Ventadour au Québec
Le nom de Ventadour et de Lévis Ventadour est loin d'être inconnu au Canada francophone.
La belle province possède ainsi une rivière et deux lacs y faisant référence. Le lac Ventadour le plus connu est situé au Nord de Québec, entre la ville et le lac Saint Jean. Il fait plus de 5 kms de long sur 1 de large. Un second lac, un peu plus grand, porte le même nom en Jamésie, dans le Nord du Québec, dans la baie James. La rivière en est issue et traverse le canton de Ventadour également ...
Enfin est surtout c'est une ville du nom de Lévis en honneur de Henri, Duc de Ventadour, dont le petit neveu François Gaston fut le dernier à tenter de sauver la Nouvelle France entre 1756 et 1760.
Elle est située juste en face de Québec, de l'autre côté du Saint Laurent. Notre société Historique établit en ce moment des liens avec nos "cousins" !
Lévis est la huitième plus importante cité du Québec, constituant une municipalité régionale de comté dans la région de Chaudière-Appalaches dont elle est la ville la plus populeuse. La ville est située sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent en face de Québec, entre Beaumont et Saint-Antoine-de-Tilly. Sa population était de 140 931 habitants en 2012, sa superficie de 444 km² dont 10 % urbanisée, 48 % cultivée, 36 % sous couvert forestier alors que les milieux humides comptent pour 6 % du territoire. Lévis fait partie de la communauté métropolitaine de Québec.
Le territoire de la Rive-Sud de Québec reçut diverses dénominations avant sa colonisation officielle par Guillaume Couture en 1647. Sa première appellation territoriale européenne fut le Cap de Lévy en 1629 par Samuel de Champlain, en hommage à Henri de Lévis (1596-1651), duc de Ventadour et vice-roi de la Nouvelle-France de 1625 à 1627. Le Cap de Lévy situé à la grève Jolliet devint par la suite le lieu de départ de la seigneurie de Lauzon en 1636. Cette seigneurie appartenait à Jean de Lauzon (Lauson), qui fut gouverneur de la Nouvelle-France de 1651 à 1656. Dès les débuts de sa colonisation en 1647, le territoire reçut le toponyme Pointe-de-Lévy (is) et il fut adopté par la paroisse-mère Saint-Joseph-de-la-Pointe-Lévy. La seigneurie sera démantelée en 1836 lors de la faillite de Sir John Caldwell et de là vont naître plusieurs petites municipalités et villages sur la Rive-Sud de Québec. La Ville de Lévis est née officiellement le 18 mai 1861. Les autres municipalités voisines de Lévis vont se développer au milieu du XIXème siècle. Notamment le village de Lauzon en 1867 et en particulier Saint-Romuald en 1876, grâce au commerce du bois et ses secteurs maritimes, dont Chaudière-Bassin, ainsi que les secteurs anglophones de New Liverpool et Hadlow Cove. Sans oublier le secteur de Breakeyville qui s'est développé par la présence de ses moulins à scie.
Henri de LEVIS VENTADOUR
C'est l'un des personnages les plus secrets de la lignée, dont on ne savait pas grand chose en réalité, mais désormais suffisamment depuis notre étude, pour deviner une âme singulière et certainement complexe.
Il est le premier garçon issu du mariage d'Anne de Lévis-Ventadour, second Duc de Ventadour, avec Marguerite de Montmorency.
Anne avait en effet épousé à Alès, le 13 juin 1593, Marguerite de Montmorency, sa cousine germaine, fille d'Henri Ier de Montmorency et de Antoinette de La Marck. Parmi leurs nombreuse famille de 12 ou 15 enfants, citons :
- Diane de Lévis-Ventadour (décédée à l'âge de 18 ans à Paris),
- Charlotte-Catherine de Lévis-Ventadour qui épousera en 1616 Just-Henry de Tournon, (morte en 1619 à 21 ans),
- Felice-Marguerite de Lévis-Ventadour (morte en 1619 à l'âge de 7 ans),
- Henri de Lévis-Ventadour (né en 1596-14 décembre 1680), Lieutenant du Roi après son père, Duc de Ventadour et Prince de Maubuisson et Comte de La Voute, Pair de France qui épousera en 1623 Marie Liesse de Luxembourg, Princesse de Tingry, fille d'Henri Duc de Piney-Luxembourg, dont il s'agit ici,
- Charles de Lévis-Ventadour (8 mai 1600-19 mai 1649), Comte de Vauvert, Marquis d'Annonay puis 4ème Duc de Ventadour, Pair de France, qui épousera :
- le 26 mars 1634 Catherine Susanne de Lauzières, fille d'Antoine de Lauzières, Marquis de Thémines,
- le 8 février 1645 Marie de La Guiche, fille de Jean-François de La Guiche de Saint-Géran,
- François de Lévis-Ventadour (mort en 1625 dans un combat naval contre les Rochellois), Évêque de Lodève puis reprend l'habit séculier,
- François-Christophe de Lévis-Ventadour (mort le 9 septembre 1661), Comte de Brion, Duc de Danville,
- Anne de Lévis-Ventadour (mort le 17 mars 1662), l'Archevêque de Bourges, ancien prieur de Rompon en 1638,
- Louis-Hercule de Lévis-Ventadour (mort en 1679), Évêque de Mirepoix, il passa à La Voulte en 1661,
- Françoise-Marie de Lévis-Ventadour (morte en 1630), Abbesse d'Avenay puis de Saint Pierre de Lyon.
Henri de Lévis-Ventadour naît au château de Ventadour à Moustier-Ventadour en 1596, preuve s'il en est que Ventadour n'est pas abandonné par la famille ducale dès le XVIème siècle, comme quelques esprits chagrins contemporains tentent de le faire croire en Limousin.
Enfant, sa vie se partage entre Limousin, terre des Ventadour où son père est souvent, et l'Ardèche à la Voulte, terre des Lévis.
Henri de Lévis-Ventadour épouse justement au château de La Voulte en avril 1623 Marie Liesse de Luxembourg qui est, par ailleurs, sa cousine. Elle est l'enfant de Henri François de LUXEMBOURG 1583-1616 (Duc d'Espiney, Pair de France, Prince de Tingry) et de Madeleine de MONTMORENCY 1582-1615 (Dame de thoré, Dangus et Gandelus)
Henri de Luxembourg avait épousé le 19 juin 1597 Madeleine de Montmorency (1582-1615). Leurs enfant sont :
-Marguerite Charlotte de Luxembourg (19 janvier 1607-26 novembre 1680) qui épouse en 1620 Léon d'Albert de Luynes puis en 1631 Charles-Henri II de Clermont-Tonnerre,
-Marie Liesse de Luxembourg (avril 1611-18 janvier 1660) qui épousera Henri de Lévis-Ventadour.
Très jeune orpheline, elle voit disparaître sa mère en 1615 puis son père en 1616. On peut imaginer une variole comme il était fréquent. Elle a 5 ans et plus de parents. Comme pour sa soeur, Marie de Médicis devient sa tutrice, et sa parente Madame de Ventadour, gouvernante des enfants royaux, va en faire sa petite protégée et l'amener à la Voulte. Elle décida de la promettre à son propre fils Henri.
En 1619 l'engagement est tenu et la petite fille de 8 ans est fiancé au jeune seigneur de 23 ans. Bien entendu trop jeune pour que le mariage ne soit célébré de suite, c'est en 1623 au moment de sa nubilité à 12 ans qu'à lieu l'union. Il a 27 ans. Il y a tout lieu de penser que le mariage ne sera pas consommé.
Outre La Voulte et Ventadour, le lieu de résidence des époux est l'hôtel de Ventadour à Paris, à l'angle de la rue de Tournon et de la rue Saint-Sulpice (autrefois rue du Petit-Bourbon).
Anne de Lévis-Ventadour est mort peu avant, le 8 décembre 1622, et Henri de Lévis-Ventadour est devenu le 3ème Duc de Ventadour. Il avait remplacé son père à la fonction royale de la lieutenance générale de la province du Languedoc dès 1619, à l'âge de 23 ans. Les guerres de religions reprirent dans le Languedoc entre 1621 et 1629. Henri dut mener le combat lors de ces troix guerres successives qui embrasèrent la province, de La Rochelle à Pau et Montpellier. Entre 1526 et 1632 les gouverneurs du Languedoc sont en général les Montmorençy auxquels les Ventadours sont alliés et succèdent par moment. Il s'agit d'une alliance familiale au plus haut niveau de l'Etat, au service et sous la protection de la mère du Roi. Henri 1er de L.V. est aux côtés de Henri II de M. dans ces combats. Ils cumulent les victoires contre les huguenots mais Henri II de M. se heurte de plus en plus ouvertement à Richelieu. Le 1er miistre du Roi finira par le faire exécuter pour crime de lèse majesté en 1632. Henri de Lévis Ventadour, parent et allié, se détache visiblement de plus en plus de ce débat politique et militaire. Comme son cousin, il appartient certes au cercle de Marie de Médicis et aux dévôts du parti catholique. Mais il s'éloigne des armes avant le début de la disgrâce de son illustre parent et s'engage complètement en religion.
Henri de Lévis-Ventadour, Duc et Vice-roi de la Nouvelle-France
En mars 1625, Henri de Lévis-Ventadour achète à Henri II de Montmorency, son oncle (frère de sa mère Marguerite), la vice-royauté de la Nouvelle-France, dans le but semble-t'il de financer des missions jésuites et surtout sa compagnie du Saint Sacrement dont il est un des fondateurs, certainement le plus influent et impliqué financièrement. Il restera vice-roi au moins jusqu'en juin 1627, certains parlent de 1629. Il se préoccupera de l'évangélisation de la Nouvelle France et crééra une misssion des Indes ainsi que des affrêtements de bâteaux de colons vers la belle province. Nul colon ne semble partir de son duché.
Selon nous, le couple est alors un "couple d'honneur", profondément pieux, dont aucune descendance ne viendra au demeurant. L'âge d'union de Marie Liesse, leur engagement religieux à-venir et leur retrait du monde laisse penser que ce fut un mariage blanc destiné à donner à Marie Liesse un statut protégé et conforme à son rang, entre l'âge d'enfant et celui de la vocation. Tous deux sont dévôts et participent à ce mouvement consécutif aux guerres religieuse de retour à un catholicisme engagé et strict.
Henri de Lévis-Ventadour dans les ordres et Fondation de la compagnie du Saint-Sacrement
Après avoir été soldat, Henri de Lévis-Ventadour entre dans les ordres. Il devient d'abord chanoine (séculier et laïc) à l'église de Paris en juin 1627. Le 19 septembre 1629 les deux époux se quittent pour suivre un destin semble-t'il préparé de longue date et Marie Liesse entre au carmel d'Avignon. Elle a 28 ans. Elle fondera ensuite, le 8 décembre 1634, celui de Chambéry où elle disparut le 18 janvier 1660 à l'âge de 49 ans seulement.
Leurs biens servent à la création du monastère, ce qui confère à Marie-Liesse de Luxembourg le titre de « fondatrice ». A leur arrivée, les carmélites s'installent dans un premier temps à proximité du faubourg Reclus, au nord de la ville. Puis, le 14 février 1635, la duchesse de Ventadour acquiert un terrain dans le faubourg Montmélian afin de bâtir le couvent que les Carmélites occuperont jusqu'à la fin du XVIIIeme siècle. Les travaux, qui durent une quinzaine d'années, se terminent en 1650. En 1792, les troupes révolutionnaires françaises entreront à Chambéry et mettront en œuvre la confiscation des biens du Clergé et la dissolution des congrégations religieuses. Les Carmélites sont ainsi expulsées en 1793 et leur monastère est vendu. Quelques décennies plus tard, en aôut 1832, elles déménageront dans l'ancienne maison forte du Mollard de Lémenc. (Ce carmel a récemment fermé ses portes fin 2016 en raison de l'état de santé des carmélites trop âgées, mettant fin ainsi à l'oeuvre de la duchesse Marie Liesse de Ventadour).
Henri de L.V. devient alors homme d'Eglise. En 1631 il se retire complètement et cède tous ses droits séculiers et le titre de Duc à son frère Charles.
Henri de Lévis-Ventadour est un des fondateurs de la compagnie du Saint-Sacrement créée en 1627. En 1641 (10 ans après) il est ordonné prêtre et devient sous-diacre. cette longue période entre retrait et ordination semble montrer un sentiment tourmenté et exigeant sur la profondeur de sa préparation spirituelle, en un temps où l'on peut devenir cardinal dans la semaine. En 1650, il devient chanoine de Notre-Dame de Paris.
Henri de Lévis-Ventadour meurt 30 ans plus tard, le 14 octobre 1680, à l'âge de 84 ans. Il est inhumé dans la nef, au devant de la chapelle de la Vierge à Notre-Dame de Paris.
Dès 1629 son nom avait été donné au cap au sud de Québec, par Samuel de Champlain. Il sera repris avec celui du chevalier De Lévis pour fonder la ville en 1861, dans ce continent dont il fut Roi mais où il ne vint jamais.
seul portrait connu de Marie Liesse de Lévis Ventadour - il n'en existe aucun connu de Henri.
Voici comment le site internet de la ville présente son histoire
Lévis est née à l'ouest de Lauzon, le , sous l'initiative du curé Joseph-David Déziel. Elle s'est constituée par le regroupement de la municipalité de Notre-Dame-de-la-Victoire et de la Ville d'Aubigny (1849-1861)
Le territoire couvert par la Ville de Lévis possède une histoire remarquable. Les racines de cette histoire remontent très loin dans le temps, bien avant l’arrivée des Européens. Par sa géographie, Lévis est un lieu propice à l’établissement des hommes.
Sa longue bordure fluviale, les rivières Chaudière et Etchemin qui remontent profondément à l’intérieur du territoire et le chapelet d’anses, de ruisseaux et de plateaux qui ponctue les terres ont permis aux premiers groupes de s’établir aisément. Ainsi, on retrouve sur le territoire lévisien une occupation autochtone 10 fois millénaire. En effet, des sites archéologiques apportent la preuve d’une présence aussi âgée que 10 500 ans dans le secteur de l’embouchure de la Chaudière, soit la plus ancienne occupation humaine de la vallée du Saint-Laurent.
Près d’une cinquantaine de sites archéologiques témoignent que différentes cultures se sont succédé, laissant dans le sol une grande variété d’artefacts, ce qui permet d’affirmer que Lévis fut un véritable carrefour de divers groupes et nations amérindiennes.
D’ailleurs, Lévis se distingue dans le paysage archéologique québécois par l’abondance de ses sites, mais également sur la somme d’informations qu’ils apportent à la connaissance des autochtones. Une étonnante collection d’artefacts permet d’apporter de nouveaux éclairages sur les évolutions technologiques, les écosystèmes anciens et les changements culturels.
LA SEIGNEURIE DE LAUZON
L’année 1636 marque un moment de première importance dans l’histoire régionale par la création de la seigneurie de Lauzon. Celle-ci sera le cadre du développement de tout le territoire durant les 250 années qui suivront.
Carte postale du village de Saint-Nicolas vers 1900.
Le régime français
La seigneurie de Lauzon, sise de part et d’autre de la rivière Chaudière, est nommée en l’honneur de son premier seigneur, Jean de Lauson. À l’arrivée des premiers Européens, les Amérindiens ont déserté la région, si ce n’est que des violentes incursions iroquoises qui ont découragé l’établissement des premiers colons.
Il faut attendre en 1647 pour apercevoir les premiers défrichements dans la seigneurie de Lauzon. Ces pionniers constatent rapidement que le sol de Lévis en bordure du fleuve n’est pas idéal pour l’agriculture. C’est pourquoi la pêche à l’anguille devient le principal moyen de subsistance dans la seigneurie.
Par conséquent, le territoire se développe en 2 voies distinctes : les falaises abruptes et la pauvreté des terres en bordure du fleuve Saint-Laurent favorisent l’implantation des petites et grandes industries telles que la pêche, les transports et des tanneries, tandis qu’un arc formé des paroisses de Lauzon, Saint-Jean-Chrysostome et Saint-Nicolas, constitué de terres riches et très fertiles, est davantage colonisé par l’agriculture. Jusqu’à la fin des années 1960, le territoire lévisien illustre encore ces 2 modes de développement.
Dans les premières décennies, la colonisation se fait lentement, conséquence du faible intérêt des seigneurs à développer leur propriété. Cependant, la côte de Lauzon devient le lieu d’accueil de nombreuses familles souches, dont les patronymes perdurent toujours. Citons par exemple les Couture, Lambert, Bégin, Huard, Lemieux, Demers, Cantin, Bergeron et nombre d’autres.
Tout au long du Régime français, le cœur de la seigneurie demeure à Lauzon, autour de l’église Saint-Joseph. Toutefois, de nombreux colons profitent de la richesse des terres plus à l’ouest pour s’établir dans la paroisse de Saint-Nicolas, un secteur qui possède encore de nos jours son caractère champêtre.
Le régime anglais
C’est principalement sous le Régime britannique que le développement du territoire lévisien prend son essor. Profitant du contexte économique favorable du commerce du bois, les seigneurs Henry puis John Caldwell vont développer leur seigneurie comme une véritable entreprise privée.
Ainsi, à partir du début du 19e siècle, toutes les anses sont occupées pour l’entreposage et la transformation du bois venant de l’Outaouais à destination de l’Angleterre. En complémentarité, des moulins et des chantiers de construction navale s’établissent sur les rives encore disponibles.
Conséquemment, ces centres d’activités contribuent à l’établissement de nouveaux arrivants. C’est ainsi que vont apparaître de nouvelles paroisses le long du fleuve, dont celle de Saint-Romuald, qui joue alors un rôle majeur dans la région. De plus, d’autres moulins sont érigés plus haut sur les rivières. Ceux-ci favorisent l’accroissement de Saint-Étienne, Saint-Nicolas, Breakeyville et Pintendre.
Cohabiteront alors Canadiens français, Écossais, Anglais, Irlandais, Norvégiens et bien d’autres familles d’origines diverses. La bordure fluviale devient alors une véritable fourmilière, où quelques familles bourgeoises font ériger sur les hauteurs de somptueuses demeures pour échapper au brouhaha ouvrier.
C’est également à cette époque, soit en 1829, que naît le chantier de réparation de navires du capitaine Allison Davie. Celui-ci deviendra plus tard le plus important chantier maritime de toute l’histoire canadienne et représente encore aujourd’hui la plus ancienne industrie navale au pays.
Fondation d’Aubigny
Parallèlement à toutes ces activités, le centre névralgique de la région se déplace au milieu du 19e siècle de Lauzon vers l’ouest. John Caldwell fait ériger sur les hauteurs de la Pointe Lévy une ville qu’il baptise du nom d’Aubigny. Cette communauté bourgeoise désire faire le pendant de la ville de Québec. La trame urbaine de cette entité constitue aujourd’hui le Vieux-Lévis.
En 1851, le curé Joseph-David Déziel, dans un mouvement d’affirmation de la communauté francophone, fait ériger sur les hauteurs d’Aubigny une église qu’il fait nommer Notre-Dame-de-la-Victoire. Ce nom évoque le souvenir de la victoire des armées françaises sur les troupes britanniques le 28 avril 1760, lors de la célèbre bataille de Sainte-Foy.
L’architecte de cette victoire était nul autre que François Gaston, chevalier de Lévis, dont la nouvelle municipalité devait reprendre le nom. Ainsi, l’église du curé Déziel devient la pierre angulaire d’un vaste chantier institutionnel, dans lequel s’ajouteront progressivement le Collège de Lévis, le couvent, l’hospice, et la Ville de Lévis en 1861.
Au pied de cette ville naissante, le secteur de la traverse est depuis longtemps le point de convergence de tous les voyageurs désirant traverser vers Québec, tantôt en canot à glace, en bateau à vapeur et plus tard en traversiers modernes construits à même les chantiers lévisiens.
L’ÈRE DU CHEMIN DE FER
Installations ferroviaires du Grand-Tronc à l’anse Tibbits, vers 1880.
Au même moment, le chemin de fer du Grand-Tronc établit son terminus à l’anse Tibbits en 1854, en contrebas de la ville nouvellement fondée. Une complémentarité parfaite entre le transport maritime et le transport ferroviaire fait de ce lieu l’un des endroits les plus effervescents de toute la région de Québec.
Le Grand-Tronc, l’Intercolonial et le Québec-Central font de Lévis une tête de réseaux. Ainsi, Lévis se trouve reliée directement à Montréal, aux provinces Maritimes et à l’Ontario, ainsi qu’aux États-Unis. S’en suivit une vague de développement économique et industriel sans précédant.
Plusieurs milliers d’immigrants transitent annuellement par Lévis pour s’embarquer sur les trains vers l’ouest canadien ou américain. La région lévisienne est alors l’un des pôles économiques majeurs de l’est du Canada, à la grande jalousie de la ville de Québec qui est à la même époque en pleine stagnation. L’auteur et poète lévisien Louis Fréchette exprimait au sujet de sa ville en 1864, « Tu surgis, et Québec ta rivale a pâli! »
Les activités générées par le chemin de fer contribuent également au développement de nouvelles communautés autour des gares, comme c’est le cas pour Saint-Rédempteur. Charny devient à cette époque l’un des carrefours ferroviaires des plus importants pour l’est du pays. Cette communauté connaît une croissance particulière, étroitement liée à l’univers des cheminots.
Encore aujourd’hui, ce milieu joue un rôle de premier plan dans le trafic ferroviaire canadien. De plus, le train donne un nouvel élan aux exploitations agricoles et aux élevages des chevaux, principalement à Pintendre et Saint-Étienne, ainsi qu’à l’industrie du bois avec les moulins Breakey, qui donnèrent naissance à Breakeyville.
Le pont de Québec durant la levée de la travée centrale avant son effondrement en 1916.
LE 20e SIÈCLE
Cette effervescence économique contribue à l’essor commercial et industriel de la région au début du 20esiècle. Charny, Saint-Romuald, Lévis et Lauzon deviennent des acteurs économiques majeurs au Québec.
La construction du pont de Québec représente l’une des plus grandes réalisations à cette époque, mais apporte également sont lot de malheur avec ses 2 grandes tragédies, en 1907 et 1916.
À Lauzon, les installations des chantiers maritimes Davie deviennent le cœur d’un grand nombre d’activités. Près d’un millier de bateaux de tous gabarits y sont construits, dont les plus gros navires au pays. Au cours de la Seconde Guerre, plus de 6500 ouvriers y travaillent.
De nos jours, tandis que le premier chantier familial est un lieu historique voué à l’interprétation, les industries Davie de Lauzon poursuivent la construction de navires ultramodernes, et avec ses 2 cales sèches, représentent le plus important chantier maritime au Canada.
Accompagnant cette croissance, un grand nombre de communautés religieuses s’établirent dans la région afin de soutenir les œuvres institutionnelles. C’est ainsi que Lévis possède aujourd’hui un des patrimoines industriel, institutionnel et religieux des plus importants.
De grandes transformations
Au cours du 20e siècle, le territoire est témoin de nombreuses transformations successives. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les principales activités économiques sont encore localisées en bordure fluviale. Les chantiers maritimes et le secteur industriel sont en pleine effervescence. Lévis devient une force économique pour toute la région.
Par la suite, les centres d’activité économique et commerciale migrent progressivement du littoral du fleuve vers le plateau le long des grands axes routiers. Parmi les facteurs qui ont fortement joué en faveur de ce déplacement vers le plateau, il faut d’abord mentionner le chemin de fer et l’ouverture du pont de Québec (1917), mais surtout la popularité croissante de l’automobile et l’ouverture du pont Pierre-Laporte (1972).
On assiste, notamment au cours des décennies d’après guerre, à une véritable explosion démographique qui provoque une expansion urbaine considérable. Notons au passage que cette expansion urbaine se fait souvent au détriment du territoire agricole qui recule devant les nouveaux quartiers résidentiels. Tous facteurs confondus, Lévis devient pendant cette période une ville moderne et très active.
Les chutes de la Chaudière constituent un élément identitaire de première importance à Lévis.
Un carrefour marqué par la diversité
Par sa situation géographique et son développement, Lévis est un carrefour naturel.
Son réseau de rivières a favorisé les rencontres et les échanges entre groupes autochtones alors que ses berges et ses anses ont joué le rôle de point de transit pour l’exportation du bois vers les îles britanniques et les États-Unis.
Par la complémentarité parfaite entre ses quais et les réseaux ferroviaires, Lévis fut jadis le lien tout indiqué entre le commerce outre-mer et l’intérieur du continent.
C’est par milliers que les voyageurs se rendent à Lévis, soit pour traverser le fleuve, ou pour de nombreux immigrants, prendre un train pour une nouvelle vie. De nos jours, Lévis demeure un carrefour routier, ferroviaire et maritime de première importance dans l’est du pays.
Lévis, c’est une composition de territoires diversifiés qui ont chacun forgé une destiné différente. Les méandres boisés de la rivière Beaurivage ont fait de Saint-Étienne un milieu basé sur les ressources naturelles, tandis qu’à Charny, la plaine fut occupée par les rails et les trains. À Pintendre, les champs en culture et les élevages de chevaux coloraient le paysage et quelques arpents plus bas, c’était par milliers qu’on entrait dans les chantiers maritimes de la Davie.
Lévis, c’est la diversité, c’est le mélange de terres occupées depuis de nombreuses générations et celles qui accueillent maintenant de nouvelles familles. Le patrimoine abondant dont elle a hérité témoigne bien d’un passé illustre. Partout sur notre territoire, les témoins du passé nous racontent une partie de notre histoire. Monsieur Gilles LEHOUILLIER est son actuel Maire.
Des hôtels et pensions très agréables font de Lévis un lieu de séjour face à la belle ville de Québec.
plan de situation de Lévis face à Québec avec la Saint laurent entre elles (plan de la course marathon annuelle)
Lorsque l'on évoque Henri, Duc de Ventadour, comme homme de foi et dévot
Revue d’histoire de l’Amérique française
Bibliographie de la Société de Notre-Dame de Montréal (1639-1663) accompagnée de notes historiques et critiques (suite)
par Marie-Claire Daveluy
Volume 14, numéro 4, mars 1961
URI : id.erudit.org/iderudit/302088ar
DOI : 10.7202/302088ar
Éditeur(s) Institut d’histoire de l’Amérique française ISSN 0035-2357 (imprimé) 1492-1383 (numérique)
Revue d’histoire de l’Amérique française, 14(4), 626–635. doi:10.7202/302088ar
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© Institut d'histoire de l'Amérique française, 1961
HENRI DE LEVIS (ou LEVY), duc de Ventadour, pair de France, prince de Maubuisson, comte de la Voulte, seigneur de Cheylard, Vauvert et autres lieux, lieutenant général du roi, Louis XIII, en Languedoc, vice-roi de la Nouvelle-France, 1625-1627, allié des Condé, puis prêtre (1642 ou 1643) et chanoine de Notre-Dame de Paris (1650), 1596-1680.
A. — NOTES BIOGRAPHIQUES
Un grand nom, une longue existence, un fondateur d'oeuvres et de Congrégation, un saint homme avec « Tame d'un croisé des Anciens temps »67. Né en 1596, au château de Ventadour, sorte de forteresse dont on voit, encore aujourd'hui, les ruines imposantes « à l'entrée des gorges de la Luzège (sic) et sur une hauteur à pic ».68 Il était le fils d'Anne de Lévis et de Marguerite de Montmorency, celle-ci sœur de la Princesse de Condé et de l'infortuné duc de Montmorency, décapité à Toulouse en 1632. Quatre frères grandirent avec lui: Anne, l'aîné, le futur archevêque de Bourges ; François-Christophe, duc d'Anville ; Louis, futur évêque de Mirepoix ; Charles, qui hérita en 1641 du titre de son frère Henri, devenant alors le duc de Ventadour. « La famille de Lévis ou Lévy est très ancienne. Dès 1179, il est fait mention de Philippe de Lévy. Il accompagnait Philippe-Auguste en Terre-Sainte. Son fils, Guy, fonda l'Abbaye de Notre-Dame-de-la-Roche. Il était maréchal de Parmée de Simon de Montfort, son beau-frère, qui combattit les Albigeois. C'est lui qui fut surnommé le Maréchal de la foi [...]. De la cinquième génération de la branche des Lautrec se détacha une nouvelle branche des barons de la Voulte, comte de Ventadour [...]. A la sixième génération, Gilbert de Lévy, comte de Ventadour, fut créé duc de Ventadour. Il avait épousé Catherine de Montmorency, fille du grand connétable. » 69 Henri de Lévis de Ventadour, qui remplaça son père à la lieutenance générale de la province du Languedoc, embrassa tout d'abord la carrière militaire. « Les guerres de religion, écrit le duc de Lévis-Mirepoix, qu'à chaque paix l'on croyait terminées, n'étaient que suspendues. L'on vivait, du moins en Languedoc, comme sous Henri III, dans une alternative de fêtes pour célébrer la paix et d'agressions pour la rompre. Le traité éphémère de Montpellier avec le duc de Rohan et les protestants, permit au jeune duc de Ventadour d'égayer les Toulousains par un Carrousel où figura une brillante noblesse, et dont le Mercure François décrivit la magnificence [...]. » Peu de temps après Henri de Lévis équipe à ses frais un régiment, car la paix est de nouveau rompue .. . « Mais laissons là ces tristes soubresauts, écrit encore le duc de Lévis-Mirepoix, de l'interminable querelle française. Là n'est pas le fait principal de la vie d'Henri, duc de Ventadour. » 70
En 1619, il avait été fiancé à Marie-Liesse de Luxembourg Piney, qui ne comptait alors que huit ans. Orpheline de bonne heure, Marie-Liesse avait d'abord été placée ainsi que sa sœur sous la tutelle de Marie de Médicis et élevée à la Cour. Puis, quelques années plus tard, la duchesse de Ventadour, sa parente, l'amenait vivre au Château de la Voulte, où elle grandissait dans les pratiques de la plus haute piété. C'est en 1623, à 12 ans, qu'elle épousait Henri de Lévis et s'en fut habiter Paris dans un ancien hôtel de la famille de Ventadour, sis à l'angle de la rue de Tournon et de la rue Saint-Sulpice (autrefois rue du Petit-Bourbon). En 1624, le duc de Ventadour, d'une piété exemplaire, tout comme sa très jeune femme, et qui comptait comme directeur de conscience le Père Philibert Noyrot, de la Compagnie de Jésus, apprenait que le duc de Montmorency, son oncle, fatigué des ennuis nombreux que lui causait sa charge de vice-roi de la Nouvelle-France, songeait à la céder à quelqu'un d'autre le plus tôt possible. Le Père Noyrot conseilla au duc de Ventadour d'acheter cette vice-royauté. « Il y a, dit le Père, dans cette haute situation, une magnifique mission à soutenir, des peuplades "sauvages" à convertir à la foi par votre entremise. » Le duc n'hésita pas, il acheta la charge de son oncle, et, au commencement de janvier 1625, le roi ratifia la cession par lettres patentes.71 Nous savons que c'est en 1625 que les Jésuites, appelés par les Récollets, s'embarquèrent pour la Nouvelle-France. Le duc de Ventadour paya les frais de voyage des cinq religieux de la Compagnie de Jésus et d'un Père Récollet. Rappelons aussi que Champlain, lieutenant du duc de Ventadour en la Nouvelle-France, donnait son nom à la Pointe-Lévy, en reconnaissance du généreux dévouement envers les missions manifesté par le duc. La carrière militaire de M. de Ventadour l'entraînait souvent, à cette époque, loin de la demeure familiale. Raoul Allier, dans sa Cabale des dévots (p. 12) semble avoir compris cette âme fervente, empressé de faire son devoir où qu'il se trouvât. Il prononce à son sujet quelques paroles constituant un jugement fort nuancé de sa conduite durant ses campagnes contre les huguenots. « Il [le duc de Ventadour] haïssait dans l'hérésie beaucoup moins une menace pour le pouvoir royal qu'une révolte de l'orgueil contre l'Eglise infaillible. Il se sentait la mission de venger son Dieu offensé. » On ne saurait mieux dire. La plus grande œuvre de sa vie, certainement, lui fut inspirée un peu avant une de ses campagnes militaires. Dans le courant du mois de mai 1627, le duc de Ventadour forma le projet de « couvrir la terre de France d'une floraison de bonnes œuvres », combattant de façon pacifique toute hérésie et instaurant partout le règne du Christ. Il fit part de son dessein à un Capucin qu'il estimait beaucoup, le Père Philippe d'Angoumois,72 du Couvent du faubourg Saint-Honoré. A la demande du duc, le Père Philippe qui approuvait le projet, mit par écrit ce dessein « avec quelques motifs pressants pour exciter les âmes généreuses à entrer dans cette sainte société ».73 On en tira un petit nombre de copies distribuées seulement à « ceux que l'on jugeait propres à l'esprit » de la future Compagnie. L'abbé Jacques-Adhémar de Grignan, plus tard (en 1645) évêque de St-Paul-Trois-Châteaux, puis d'Uzès en 1660, se joignit bientôt à eux sur l'invitation du Père Philippe. Et voilà les débuts de la société qui devait être la célèbre Compagnie du Très-Saint-Sacrement de l'Autel. On sait que la guerre dans le Languedoc interrompit ses premiers travaux prometteurs qui ne reprirent que deux ans plus tard. Marie-Liesse se retirait volontiers durant les guerres de religion auxquelles son mari devait prendre part, au Carmel d'Avignon. Depuis quelques années, les deux époux se sentaient fortement attirés, l'un vers le sacerdoce, l'autre vers la vie du cloître. Ils se confiaient leurs vœux réciproques, dès qu'un peu d'accalmie dans les camps opposés des combattants leur permettait de se rejoindre. Le 19 septembre 1629, tous deux virent leurs désirs enfin comblés. Une cérémonie émouvante eut lieu d'abord au Carmel d'Avignon. Le duc fit ses adieux à MarieLiesse, qui allait franchir le seuil du cloître. Un auteur anonyme, en 1889, ayant découvert et utilisé le manuscrit du Carme déchaussé, le Père Paul du Saint-Sacrement, qui a raconté la vie du couple ducal durant les années mêmes où se passèrent les faits extraordinaires que nous rappelons, s'exprime ainsi sur l'entrée de la jeune femme au Carmel d'Avignon :
«Ils [le duc et la duchesse] entrèrent ensemble dans la Chapelle du Carmel, y communièrent, puis la duchesse ayant demandé pardon à genoux à son époux des manquements qu'elle avait pu commettre, elle avait franchi la grille, coupé ses beaux cheveux qui lui battaient les talons, prit l'habit et demanda en grâce qu'on la laissât devenir une sœur converse. » 74 Elle devait fonder par la suite un couvent de Carmélites à Chambéry sous les auspices de Marie-Christine, fille d'Henri IV, la chère et pieuse amie d'enfance de Marie-Liesse. Le duc retournait bientôt à Paris afin de mieux se préparer à entrer dans les ordres. Mais quelques années devaient s'écouler avant de recevoir la prêtrise. Ce n'est qu'en 1641 qu'il devint sous-diacre. En novembre 1629, il se hâta, avec l'aide du Père Philippe d'Angoumois, de l'abbé de Grignan et de M. de Pichery, de reprendre ses projets concernant la Compagnie du SaintSacrement. Bientôt, les quatre amis décidèrent unanimement de faire appel au Père Suffren, jésuite eminent par son savoir et surtout sa vertu. On parlait partout de son ascétisme. « Jamais, disait-on, on ne le voyait se rendre au Louvre en voiture », car il était un des confesseurs de Marie de Médicis, puis en décembre 1625, confesseur du roi, Louis XIIL En outre, « ses austérités étaient si grandes, nous apprend Raoul Allier dans la Cabale des Dévots (citant un ouvrage du Père Prat sur la Compagnie de Jésus (Lyon, 1876-1879), IV passim) que ses supérieurs avaient dû placer à côté de lui un frère chargé de le modérer. » Puis vinrent d'autres collaborateurs triés sur le volet, et lentement encore : le marquis d'Andelot et son fils François de Coligny, qui était ecclésiastique, Zamet de Saint-Pierre, frère de l'évêque de Langres, Gédéon de Vie, deux évêques, Charles de Noailles et Jean-Joubert de Barrault, le Père Charles de Condren et enfin l'ambassadeur de France à Rome, Jean de Galard de Béarn, comte de Brassac. La Compagnie du Saint-Sacrement, dès 1630, pouvait donc former son comité directeur et organiser dans ses grandes ligne» une solide société dont le secret dans Taction demeurerait le principe par excellence, coûte que coûte. Naturellement, le duc de Ventadour devint un des premiers supérieurs de la Compagnie75 . Du moins, nous pouvons dire qu'en janvier 1631, « M. le duc de Ventadour et M. Frizon, ecclésiastique, succédèrent à MM. d'Andelot et de Coligny.»76 Les Annales de Voyer d'Argenson mentionnent de nouveau le nom du duc en l'année 1644, lors de la visite du nonce du pape, Nicolas Guido Bagni, à Paris. « MM. de Ventadour et de la Benhardière [y lit-on à la page 13] qui lui servoient d'introducteurs [à l'assemblée de la Compagnie] furent à sa descente de carosse et lui firent cortège jusqu'à la porte de la salle ... » Le même cérémonial se répéta à la sortie de l'archevêque d'Athènes, nonce du pape en France de 1644 à 1656. Chose étonnante, à partir de 1644, l'on ne voit plus apparaître dans les Annales, le nom du fondateur de la Compagnie. « La Cabale est si discrète et si cachée, remarque à ce sujet, Raoul Allier, que ses œuvres les plus importantes sont attribuées par les historiens à quelques hommes dont elle s'est servie pour les créer et qui en retiennent, devant le public, tout l'honneur.77 » Peut-être le duc de Ventadour, en constatant le succès grandissant de la Compagnie du Saint-Sacrement, s'abstint-il d'y figurer au premier rang, heureux de céder sa place à ces hautes figures d'apôtres, dont s'honorait le monde de la charité française, un saint Vincent de Paul, par exemple, un baron de Renty, d'autres encore. Puis, cette « existence guettée par l'humilité chrétienne », comme le dit non sans émotion le lointain descendant du duc en ligne collatérale, le duc de Lévis-Mirepoix78, se transformait. Elle devenait le modeste et simple apostolat du prêtre nouvellement ordonné. Sous-diacre en 1641, le duc de Ventadour dut recevoir la prêtrise vers 1643. La date de son ordination reste encore inconnue. En 1650, il acceptait un canonicat à Notre-Dame-de-Paris et cédait son titre de duc et pair à son frère Charles. Il s'occupa peu après d'une nouvelle Congrégation de missionnaires dont on lui attribue la fondation et qui créa bientôt un léger conflit entre lui et saint Vincent de Paul. Voici un passage d'une lettre de saint Vincent79 qui établit clairement la cause de cette dissidence : « J'avais déjà su, écrit saint Vincent, le dessein de la nouvelle congrégation sous le nom de Missionnaires des Indes et sous l'intendance de M. de Ventadour [...] . Nous n'avons rien à dire contre la nature de la chose qui est bonne et louable [...] . Mais qu'ils s'appellent Missionnaires, c'est ce qu'il est à propos d'empêcher, s'il est possible, en représentant les inconvénients qui arrivent [quand] deux ou plusieurs compagnies se nomment de même. Je vous prie de bien faire entendre [à la Propagande, à Rome] que cette confusion nous est fort préjudiciable et dont nous n'avons que trop d'expérience [...]. » Saint Vincent, qui on le sait, était le fondateur des Prêtres de la Mission, s'adressait à un de ses disciples, M. Le Vazeux. Celui-ci malheureusement, outrepassa les intentions de saint Vincent au point que ce dernier dut aller présenter des excuses au duc de Ventadour, tout en lui montrant les inconvénients d'un même nom.
Cette nouvelle Congrégation eut une existence éphémère et se termina d'une façon tragique. La Gazette de France donna un compte rendu de l'événement du 25 mai 1652. Mais disons d'abord que le duc de Ventadour voulut faire passer en Amérique, en même temps que ses prêtres (formés au Séminaire de Gentilly qu'il protégeait et avait du reste organisé), un grand nombre de colons. L'ex vice-roi de la Nouvelle-France connaissait les besoins des vastes pays d'Amérique. Or, voici ce qui arriva d'après la Gazette de France : « L'abbé de Lisle-Marivault, docteur en théologie, directeur du Conseil de la Compagnie de terre ferme de l'Amérique et chef du clergé de la colonie pour la conversion des sauvages et l'établissement du commerce près le Cap du Nord, environ le quatrième degré de la ligne équinoxiale, s'étant embarqué le 18 de ce mois [en mai] devant le pavillon du Louvre avec 8 à 900 personnes, afin d'aller attendre au Havrede-Grâce, le reste des passagers pour l'embarquement général de la colonie, étant tombé à Peau lorsqu'il voulait passer d'un bateau à l'autre pour faire voir son passeport au corps de garde de la porte de la Conférence qui l'avait arrêté, et quoiqu'il sût bien nager et qu'un matelot fort et adroit se fût jeté après lui pour le sauver, tous deux y demeurèrent. Son corps fut trouvé le lendemain et enterré au Couvent des Carmes déchaussés, dont son frère est prieur. » Et Pierre Coste, l'éditeur de la Correspondance de saint Vincent, ajoute dans une note: « La congré- gation des Missionnaires des Indes ne survécut pas à la mort de son Chef.80 » Les relations entre l'abbé de Ventadour et saint Vincent se détendirent sans peine dans la suite. Entre ces âmes qui ne songeaient qu'à faire le plus de bien possible à leurs semblables, un sentiment fraternel et une admiration réciproque ne pouvaient que renaître sans cesse. Quoi qu'il en soit, saint Vincent ne manqua jamais l'occasion d'offrir en exemple à ses missionnaires, ce personnage de « grande condition » en ce bas-monde, l'abbé de Ventadour : « il était duc, disait-il, et s'est fait chanoine de Notre-Dame de Paris. Très pieux, très mortifié, ce pair de France, hier encore se levait régulièrement à minuit pour dire matines.81 » Ce dernier éloge tombait de la bouche du saint, un an avant sa mort. L'abbé Ventadour entendit certainement parler, de 1640 à 1642, de la Société de Notre-Dame de Montréal. D'abord, quelques-uns des confrères du Saint-Sacrement, et non des moindres, s'y joignirent, tels le baron de Renty qui fut onze fois supérieur de la célèbre Compagnie, de 1639 à 1649, année de sa mort ; telle cette parente du duc, Mme la princesse de Condé (Charlotte-Marguerite de Montmorency, sœur de sa mère) ; tel encore M. Olier et même M. de La Dauversiere qui entraient dans la Compagnie dès 1635, date de fondation de la filiale de La Flèche, dans l'Anjou. En tout cas, la haute naissance du duc, son titre de fondateur de la célèbre Société secrète, joints à sa profonde piété et au seul souci qu'il avait sans cesse de travailler aux œuvres, induisaient certes les confrères à se confier à lui. On l'honorait et on l'admirait d'avoir sacrifié toutes les splendeurs de ce monde pour entrer dans les ordres et « vivre une existence toute de simplicité évangélique » 82 . Nous croyons, du reste, que la Lettre des Associés au pape Urbain VIII83 et datée de janvier ou février (le plus tard) 1643, nous apporte la preuve que M. de Ventadour faisait déjà partie de la Société de Notre-Dame de Montréal. N'y mentionne-t-on pas la présence, parmi les associés, de magistrats, de comtes, de ducs . .. Or, nous ne connaissons que deux ducs pouvant avoir pris place dans la Société à cette époque: le duc de Ventadour et le duc de la Roche-Guy on (c'est-à-dire Roger du Plessis, marquis de Liancourt, qui venait d'hériter de ce titre, lors du décès de sa mère, en 1642, car la marquise de Guercheville portait aussi le titre de duchesse de la Roche-Guyon). Si M. de Ventadour était associé de Montréal, il assista certainement en qualité de sous-diacre ou diacre à la célèbre cérémonie religieuse du 27 février 1642, à Notre-Dame-de-Paris. M. Faillon, dans l'Histoire de la Colonie française, III: 60, mentionne la présence de M. de Ventadour aux assemblées de la Société de Notre-Dame tenues, de 1657 à 1663, au Séminaire de Saint-Sulpice, dans la chambre où M. Olier était mort. Ce dernier détail, M. Faillon le tirait d'une lettre de M. de Bretonvilliers écrite aux Ecclésiastiques de Ville-Marie le 17 mars 1676. Puis l'historien-sulpicien ajoute : « Nous croyons que M. de Ventadour dût se retirer volontairement de la Société de Notre-Dame, vers 1660, car le Séminaire de Saint-Sulpice avait pris à sa charge une partie des frais considérables de l'œuvre et qu'il entretenait 84 . » Comme tout cela nous semble plausible et s'enchaîne logiquement. M. de Ventadour continuait, loin de tout faste et sans bruit, sa vie de grand serviteur de Dieu, cherchant sans cesse à étendre en tout lieu son règne et à procurer sa gloire. Parfois, cependant, on se souvenait de lui dans les hauts cercles de la Cour, on faisait appel à son ministère dans le cas de baptême à quelque enfant de grand seigneur. « Il mourut simple Chanoine, souligne encore le duc de Lévis-Mirepoix, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans [le 14 octobre 1680]. Doyen du chapitre de Notre-Dame de Paris, il fut inhumé, comme il l'avait désiré, dans la nef au-devant de la chapelle de la Vierge, patronne de sa famille 85 . » Sa femme, la douce et sainte Marie-Liesse de Luxembourg l'avait précédé depuis longtemps dans la tombe. Elle décédait, vingt-quatre ans plus tôt, au Carmel de Chambéry, en odeur de sainteté, a-t-on écrit, le 18 janvier 1660.
B. — ÉCRITS PERSONNELS « Le seul écrit que nous ayons de lui est une lettre aux Jansénistes », nous apprend Pierre Coste, dans son édition de la Correspondance de saint Vincent de Paid (IV : 293, note 2). Non vidi.
C. — NOTES BIBLIOGRAPHIQUES Remarque générale. — Le duc de Ventadour, un des grands seigneurs de la noblesse française sous les rois Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, le fondateur de la Compagnie du SaintSacrement, le directeur général des Séminaires de France, à la fin de sa vie, au dire de certains auteurs, ne pouvait que retenir l'attention de la plupart des historiens. Aussi, les notices biographiques abondent-elles au sujet de cette longue existence remplie de couleur, de mouvement et de vie. Le romanesque y trouve même sa place durant quelques années. Admirable histoire, surtout d'un chrétien convaincu et fidèle aux divers appels de Dieu. En présence d'ouvrages nombreux sur ce personnage, il nous a fallu faire un choix et nous en tenir aux auteurs dont les œuvres, contemporaines ou non, nous offraient un caractère d'authenticité vraiment sérieux. Nos notes et références ont tenu largement compte de la Correspondance de saint Vincent de Paul (éd. Pierre Coste), de la Cabale des Dévots de Raoul Allier, des œuvres de M. Faillon, du Père Bessières, jésuite, de Davity. Il ne nous reste donc à signaler que deux items qui nous ont tout particulièrement intéressée, l'un rare et peu connu; l'autre, un simple article, mais tout récent et signé par un très lointain descendant des Lévis-Ventadour, un lettré et un académicien réputé. 250. — [Anonyme], Le duc et la duchesse de Ventadour. Un grand amour chrétien au XVIIe siècle. Paris, 1889, In-12. Nombreuses pièces justificatives. Portrait de la duchessecarmélite en frontispice. Nous avons consulté l'exemplaire de la Bibliothèque Saint-Sulpice, à Montréal86 . 251. — Le duc de Lévis-Mirepoix, de l'Académie française, Un ami des missions canadiennes, Henri de Lévis, duc de Ventadour. N.B. — Article paru dans la revue Ecclesia, dirigée par Daniel-Rops de l'Académie française (Paris, 1958, no 115, octobre). Cinq pages substantielles, illustrées, où sont reproduites entre autres les Armes des Lévis-Ventadour. Une légère impré- cision accompagne l'évocation de Monseigneur de MontmorencyLaval. L'auteur déclare : « C'est peu de temps après [le conflit entre saint Vincent de Paul et le duc de Ventadour] que Monseigneur de Montmorency-Laval [un petit parent du duc], devenu le premier évêque de la Colonie, fut chargé d'administrer l'établissement fondé dans l'île de Montréal. Telle est la rencontre des deux familles [branches diverses des Montmorency] en ces vocations chrétiennes. » Monseigneur de Laval fut chargé d'administrer les biens de l'Hôtel-Dieu de Montréal, c'est-à-dire de surveiller, en général, les opérations effectuées au bénéfice de cette institution. Mais l'évêque de la Nouvelle-France n'a jamais participé à l'administration de la colonie de Montréal. Plusieurs des fils de M. Olier, entre autres et surtout M. de Bretonvilliers, s'y dévouaient déjà [en 1659] avec beaucoup de générosité.
(à suivre)
MARIE-CLAIRE DAVELUY
*~Voir notre Revue, V: 139-147, 296-307, 445-460, 603-616; VI: 146-150, 297-306, 458-463, 595-605; VII: 457-461, 586-592; VIII: 292-306, 449-455, 591-606; IX: 141-149, 306-309, 458-462, 594-602; X: 295-302; XI: 137-142, 298-304, 449-457, 608-614; XII: 144-147, 294-302, 443-453; XIII: 137-149, 298-305, 450-460, 594-602; XIV: 142-149, 302-311.
67 Voir Raoul Allier, La Cabale des Dévots (1627-1666). Thèse [à l'Université de Paris, présentée à la Faculté de théologie protestante pour obtenir le grade de docteur en théologie, et soutenue le 12 novembre 1902] (Paris, Colin, 1902), 12.
68 Voir un article du duc de Lévis-Mirepoix sur le duc de Ventadour dans la revue Ecclesia, no 115 (octobre 1958), 77-101.
69 A consulter, le Bulletin des recherches historiques, VIII (juin 1902), 189-191.
70 lbid: 99.
71 BRH op cité : 190,
72 Ce Capucin de la Province de Paris fut pendant quelque temps confesseur de Marie de Médicis. Il mourut, d'après Raoul Allier qui cite ses sources, le 23 décembre 1638, après 39 ans de vie religieuse. (Voir la Cabale des Dévots, opxit., [10]).
73 René II Voyer d'Argenson, Annales de la Compagnie du SaintSacrement, (Marseille, 1900), 10.
74 Voir Le duc et la duchesse de Ventadour. Un grand amour chrétien au XVIIe siècle (Paris, 1889). Ouvrage anonyme. Très précieux à cause des nombreuses pièces justificatives qu'on y a insérées. Nous avons lu avec intérêt un récit tiré d'un vieux manuscrit original inédit jusque-là.
75 Voir les Annales de la Compagnie du Très Saint-Sacrement de l'Autel (éd. Dom Beauchet-Filleau), 19.
76 Allier, op.cit., 51.
77 Article déjà cité du duc de Lévis-Mirepoix, dans Ecclesia (1958), 100.
78 Correspondance de saint Vincent de Paul, (éd. Pierre Coste), IV: 292-296.
79 Ibid., IV: 296-297, note 10.
80 ibid., IV: 293, note 2.
81 Duc de Lévis-Mirepoix, op.cit., 100.
82 Voir la traduction de cette lettre dont l'original est en langue latine et introuvable aujourd'hui, dans l'Histoire de la colonie française de M. Faillon, 1: 469-471. Une copie authentique en latin a été insérée dans Y Histoire du Montréal (éd. Margry-Viger, 1869).
83 Une autr e source est citée pa r M. Faillon concernant la participation assez active, on le voit, aux travaux des Associés de Montréal, aprè s la mort de M. Olier. Il s'agit d'un vieil in-folio de 1860 intitulé : Description du monde, par Davity, V : 29.
84 Le duc de Lévis-Mirepoix, op.cit., 101.
85 Nous tenons de nouveau à remercier Mademoiselle Louise Marchand, bibliothécaire de institution ci-dessus nommée. Aussi Mademoiselle Juliette Chabot, conservateur-adjoint à la Bibliothèque municipale de Montréal. Nous ne nous adressons jamais en vain à leur savoir et à leur obligeance.