Bonnesaigne (1537-1555), Marie-


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Gabrielle descendait en ligne directe de Henri, gouverneur de Thérouane, de Verdun et de Marienbourg, et frère de l'abbesse Marie.

Nous l'avons déjà dit, cet Henri de Saint-Chamant est le premier gentilhomme de sa famille qui porta, au haut de l'écu de ses armes, une engrelure qu'Henri III lui permit d'ajouter, comme marque d'honneur, pour avoir vaillamment défendu Thérouanne en 1553, deux ans avant la mort tragique de sa soeur, abbesse de Bonnesaigne.

Cette engrelure représente une palissade qu'il fit placer devant la brèche du rempart de la place assiégée, avec des gabions et des fascines, et d'où, par un feu continuel, il trouva le moyen d'empêcher l'escalade.

Les armes de la seconde abbesse de Saint-Chamant sont donc un peu différentes de celles de la première ; elles s'analysent ainsi : ce De sinople à trois faces d'argent ; une engrelure de même en chef ».

On les voit encore à la clé de voûte de l'église de Saint-Chamant, près Argentat, et à la clé de voûte de la tour, seul reste du vieux castel.

En 1750, Marie:Gabrielle s'ennuyait à Bonnesaigne; et, peu désireuse de continuer l'oeuvre de relèvement de son abbaye qu'avaient si bien prise à coeur les intrépides abbesses de Beaufort-Canillac, Anne de Montmorin et Claudine de Lévy-Charlus, elle présenta à l'évêque de Limoges, à la suite de l'audition de ses religieuses, un état détaillé du délabrement dans lequel se trouvait l'abbaye de Bonnesaigne. Cet état se trouve sur les registres du secrétariat de l'évêché de Limoges (V. Sénéch. de Tulle, p. 296).


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C'est tout ce que nous avons trouvé, jusqu'ici, sur l'administration de onze ans de l'abbesse MarieGabrielle de Saint-Chamant.

A l'exception pourtant de certaines autres de ses devancières, et de sa parente surtout, elle tint à laisser ses cendres au sein de sa communauté, où elle mourut le 19 juin 1758.

Elle eut pour remplaçante Léonarde-Gabrielle d'Ussel de Châteauvert.

g XXXVIII. — LÉONARDE-GABRIELLE D'USSEL DE CHÂTEAUVERT (1758-1780)

Cette abbesse portait : ce D'azur à la porte d'or verrouillée de sable, accompagnée de 3 étoiles d'or 2 et I y. Ces armes sont les armes de la ville d'Ussel, dont la famille d'Ussel a tiré son nom.

Cette abbesse, toute montagnarde, est pur sang Ventadour-Gomborn, famille sur laquelle se greffa, en 1472, une branche de la maison de Lévis. La famille d'Ussel est en effet une branche de la famille de Ventadour : un cadet de Ventadour, du nom de Guillaume, fils puîné d'Ebles III et d'Agnès de Bourbon, recevant de son père une partie de la seigneurie d'Ussel, quitta le nom et les armes de son père pour prendre le nom et les armes d'Ussel, de même qu'un cadet de Comborn, recevant de son père la seigneurie de Ventadour, avait peu auparavant quitté le nom de son père pour prendre le nom et les armes de Ventadour. Ce fait était fréquent au Moyen-âge et s'est présenté souvent dans notre province.

Le premier acte public qui nous soit parvenu de


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ces cadets de Ventadour, qui portent dès lors le nom d'Ussel, est la fondation de l'abbaye de Bonnaygue (près d'Ussel), manifestation frappante de l'esprit chrétien qui a toujours animé cette famille et a assuré sans doute sa conservation jusqu'à nos jours. Guillaume et Pierre d'Ussel, son îrève(GalliaChristia?ia, 11-203), fondèrent en effet, antérieurement à 1157, l'abbaye de Bonnaygue, qu'ils soumirent à saint Etienne d'Obazine, qui y mourut en 1159. Leurs enfants y firent de nombreuses donations, dont la mention existe sur des extraits authentiques du Gartulaire de l'abbaye, qui ont été faits jusqu'en 1220.

Les d'Ussel restèrent coseigneurs d'Ussel avec les Ventadour, puis avec les Lévis-Ventadour jusqu'en 1612; à cette date, les Lévis-Ventadour leur achetèrent leur part de seigneurie ; en 1658, les Lévis-Ventadour achetèrent la dernière part qu'ils ne possédaient point, de la famille d'Anglars, qui est une branche de la famille d'Ussel.

A cette époque, d'ailleurs, les d'Ussel n'habitaient plus leur fief dans les environs d'Ussel : en 1522, le chef de la maison avait épousé Charlotte de Rochefort, en qui s'éteignit la puissante maison de RochefortChâteauvert ; elle lui porta l'importante baronnie de Châteauvert, où ses descendants habitèrent jusqu'à la Révolution. Nous donnons ce détail pour expliquer ce nom de Châteauvert ajouté par notre abbesse à son nom patronymique.

La famille d'Ussel existe encore. La branche aînée habite la Creuse ; la branche cadette habite depuis un siècle Neuvic d'Ussel et est fort connue en Corrèze. Le comte Jean-Hyacinthe, mort il y a dix ans, agro-


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nome distingué et coeur bienfaisant, assisté d'une femme éminente, a propagé pendant cinquante ans les meilleures méthodes agricoles dans la ferme-école qu'il avait créée à Neuvic ; il a fondé l'hospice de la ville, et fait revivre l'ancien monastère de St-Projet, fondé en 1489 par Marquis, seigneur de Scorailles, et Louis de Ventadour. Il était beau-frère du poète Victor de Laprade, et de Félix de Parieu, président du Conseil d'Etat sous l'Empire, qui, étant ministre de l'instruction publique, avait présenté, défendu et fait promulguer devant la Chambre la célèbre loi Falloux. Il a laissé deux fils : le comte d'Ussel, inspecteur général des ponts et chaussées et écrivain distingué, qui lui a succédé à Neuvic et est fort connu en Corrèze, et le baron Paul d'Ussel, qui n'habite point le pays mais en conserve religieusement le souvenir.

Léonarde-Gabrielle était abbesse des Allois (HauteVienne), où elle fut remplacée par Marguerite d'Ussel, sa nièce, quand elle fut appelée à régir l'abbaye de Bonnesaigne. A son titre d'abbesse elle ajouta celui de prieure de Villevaleix, ce qu'avait fait avant elle Catherine de Beauverger de Montgon.

Notre abbesse appartenait à une famille vraiment patriarcale. Son père était l'aîné de six garçons, tous hommes d'église ou d'épée :

François, chevalier de Malte, commandeur de Maissonnice, mort en 1762;

Léonard, chevalier de Malte, commandeur de Tortebesse, mort en 1754 ;

Léonard, chevalier de Malte, grand bailli de la langue d'Auvergne, mort en 1761 ;


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Guy, chanoine, comte de Brioude ;

Autre Léonard, oratorien sécularisé, qui vivait dans sa famille, accablé d'infirmités.

Quant à Léonarde-Gabrielle, l'abbesse de Bonnesaigne, elle était fille de Philibert, frère aîné des précédents, et de Jeanne de Joussineau de Tourdonnet. Ce Philibert avait été lui aussi reçu chevalier de Malte à 15 ans, en 1698, et s'était fait relever par le Souverain Pontife en 1706, et avait quitté l'ordre pour se marier la même année.

Les frères de notre abbesse étaient :

Guy, qui continua la famille;

Henri, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem, qui prit du service dans l'armée française et fut tué à Fontenoy ;

François, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem, commandeur de Saint-Georges, commanderie dont le siège était à Lyon ; il mourut à Malte.

Les neveux de notre abbesse étaient encore plus nombreux ; c'étaient :

Marc-Antoine, marquis d'Ussel et baron de Châteauvert et de Crocq, tige de la branche aînée de la maison d'Ussel aujourd'hui fixée dans la Creuse ;

Jean-Hyacinthe, comte d'Ussel et seigneur de Charlus-le-Pailloux, premier maire de la ville d'Ussel en 1789, tige de la branche cadette aujourd'hui fixée dans la Corrèze ;

Valérie, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem ;

François, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem, commandeur de Saint-Georges. Il présida à Lyon le dernier chapitre de la langue d'Auvergne le 2 juin 1792, et peu après fut tué à Malte ;


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Marguerite, abbesse des Àllois, déjà nommée ;

Léonarde, religieuse au monastère de Saint-Genèsles-Monges (Puy-de-Dôme) ;

Marie, mariée au baron de Gain de Linars.

Notre abbesse, Léonarde-Gabrielle, était une personne très distinguée d'esprit, fort active, s'entendant bien aux affaires temporelles, et par suite aimant à s'en occuper, maintenant le bon ordre dans sa communauté et y dépensant le charme d'un esprit brillant et une grande affabilité de manières. Elle trouvait à Bonnesaigne une abbaye toute pleine des souvenirs de sa famille et à chaque instant les traces des munificences dont les Ventadour, ses ancêtres, avaient comblé l'antique abbaye montagnarde qu'elle gouvernait. Que n'eût-elle la vertu de s'y plaire ! Sans vouloir juger ici de l'opportunité de son départ pour Brive, car bien des éléments nous manquent pour pouvoir apprécier en pleine connaissance de cause, nous devons regretter qu'elle ne se soit pas donné la mission de relever les quelques ruines qu'avaient pu laisser par terre, en mourant, deux de ses parentes, toujours l'incomparable abbesse de Beaufort de Canillac et Claude de Lévy-Charlus. Bonnesaigne pourrait encore avoir son abbaye debout, quoique sans religieuses, comme Meymac, Valette, Saint-Angel et tant d'autres dans le diocèse.

Un an après son installation, en effet, nous trouvons l'abbesse de Châteauvert, non plus à Bonnesaigne, mais bien à Ussel même, avec ses religieuses. C'est ce qui résulte clairement d'une procuration qu'elle délivra le 11 février 1759. Elle avait obtenu d'un vieil oncle pieux et serviable, Léonard d'Ussel,


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commandeur de Maissonnice, résidant à Bonnesaigne, qu'il gérerait, en son absence, les biens de l'abbaye. Nous voyons en effet que, sous la date indiquée, elle lui donne pouvoir de percevoir les revenus que maître Pigeyrol, curé de Darnets, devait sur son bénéfice aux religieuses de Bonnesaigne, en vertu de l'union de 1348. Nous lisons sur le double de cette procuration, que possède la cure de Darnets, ces paroles non équivoques, qu'on ne peut attribuer à un lajjsus plumas du notaire Despert :

ce Par devant les notaire et témoins soussignés, en la ville d'Ussel en Limousin, et en deçà de la grille du parloir des daines religieuses de cette ville, a été présente en sa personne, Révérende Dame, Madame Léonarde-Gabrielle d'Ussel de Châteauvert, abbesse de l'abbaye de Bonnesaigne et à'Ussel ».

Ussel n'était pour elle qu'une étape.

Pendant ce séjour momentané dans la capitale du duché, se poursuivaient activement les démarches qu'avait entreprises l'abbesse Marie-Gabrielle de SaintChamant, depuis dix ans, de faire transporter l'abbaye de Bonnesaigne sous un ciel plus clément.

Le 18 du mois de juin 1760, en effet, l'abbesse de Châteauvert, avec ses vingt-cinq religieuses, invoquant plusieurs raisons que nous donnerons dans un autre chapitre, prenait son vol de Bonnesaigne à Brive, où l'attendaient vingt-neuf cellules dans l'abbaye de Sainte-Glaire.

Nos bénédictines divorçaient avec des ruines pour épouser une masure, qu'elles ne purent relever pas plus que celle de Bonnesaigne.

Pendant son séjour de vingt ans sur les bords de la T. xxv. i - G


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Corrèze, Léonarde-Gabrielle d'Ussel n'eut pas plus la tranquillité absolue qu'elle ne l'aurait trouvée sur les rives de la Haute-Luzège.

Sept ans après son exode, nous lisons : ce Serment décisoire sur le contenu d'une quittance égarée, entre messire Joseph de Plaignes, l'abbesse de Bonnesaigne, dame Gabrielle de Châteauvert, et une de ses religieuses, la dame de Saint-Félix de Meallet » (Arch. départementales).

Et l'année suivante : ce Requête de l'abbesse de Bonnesaigne concernant la réunion de son monastère de Sainte-Claire de Brive à ladite abbaye » (Sénéch. ? de Tulle, p. 296 et 297).

L'année d'avant (1766), elle avait eu aussi à plaider avec son parent, Charles de Rohan, prince de Soubise, duc de Ventadour, qui venait de lui enlever, depuis son départ de Bonnesaigne, le droit de chauffage que l'antique abbaye avait dans la forêt de Ventadour depuis le vicomte Bernard, neveu de l'abbesse Blanche II de Ventadour.

Enfin, sentant ses forces diminuer, notre abbesse, lasse de lutter, fut-elle prise de regret d'avoir quitté nos montagnes, ou bien de nostalgie loin de la terre natale? Je ne sais. Toujours est-il qu'elle ne voulut pas finir ses jours à Brive. La vénérable LéonardeGabrielle d'Ussel, pleine de jours et de mérites, se retira dans sa famille à Ussel, et c'est là qu'elle s'éteignit saintement, le 12 février 1780.

C'est la dernière abbesse de Bonnesaigne sortie du sang des Ventadour-Comborn.

Françoise-Gabrielle Green de Saint-Marsault lui succéda.


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g XXXIX. — FRANÇOISE-GABRIELLE GREEN DE SAINT-MARSAULT (1780-1805)

Cette abbesse portait sur un cartouche, écusson en losange : De gueules, -à trois demi-vols d'argent ALIAS d'or, timbré d'une couronne de marquis et surmonté d'une crosse abbatiale (M. J.-B. Champeval).

Originaire d'Irlande, la famille Green se fixa au château du Verdier, paroisse d'Eyburie, près Uzerche.

Au xvie siècle, nous y trouvons Brandelis de Saint.Marsault, époux de Jeanne de Beaudeduit. Ils eurent Antoine, marié, par contrat du 15 mai 1571, à Catherine de Pierrebuffière^ fille de François, seigneur dudit lieu, et de Jeanne de Pierrebuffière, dame de Chamberet.

Notre abbesse avait trois frères et une soeur :

1° Le marquis du Verdier, seigneur deVernéjoux, — une des propriétés de la famille Green, située sur la paroisse de Gondat, — lieutenant des seigneurs les Maréchaux de France (V. à la note 7 sa conduite envers le curé de Tarnac, au sujet des dîmes des Franches).

2° Le vicomte du Verdier, chevalier de Saint-Louis, ancien capitaine d'infanterie.

Nous allons les trouver tous les deux à la prise de possession de l'abbesse de Saint-Marsault.

3° L'abbé Joseph Green de Saint-Marsault, né à Uzerche, vicaire-général de Meaux, premier aumônier de Mme Adélaïde de France, tante de Louis XVI ; nommé, par bulles du 16 janvier 1769, abbé d'Obazine; mis en possession le mars 1770; démissionnaire


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vers la fin de décembre 1780 pour l'évêché de Pergame in partibus infdelium auquel on l'avait nommé la même année que sa soeur fut choisie pour abbesse de Bonnesaigne. Etait-il déjà sacré, quand peu de jours après sa démission d'abbé, sa soeur, Mme de Saint-Marsault, fut installée à Brive? Emigré en 1790, cet évêque de Pergame mourut à Rome en 1818, à l'âge de quatre-vingt-neuf ans.

Le mémoire du curé de Tarnac, toujours au sujet des dîmes des Franches, nous donnera aussi, sur son compte, quelques détails piquants durant son administration de l'abbaye d'Obazine, qu'il semble n'avoir guère jamais habitée (Voir note 7).

4° Enfin, elle avait une soeur, religieuse à la Visitation de Tulle, sous la date du 13 juin 1787 (V. chapitre IV, g IX : Darnets, à la fin).

De nos jours, durant le second Empire, la famille de Saint-Marsault était représentée, dans la Corrèze, par deux frères, qui n'ont pas laissé de postérité mâle.

L'aîné, ancien préfet de Versailles, est mort sénateur, possédant la terre et le château du Verdier.

Le plus jeune habitait le Puy-Desjardelles, paroisse de Perpezac-le-Blanc ; sa veuve vit encore et nous répond qu'elle « possède toujours le bréviaire de l'abbesse de Bonnesaigne », et elle ajoute : ce Celui qui a été chargé de mettre en ordre tous les papiers de famille de la branche du Verdier est M. le vicomte Maurice de Saint-Marsault de Chatelaillon, à Le Roullet, par la Jarrie » (Charente-Inférieure).

Avis à ceux qui désireront compléter notre travail !

La dernière abbesse de Bonnesaigne est donc bien


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du même coin de terre qui donna le jour au troubadour aventurier Gaucelme Faydit, d'Uzerche, et au moine antipape, Maurice Bourdin, le contemporain et l'émule du vicomte Ebles II, de Bernard de Ventadour et d'Agnès de Montluçon.

Françoise-Gabrielle Green de Saint-Marsault prit possession de son abbaye le 3 janvier 1781, avant midi.

Cette prise de possession, faite à Brive par devant notaire, fut très solennelle.

L'abbesse, nommée par le roi et instituée par le pape, tenant à la main les bulles de sa nomination fulminées par l'official général du diocèse de Limoges, sur les conclusions de M. le promoteur général, fut conduite à l'église de Sainte-Glaire, où se tenait le notaire, par messire Jean-Jacques Dubois, baron de Saint-Hilaire et de Chameyrat, ancien syndic du couvent et monastère de Sainte-Claire.

Elle était accompagnée de M. le marquis du Verdier de Vernéjoux, lieutenant des seigneurs les maréchaux de France (V. note 7 : Vernéjoux, terre de Condat) ;

De M. le vicomte du Verdier, chevalier de S'-Louis, ancien capitaine d'infanterie, ses frères, demeurant au château du Verdier, paroisse d'Eyburie ;

De M. le marquis de Lavaur, parent de la dame abbesse, demeurant au château de Balesme, paroisse d'Affieux ;

De M. le comte de la Renaudie, chevalier honoraire de l'ordre de Malte ;

De M. le commandeur de Félines de la Renaudie, son frère, commandeur de Bellecombe ;

De M. le chevalier de Laqueille de Ghâteau-Gay,


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chevalier de Malte, officier dans le régiment des dragons de Monsieur ;

De M. Jean de Corn, seigneur du Peyroux;

De M. Dubois de Saint-Hilaire, baron de Favars, officier dans le régiment de Condé-dragons, ces deux derniers demeurant à Brive ainsi que les seigneurs de Félines de la Renaudie, et le seigneur de Laqueille de Château-Gay demeurant au château de Saint-Jal, paroisse du même nom ;

De messire Jean de Gilibert, écuyer, chevalier de Saint-Louis, lieutenant-colonel de cavalerie, seigneur de Merlhac et du Teinchurié, demeurant à Brive.

Toutes les cloches de la communauté sonnaient à grandes volées.

A la porte de l'église l'attendait messire Jean-Baptiste Serre, prieur de la Tour Saint-Austrille, chanoine du chapitre Saint-Martin de Brive, officiai du Bas-Limousin, fondé de la procuration de M. l'official de Limoges en date du douze décembre dernier, signée : Pétiniaud, vice-gérant l'officialité ; du bas-promoteur général, présents témoins, et plus bas Dubreuil, secrétaire ; scellé du sceau des armes de l'évêque de Limoges, pour installer ladite abbesse en vertu du brevet du roi, de la bulle du pape et de la fulminalion épiscopale.

M. l'official Serre, en habits sacerdotaux et en étole, avait à ses côtés :

Messire Dominique de Serres, prêtre, chanoine honoraire du chapitre de Saint-Martin, promoteur de l'officialité de Brive ;

Messire Antoine-Louis-Raymond de Salis, écuyer, prêtre subdélégué de l'intendant de Limoges ;


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Messire Guillaume de Gilibert, prêtre, prieur commendataire ;

De Muzy, chanoine, ex-curé de Saint-Martin de Brive ;

Et M. François Gruveiller, prêtre-vicaire de la paroisse de Saint-Nicolas d'Uzerche, demeurant en la dite ville.

L'abbesse, devant cette brillante assemblée, requit M. l'official de vouloir bien l'installer dans l'église de l'abbaye.

Alors, l'official lui présenta le goupillon d'eau bénite et la conduisit dans le sanctuaire où elle fit sa prière au très saint sacrement, pendant que les dames religieuses de Bonnesaigne chantaient, dans le bas-choeur, l'hymne du Veni Creator.

Quand l'adoration de l'abbesse fut finie, M. l'official se présenta à la porte du bas-choeur, à côté du sanctuaire, et enjoignit aux dames religieuses d'ouvrir les portes et de recevoir leur nouvelle abbesse.

Ce qui fut exécuté à l'instant.

Alors l'abbesse, suivie de l'official, de toute la compagnie et du notaire, entra et monta au choeur par le grand escalier.

Après avoir fait sa prière à la sainte Vierge, patronne de l'abbaye, elle alla prendre place dans son siège abbatial.

Alors l'official lui présenta la crosse et l'aspersoir, qu'il lui mit en main ; et l'abbesse, ainsi armée du signe de son autorité, donna la bénédiction à ses religieuses, qui toutes en la recevant, une et chacune, reconnurent Mme de Saint-Marsault pour leur vraie et légitime abbesse.


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Après la cérémonie du choeur, arrive celle de la salle de la communauté, puis celle du réfectoire et de l'infirmerie, où elle prit la première place en signe de possession.

De là, elle fut conduite dans la maison abbatiale, composée de cuisine, salons, parloirs et appartements, qu'elle parcourut et trouva en bon état et bien solide.

Après cette visite à travers les divers bâtiments de l'abbaye, dont nous dirons le délabrement dans un autre endroit de cet ouvrage, M. l'official reconduisit Mme l'abbesse au choeur des religieuses, où on entonna le Te Deum en actions de grâces.

Après avoir dit l'oraison, M. l'official déclara solennellement, à haute voix, aux religieuses de Bonnesaigne et à celles de l'ancien monastère de Sainte-Claire, qu'en vertu des bulles, fulmination et procuration de M. l'official général de Limoges, il installait et mettait la dame Françoise Green de Saint-Marsault en possession de l'abbaye de Notre-Dame de Bonnesaigne, ses annexes et dépendances, et par exprès des droits de collation et de nomination aux bénéfices du patronage de ladite abbaye, et nommément aux droits de présentation aux cures et vicairies perpétuelles de Villevaleix, de Darnets, de Combressol, de Maussac et Ménoire, diocèse de Limoges ; de Champagnac et Veyrières, au diocèse de Clermont, et de tous les autres bénéfices qui pourraient dépendre de l'abbaye de Bonnesaigne et prieurés y annexés pour, par ladite dame, jouir tant des droits que de tous les honneurs, fruits, profits, revenus et émoluments appartenant à l'abbaye ;


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Commandait à tous vassaux, censitaires et sujets et officiers dépendant de l'abbaye de la reconnaître en la dite qualité d'abbesse de Bonnesaigne.

Entendirent ces déclarations de M. l'official les soeurs dont les noms suivent :

Mmes DE CHÈZES, prieure; DE LAPRADE, procureuse; D'ESCLAVAR, DUVERDIER, DE LAGRANGE, DE MEILHAC, DE GRANDSAGNE, DE MERRY, DE MONTLOUIS, DE CRAZAR et FABRE, toutes bénédictines.

Quand l'official eut fini, l'abbesse réitéra au SaintSiège le serment de fidélité qu'elle avait déjà prêté, et promit de donner toutes ses attentions à la célébration du service divin, dans son monastère.

Le procès-verbal de tout ce qui précède ayant été fait, et lu à haute voix, sans aucune opposition, la nouvelle abbesse en requit acte qui lui fut octroyé par le notaire et qu'elle signa avec toutes les religieuses, officiai, ecclésiastiques, seigneurs et notaire dont les noms suivent :

Soeur Green de Saint-Marsault, abbesse de l'abbaye royale de Bonnesaigne ;

Serre, officiai ;

Soeur de Chèzes, prieure ;

Soeur de Laprade, procureuse ;

Soeur Esclavar, soeur Duverdier, soeur de Lagrange, soeur Meilhac, soeur Mary, soeur Montlouis, soeur du Glaux-Crazar ;

Raymond de Salis ; Laval, chanoine, pro-notaire ; Dubois de Saint-Hilaire ; de Gilibert, chanoine, curé de Brive ; Duverdier ; Lachaux ; Cruveiller, prêtre ; Saint-Marsault ; le chevalier Armand de Laqueille, capitaine de dragons; Félines de la Renaudie; de


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Gilibert ; de Corn du Peyroux ; baron de Saint-Hilaire, et Margûa, notaire apostolique.

Contrôlé à Brive, le même jour, par Dampière, qui reçut sept livres.

La teneur de la procuration, que nous reproduirons aux pièces justificatives, à la fin de l'ouvrage, nous apprend que M'ne de Saint-Marsault, née vers 1749, était déjà religieuse professe à Saint-Corentin, diocèse de Chartres, quand elle fut élue abbesse de Bonnesaigne (V. Sigillog., p. 561).

C'est en vertu du Concordat passé entre François Ier et le Saint-Siège, que le roi de France nommait à l'abbaye de Bonnesaigne.

Les lettres d'institution de Mme de Saint-Marsault sont datées de Rome le 6 d'avril 1780, dûment certifiées et contrôlées à Paris le 27 du même mois par MM. de Cressac et le sieur des Brières, notaires royaux de la Curie Romaine.

Cette cérémonie nous fixe sur celles qui eurent lieu antérieurement, en pareilles circonstances, à Bonnesaigne.

Ainsi solennellement installée, Mme de S'-Marsault se mit résolument à l'oeuvre, dès les premiers jours de son arrivée au pouvoir.

Ainsi que nous l'avons dit, l'année même de son installation, elle fit renouveler, par devant notaires, tous les baux des fermiers des différentes terres relevant de la seigneurie abbatiale de Bonnesaigne (1781). C'est elle qui lança, aux trousses de l'un d'eux, les huissiers de Meymac qui, à sa requête, pratiquèrent des saisies sur l'avoir de messire J.-François Sourzat, seigneur du Monteil (V. ci-avant chap. II, § Ve) (1783).


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Huit ans plus tard (1791), elle eut une autre affaire avec l'archiprêtre de Gimel.

On se souvient que Mme l'abbesse de Beauverger avait consenti (15 juillet 1747) une rente annuelle, au capital de 2,000 livres, à MUe Marie-Victoire Laval, originaire du lieu de la Fage, paroisse de S'-Pardouxle-Vieux.

Cette demoiselle, devenue infirme et malade, se retira auprès de son neveu, Guillaume Lalaye, archiprêtre de Gimel, et par un testament du 13 avril 1783 le fit son héritier général. Elle ne mourut pourtant que le 20 août 1790 et fut inhumée le lendemain, à Gimel, en présence de M. Soumailles, curé de Vitrac, du sieur Laval, vicaire de la paroisse, assurément son parent, et du sieur Démichel, vicaire.

L'abbaye de Bonnesaigne tint ponctuellement les conventions et paya exactement le revenu de cette rente jusqu'en juillet 1790, ainsi que l'établit la déclaration que Mroe de Saint-Marsault envoya le 27 août 1791 à MM. les administrateurs du district d'Ussel :

ce Je soussignée, abbesse de Bonnesaigne, déclare et certifie avoir toujours payé, à Mademoiselle Laval, le revenu de la rente constituée, à elle due par l'abbaye de Bonnesaigne, jusqu'au mois de juillet 1790 qui lui est due au capital de 2,000 livres, en foi de quoi j'ai signé

GRAIN DE SAINT-MARSAUD,

Abbesse de Bonnesaigne ».

Sur ces entrefaites, la nation s'étant emparée de l'administration des biens du clergé et des communautés religieuses, le receveur du district d'Ussel eut


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ordre de payer, à qui de droit, le revenu de la dite créance ; c'est ce qu'il fit pour l'année de juillet 1789 à juillet 1790. Mais l'année suivante surgirent certaines difficultés.

C'est alors que l'archiprêtre de Gimel adressa la note suivante aux administrateurs du district d'Ussel :

« A MM. LES ADMINISTRATEURS DU DISTRICT D'USSEL,

« Le 27 août 1791, M. Guillaume Lalaye arcbiprêce

arcbiprêce de Gimel est déclaré en qualité d'héritier de la

ce demoiselle Laval sa tante, par les membres de

ce l'administration du district d'Ussel, créancier de la

ce Nation, d'une somme de 2000 livres en capital,

ce dérivant d'une rente constituée le 15 juillet 1747

« par Madame de Beauverger alors abbesse de Bon»

Bon» Cette rente avait été servie jusqu'au mois

ce de juillet 1789 par la ci-devant abbesse de Brive.

ce Le receveur du district avait payé cette même rente

ce pour l'échéance de l'année 1790, mais il lui est

ce encore dû celle échue le 15 juillet dernier. Le rece

rece de cette rente, distraction faite des dixièmes

ce et vingtièmes, s'élève à la somme de quatre-vingtce

quatre-vingtce livres que l'exposant vous prie de faire payer

ce par le receveur de votre district.

ce LALAYE ».

Cette note était accompagnée de la déclaration de l'abbesse que nous venons de reproduire.

Malgré toutes ces précautions, le paiement du revenu de cette créance ne se faisait pas ; c'est ce que nous apprend une lettre de l'abbesse.

Sous la date du 21 octobre 1791, Mme Green de Saint-Marsault écrivait de Brive, à M. l'archiprêtre


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de Gimel qui l'avait prévenue de ce retard, en lui annonçant la mort de sa tante en même temps :

ce Je partage vos regrets, Monsieur, sur la perte de ce M1Ie votre tante que j'ai recommandée aux prières de ce la communauté.

ce II m'aurait été difficile, Monsieur, d'acquitter les ce charges de l'abbaye de Bonnesaigne,. les fermiers ce ne m'ayant pas payé. Si je suis payé des arrérages « je ferai honneur. Si au contraire, le district s'en ce empare, il faudra que ce soit à lui qu'il faut vous ce adresser. Voilà, Monsieur, tous les renseignements ce que je peux vous donner, n'étant pas plus au fait ce que les autres du nouveau régime.

ce J'ai l'honneur d'être avec une parfaite considé« ration, Monsieur, votre très-humble et très-obéisce santé servante.

ce GRAIN DE SAINT-MARSAUD,

« Abbesse de Bonnesaigne ».

Deux ans plus tard, la Révolution se chargeait de les mettre, l'un et l'autre, « au fait du nouveau régime ».

Nous ignorons ce qu'il advint de l'archiprêtre de Gimel et de sa créance. Mais pour l'abbesse de Bonnesaigne nous dirons, dans un autre chapitre, avec quel sang-froid elle soutint, avec ses religieuses, l'ouragan furieux, garda fidèlement ses voeux, et regarda les menaces de la mort'avec la sérénité du courage chrétien.

Mme de Saint-Marsault est la dernière abbesse de Bonnesaigne.


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L'Histoire'conservé le souvenir des actes de générosité de ces trente-neuf abbesses connues, mais aussi celui de leurs querelles et de leurs caprices (Voir Semaine religieuse, 21 avril et 12 mai 1883).

THOMAS BOURNEIX. ÇA suivre).

(Suite)

CHAPITRE VII

Les Abbesses de Bonnesaigne et les Curés de Darnets

§ Ier. — UNION DE LA CURE Toutes ces abbesses, dont nous venons de crayonner la physionomie, sont assurément la gloire de Bonnesaigne par la noblesse de leur origine et par l'éclat des vertus qu'elles jetèrent sur nos montagnes. Mais il faut bien le dire, elles furent aussi le grand tourment des pauvres curés de Darnets !..., depuis 1348 jusqu'à la grande Révolution. J'aime à croire qu'il en fut autrement des titulaires de Maussac, de Combressol, de Sainte-Anne de Villevaleix, de Ménoire, de Champagnac et de Veyrières dont elles détenaient également les modestes bénéfices, sans quoi nous aurions un chapitre trop intéressant sur l'esprit processif qui aurait animé nos bénédictines montagnardes.

Voici donc la vie de procès que menèrent, durant trois siècles et demi, abbesses de Bonnesaigne et curés de Darnets.

Nous en avons déjà dit un mot, dans le cours de notre récit. Le xme et le xive siècles furent féconds en malheurs pour la France. Nos guerres interminables avec nos aimables voisins d'Outre-Manche,, surtout celles de Philippe VI et d'Edouard III, nous attirèrent des désastres incalculables. La guerre faisait de nombreuses victimes, les maladies en faisaient encore davantage.


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Une épidémie terrible, connue sous le nom de Peste noire, ravagea des provinces entières. Les Aquitains, et surtout les Limousins, en eurent grandement à souffrir. Ce fut pour se délivrer de ce fléau dévastateur qu'en 1340 la ville de Tulle fit le voeu de la Lunada, en l'honneur du grand saint JeanBaptiste.

Aux horreurs de la guerre et de la peste, ajoutons celle non moins horrible de la famine, et nous aurons une idée du lamentable tableau que présentaient nos provinces et notre abbaye en particulier.

« On ne croira pas, dit Pétrarque, qu'il y ait eu un temps où l'univers a été presque entièrement dépeuplé, où les maisons sont demeurées sans familles, les villes sans citoyens, les campagnes incultes et toutes couvertes de cadavres. Comment la postérité le croirait-elle? Nous avons peine à le croire nous-mêmes, et cependant nous le voyons de nos yeux. Sortis de nos maisons, nous parcourons la ville que nous trouvons pleine de morts et de mourants. Nous rentrons chez nous, et nous n'y rencontrons plus nos proches; tout a péri pendant ce peu de moment d'absence. Heureuses les races futures qui ne verront point ces calamités et qui regarderont peut-être la description que nous en faisons comme un tissu de fables » (Ep. famil. L. VIII ép. VII).

L'abbaye des bénédictines de Bonnesaigne, habituée du reste, de longue date, à voir s'abattre sur elle tous les fléaux qui passaient sur la France, eut sa large part des souffrances générales de cette époque calamiteuse. Plus d'une fois, ainsi que nous le dirons dans le chapitre suivant, elle fut mise à contribution par


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les belligérants et obligée de laisser aller les religieuses qu'elle abritait chercher un refuge sous les toits hospitaliers et mieux défendus des seigneurs des environs.

En 1345, elles étaient dans une extrême nécessité, ne vivant que de pain de seigle et n'ayant pour leur boisson qu'un peu de vin très clair, le tout assurément insuffisant, même pour une décente sustentation : In extrema necessitate... pane siliginis... vino lymphatissimo (ou usitatissimo) non quidem ad decenlem veslram sustentationem (Bulle du pape).

C'est alors que, poussée par les malheurs du temps et par les besoins de sa communauté, l'abbesse Blanche II de Ventadour (1326-1347) s'adressa, sans détour, directement au pape Clément VI, son compatriote, le suppliant très humblement de vouloir bien prendre en commisération son abbaye et subvenir à ses besoins les plus urgents, en unissant à l'abbaye de Bonnesaigne la cure paroissiale de Darnets.

Notre Pape limousin ne pouvait rester sourd au cri de détresse que poussait une abbaye qu'il avait assurément visitée bien des fois lorsqu'il habitait le manoir de Rosiers, ou était simple moine dans l'abbaye voisine, à La Chaise-Dieu. Du reste, il avait à Bonnesaigne des parentes : Marguerite Judicis, Gallianne de Maumont, et d'autres devaient y aller plus tard, telles qu'Anne de Maumont, Gabrielle de Beaufort de Canillac, Claudine de Lévy, etc., pour y exercer les fonctions d'abbesses.

Clément VI ne pouvait oublier qu'il était, avant d'être pape, Pierre Roger de Maumont, simple vassal

T. XXV. 2-2


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de Ventadour. Il écouta donc d'une oreille favorable la demande d'une abbesse partie de l'opulent château voisin, auquel Maumont devait l'origine de sa gloire.

Par bulle datée d'Avignon, le 23 mai 1345, il chargea l'évêque de Limoges d'opérer l'union demandée et de fixer, après mûr examen des rentes du bénéfice de Darnets, la part qui devait rester au curé ou vicaire perpétuel de la paroisse pour se suffire honnêtement, et celle qui devait aller à l'abbaye voisine.

Mais, soit commisération de la part de l'abbesse, ce qui n'est pas vraisemblable, ou plutôt résistance, ce qui est probable, de la part des curés, l'union sollicitée et obtenue tarda encore trois ans à s'effectuer.

Blanche II de Ventadour n'était plus alors ; c'était Almodie de Saint-Jal (1337-1349) qui devait voir consommer cette union.

Almodie de Saint-Jal fut moins clémente, envers les curés de Darnets, que ne l'avait été Blanche II de Ventadour.

Le 7 juillet 1348, de concert avec ses quinze religieuses professes dont nous avons déjà donné les noms, elle fonda de procurations divers hobereaux que nous connaissons également qui, à leur tour, subdéléguèrent le damoiseau de Maussac pour aller à Limoges prier l'évêque de vouloir bien fulminer la bulle du pape et prononcer l'union définitive de la cure de Darnets à l'abbaye de Bonnesaigne.

Jean Lajugie, trois jours après (10 juillet), était auprès de l'évêque Jean de Comborn, de la branche de Treignac, pour lui exposer le but de son voyage.

Les affaires cette fois marchèrent rondement.

Séance tenante, l'évêque désigna le vénérable cha-


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pelain de l'église d'Ussel, messire Hugues de Chalmels, pour rechercher la vérité relativement à la valeur annuelle des fruits et des émoluments de l'église de Darnets, afin de pouvoir ensuite, selon la teneur de la bulle pontificale, fixer la part du curé et la part de l'abbesse.

Le chapelain d'Ussel n'y mit pas de retard non plus. Sitôt avisé par l'évêque, il se rendit à Darnets et durant plusieurs jours compulsa les terriers de la cure et rédigea son rapport. Les archives paroissiales ne disent pas si, pendant qu'il instrumentait, le curé, dont nous n'avons malheureusement pas le nom-, lui offrit le lit, le pain et le sel.

Quoiqu'il en soit de cette question piquante pourtant, mais de simple curiosité, un mois après l'évêque était en état de rendre sa sentence.

Le même damoiseau de Maussac lui avait apporté le rapport du curé d'Ussel à Noblat (Saint-Léonard), où il était en tournée pastorale, et le 10 août 1348, jour de la fête de Saint-Laurent, de Noblat même, il rendit sa sentence, un peu grillante pour les curés de Darnets.

§ IL — PART DU CURÉ ET PART DE L'ABBESSE

Les parts étaient ainsi faites entre le curé et l'abbesse : le curé avait pour sa part exclusive la caminade ou chaminade de l'église, c'est-à-dire le presbytère, le jardin contigu à la chaminade, le pré de cette même église et tous les émoluments du verrou ou del verront. Par ces dernières expressions, il faut entendre toutes les oblations et émoluments qui arrivaient dans l'église et dans le cimetière, et


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toutes les autres occurrences qui arrivaient à la dite église ou qui sont censées appartenir au verrou, pour baptêmes, mariages, enterrements, offrandes, services ou messes qui étaient aussi exclus du partage et revenaient au curé seul.

Cependant, sur ces divers produits du verrou de son église, que nous appelons aujourd'hui casuel, le curé était obligé de payer annuellement, à l'abbesse, huit livres, monnaie courante dans le pays.

Les autres fruits et émoluments en blé, deniers, décimes, cens, rentes et autres intérêts de la paroisse, se partageaient à égale portion entre le curé et l'abbesse, sous cette clause spéciale cependant que la moitié de l'abbesse était nette de toutes charges, tandis que sur la moitié du curé devaient peser les droits, décimes et autres charges qui pouvaient atteindre la cure de Darnets, soit de la part du Saint-Siège, de l'évêque de Limoges, soit d'ailleurs, le curé seul devait les supporter sur sa portion.

Tel est le résumé de ce fameux décret qui portait un si rude coup aux modiques ressources des curés de Darnets, et qui devait engendrer une si longue série de procès, durant plus de trois siècles, entre les curés de Darnets et les abbesses de Bonnesaigne.

A la fin de ce livre nous insérerons, aux pièces justificatives, la Bulle du pape, la Procuration du damoiseau de Maussac et le décret de Fulminalion de l'évêque de Limoges, avec quelques autres documents fort intéressants et inédits.


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§ III. — MÉCONTENTEMENT DES CURÉS DE DARNETS

Telle était la décision formelle de l'évêque de Limoges. On le comprend sans peine, elle n'était pas de nature à faire deux heureux à la fois.

Les Bénédictines durent l'être. Mais les curés furent loin de s'associer à un tel contentement. Ils virent toujours, eux et leurs successeurs, avec grande peine, la part la plus nette de leurs revenus passer entre des mains étrangères, à des religieuses qui, comme eux, ne portaient point le p>oids du jour et de la chaleur pour remplir les fonctions du saint ministère et arpenter les champs de la paroisse, afin de porter la parole de consolation et les derniers sacrements aux malades.

Ils furent obligés de se soumettre parfois, mais ne se résignèrent jamais au sort qui leur était fait.

La jurisprudence de l'époque laissait aux curés de Darnets une porte ouverte pour s'échapper et éviter, du moins en partie, la rigueur du décret de l'évêque de Limoges. Ils eurent soin d'y passer pour aller trouver qui de droit.

D'après l'usage admis dans l'église des Gaules, il fallait la sanction royale pour que les écrits émanés de l'autorité pontificale, ou épiscopale, eussent force de loi.

En conséquence, ce n'était ni la bulle pontificale, ni le décret épiscopal qui avaient, aux yeux des curés et de ceux qui les conseillaient, la vertu d'unir la cure à l'abbaye, mais bien le concours de la puissance royale et un jugement rendu en règle, après les formalités observées.

Or, ce jugement ne fut jamais rendu ; les religieu-


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ses négligèrent de le solliciter, ou ne se crurent pas obligées d'y avoir recours.

Preuve qu'il y avait à cette époque, aussi bien qu'aujourd'hui, du tirage entre la puissance temporelle et la puissance spirituelle.

Bien que les documents que nous avons fouillés n'en disent rien, il est donc plus que probable que, dès la fulmination de la bulle de Clément VI, les curés de Darnets en appelèrent au roi.

Dès 1348, en effet, nous voyons les titulaires de l'endroit exclure du partage avec l'abbaye trois choses, malgré la décision formelle de l'évêque diocésain :

1° Les rentes foncières et directes dues par les habitants du bourg ;

2° Les dîmes abonnées, connues sous le nom de proférents ;

3° Les huit livres sur le casuel annuel de leur église.

Le roi, ainsi que s'en expriment les jurisconsultes du temps de l'abbé Pigeyrol, aurait retranché, dès l'apparition de la bulle d'union, une partie des revenus qui revenaient à l'abbesse en faveur de celui qui portait « Pondus diei et oesiùs », le poids du jour et de la chaleur.

De telle sorte qu'il n'entrait en partage, avec les Bénédictines, que les dîmes ordinaires, pures et simples, soient prédiales, personnelles ou navales, prélevées annuellement sur la paroisse.

Quant aux huit livres sur le casuel de l'église, nous verrons dans la suite que différentes sentences judiciaires contraignirent les curés à observer le sens littéral de l'ordonnance épiscopale : mais ils n'en firent


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rien. Les choses se passèrent ainsi pendant trente-sept ans, durant l'administration des abbesses : Almodie de Saint-Jal, Gaillarde-Roberte de Ligneyrac, Marguerite de Judicis, Gaillarde-Roberte Irc de Blauge et Dauphine d'Anglars.

Mais en 1385, de grandes contestations surgirent entre le curé Pierre Blanchier et l'abbesse GaillardeRoberte II de Blauge.

L'affaire monta jusqu'au roi Charles VII, qui de nouveau confirma les privilèges que ses devanciers avaient accordés aux malheureux curés de Darnets, envers et contre la sentence pontificale et épiscopale qui favorisait un peu trop l'abbaye.

Pour en finir, Pierre Blanchier, avec l'assentiment au moins tacite du roi, fit dresser, le 22 février 1385, un terrier des rentes de son église sur lequel figurent seulement les rentes qu'il entendait mettre hors de partage avec les religieuses de Bonnesaigne : « Hoec sunt reddilus ecclesioe de Darneto proeter Decimam », tel est le titre de cette feuille de rentes que nous reproduirons in extenso dans notre Notice sur Darnets.

De sorte que ce terrier n'est pas le mémorial exact et fidèle de tous les revenus de l'église, mais bien celui seulement des rentes foncières, directes, et des dîmes abonnées que les curés entendirent toujours soustraire du partage avec les abbesses.

Gaillarde-Roberte II de Blauge dut en passer par là.

Quoiqu'il en soit de la victoire que l'abbé Blanchier venait de remporter sur les bénédictines, on ne voit pas qu'elle ait eu rien de définitif.

Bientôt surgirent de nouveaux démêlés et les trois


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points, sur lesquels on croyait avoir pour toujours battu' les religieuses, furent de nouveau vigoureusement remis sur le tapis de Thémis.

§ IV. — PROCÈS AVEC BERTRAND DE BONNEFOND (1444-1482)

Comme bien on le pense, le feu allumé entre la cure et l'abbaye depuis 1348 n'était pas éteint par l'avantage que Pierre Blanchier venait d'obtenir sur l'abbesse; il couvait seulement sous la cendre et le moindre souffle de discorde pouvait le faire éclater et amener un vaste incendie. C'est ce qui arriva en 1444, environ cent ans après la bulle d'union, sous Mme Dauphine de Chabannes, XXVIe abbesse de Bonnesaigne. Il paraît que ce sont les différends les plus sérieux qui se fussent élevés jusqu'à ce jour entre l'abbaye et le curé.

L'abbé Bertrand de Bonnefond se crut de force à pouvoir lutter contre la puissante abbesse Dauphine de Chabannes. Il appartenait en effet à une famille bien apparentée. Il était fils de Rigald de Bonnefond et de Bertrande Aramide. Son nom figure, sous la date du 30 avril 1449, dans le testament de son père, dont l'authentique est dans le chartrier de la famille d'Ussel de Neuvic, dans laquelle la famille de Bonnefond se perdit, vers 1500, par le mariage de son unique fille avec le chef de la maison d'Ussel.

Dès son arrivée à la cure de Darnets (1444), Bertrand de Bonnefond, marchant sur les traces de ses devanciers, refusa purement et simplement de payer la rente à Bonnesaigne telle que l'évêque de Limoges


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avait permis de la prélever sur les émoluments du verrou de l'église de Darnets.

C'était pour les huit livres à prendre sur le casuel du curé que la bourrée allait commencer.

Le curé se disait, aussi, fondé à ne pas payer la moitié de toutes les dîmes, telle que l'abbaye les revendiquait.

Le procès fut porté au parlement de Paris, qui renvoya l'affaire au sénéchal de Brive et Uzerche.

On fit des enquêtes et des contre-enquêtes, et finalement on rendit une sentence qui, cette fois, ne fut pas favorable au curé.

Bertrand de Bonnefond était condamné à payer à l'abbesse la somme en litige, à savoir : huit livres sur son casuel.

Le curé ne voulut pas s'avouer battu pour si peu. Sur l'avis conforme de MM. de son conseil, il fit appel de la sentence du sénéchal de Brive par devant nos seigneurs du parlement de Paris.

Cependant, après réflexion, la peur prit un peu le curé. Il comprit toute la gravité que sa démarche pouvait avoir, et, après mûr examen du pour et du contre de son acte, il se décida à ne pas poursuivre son procès en Cour d'appel, préférant acquiescer à la sentence qui le condamnait à Brive et payer certaines dépenses avec restitution des frais. A son avis, cette conduite valait encore mieux que de s'exposer à subir une nouvelle condamnation.

De la sentence définitive du tribunal de Brive et Uzerche, et du manque de poursuite du second appel, s'en suivit une transaction, convention, engagement, contrat, — tout ce qu'on voudra, mais rien


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de bon, — entre le curé et l'abbesse, en date du 31 janvier 1448, par devant Me Àlpaix, de Meymac.

Cette transaction, signée Lageneste-le-Jeune, par commission délégué du couvent, spécifiait que le curé reconnaissait avoir eu un grand procès avec l'abbesse Dauphine de Chabannes, pendant au sénéchal de Brive et Uzerche ; qu'il s'en était suivi sentence définitive donnée en faveur de l'abbesse, au détriment du sieur Bonnefond, vicaire perpétuel; qu'il avait été mal fondé en son appel et s'en départait, etc.

Le pauvre curé reconnaissait en outre, conformément à la sentence rendue par le sénéchal de Brive et Uzerche, tant pour lui que pour les siens, être légitimement due et appartenir à l'abbesse et à sa communauté, la somme de huit livres de rente annuelle et perpétuelle qu'il promettait de payer annuellement, en deux termes égaux, savoir : « La moitié à la SaintMichel et l'autre moitié au premier jour de mai, à chaque année et à perpétuité, et ce, à cause du délaissement et abando'n de maison et jardin y attenant, à'un pré et émolument du cimetière et verrou de l'église ». — Toutes choses pourtant qui lui étaient exclusivement réservées par le décret de l'évêque de Limoges. Mais ce n'est pas tout.

« De plus reconnaissait, M. le vicaire de Darnets, appartenir légitimement à l'abbese la moitié de tous les fruits aimables de la paroisse, sans aucune réserve ;

« Pour le paiement de laquelle rente, le sieur Bonnefond, vicaire perpétuel, obligeait tant pour lui que pour ses successeurs, tous ses biens présents et avenir ».


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Evidemment, cette transaction allait tout à fait contre le décret d'union et enlevait absolument au curé tout ce que l'évêque lui réservait exclusivement, ainsi que le roi.

Cet arrangement abusif, comme bien on peut se le figurer, fut loin de rétablir la bonne harmonie, depuis si longtemps brisée, entre la cure et la communauté.

Cette fois la victoire était honteuse, mais complète contre le curé, au profit de l'abbesse.

Ainsi enchaîné, l'abbé de Bonnefond n'eut qu'à faire face à son engagement. Après la sentence de Brive et Uzerche, et sa ratification par la transaction de 1448, le curé de Darnets donna annuellement huit livres sur son casuel et partagea avec l'abbesse tous les fruits décimables de son bénéfice, sa vie durant (1482). C'était un acte de faiblesse qui devait avoir les plus fâcheuses conséquences pour ses successeurs.

Ce ne fut qu'en février 1454 (ancien style), que le curé de Darnets se libéra complètement envers l'abbesse Dauphine de Chabannes. Voici la traduction sommaire de la quittance qu'il en retira, quittance à moitié dévorée par les rats, que nous a communiquée M. le baron Paul d'Ussel :

« Au nom de Dieu, amen. Le .... février 1454, en présence du notaire et des témoins soussignés, ont comparu : Dauphine de Chabanne, abbesse du monastère de Bonnesaigne, de l'ordre de saint Benoît, au diocèse de Limoges ; Marie d'Ambrugeac, Marguerite et Huguette de la Forsa, Marie et Margueritte de Maumont, Catherine de la Chapoulie, religieuses de Bonnesaigne, formant la partie la plus considéra ble, stipulant pour elles et pour celles qui viendront après elles, autant que cela pourroit les concerner d'une part, —

« Et le très cher en Jésus-Christ, messire Bertrand de


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Bonnefond, chapelain, de l'église paroissiale de Darnets, au diocèse de Limoges, pour lui et ses successeurs, d'autre part, —

« L'abbesse et les religieuses reconnaissent avoir reçu de messire Bertrand de Bonnefond la somme de 22 réaulx d'or et 15 sous au coin du roi, notre sire, que Bertrand avait reconnu leur devoir par acte reçu par Alpeis, notaire royal, et cela à la suite d'un accord survenu entre les parties, et à cause de certains frais faits par elles en différentes cours, et notamment au parlement de Paris relativement à la moitié... que chacune des 2 parties prétendait lui appartenir ».

L'acte est passé dans l'abbaye de Bonnesaigne, l'an, mois et jour que dessus. Les témoins sont messires Pierre de la Bardêche, de Darnets, et Jean de la Guinhari, de Bonnesaigne, prêtres.

Le notaire qui a signé de son seing nominal se nomme Jean Deyiat, ou Ceyrat.

Le réal d'or, sous Charles VII, valait 25 sous, bien entendu valeur du temps.

Mais heureusement cet état de choses ne pouvait ni ne devait durer que le temps du pastorat de celui qui l'avait consenti, sans savoir se défendre.

Après lui, ses successeurs devaient au moins protester et essayer de nouveau de secouer le joug, chaque jour plus lourd, que Bonnesaigne faisait peser sur leur modeste bénéfice.

Ainsi faisaient les vieux Romains !

Au dire de Montesquieu, en effet, « on pensait alors, dans les républiques d'Italie, que les traités qu'elles avaient faits avec un roi ne les obligeaient point envers son successeur. C'était pour elles une espèce de droit des gens (cela paraît par toute l'histoire des rois de Rome).


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Ainsi, tout ce qui avait été soumis par un roi de Rome, se prétendait libre sous un autre, et les guerres naissaient toujours des guerres » {Grand, et Décad. des Romains).

Hélas ! que d'autres gouvernants leur ressemblent sans être Romains !

Ainsi faisaient les titulaires de Darnets et de Bonnesaigne, à l'arrivée d'une nouvelle abbesse ou d'un nouveau curé.

§ V. — PROCÈS AVEC FRANÇOIS MURÂT DE BEAUPOILSAINT-AULAIRE (1482-1538)

L'arrangement dontnous venons de parler, arraché à la poltronnerie du curé de Darnets, avait été passé par devant Me Alpaix, notaire à Meymac, le dernier jour de janvier 1448 ; il dura jusqu'en 1482.

François Murât de Beaupoil signala son arrivée à la cure de Darnets par un refus formel d'obéissance à la transaction étrange que l'abbesse avait arrachée à son prédécesseur.

Il déclara hautement ne pas reconnaître les droits de l'abbaye sur les huit livres de son casuel.

Alors l'abbesse Blanche de Gimel (1470-1504), de concert avec ses religieuses, fit appel de ce refus au sénéchal de Limoges.

Le sénéchal rendit une sentence de réintégrande contre le curé de Darnets, dans le cours de l'année 1483.

L'abbé Murât de Beaupoil ne se regarda pas comme battu pour cela. Il fit appel de cette sentence au parlement de Bordeaux et le maintint, malgré les avis


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contraires qu'on pouvait lui donner. Il eut du moins le courage dont avait manqué son prédécesseur.

Le résultat fut le même.

N'ayant point voulu relever son appel, le roi Charles VIII donna des patentes aux religieuses de Bonnesaigne, en la ville de Tours, le 24 janvier 1483, adressées au parlement de Bordeaux, portant que si l'appel à la Cour de ladite sentence du sénéchal de Limoges n'était pas par le curé relevée dans le temps de l'ordonnance, la Cour aurait à mettre la sentence à exécution et à faire jouir les religieuses de huit livres, nonobstant les appels du curé, sans préjudice d'iscelui, par manière de provision.

Malgré ces deux sentences successives obtenues par les religieuses contre les curés de Darnets, il ne paraît pourtant pas que ces derniers se soient jamais exécutés pour cela.

Rien, dans la suite des temps, ne nous indique qu'ils aient payé à l'abbaye cette somme de huit livres.

Au contraire, quand, longtemps après, les curés, pour mettre fin à ces débats ruineux, sans cesse renaissants, se décidèrent à affermer la part des revenus revenant aux religieuses, nous voyons que toujours dans les baux ils ont soin d'insérer une clause spéciale concernant ces huit livres, qu'ils revendiquèrent constamment, d'une manière exclusive, pour eux seuls.

Dans les procès qui surgiront encore, sur ce même point, nous verrons également que ce défaut de paiement fut toujours invoqué comme une preuve de rente non due.


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Il est donc à présumer que ces huit livres ne furent guère payées que par le malheureux Bertrand de Bonnefond, faute de savoir se défendre contre l'abbesse.

§ VI. — DÉSAPPOINTEMENT DES CURÉS ET DES ABBESSES (1544)

Six ans après l'arrivée de messire Jacques de Montaignac à la cure de Darnets, survint un événement qui, pour plus d'un siècle, mit d'accord les curés ?et les abbesses.

Ils furent battus de la même verge.

Pour se reconnaître des services que les Soudeilles lui avaient rendus duiant ses guerres d'Italie et pour refaire un peu leur fortune, François Ier confisqua, à leur profit, les bénéfices de Soudeilles et de Darnets; c'est ce qu'on appelle la confidence.

En 1543 il confisqua les biens de la cure de Soudeilles au profit de Jean II de Soudeilles, seigneur de Soudeilles, futur héritier de Lieuteret; et l'année suivante (1544), en vertu d'un décret royal, ce fut le tour du bénéfice de Darnets au profit de Loys de Soudeilles, seigneur du Lieuteret, oncle de Jean II de Soudeilles. A partir de ces deux dates jusqu'en 1631 pour Darnets, et 1666 pour Soudeilles, les titulaires de ces deux églises ne furent que de maigres congruistes.

Clément VII eut beau protester, le Concile de Cologne lancer des anathèmes, il fallut en passer par là.

C'était du reste la plaie générale de l'époque.

C'était aussi un remède radical pour guérir les curés de Darnets et les abbesses de Bonnesaigne de leur


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maladie processive, sans cesse renaissante, au moins à chaque changement de titulaire. Ils purent méditer à'avoine, de seigle et de revenus du verront...

Inutile de dire ici les abus criants qui se glissèrent, durant cette longue période, dans l'administration temporelle des bénéfices ecclésiastiques. Nous les énumérons longuement dans notre travail sur Soudeilles et sur Darnets. Arrivons de nouveau à l'ère des procès retentissants entre curés et abbesses.

Nous voilà en plein xvir 5 siècle, le grand siècle de la France, où tant d'abus furent corrigés.

L'orgueil de la noblesse fut humilié par Richelieu... mais beaucoup trop. Après une sorte d'idolâtrie pour l'oeuvre politique de ce grand ministre, on reconnaît en effet aujourd'hui que si elle a été la gloire de la France dans sa partie extérieure, elle est aussi sa ruine à l'intérieur. Les sinistres événements dont la France a été la victime depuis cette époque et dont nous sommes encore les témoins attristés, éclairent sur le passé et le font juger ; et tous les auteurs réfléchis de nos jours sont obligés d'avouer que la chute de l'aristocratie a produit le manque d'équilibre dont la France ne peut plus se remettre, oscillant fatalement entre la démocratie extrême et l'absolutisme sans contrepoids. Il faut, comme dans le corps humain, considérer les éléments vitaux de leur constitution et les pondérer (V. à ce sujet l'abbé Fliche, Vie de Mme de Montmorency).

Mais passons ; ce n'est pas le sujet que nous avons à traiter.

L'abus des confidences eut un terme, par suite des améliorations introduites dans le gouvernement ecclé-


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siastique des bénéfices, et grâce surtout au glorieux saint Vincent de Paul, qui travailla tant pour dégager les bénéfices des griffes des seigneurs qui s'en étaient emparés par suite des malheurs qui précédèrent ce siècle réparateur.

L'Eglise respira enfin !

Il n'y eut pas jusqu'à la modeste église de Darnets qui ne se ressentît de l'heureuse influence qu'apportait l'ère nouvelle dès son aurore.

En 1631, l'heure de la délivrance sonna pour elle ; François de Soudeilles, oncle de Louise-Henriette, la future visitandine de Moulins et la confidente de la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque, lâcha sa proie, et Antoine Chanal qui devait, quelques années plus tard (1645), faire si bien les honneurs de son église à la dépouille mortelle de l'infortuné Henri II de Montmorency, fut réintégré dans les droits de son modeste bénéfice.

L'abbesse l'avait su ; les procès ne vont pas tarder à recommencer.

§ VI. — MENACES DE PROCÈS AVEC JEAN CHANAL,

NEVEU DU PRÉCÉDENT CURÉ' (1664-1708)

Quelque temps avant sa démission de la cure de Darnets (29 mai 1708), messire Jean Chanal eut une grande contestation avec l'abbesse Catherine de Beauverger Montgon (1701-1747). C'est pour tirer au clair cette question, sans cesse renaissante de l'union de la cure à l'abbaye, que le curé fit faire, sur les titres authentiques, toutes les copies de rentes, ou d'autres titres, qui composent actuellement les archives préT.

préT. 2-5


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cieuses de l'église de Darnets, comme : 1° liste des rentes que l'église percevait en dehors des décimes ; 2° bulle d'union de Clément VI ; 3° procuration du damoiseau de Maussac ; 4° fulmination de l'évêque de Limoges ; 5° notes marginales, insérées dans le Missel en lettres gothiques, qu'avait composé le frère Chadenier, religieux bénédictin de l'abbaye de Meymac, etc.

C'était la préparation des armes avant le combat ! ou, si l'on aime mieux, la préparation des pièces nécessaires au procès que Jean Chanal prévoyait dans un avenir prochain.

g VIL — PROCÈS AVEC JEAN CHANAL ET FRANÇOIS MAGIMEL (1708-1746)

Durant la confidence, les filles de saint Benoît firent les mortes, et pour cause.

Leurs droits, aussi bien que ceux des curés, étaient logés à la même enseigne, c'est-à-dire méconnus, sauf pour la congrue des curés.

Mais sitôt qu'elles apprirent que la confidence avait bel et bien cessé, sitôt qu'elles surent qu'Antoine et Jean Chanal, réintégrés dans leurs droits, avaient eu le temps de refaire les revenus du bénéfice de Darnets, oh ! alors Catherine de Beauverger, leur abbesse, se hâta de retirer de la poussière de son monastère la vieille bulle de 1348 ; et, en vertu de cette pièce, elle demandait à être remise en possession de la moitié des dîmes et des huit livres prises sur le casuel ou émolumenis du verront de l'église.

Sa réclamation avait aussi bien sa raison d'être à


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cette époque qu'en 1345; son monastère n'était pas riche depuis la fin des guerres de religion.

Dans l'impossibilité de réclamer les arrérages depuis 1631 qu'avait cessé la confidence, elle retenait seulement 29 ans, c'est-à-dire depuis 1679 ; c'était encore adroit pour empêcher la prescription de 30 ans.

Donc, le 6 août 1708, elle fit demander, soit à Jean Chanal retiré de la cure, soit à Magimel, son successeur depuis le 29 mai 1708 par résignation en forme, la redevance des huit livres et les arrérages de 29 ans avant l'action.

Sur leur refus formel de paiement, vu que depuis 1631, date de la cessation de la confidence, aucune demande de ce genre ne leur était arrivée des prieures de Bonnesaigne, l'abbesse fit contrôler sa cédule, contenant présentation le 29 novembre 1708, et les assigna tous les deux par devant le sénéchal de Tulle.

Chanal et Magimel dressèrent à l'instant un Mémoire sur l'état de la question et l'envoyèrent au Conseil de Bordeaux. Dans ce mémoire on parlait :

1° De l'union de la cure à l'abbaye par la bulle de Clément VI ;

2° De la fulmination de cette bulle par l'évêque de Limoges ; • 3° De la part qu'il assignait au vicaire, ou curé perpétuel ;

4° Du procès de 1448, porté au parlement de Paris, renvoyé à Brive et Uzerche, où fut rendue sentence en faveur de l'abbesse ;

5° De l'appel du curé et de la transaction qui s'en suivit ;

6° Du procès de 1482 et de la sentence du tribunal de Limoges en faveur de l'abbesse ;

7° De l'appel fait au parlement de Bordeaux ;

8° Des patentes que le roi rendit en sa ville de Tours pour


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condamner le curé s'il ne relevait pas son appel dans le temps de l'ordonnance, avec ordre de faire jouir les religieuses nonobstant l'appel et sans préjudice, par manière de provision ».

Dans ce mémoire nos deux prêtres suivaient ainsi, l'un après l'autre, en s'efforçant de les réfuter, les titres sur lesquels s'appuyait l'abbesse pour formuler sa demande auprès du Parlement de Tulle.

Le Conseil de Bordeaux répondit que, vu le mémoire, vu les pièces énoncées, il était d'avis :

« Que Madame l'abbesse était bien fondée à demander les huit livres de pension, ou redevance annuelle, au curé de Darnets, aux termes de ses titres ;

« Que toute la difficulté était réduite à la prescription, attendu que les paiements ne pouvaient s'établir que par des quittances d'écriture privée, parce que pour des sommes modiques on ne fait guère des quittances par main publique. Ces quittances ne peuvent être qu'entre les mains du curé. Comme il y a plus de 200 ans entre le dernier paiementquittance et la réclamation de l'abbesse, il y a un temps plus que suffisant pour acquérir la prescription, si toutefois elle pouvait avoir lieu dans le cas proposé ».

Mais, ajoute le Conseil :

« La prescription ne peut avoir lieu dans ce cas pour trois raisons :

« 1° Le titre d'union, portant création de la vicairie perpétuelle, si l'abbesse le conserve en bonne forme, s'y oppose, parce que ce titre étant commun aux deux parties, aucune d'elles ne peut prescrire contre son propre titre, suivant qu'on a perpétuellement jugé encore tout récemment dans une semblable cause ;

« 2° Parce que les redevances annuelles sont imprescriptibles, l'obligation renaissant tous les ans suivant différentes lois du Code, titre De annuis legatis ;


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« 3° Parce que les redevances qu'une église fait à une autre in signum superioritatis sont imprescriptibles et présumées telles, suivant un grand nombre d'arrêts rendus tant au parlement de Guyenne qu'en d'autres, et encore tout récemment où un Prieur de Saint-Privat fut condamné à payer diverses redevances autrefois dues à un monastère de Saint-Benoît depuis un siècle sécularisé, quoiqu'il n'y eût aucune preuve que ces redevances eussent été payées depuis plus de trois cents ans ;

« Ensuite parce que cette redevance de huit livres étant établie par le titre commun, confirmée par un jugement, acquiescée par transaction, le curé paraît mal fondé à la contester ».

Finalement le Conseil ajoutait :

« Il est vrai que la déclaration du 29 janvier 1686 et par celle de 1690, les oblations et casuel des églises sont adjugés aux curés ou vicaires perpétuels nonobstant toutes transactions, arrêts et prescriptions ; mais ce n'est que dans le cas de l'option et réduction des curés et vicaires perpétuels à la congrue ; el si le curé de Darnets se réduisait à la congrue, il serait dans le cas des déclarations, et non autrement, suivant des arrêts rapportés par Duperrain, dans son traité des portions congrues.

« Délibéré à Bordeaux le 29 mars 1709. — CAMBOUX ».

On le voit, l'acte de faiblesse qu'avait commis l'abbé Bertrand de Bonnefond, en signant la transaction du dernier jour de janvier 1448, avait produit ses fruits désastreux contre les curés de Darnets ; c'était une arme terrible entre les mains des abbesses, qui eurent garde de la laisser se rouiller et de la mettre au repos chaque fois que surgirent de nouvelles difficultés avec les curés de Darnets.

Aussi voyons-nous, dans l'avis de Bordeaux, maître


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Camboux dire, aux deux curés de Darnets, qu'ils ont contre eux un jugement acquiescé par transaction dont il ne leur sera pas facile d'éluder la rigueur, etc. Honneur au courage malheureux !

Malgré l'avis contraire qui leur arrivait de Bordeaux, Chanal et Magimel voulurent plaider. L'affaire fut portée au sénéchal de Tulle, qui ne leur fut guère plus favorable que la consultation de maître Camboux. La sentence qu'il porta, après un an d'attente, condamnait les infortunés curés à payer à l'abbesse les huit livres, avec arrérages de 29 ans. Cette sentence fut rendue le 26 février 1710, un an avant la mort prématurée (49 ans) du marquis Louis-Marie de Soudeilles, époux de Marie Roberte de Lignerac, dame du Bazaneix, neveu de la mère Louise-Henriette, supérieure de Moulins, et père de l'aimable visitandine Louise-Françoise de Soudeilles.

Pendant cette année d'attente, il y eut des attaques et des répliques, des accusations et des défenses, un tas d'incidents dans lesquels nous ne pouvons suivre les parties belligérantes et leurs défenseurs. La reproduction de pareilles pièces nous entraînerait trop loin ; nous nous contentons de reproduire la sentence rendue par le sénéchal de Tulle, avec son préambule, portant indication des pièces authentiques sur lesquelles il étayait son jugement. Nous verrons que l'abbé de Bonnefond avait fourni une pierre pour battre ses successeurs.

En tête de cette sentence nous lisons :

« Entre révérende dame Catherine de Beauverger, abbesse de l'abbaye royale de Bonnesaigne, demanderesse, d'une part, ... ...


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« Entre maître Jean Chanal, vicaire perpétuel de la paroisse de Darnets, défendeur, d'autre part,

« Et maître... Magimel, à présent vicaire perpétuel de la même paroisse, appelé au procès.

« Veu l'expédition en forme du procès-verbal de fulmination fait par l'Evesque de Limoges, commissaire député par le Saint-Siège, daté du 10 juillet 1348 ;

« De la Bulle d'union, faite par le pape Clément, de la cure de Darnets à l'abbaye de Bonnesaigne dans lequel ladite bulle est transcrite au long, donnée à Avignon le dixième des calendes de juin et le troisième de son pontificat, ledit acte expédié par Berger notaire royal de Limoges et scellé ;

« Transaction passée entre le curé de Darnets, l'abbesse et religieuses de Bonnesaigne le dernier janvier 1448, par devant Alpaix notaire royal portant confirmation du contenu en ladite Bulle d'union ;

« Commission du roy Charles, donnée à Tours le 24 janvier 1483, signée, libellée du 6 août 1708, contenant les conclusions de ladite dame, controllée à Meymac le 7 dudit mois par Sauzer, cédule contenant la présentation de la demanderesse du 29' novembre 1708 ;

. « Autre cédule contenant la présentation du défendeur du 26 août audit an, même défaut levé par ladite dame contre ledit sieur Chanal faute d'avoir fourni défense, daté du 29 novembre audit an, signifié le même jour ;

« Défenses fournies par le curé défendeur le 4 décembre de la même année ;

« Acte de déclaration d'audience signifié de la part de la dame abbesse du même jour et an, appointement portant règlement à mettre, pièces du onze dudit mois et an ;

« Avis du Conseil produit par le défenseur du quinze du même mois et an, signé Dudon, y ayant au bas vingt et une lignes et demie raturées d'une manière à ne pouvoir lire, sans aucune approbation ;

« Acle signifié requérant ladite Dame, contenant l'indication de la distribution et remise de la production du 15 février 1709;


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« Répliques de l'abbesse aux défenses du défendeur, signifiées le 17 avril même an ;

« Acte à droit requérant l'abbesse du 22 mois et an que dessus ;

« Deux requêtes comminatoires présentées par la dame abbesse pour la remise du procès des 4 et 15 mai audit an ;

« Dire du défendeur contenant ses plus amples défenses signifiées le 28 du même mois et an ;

« Factum et avis du sieur Camboux justificatif du dire de l'abbesse ;

« Autre dire du défendeur signifié le 16 juin, même an ;

« Autre dire de la dame abbesse signifié le 18 du même mois et an ;

« Acte d'affirmation fait au greffe par le receveur de l'abbesse le 2 juillet, avec la procuration de l'abbesse du 4 juillet 1709 ;

« Exploit d'assignation donné, requérant l'abbesse à Magimel à présent vicaire perpétuel de Darnets, pour assister au procès et voir déclarer la sentence qui interviendra exécutoire contre luy du 26 juillet 1709, contrôlé le 27 au bureau de Meymac par Chauzex ;

« Cédule contenant la présentation de la dame abbesse sur ledit exploit du 20 août, même an ;

« Autre défense de Magimel du 22, même mois et an ;

« Appointement d'audience contenant jonctions des instances du 27 du même mois et an ;

« Autre acte et droit signifié de la part de l'abbesse le 29 novembre audit an, et les conclusions du Procureur du roi signées Melon avocat du roi,

« Nous, faisant droit aux parties sans avoir égard à la fin de non recevoir, ni autre chose dite ou alléguée par lesdits Chanal et Magimel, les avons condamnés et condamnons de payer à l'abbesse les arrérages de la redevance annuelle de huit livres dont au procès est question, des 29 années précédentes à la demande,

« Savoir : « Ledit Chanal jusqu'à la prise de possession dudit Magi-


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mel son résignataire, et ledit Magimel depuis sa prise de possession et ceux qui ont couru de depuis, et de continuer à l'avenir tant et si longtemps qu'il sera possesseur de ladite vicairie perpétuelle, aux profits y attribués par ladite Bulle d'union ;

« Déclarons néanmoins les fruits de ladite vicairie perpétuelle sujets aux arrérages faits par ledit Chanal, dont ledit Chanal sera obligé de garantir ledit Magimel ;

« Condamnons lesdits Chanal et Magimel aux dépens envers ladite dame, chacun le concernant.

« Fait à Tulle, dans la Cambre du Conseil le 26 février 1710.

« Ainsi signé : JARRIGE DU BOURNAZEL, lieutenant particulier, particulier rapporteur; RITIÈRE, conseiller doyen; Du MIRÂT, conseiller; MELON, conseiller-clerc, et DARLUC ; DELPY, conseiller.

La sentence de Tulle fut loin de décourager notre jeune et intrépide curé; M. François Magimel, enfant du plateau de Millevaches, habitué dès son enfance aux orages et aux tempêtes de l'ordre physique, voulut braver ceux de l'ordre moral ou judiciaire.

Magimel, au nom du vieux Chanal, fit un nouveau mémoire qu'il adressa à son conseil pour savoir s'il était prudent de faire appel de la sentence onéreuse qui venait de l'atteindre.

La copie, que conservent les archives paroissiales, porte : Mémoire au Conseil pour M. Chanal.

Le curé prétendait éluder la sentence par la prescription, « parce que, disait-il, la dame abbesse n'était « pas en droit de prouver que les curés de Darnets « eussent jamais payé les huit livres aux abbesses de « Bonnesaigne depuis fort longtemps ; tout au plus « si l'abbesse était en droit de jouir la moitié des « dîmes et autres revenus de la cure ».


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La question était donc de savoir si ce droit de huit livres était bien fondé, et s'il était prescriptible ou non comme Mme l'abbesse le prétendait.

« Le proposant, disait-il, a pour lui une double fin de non recevoir :

« 1° La première est prise de ce que cette redevance de huit livres, ayant été uniquement établie pour les émoluments du verrouil de l'église de Darnets et n'étant pas imposée Propter traditiones fundi, se trouvait évidemment prescrite par le laps de temps, attendu qu'il n'y avait aucune trace de paiement depuis la transaction de M. Bertrand de Bonnefond (1448) qui demeura sans exécution ;

« Que cette prétendue redevance ne peut pas être regardée comme une charge imposée in signum superioritalis, comme le prétendait l'abbesse qui se disait le curé primitif de Darnets, depuis la Bulle d'union, et par conséquent imprescriptible, puisqu'il paraît par ladite bulle que tous les fruits et revenus de la paroisse de Darnets appartenaient au vicaire perpétuel ;

« Que l'abbesse et les religieuses ont supplié sa Sainteté de vouloir bien unir à l'abbaye une partie des fruits et revenus de lad. vicairie, pour donner quelques ressources aux religieuses afin de pouvoir subsister, et que bien loin qu'il y ait en quelque tradition de fonds du côté de l'abbaye, en faveur de l'Eglise, qui puisse servir de prétexte à ce signe de supériorité, au contraire les revenus de la paroisse de Darnets ont été démembrés pour secouvrir la pauvreté de l'abbaye.

« 2° La seconde fin de non recevoir se prend de . ce que par les déclarations du roi, des années 1686


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et 1690, le verrouil de l'église est adjugé au vicaire perpétuel, outre la portion congrue, nonobstant toutes coutumes, usages et transactions contraires ; et comme la bulle porte que la redevance de huit livres dont, il est question sera payée pour émoluments du verrouil de l'église, les susdites déclarations ont dérogé à la teneur de cette Bulle pour raison de cet article ».

• La transaction de 1448 n'augmente pas le droit de Mmc l'abbesse, parce que le vicaire n'a pas pu obliger ses successeurs à cette transaction, suivant le chapitre Veniens extra de transactionibus ; cette transaction encore n'ayant jamais été suivie d'exécution, se trouve prescrite par le laps de plus de deux siècles, et la déclaration du roi ayant dérogé à toutes sortes de transactions, doivent effacer le concordat du vicaire quand il aurait été exécuté et suivi des paiements contenus.

Le mémoire continue en suivant pas à pas les débats qui amenèrent la sentence du 26 février 1710 :

« La dame abbesse a répondu que la Bulle étant un titre commun pour elle et le vicaire perpétuel de Darnets, le proposant ni ses prédécesseurs n'ont pas pu prescrire ladite redevance par cette maxime que nul ne peut prescrire contre son propre titre; cela est décidé dans le chapitre : Vigilans extra de Prescriptionibus et dans Dumoulin en son conseil 10e. D'ailleurs que les dites redevances annuelles renaissant tous les ans ont un caractère d'imprescriptibilité aux termes de la loi : Censibus quodice de Episcopis et Clericis, et que une redevance qu'une église fait à une autre est regardée comme un signe de


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supériorité qui est imprescriptible. Ladite abbesse ajoute que la déclaration du roi concernant le verrouil de l'église n'a son application que lorsque les vicaires perpétuels se réduisent à la portion congrue et au verrouil de leur église, ce qui n'est pas applicable au sieur proposant qui, en exécution de ladite bulle, est gros décimateur dans sa paroisse et perçoit la moitié des fruits, rentes et revenus.

« A ces allégations de l'abbesse le proposant a répliqué que la maxime que personne ne peut prescrire contre son Titre ne s'applique pas dans toutes sortes de matières, puisqu'on prescrit contre un arrêt qui est le titre commun des parties, et qu'un cohéritier institué peut prescrire contre l'autre cohéritier institué dans le même testament, quoique l'institution dérive d'un titre commun ; que cette redevance annuelle de huit livres ne portant ni obit ni fondation, il n'est pas vrai, sauf respect, qu'elle renaisse tous les ans. D'ailleurs les protestations annuelles, qui ne sont pas des rentes foncières, sont prescriptibles suivant la loi : Si certissim codice de pactis et Mornac sur cette loi ;

« Que cette redevance de huit livres n'ayant pas été reconnue en faveur d'une église cathédrale par une église in feriori, ni pour cause de tradition de fonds, elle ne peut pas être regardée comme un signe de supériorité ; d'autant mieux que le délaissement que le pape a fait à l'abbaye de la moitié des fruits et revenus de la paroisse, n'a eu pour objet et pour fin que le soulagement de l'abbesse et des religieuses qui étaient réduites, d'après leur supplique, à une" extrême nécessité ».


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Après l'exposé de toutes ces raisons qui, d'après lui du moins, auraient dû lui donner gain de cause à Tulle, l'abbé Magimel continue :

« Il est arrivé ceci que, pour éviter la sentence du sénéchal de Tulle, l'abbesse a fait valoir que j'avais échoué dans cette cause. Et voilà que depuis peu de jours j'ai été condamné au paiement de cette redevance de huit livres par sentence rendue au sénéchal ».

En cet état, le proposant demande au conseil la décision de deux questions :

ce La première est de savoir si cette redevance est prescrite par l'exécution de -ladite transaction et par le défaut de paiement depuis près de trois siècles, et s'il sera bien fondé à faire appel à la Cour de ladite sentence du sénéchal de Tulle qui vient de le condamner ;

ce La seconde est de savoir si cette union faite par la bulle du pape et la fulmination de l'évêque n'est pas abusive, et si le proposant sera recevable d'en faire appel comme d'abus, attendu que l'abus in p>erpetuo et continuo gravât ne peut être couvert ni par prescription ni par fin de non recevoir ;

ce Pour cela le conseil lira, s'il lui plaît, avec attention, les titres dont on lui envoie une copie tout au long;

ce On attache à ce mémoire les avis de M. Dudon et Camboux sur la question dont il s'agit, avec une copie du contrat énoncé dans le mémoire » (Transaction de 1448).

Sur ces entrefaites, M. l'abbé Chanal, démissionnaire de son bénéfice en faveur de M. Magimel depuis le 29 mai 1708, vint à passer de vie à trépas le 4 avril 1710, âgé de 85 ans.


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Qu'advint-il alors? Magimel envoya-t-il même à Bordeaux le mémoire que nous venons de rapporter?

Le Conseil lui envoya-t-il une réponse défavorable? Les documents que j'ai eus entre mes mains sont muets sur toutes ces questions. Mais tout nous porte à croire, qu'après la mort de Chanal, l'abbé Magimel ne fut pas encouragé à faire appel de la sentence rendue par le sénéchal de Tulle. En effet, nous voyons que, trois ans après, le 12 août 1713, la sentence du 26 février 1710 lui fut signifiée par le ministère de l'huissier.

Huit ans après la signification, 28 mars 1721, nous voyons la même abbesse du procès, dame Catherine deBeauverger, donner quittance à Barthélémy Chirac, époux d'Aline Chanal, du contenu en la sentence pour la part des dépenses que MM. Chanal et Magimel devaient payer, chacun leur part, aux termes de la dite sentence rendue contre eux au sénéchal de Tulle, le 26 février 1710.

ce Le reste des dépenses, porte la quittance, est de l'autre part, nous l'en tenons quitte sans aucune garantie de notre part ».

Pour toute garantie, en effet, on délivra à l'héritier de l'ancien curé de Darnets l'expédition de la sentence rendue, à la requête de la dame abbesse, contre Jean Chanal, vicaire perpétuel de Darnets et les pièces visées à Tulle.

Une autre preuve encore que Magimel ne fit pas appel, est que, l'année suivante (1711), il devint fermier de la part des dîmes que la dame abbesse prélevait sur la paroisse de Darnets.


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§ VIII. — M. MAGIMEL FERMIER DE L'ABBESSE (1711)

Las, sans doute, de toutes ces chicanes chaque jour de plus en plus ruineuses pour son modeste bénéfice, Magimel, après la sentence de Tulle qui lui était défavorable et son refus d'interjeter appel de cette condamnation qui lui était commune avec son devancier, prit un parti extrême qui dût grandement coûter à son amour-propre de curé de Darnets : celui de devenir fermier de la même abbesse avec laquelle il venait d'avoir un procès de si longue haleine. -

Il espérait sans doute, par là, fermer l'ère des procès entre les religieuses de Bonnesaigne et les curés de Darnets.

Voici la copie de ce premier bail à ferme consenti par les titulaires de l'église Saint-Maurice de Darnets :

« Fait à la grille du parloir d'en haut de l'abbaye royalle de Bonnesaigne en Limousin, le second jour du mois de juillet mil sept cent onze, avant midi, par devant le notaire royal soubsigné, présents les témoins bas-nommés,

« A été personnellement constituée Haute et puissante dame Catherine deBeauverger, dame abbesse de la présente abbaye et prieuré de la paroisse de Darneyx ; laquelle de gré et volonté a baillé et délaissé à titre d'affermé, à M. Maître Magimel, docteur en théologie, et curé de ladite paroisse de Darneyx ici présent et acceptant,

« Scavoir est,

« La moitié des dîmes de blé, seigle appartenant à ladite dame dans ladite paroisse de Darneyx en quoi qu'ils puissent consister, et sous aucune réserve et tous ainsi et de même qu'ils ont été jouis par les précédents fermiers de la dame abbesse,

« La présente ferme ainsi faite par ladite dame audit sieur


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curé pour le temps et espace de cinq années consécutives qui ont commencé à courir le jour de Notre-Dame de Mars passé et finiront à pareil et semblable jour, moyennant pour chacune année de la quantité de quatre-vingts sétiers blé, seigle de cette maisure de Bonnesaigne, payable et portable pour ledit sieur Magimel dans les greniers de la dame chaque jour de Saint-Michel de chaque année ; et de plus le sieur curé a renoncé pendant le cours de ladite présente afferme à tous cas fortuits prévus et à prévoir ; pacte pour tout accord entre lesdites parties que au cas où s'il vient à arriver pendant le cours de la présente ferme que le blé viendrait à se vendre sur un grand pied, et de même qu'il se vendrait les dernières années, audit cas et non autrement, il sera loisible audit sieur curé d'en payer quarante sétiers à ladite dame à raison de six livres le sétier, et les autres quarante sétiers en espèce.

« Il a aussi été convenu entre lesdites parties que au cas où l'une ou l'autre d'icelles viendrait à permuter de bénéfice ou viendrait à décéder pendant le cours de la présente afferme, audit cas aussi et non autrement elle demeurera recindée et de nulle valeur sans qu'il soit besoin pour raison due de faire aucun acte,

« Et pour l'entière exécution desdites présentes, lesdites parties ont obligé,

« Scavoir,

« Ladite dame tous les revenus dudit prieuré de Darneyx et de faire jouir ledit sieur curé de ladite afferme envers et contre tous, appuyer; et ledit sieur curé tous et chacun ses biens présents et advenir et sur exprès les revenus de son bénéfice.

« Présents Gérai Dapeyrou, curé de Saint-Fréjou-le-pauvre y habitant et Me Pierre Despert bourgeois dudit lieu, lesquels et parties ont signé.

« Ainsi signé à l'original : Dame Catherine du Beauverger abbesse de Bonnesaigne, Magimel curé de Darneyx, Dapeyrou curé, Despert présent. L'original est contrôlé à Meymac par Laplène. « DESPERT, not™ royal ».


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En 1716, le 28 juin, la même ferme fut renouvelée pour cinq ans, à la grille du même parloir et aux mêmes conditions, sauf que le prix n'était que de soixante-quinze sétiers. Dans les cas prévus plus haut, le curé en payait trente-cinq à raison de cinq livres dix sous, et les autres en espèces.

En 1721, le 16 juillet, la ferme fut reportée à quatrevingts sétiers, et dans les cas prévus le curé en payait quarante à raison de cinq livres dix sous, et les autres en espèces.

Ainsi furent calmés, pour un temps, les longs démêlés que nous venons de rapporter. Le presbytère de Darnets ne fut guère plus troublé que par le bruit de quelques arrangements judiciaires en fait de rentes et d'arrérages, dont nous trouvons la mention, par cinq fois, aux archives imprimées du département de la Corrèze.

François Magimel et Catherine de Beauverger vécurent donc de longues années en bonne intelligence.

En 1740, Magimel, déjà courbé sous le poids des fatigues du ministère et des années, s'adjoignit un sien neveu pour vicaire; et, en 1745, il résignait en sa faveur la cure de Darnets.

Deux ans plus tard, l'abbesse disparaissait à son tour de la scène de ce monde (1747).

§ IX. — J.-B. PIGEYROL ET L'ABBESSE GABRIELLE DE SAINT-CHAMANT (1747-58)

Voici apparaître un terrible jouteur qui fera reculer l'abbesse de Bonnesaigne.

C'était encore un montagnard à la trempe énergiT.

énergiT. . 2-4


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que, né également sur le plateau de Millevaches, au village du Magimel ; sa mère était soeur du précédent curé.

Petit, trapu, d'une grande énergie, très bon, mais en même temps très digne; ses confrères le redoutaient un peu à cause du titre de visiteur, dont l'avait revêtu la confiance de son évêque.

C'est sans contredit le prêtre le plus distingué qu'ait eu le bonheur de posséder l'église de Darnets, si on en excepte, peut-être, l'abbé Thomas, qui fut député du clergé durant la tourmente révolutionnaire.

Avant de se lancer dans la lutte contre les abbesses de Bonnesaigne, il marcha quelques temps sur les traces de son oncle en affermant les dîmes de l'abbaye.

Le 13 juillet 1748, il consentit une ferme avec l'abbesse Gabrielle de Saint-Chamant sur le pied de quatre-vingt-dix sétiers, mesure de Bonnesaigne.

Douze ans plus tard, il renouvela ce même bail (10 avril 1760), de concert avec le chevalier Léonard d'Ussel de Châteauvert, fondé de pouvoir de sa nièce, l'abbesse, dont nous avons déjà eu occasion de prononcer le nom.

Ce bail, cette fois, s'élevait en argent au prix fabuleux de quatre cent soixante-douze livres treize sous, y. compris les huit livres du verrou.

Fait et passé à Darnets, par devant .Despert, notaire, en présence de François Audouze, praticien ; Etienne Servarie, célibataire ; contrôlé au bureau de Meymac le 16 avril 1760, par Mary, qui reçut sept livres.

Le chevalier d'Ussel agissait en vertu de la procuration que sa nièce, abbesse, lui avait faite à la grille de la communauté d'Ussel le 11 février 1759, en


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présence d'Antoine Chastagnier Duteil, étudiant en théologie ; de Jean Cayre, praticien ; de Montlouis, notaire; contrôlé à Ussel, le onze février 1759, par Demichel, qui reçut douze sols pour façon d'expédition.

Après avoir réglé certaines affaires avec les châtelains de Fonmartin, et passé une police avec les habitants de Darnets les ramenant à la dîme pure et simple en abolissant les proférents ou dîmes abonnées (27 janvier 1760), M. Pigeyrol se disposa à résister aux prétentions de l'abbesse d'Ussel de Châteauvert.

§ X. — PRÉTENTIONS DE L'ABBESSE DE CHÂTEAUVERT ENVERS M. PIGEYROL (1769)

Il paraît que Mn,e de Châteauvert, installée à Brive depuis une dizaine d'années, ne trouvait guère plus d'aisance à Sainte-Claire qu'elle n'en avait eue dans les marais de Bonnesaigne.

Quoique établie cette fois dans une plaine opulente, sur les hors de la Corrèze, elle avait constamment les yeux tournés vers la montagne d'où lui arrivait le secours.

Vers la fin du bail du 10 avril 1760, elle se plaignit amèrement de ce que M. Pigeyrol ne lui donnait rien :

1° Sur une donation que noble Delphine de PeyreFaure (Petri-Fabri) avait faite à Pierre Blanchier, quelque temps après les embarras que lui avait suscités l'abbesse Gaillarde Roberte II de Blauge dont nous avons déjà parlé; cette donation portait express